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  • il y a 3 semaines
L'ex-présidente de la Géorgie est notre invitée, un an après avoir perdu l'élection présidentielle au profit du candidat pro-russe Mikheïl Kavelachvili (l'opposition avait boycotté le scrutin). Elle revient sur la guerre en Ukraine et la guerre psychologique que Vladimir Poutine mène en Europe. Plus d'info :
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-mercredi-26-novembre-2025-4295778

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Transcription
00:01France Inter, la grande matinale.
00:057h49 sur Inter, Benjamin Duhamel, votre invité et l'ancienne présidente de la Géorgie.
00:10Bonjour Salomé Zourabijvili.
00:12Bonjour et pas si ancienne que ça.
00:15Je suis toujours la présidente légitime.
00:18Parce que vous contestez le résultat des élections.
00:20C'est pas moi qui conteste, c'est la population qui conteste depuis maintenant 364 jours, tous les jours dans la rue.
00:27C'est aussi ce que conteste le Parlement européen dans ses résolutions.
00:32Et on va en parler. Merci d'être avec nous ce matin sur France Inter.
00:35S'il en a envie de vous entendre, c'est parce que vous savez dans votre chair ce que représente la menace russe, les ingérences électorales,
00:41ce que veut dire avoir la guerre littéralement à ses portes.
00:45En 2024, vous avez donc dû quitter le pouvoir en Géorgie.
00:48Vous contestez la victoire du parti pro-russe, pas seulement vous.
00:51Je voudrais commencer par le plan de paix discuté entre la Russie et l'Ukraine.
00:55Des progrès ont été réalisés après une première version comme écrite sous la dictée de Vladimir Poutine.
01:01Un accord est très proche, dit Donald Trump. Est-ce qu'on peut le croire ?
01:05Je crois que ce qui est important de savoir avec Trump, c'est que rien n'est jamais sûr.
01:11Tout change à tout moment.
01:13Il pousse très fort, effectivement, pour avoir un accord de paix.
01:17Y compris au prix, sans doute, des compromissions qu'ensuite les Européens, Zelensky lui-même, tout le monde essaye de rattraper.
01:27Il reste que Trump est pour les Européens, pour Zelensky, mais aussi pour les Russes, complètement imprévisible.
01:35Et nous avons déjà vu plusieurs fois un plan de paix qui était immédiat, qui devait se réaliser, qui ne l'est pas, qui change, qui bouge.
01:44Donc ne faisons pas de pronostics immédiats.
01:47Je crois que la paix est beaucoup plus compliquée aujourd'hui en Ukraine.
01:53mais qu'il y avançait pas à pas.
01:57Et je crois que cela aide de voir comment est-ce que ces plans sont manipulés, ce qui s'est passé entre Whitlock et les Russes.
02:06Tout ça permet d'éclaircir un petit peu la situation.
02:10Vous qui êtes une présidente de la Géorgie, qui a tenu tête, qui a su dire non à Vladimir Poutine.
02:17Qu'est-ce qui pourrait le contraindre à accepter une négociation équitable ?
02:21Puisqu'en l'état, les manœuvres du président russe apparaissent comme des manœuvres dilatoires
02:25pour simplement gagner du temps, pour continuer d'avancer sur le front.
02:28Continuer d'avancer sur le front, mais aussi continuer de perdre la guerre.
02:32Parce qu'en réalité, pour la Russie, le fait, au bout de presque 4 ans,
02:37ne pas avoir réussi à remplir ses objectifs de guerre vis-à-vis de l'Ukraine,
02:41c'est un échec politique, psychologique.
02:45C'est toute cette construction d'une Russie que rien jamais n'arrête.
02:51qui est aujourd'hui terminée.
02:53Donc ce n'est pas une victoire franche.
02:56Alors il va continuer, il va continuer à faire des pressions.
02:59Et le résultat va dépendre de la capacité des Européens,
03:03avec les Américains et avec l'Ukraine,
03:06de maintenir les positions essentielles.
03:08Tout le monde veut la paix, tout le monde le dit.
