- il y a 20 minutes
Plongez au cœur de l'histoire lorraine et gaullienne ! Rencontrez Jean-Luc Barré, biographe du Général de Gaulle et passionné d'histoire, dans une émission exceptionnelle.
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00Ici Lorraine, crack pour l'émission, sur Marouk, sur Moselle TV et Vosges Télévisions.
00:06Ici, votre radio de proximité en Lorraine.
00:30Bonjour chers amis de Sur ma Route, mon invité cette semaine est Jean-Luc Barré.
00:36C'est un patron de Maisons d'édition. Et quelles maisons d'édition ?
00:39Les éditions Plon, édition très liée d'ailleurs au Général de Gaulle, dont on va beaucoup parler,
00:44puisque Jean-Luc Barré est aussi l'auteur d'une biographie, alors là, aux éditions Grasset,
00:50une biographie en trois parties, et c'est la deuxième partie qui vient de paraître,
00:55sur la période sans doute la moins connue du Général de Gaulle, de 1944 à 1958.
01:04Jean-Luc Barré est aussi le patron de la collection Bouquins, qui est liée aussi à la Maisons d'édition Plon.
01:11C'est un passionné de gaullisme. Il a aussi travaillé avec Jacques Chirac sur ses mémoires.
01:17Il a été le co-éditeur des mémoires de guerre de Charles de Gaulle dans la Pléiade.
01:24Ça, c'est chez Gallimard. Et voilà, c'est un personnage absolument passionnant.
01:30Et on va évidemment, on est en novembre, 55e anniversaire de la mort du Général de Gaulle,
01:34qui était très lié à la Lorraine. On va parler d'Épinal, on va parler de Montigny-les-Messes,
01:41on va parler de Verdun, on va parler aussi de Sonone, où nous serons sur une partie de l'émission.
01:47On nous rejoindra David Valence, l'ancien directeur adjoint de la Fondation Charles de Gaulle.
01:52Nous serons aussi dans une quincaillerie de Saint-Dié, qui est un vrai lieu gaullien à Saint-Dié,
01:57avec Evelyne Dreyfus, qui en 1961, lors d'une visite du Général de Gaulle en Lorraine,
02:03le voit de loin, elle a 11 ans, elle nous racontera tout ça.
02:07Une émission très gaulliste, très gaullienne, une émission d'histoire,
02:10avec un personnage absolument passionnant, Jean-Luc Barré,
02:13que je vais rejoindre pour l'instant à la quincaillerie de Nombeau.
02:19Et puis nous irons ensuite à Sonone, et nous reviendrons ici à la librairie Le Neuf à Saint-Dié.
02:24À tout de suite.
02:25Bonjour Jean-Luc Barré.
02:40Bonjour Jean-Luc Barré, merci d'être venu.
02:43Ben oui, je suis ravi d'être là.
02:45Un mot avant de parler de De Gaulle, de votre livre, etc.
02:49Vous êtes originaire du Lot-et-Garonne, je crois, je me suis laissé dire ça.
02:52Vous êtes parisien.
02:54C'est une émission qui est diffusée en Lorraine.
02:56Quelle image on a de la Lorraine depuis tous ces pays lointains ?
02:59Pour nous, le Lot-et-Garonne est lointain.
03:01Est-ce que là, c'est toujours cette image froide ?
03:04Un peu, un peu, un peu.
03:05Non, mais on sait que c'est une terre d'histoire.
03:08Pour moi, Gaulliste, la croix de Lorraine, ça veut dire quelque chose.
03:10Mais ce n'est pas forcément des régions qu'on connaît très bien,
03:13mais on sait que ce sont des terres qui ont été ancrées dans l'histoire.
03:16Alors, c'est des paysages, c'est évidemment assez moins lumineux peut-être,
03:22encore que, vous allez dire que si, ils sont souvent lumineux,
03:24mais que le Lot-et-Garonne, c'est deux cultures un peu différentes,
03:28mais en tout cas, on a une image liée vraiment à une culture,
03:32à une tradition française.
