00:00Préface, c'est le rendez-vous de l'actualité littéraire et notre plaisir aujourd'hui c'est d'accueillir Sabrina Philippe.
00:19Bonjour Sabrina.
00:19Bonjour.
00:20Vous êtes dans l'actualité avec ce qui est votre cinquième roman et c'est aux éditions Mazarin, ça s'appelle Nos Folies Invisibles.
00:25Je rappelle, même si on vous connaît bien maintenant en librairie, sur les salons, je rappelle que vous êtes aussi psychologue, que vous oeuvrez aussi dans les médias, que ce soit la télévision, la presse ou la radio, pour partager aussi votre connaissance et vos expériences.
00:39Et il y a maintenant la romancière que vous êtes devenue. C'est quoi finalement le fil rouge de tout ce qui fait votre vie ?
00:46Je dirais que c'est la transmission, parce que je suis également enseignante en psychologie.
00:54Et transmettre, la télévision, la radio, c'est venu dans un désir de transmission.
01:01Et transmettre par un roman aujourd'hui, c'est ce qui m'intéresse, parce que le roman c'est une liberté incroyable, donc on peut transmettre d'autant mieux le message.
01:10L'écriture, c'était quelque chose que vous aviez en vous depuis longtemps, lorsque vous avez commencé justement à transmettre ?
01:18Vous saviez que l'écriture romanesque serait un jour un outil supplémentaire, ou finalement ça se fait un peu par hasard ?
01:24Alors, je ne crois pas que ça puisse se faire par hasard.
01:27J'ai réfléchi à cette question, parce que quand j'étais petite, je regardais Apostrophe.
01:33Tous les vendredis, j'étais devant ma télévision à regarder Apostrophe, et je dis petite, parce que je crois que j'avais 7 ans, ça a commencé à 7 ans, et j'en manquais jamais un.
01:44Et je me disais un jour, je deviendrais aussi écrivaine, parce qu'on disait plutôt écrivain, écrivaine.
01:50Je deviendrais écrivaine un jour, et je l'ai oublié.
01:54Je l'ai vraiment oublié.
01:56Pourtant j'écrivais à l'époque des petites nouvelles, déjà des poèmes.
01:59Et puis j'ai gagné, par une rédaction, le premier prix du concours de la Résistance, quand j'avais 15 ans.
02:07C'est Jacques Chirac qui m'a remis la médaille de Paris.
02:10Donc c'était déjà de l'écriture.
02:13Mais j'ai oublié.
02:15J'ai oublié complètement.
02:17Je suis devenue psychologue.
02:19J'ai travaillé à la télévision, à la radio.
02:22Et à un moment, l'écriture est revenue me chercher.
02:25Je me suis dit, il faut absolument que j'écrive ce roman.
02:28Ce roman, c'était « Tu verras, les âmes se retrouvent toujours quelque part ».
02:32Et c'était un appel tellement fort que j'ai tout laissé.
02:36J'ai quitté la télévision.
02:37Une évidence.
02:38Oui.
02:38J'ai quitté la télévision, j'ai quitté la radio, sans même savoir que j'allais pouvoir écrire un roman.
02:43Je me suis dit, mais voilà, il faut que j'écrive ce roman-là.
02:47J'aime bien votre expression, l'écriture est venue me chercher.
02:50Vous avez l'impression aujourd'hui, à chaque fois que vous entamez l'écriture d'un nouveau roman,
02:53que c'est un peu la même chose.
02:54L'écriture vient vous chercher, les personnages viennent vous chercher,
02:57l'histoire vient vous chercher.
02:58Complètement.
02:59C'est vraiment ce qui se passe.
03:02Et là, dans le cas de ce roman, c'est Yvan qui est venu me parler.
03:06Alors, Yvan, on va en parler.
03:07Yvan, c'est un garçon pas forcément bien dans sa peau,
03:11parce que finalement, il n'est peut-être pas tout seul dans sa vie.