03:10Mais il reste des choses qui sont des principes incontournables
03:13et sur lesquelles, si on commence à discuter,
03:16à ce moment-là, on laisse faire la Russie.
03:20Et ce qu'on laissera faire à la Russie aujourd'hui,
03:22on le retrouvera demain.
03:24Nous en sommes l'exemple très concret.
03:28En 2008, on a laissé la Russie agresser la Géorgie.
03:32On l'a laissé occuper les territoires jusqu'à aujourd'hui.
03:36Et elle a ensuite transformé ses essais ailleurs.
03:39Vous dites Salomé Zorabichvili,
03:41ce qu'on laisse à Vladimir Poutine aujourd'hui,
03:43on le retrouvera demain.
03:44Ça veut dire que ce qui est en train de se jouer en ce moment
03:46dans les discussions de paix,
03:48si Vladimir Poutine n'est pas stoppé,
03:51il continuera d'avancer.
03:53Et sa prochaine cible sera un pays de l'OTAN.
03:56Il y a cette phrase extrêmement frappante.
03:58Le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius,
04:01se demande si l'été 2025 n'est pas le dernier été en paix.
04:05Des Européens.
04:06Est-ce que vous le pensez aussi ?
04:07Ça dépend des Européens et ça dépend des Américains.
04:10La ligne de l'OTAN pour le moment n'est pas franchie par la Russie
04:14et elle ne la franchira pas.
04:16Avant de se convaincre que c'est une ligne franchissable.
04:20D'où les tests, les drones que l'on envoie.
04:23C'est une guerre psychologique que la Russie mène.
04:26Je crois qu'elle a compris que la guerre militaire pour elle,
04:29ce n'est pas si simple que ça.
04:31Et l'autre guerre, elle est en train de la tester en Géorgie.
04:33Je passe mon temps à répéter, regardez-nous, voyez ce qui se passe.
04:38C'est la guerre hybride qui est l'alternative à la guerre militaire
04:42dans laquelle la Russie aujourd'hui s'épuise, n'a pas les ressources nécessaires
04:45et clairement n'a pas les ressources pour attaquer l'OTAN.
04:48Donc elle ne touche pas à la ligne de l'OTAN.
04:50Mais au-delà de la ligne de l'OTAN, elle envoie des drones
04:52ou des sous-marins qui se baladent et dont personne ne dit
04:56« c'est vraiment des Russes, ce n'est pas des Russes ».
04:58C'est là qu'il faut l'arrêter parce que cette guerre psychologique d'un agent du KGB,
05:03ça se traite psychologiquement.
05:05On dit stop.
05:05D'où les déclarations du chef d'état-major français qui a totalement raison.
05:11Alors il a peut-être une formule qui choque un petit peu,
05:15surtout à un moment où la Russie multiplie sa propagande pacifiste,
05:19comme elle sait le faire à la Grèce,
05:20et ensuite elle fait de la propagande anti-guerre.
05:24Il ne s'agit pas de déclarer la guerre.
05:26C'est civis pachem parabellum.
05:28C'est connu depuis des siècles.
05:30Si tu veux la paix, prépare la guerre.
05:32Et c'est ça qu'il dit.
05:33Il ne dit rien d'autre.
05:34Il ne dit pas qu'on va envoyer de la chair à canon nulle part.
05:39Et aucun pays européen n'a jamais commencé la guerre.
05:43Par contre, la Russie a commencé toutes les guerres.
05:46C'est important ce que vous nous dites ce matin, Salomé Zourabichvili,
05:48puisqu'effectivement il y a eu beaucoup de débats en France
05:51sur les propos du chef d'état-major des armées,
05:53qui, je rappelle, dit « perspective d'un choc direct frontal avec la Russie à horizon 2030 ».
05:58Qui dit qu'il faut que la France accepte la perspective de perdre ses enfants.
06:03Vous, à la place, là encore, qui est la vôtre,
06:05qui savez ce que veut dire être en guerre avec la Russie,
06:07vous dites « il a raison ».