03:34Parce qu'il y a un lien, il y a quand même beaucoup de Lorrains,
03:36notamment des Mosellans, qui sont, quand ils sont expulsés...
03:39Ils partent vers le Lot-et-Garonne, ils partent dans le sud-ouest.
03:42C'est beaucoup qui connaissent, qui ont épousé d'ailleurs des filles de là-bas.
03:47Alors, vous allez vous demander pourquoi on atterrit dans cette quinquairie.
03:50C'est quand même un haut-lieu du gaullisme à Saint-Dié,
03:53puisqu'on va en parler avec Evelyne.
03:56Et puis, il y a un lien, quand même, j'allais dire,
03:58presque entre le tome 1 et le tome 2 de votre biographie de De Gaulle.
04:03C'est que De Gaulle, en 1952, quand il vient à Saint-Dié,
04:05il arrive rue d'Alsace, c'est-à-dire dans cette rue-là.
04:07Il n'est pas accueilli par la municipalité, il est chef du RPF.
04:14Ils se réunissent dans des baraquements,
04:16parce qu'à l'époque, ils sont encore dans des baraquements.
04:18Il y a une petite centaine de personnes.
04:20Et dix ans plus tard, il y a des photos dans cette rue-là, rue Gambetta,
04:24où là, c'est d'effervescence.
04:26– 1952, c'est quand même la période du début du déclin du RPF.
04:31Parce qu'en 1951, il y a les élections législatives.
04:35Il a créé le RPF en 1947.
04:37Il attend longtemps, finalement, parce que le régime le fait attendre.
04:40D'ailleurs, c'est des échéances normales.
04:42Lui, il aurait aimé que les échéances soient anticipées par une dissolution.
04:45Mais il attend 1951.
04:47Et 1951, il rate un peu la marche.
04:49Il n'a pas autant de députés qui le pensent.
04:51Donc c'est le début du déclin, en 1954, qui considérera que le RPF, on doit tourner la page.
04:57Donc je ne suis pas étonné qu'en 1952, il n'ait pas eu autant de monde que cela.
05:01Parce que, voilà, ce n'est pas le moment le plus favorable, finalement, de cette période.
05:07Il a toujours parlé de traverser du désert.
05:08Moi, je ne crois pas beaucoup à l'idée de la traversée du désert.
05:10Parce que je dis que c'est une solitude peuplée, en fait.
05:12– Oui, vraiment. C'est encombré, même.
05:14– C'est le mythe.
05:15Bon, mais quand même, il y a ce moment de flottement dans l'histoire de son parti,
05:21enfin de son mouvement, de son rassemblement.
05:24Et c'est vraiment à ce moment-là.
05:25– Alors effectivement, la traversée du désert, des déserts très encombrés,
05:28c'est vraiment la période de votre deuxième tome,
05:32qui est probablement la moins connue du grand public, vraiment,
05:35qui est passionnante.
05:36Moi, j'ai lu, on dévore ça.
05:38C'est un roman d'aventure.
05:39– Oui, c'est un destin très romanesque, en fait.
05:45– C'est fantastique.
05:47– Et surtout, parce qu'il y a cette période aussi,
05:49parce qu'au fond, l'exil fait partie de la psychologie de Dugas.
05:54C'est un homme qui est à la fois dans l'action,
05:57mais qui est aussi dans la mélancolie,
05:59qui est aussi dans le retrait, qui est dans l'exil.
06:00Il a été exilé au fond à Londres.
06:02C'est une histoire d'un exil, la France libre.
06:04Donc, il retrouve, de manière un peu inattendue pour lui,
06:07mais cette même état d'esprit, cette même situation psychologique.
06:12Et concrètement, effectivement, il est en dehors de l'action.