03:14Vous allez nous expliquer.
03:16Et puis, il se dit qu'à un moment, le mieux, ce serait peut-être, pourquoi pas, d'en finir.
03:20Et comment fait-on ?
03:21On prend un train et puis on va peut-être vers des falaises et peut-être qu'on va aller du côté de Dieppe.
03:26Et puis, en parallèle, vous nous présentez aussi Joséphine.
03:28Joséphine, elle est amoureuse, mais peut-être qu'elle est sans doute un peu trop amoureuse.
03:31Mais elle aussi traverse une période très compliquée de sa vie.
03:35Et ces deux êtres qui n'auraient peut-être jamais dû se rencontrer vont finir par se croiser sous la plume de la romancière que vous êtes.
03:41Présentez-nous, Yvan et Joséphine.
03:44Yvan, déjà, il est venu me parler.
03:46J'étais en train de marcher sur la plage de Dieppe parce que c'est là où j'habite.
03:50Et vraiment, j'ai entendu sa voix.
03:52Il est venu me parler avec son phrasé à lui.
03:55Je me suis précipitée chez moi pour écrire ce qu'il me disait.
03:59Et il parle à la première personne, Yvan.
04:01Et il décrit son état d'esprit.
04:05Il décrit sa maladie puisqu'on l'a cataloguée de schizophrène.
04:09Il décrit aussi la folie de ce monde.
04:12C'est un garçon intelligent.
04:14Et lui, qu'on qualifie de fou, il voit ce monde comme fou.
04:20Et Joséphine, c'est une jeune femme qui a un cœur tellement entier, qui ne sait pas mentir, qui ne sait pas tricher.
04:30Et là aussi, c'est un handicap dans notre monde que de ne pas savoir l'ouvoyer.
04:36Ils ont cette sensibilité qui n'est plus peut-être à l'ordre du jour dans ce monde en plein chaos.
04:42Et puis, ils ont ces différences.
04:44Et notamment, Yvan, il a cette différence puisqu'on le diagnostique schizophrène.
04:49C'est-à-dire qu'il n'est pas comme les autres.
04:52Et finalement, peut-être que c'est cette différence qui fait qu'il est un être à part.
04:55Et peut-être un être encore plus cher que ceux qui le côtoient.
04:58C'est toute l'idée de ce roman.
05:00C'est aussi de mettre à l'honneur nos différences.
05:04Nos différences qui, dans ce monde, nous cataloguent très vite comme hors-jeu.
05:08Finalement, des Joséphines et des Yvan, nous en croisons tous, nous en côtoyons tous.
05:16Nous en avons peut-être aussi parmi nos proches.
05:17Et peut-être que chacun de nous, d'une façon ou d'une autre, avons-nous une petite part d'Yvan, une petite part de Joséphine.
05:23Et c'est toute la force de votre roman.
05:25C'est qu'on va s'attacher à ces deux personnages.
05:27Mais on va aussi se poser beaucoup de questions sur qui sont ces gens que nous croisons dans la rue.
05:32Et nous, qui sommes-nous par rapport à ces gens que nous trouvons différents ?
05:35Et nous, qui sommes-nous ?
05:37Et nous, qui nous définissons parfois comme normaux, le sommes-nous vraiment ?
05:43Et ceux qu'on qualifie de fous, le sont-ils vraiment ?
05:45Où est la folie dans ce monde ?
05:47Il y a un autre personnage.
05:49On ne va pas forcément en dire beaucoup.
05:50Parce qu'il ne faut pas trop déflorer l'intrigue.
05:52Mais il y a ce personnage de Lorette qui vit dans cette maison en haut des falaises.
05:58Lorette, forcément, ça nous fait penser aux chansons de Michel Delpech.
06:00Elles sont présentes, d'ailleurs, dans le livre.
06:03C'est un autre personnage très attachant, Lorette.
06:05Elle aussi est venue me parler avec son propre phrasé.