06:09Ce n'est pas de l'alarmisme, ces propos.
06:11Non, je crois qu'il a raison, surtout parce que si on ne prépare pas psychologiquement
06:16et militairement et les ressources nécessaires,
06:20on se met en position de faiblesse.
06:22Et c'est à ce moment-là qu'on risque la guerre, qu'on risque d'entraîner.
06:26La Russie, c'est comme une patte qui monte et qui déborde.
06:31La Russie n'a pas de frontières, elle ne connaît pas ces frontières,
06:33elle ne les reconnaît pas.
06:34La seule chose, aujourd'hui encore, qui la bloque, c'est la frontière de l'OTAN.
06:38C'est cette détermination, ce sont les garanties de sécurité.
06:42C'est pour ça que c'est tellement important pour l'Ukraine,
06:44mais pas seulement pour l'Ukraine, pour tous les pays frontaliers de la Russie,
06:49où elle pense qu'elle peut jouer comme elle le entend en Géorgie ou ailleurs.
06:54Qu'est-ce que vous dites à certaines voix dans le débat public français,
06:57dans le débat politique, qui en réaction à ces propos du chef d'état-major ont dit
07:00« c'est de l'alarmisme, attention à ne pas inquiéter les Français ».
07:06Vous, vous leur dites non, et en fait il y a des raisons d'être inquiets.
07:08Je dis qu'il y a des raisons d'être inquiets, et pas seulement militairement.
07:11Militairement, c'est un des aspects, et si on n'est pas préparé militairement,
07:15longtemps à l'avance, on n'est jamais prêt.
07:17Mais plus encore, je dirais qu'aujourd'hui, les attaques, ce sont les attaques hybrides.
07:22On a vu aujourd'hui qu'on arrête des espions russes, ça faisait longtemps que ça ne s'était pas passé.
07:27Vous avez une centrale d'espionnage au cœur de Paris, dans la cathédrale russe,
07:31personne ne fait rien.
07:33Et la Géorgie est en grandeur nature, ce qu'un pays peut faire contre un autre,
07:39sans l'attaquer militairement aujourd'hui.
07:42Et personne, là non plus, ne fait rien de l'extérieur.
07:47Les Européens regardent, ou plutôt quelquefois détournent le regard,
07:51faute de savoir comment est-ce qu'on traite et qu'est-ce qu'on fait.
07:54Si ce n'est pas traité en Géorgie, cette guerre hybride,
07:57telle qu'elle se passe chez nous, avec les élections truquées, la propagande,
08:02un régime proxy, ça se passera dans n'importe quel autre pays européen,
08:06parce que là, il n'y a plus de ligne rouge, il n'y a plus de frontières autant.
08:09D'un mot, Salomézou Rabichvili, vous parliez de ces menaces hybrides.
08:12Vous avez vécu, vous, ce que signifient des ingérences électorales,
08:15c'est-à-dire la Russie qui s'immisce directement dans un scrutin.
08:18Vous l'avez subie directement.
08:20Ça veut dire que, là encore, la France doit se préparer,
08:23dans les mois prochains, avec les échéances électorales,
08:25à avoir une Russie qui va aller essayer de influencer directement ?
08:30Elle essaie, elle a essayé en Roumanie, elle a essayé en Moldavie,
08:34elle a essayé en Allemagne, elle a essayé en Pologne,
08:37elle a essayé en République tchèque.
08:40En grandeur nature et en réussite relative, c'est nous,
08:44qui sommes, comme d'habitude, le test le plus avancé,
08:48mais nous résistons encore.
08:50Et nous résistons parce que nous connaissons peut-être un peu mieux la Russie,
08:54la population géorgienne la connaît un peu mieux,
08:57mais ça peut aller n'importe où en Europe.
08:59Ce n'est plus limité aux frontières de la Russie.
09:02Merci beaucoup, Salomé Zourabijuli, d'être venu ce matin en micro de France Inter.
09:06Et merci, Benjamin Duhamel, on se retrouve tout à l'heure pour le grand entretien.
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