06:15Mais en même temps, dès 1947, il a lancé le RPF.
06:20Donc, il a lancé quelque chose qui était de l'ordre de l'épopée à nouveau.
06:23C'est une épopée, le RPF.
06:25– Oui, c'est ça, vraiment.
06:26Alors, 44-58, c'est la période.
06:30On va dire 46-58, plutôt pour la fameuse traversée d'Isère,
06:34parce qu'avant ça, il dirige le gouvernement provisoire.
06:35– On peut oublier les 18 mois de gouvernement, qui ont été impressionnants.
06:40– Vous nous faites découvrir quand même un autre De Gaulle,
06:43parce que vous avez accès à des archives auxquelles Jean Lacouture, par exemple,
06:48je pense à lui, n'avait pas eu accès.
06:50– Ni Éric Roussel, d'ailleurs.
06:51– Voilà, il y a vraiment des choses totalement nouvelles qu'on apprend.
06:54Alors, il y a notamment sur le personnage, sur la personnalité, le De Gaulle intime aussi.
06:58On découvre un autre De Gaulle, par exemple, dans cette période de traversée du désert,
07:02entre guillemets, comment il s'entoure ?
07:05Comment il s'organise et comment il s'entoure ?
07:08– D'abord, alors, quand il quitte le gouvernement en 46,
07:12il y a très peu de gens autour de lui, d'abord.
07:14Il y a autour de lui, il y a des aides de camp, dans le colonel de Bonneval.
07:20Il y a Claude Guy, qui est son secrétaire, qui assure le secrétariat de De Gaulle,
07:27qui est vraiment l'aide de camp aussi, d'ailleurs, mais qui est très proche de lui,
07:30qui est un confident.
07:31Il y a Claude Moriac.
07:32– Ah oui, Claude Moriac est très présent.
07:34– Très présent, mais au fond, c'est à peu près tout.
07:36Et il y a quelques visiteurs, etc.
07:38Donc, je pense que quand il, à ce moment-là, il perçoit cette solitude et la recherche,
07:44mais elle l'étouffe un peu, parce que l'idée même de passer sa vie à Colombais
07:48n'était pas forcément son rêve absolu, même si Colombais a du charme.
07:52Mais voilà, donc très rapidement, d'abord, il va être à Marly,
07:56et puis après, il y a Colombais, et puis très vite après, il y a Paris, en fait.
08:00Donc, à ce moment-là, il les retrouve, il retrouve tout de même un certain nombre de ses compagnons.
08:05Il y a Malraux, qui n'est pas loin de lui, il y a Michelet.
08:08Il va y avoir Guichard un peu plus tard.
08:11Donc, il recompose finalement son entourage,
08:15et qui va se confondre, à partir de 1947, avec Jacques Soustel,
08:20il va se confondre avec la création du RPF.
08:22– D'accord.
08:22– Mais l'entourage vraiment le plus rapproché,
08:24d'ailleurs, ils ont laissé deux livres,
08:26chacun a laissé un livre d'un journal qui est très important,
08:30si on veut connaître la psychologie de De Gaulle à ce moment-là,
08:32c'est Claude Guy, en effet, et Claude Moriac.
08:34– D'accord.
08:34– Personnage très déroutant, personnage compliqué,
08:37personnage dans une espèce de colère assez permanente,
08:41qui fustige le régime.
08:44Au fond, il est tout de même blessé par le fait d'être tenu.
08:48Il pensait qu'on allait le rappeler.
08:49– Il doute, il doute à des moments.
08:51– Oui, il doute beaucoup, il doute beaucoup.
08:52– Mais en même temps, il y a de très belles pages dans ces journaux-là
08:57sur le vrai De Gaulle à ce moment-là, qui est un De Gaulle, en effet,
09:01pétri de chagrin et de colère.
09:05Les deux mots, d'ailleurs, vont très bien ensemble chez le concernant.