06:08C'est pour ça que quand on lit le roman, je ne sais pas si vous l'avez ressenti comme ça,
06:13mais on entend leur voix à chaque fois.
06:15Elle est venue me parler avec son propre phrasé.
06:17C'est une femme qui a subi, on va dire, un burn-out.
06:23On n'en dira pas plus.
06:24Mais qui, elle aussi, regarde ce monde du haut de sa falaise d'une façon très différente.
06:32En fait, nous avons tous un regard sur le monde qui est différent.
06:35Et ce qui se passe à l'intérieur de nous aussi, personne ne le sait vraiment.
06:38Il y a une phrase dans ce roman qui m'est venue, quand je l'ai écrite,
06:41mais qui définit ça.
06:43C'est « entre moi et moi, il y a un monde où tu n'es pas ».
06:46Lorsque vous parlez de ces personnages qui viennent vous parler et vous expliquer
06:51qu'ils ont chacun leur propre phrasé dans le livre, il y a aussi des sons.
06:57Il y a les sons de la mer, il y a des ambiances, il y a des odeurs que vous décrivez très bien.
07:01Il y a notamment ce bar au bout du quai qui est un monde à lui tout seul.
07:06Ce qui veut dire qu'il y a vos personnages et puis il y a aussi tout cet univers dans lequel ils sont.
07:10Là, ça se passe à Dièves, c'est votre ville de cœur, vous nous l'avez laissé entendre,
07:13mais chacun pourra aussi s'imaginer son propre paysage à lui.
07:17C'est important, ça, les ambiances dans vos romans ?
07:20Oui, mais c'est toujours un décor pour mettre à l'honneur la sensibilité des personnages
07:28et aussi leur psychologie.
07:30Moi, je suis psychologue.
07:32Donc, c'est vraiment un écrin pour leur psychologie.
07:37L'idée, c'est de pouvoir décrire aussi leur vie, de pouvoir décrire ce qu'ils ressentent.
07:43Et entre ressentir et sentir, on n'est pas loin.
07:46Vous voyez, il y a évidemment ces odeurs, ces bruits de la mer ici dans ce roman,
07:53mais dans d'autres, bien sûr que le décor, c'est important,
07:57mais c'est vraiment l'écrin pour que leur personnalité se révèle.
08:01Mais ça crée aussi un quotidien qui permet aux lecteurs de s'impliquer complètement
08:05dans sa lecture et dans sa découverte des personnages.
08:08On a parlé d'Yvan, de Joséphine et de Lorette.
08:10Il y a d'autres personnages qui vont les côtoyer, qui sont des personnages annexes,
08:13mais qui ont toute leur place, tout leur rôle à jouer.
08:16Et ce que je voudrais dire, c'est qu'Yvan, Joséphine et Lorette,
08:19qui sont en quelque sorte, je veux dire, des victimes,
08:22parce qu'ils n'ont pas réussi à se battre dans ce monde en plein chaos,
08:25ils ont des gens autour d'eux qui ont parfois essayé de bien faire pour les accompagner,
08:30mais qui se sont trouvés démunis.
08:31Et je pense que c'est important de souligner que lorsqu'on est face à des gens
08:34qui sont un peu différents, on n'a pas toujours les outils pour savoir les écouter,
08:39pour savoir les accompagner.
08:41Et moi, c'est aussi ce que je retiens de cette lecture,
08:43c'est qu'on essaye de bien faire, mais on est parfois un peu à court d'éléments.
08:47On est parfois un peu à court, mais l'idée aussi, là, dans ce roman,
08:51c'était de montrer que les choses les plus simples, parfois, sont les plus thérapeutiques.
08:56C'est une main tendue, c'est un sourire, c'est un coup de pouce,
09:01alors que parfois, on vous tourne le dos.
09:03En tout cas, voilà une belle histoire, et puis surtout une écriture d'une grande sensibilité.
09:07C'est votre actualité, Sabrina Philippe, ça s'appelle « Nos folies invisibles »
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