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00:00Marie-Estelle Dupont, 15h-16h sur Europe 1.
00:04Romain Desarbres.
00:06Bonjour à tous, bienvenue sur Europe 1 pour
00:08Et si on en parlait avec Marie-Estelle Dupont.
00:10Bonjour Marie-Estelle.
00:12Bonjour Romain.
00:13Votre regard de psychologue clinicienne sur l'actualité,
00:16sur la vie, à retrouver chaque jour entre 15h et 16h
00:19et en podcast sur l'application Europe 1.
00:22Vous pouvez d'ailleurs d'ores et déjà nous appeler au 01 80 20 39 21.
00:27Bien, violence, argent, réseau souterrain,
00:30le narcotrafic se répand partout en France.
00:33Il n'y a pas une journée où l'on ne parle pas d'un drame en lien avec la drogue.
00:39Avec vous Marie-Estelle Dupont aujourd'hui,
00:40on va voir ce que ce fléau dit de l'état de notre société.
00:46Au risque de vous surprendre, chers auditeurs d'Europe 1,
00:49il me semble que le narcotrafic n'est pas un problème de drogue.
00:53C'est plutôt, je crois, un des symptômes de ce qu'on pourrait nommer
00:56un malaise dans la civilisation, pour paraphraser des auteurs bien connus.
01:00Ces réseaux tentaculaires de drogue où se déploie une violence sanglante
01:03nous parlent d'un corps social qui est déchiré,
01:06d'une société qui incurgite la mort à défaut de croire encore en quelque chose
01:10de l'ordre de la vie et de la créativité.
01:13Une partie de notre jeunesse dérive,
01:16biberonnée aux narratifs de crise et aux fantasmes de l'argent facile,
01:20aux séries télé faisant du mafieux un héros attachant, voire sexy,
01:24bien éloignée de la réalité de ces gamins brûlés vifs
01:27pendant des règlements de comptes.
01:30Je crois que notre société s'est mise, passez-moi l'expression,
01:32dans un cul-de-sac, avec son fantasme de toute puissance technologique
01:36et son refus de l'autorité morale.
01:38À défaut de modèles inspirants, certains cèdent à la violence spectaculaire
01:43et au triomphe triste de la défense.
01:46Cette contre-société qui progresse sur la consommation de ce qui tue,
01:50serait-elle, chers auditeurs d'Europe 1,
01:54le miroir grossissant de notre propre vie d'intérieur,
01:57de notre échec à offrir des cadres et une espérance
01:59qui porte et colporte autre chose que l'angoisse ?
02:02La prolifération du narcotrafic et, je crois,
02:05la conséquence de la destruction de l'autorité
02:07comme proposition légitime et désirable d'avenir,
02:11laquelle, dès lors, laisse place à la loi du plus fort.
02:15C'est pourquoi, je pense, que tant que nous traiterons ce phénomène
02:17comme une simple question de police ou de santé publique,
02:20nous passerons à côté de l'essentiel.
02:23Le débat n'est pas amende ou salle de shoot,
02:26ou plus exactement, ce débat-là est périphérique,
02:29tant qu'on ne comprend pas le trafic de stupéfiants
02:31comme le symptôme d'une maladie plus grave,
02:33la perte du lien, du sens,
02:35et de l'appartenance aussi à un bien commun
02:37où chacun puisse trouver sa place,
02:39ni tout, ni rien du tout.
02:41Meilleure immunité, me semble-t-il,
02:43contre la tentation de faire sécession.
02:45D'ici là, évidemment, le narcotrafic pullulera
02:48comme un circuit court vers une fausse réussite,
02:51court-circuitant la paix civile
02:53et transformant le lien à l'autre en prédation,
02:55plus qu'en élan.
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