09:08– Quel rôle joue Yvonne De Gaulle à ce moment-là ?
09:11– Écoutez, elle a joué un rôle important, d'abord parce qu'elle a toujours joué
09:14un rôle important.
09:16Je pense qu'elle est un élément de stabilité pour lui.
09:19Mais ce qui est vrai, c'est que d'abord, ils sont unis aussi par ce lien,
09:23en dehors de la relation affective, mais il y a aussi ce lien qui est le drame de l'enfant.
09:29– Oui, il rassure.
09:30– Ça, effectivement, ils communient, j'allais dire, autour de ce drame,
09:35autour de cet enfant qu'ils essaient de sauver.
09:38Enfin, elle n'est pas sauvable, mais en même temps, ils l'entourent,
09:42et les générales en particulier.
09:44Mais ce que l'on peut dire, c'est qu'à partir de ce moment-là,
09:47après la libération, elle n'a plus envie qu'il fasse de politique.
09:49– Ah oui, d'accord.
09:51– Et d'ailleurs, il y a des phrases, des séquences assez drôles,
09:53où elle développe toute une idée là-dessus, et dit « mais tenez-vous, Yvonne,
09:57vous n'y connaissez rien, vous n'y connaissez rien ».
09:59Donc, il l'envoie un peu pêtre, comme on dit.
10:02Donc, on ne peut pas dire qu'il ne l'écoute pas.
10:04Elle est très précieuse pour lui, parce qu'elle est là.
10:06– Elle a de l'influence ? – Oui, elle n'est pas seulement la dame au tricot.
10:08Vous savez, on a toujours dit qu'elle faisait du tricot pendant que son mari…
10:11Non, elle a une vraie présence, un seul élément de stabilité.
10:15Je pense d'abord que c'est une vraie histoire d'amour, ce couple-là.
10:20Mais elle, par amour, bien aimé, et par crainte aussi.
10:24Il y avait une carte mancienne qui avait prédit
10:27qu'il mourrait finalement assez jeune, etc.
10:31Donc, elle était terrorisée à l'idée qu'il puisse mourir dans cette période-là,
10:34dans un attentat ou n'importe quoi.
10:36Donc, finalement, il n'est pas mort dans un attentat,
10:39mais il y avait cette crainte.
10:41Donc, elle lui a donné des conseils à plusieurs reprises
10:43qu'il n'a pas suivis, mais elle l'a toujours accompagné.
10:46C'est-à-dire que je pense qu'à Londres, elle l'accompagne.
10:48Quoi qu'il fasse, de toute façon, c'était le grand homme.
10:51Mais ce grand homme, elle avait peur pour lui.
10:53– Oui, bien sûr.
10:54Alors, ce que je vous propose, Jean-Luc,
10:55c'est qu'on va rejoindre Evelyne Dreyfus,
10:58qui a des choses à nous dire, puisqu'elle a rencontré De Gaulle.
11:01– Ah ben voilà, on va aller voir Evelyne.
11:10– Voilà, Jean-Luc, Evelyne, la patronne des lieux.
11:13– Bonjour, monsieur, bonjour.
11:15– Merci de nous accueillir.
11:16– Je vous en prie, c'est toujours le bienvenu.
11:19– Oui, et puis on adore venir ici, dans cette quincaillerie,
11:21qui est quand même le plus beau commerce de la région.
11:26– Oui, merci.
11:27– Le plus beau commerce de la région.
11:29– Je sais.
11:30– Qu'est-ce que ça fait de rencontrer De Gaulle ?
11:32Vous l'avez croisé de loin, vous étiez une gamine à l'époque.
11:34– Je l'ai croisé, alors la première fois que je l'ai vue,
11:37c'est lorsque j'avais 10 ans en plus,
11:40quand j'étais en vacances vers Château-Vilain,
11:44et c'est les ponts exactement,
11:45et on allait à Colombay, les deux églises, à l'église.
11:49On allait à la messe avec mes parents,
11:52parce qu'on était allés une année en vacances là-bas.
11:54Et ce jour-là, ça c'est quelque chose d'extraordinaire.
11:57– Vous alliez en vacances dans le pouvoir de Gaulle ?
11:59– Enfin, on y allait, oui, c'est vrai, mon père était acharné.
12:02Et donc, ce jour-là, on va à la messe.
12:06Il y avait un monde fou à la messe.
12:08Et moi, j'étais petite.
12:09Alors, j'avais vu le général qui était devant,
12:12en première place, avec son épouse.
12:16Et naturellement, moi, j'étais enragée.
12:18Alors, je suis partie, j'ai quitté mes parents,
12:22et me voilà en route dans l'église,
12:25où il y avait un monde fou.
12:26Eh bien, j'ai perdu mes parents !
12:28Et c'est les motards qui m'ont ramené, mes parents.
12:31Vous voyez, je l'avais vu de tout près.
12:33– Et puis alors, vous le voyez,
12:34quand vous habitez à Moyen-Moutier,
12:35dans ce fameux voyage de 61,
12:39– Oui, voilà, c'était en 61 aussi.
12:42Alors, on habitait à l'Abbaye à l'époque, dans l'Abbaye.
12:45C'était des logements magnifiques.
12:47– Et là, de loin, il y avait le rabot d'eau qui nous séparait.
12:51Et alors, il passe debout,
12:54je crois qu'il devait être debout dans sa voiture.
12:56Et nous, on était alors là,
12:59on criait, on applaudissait.
13:00– Les écoles étaient mobilisées ?
13:02– Voilà, non, c'était pas,
13:03je pense que c'était un dimanche, non.
13:05– Ah d'accord, ce n'était pas un jour d'église.
13:06– Parce que j'étais allée avec mes parents.
13:08– D'accord, d'accord.
13:09– Voilà.
13:10– Et puis, Évelyne, après, vous venez travailler ici ?
13:13– Oui, je devais rester pour un mois seulement.
13:16– Et ça, c'est vraiment une institution ?
13:18– Un mois.
13:18– En 73.
13:21– Est-ce qu'on peut dire que c'était un petit peu,
13:23un moment quand même, l'annexe du siège du RPF ?
13:25– Complètement, ici, c'était la droite.
13:27– Oui, c'est ça.
13:28– Oui, oui, oui, oui, complètement.
13:32Bon, il n'y en avait que pour le général de Gaulle,
13:34pour tous ces gens-là.
13:36– D'ailleurs, son portrait est là, dans le bureau du fond.
13:38– Oui, oui, oui, dans le bureau,
13:40on a le portrait du général, authentique depuis…
13:43Et d'ailleurs, quand il est passé en 61,
13:45je pense que c'est ça que j'ai dans le petit reportage
13:47de M. Dedenon,
13:48il est venu féliciter,
13:50il a félicité M. Dedenon.
13:52– Ah oui, oui.
13:52Est-ce qu'il s'arrête là ?
13:53– Voilà, c'est ça.
13:54– Il s'arrête là ?
13:55– C'est ça.
13:56Donc, pour M. Dedenon,
13:58qui avait la Légion d'honneur,
13:59qui avait été déporté,
14:01qui était une grande figure de cette époque,
14:04à partir de 40,
14:05qui avait été déporté pendant 4 ans.
14:09Donc, voilà.
14:11– Oui, sacré personnage.
14:14– D'ailleurs, tous les ans, à la même époque,
14:15on y avait droit.
14:16Alors, il disait, aujourd'hui,
14:19j'envoie la Gestapo qui passait là.
14:21Vous voyez, là, pile.
14:22Mais c'est exactement la même clanche
14:25que les nazis ont…
14:27– Ah oui.
14:27– Ah oui, oui, oui.
14:28– Ah oui, parce qu'on rappelle quand même
14:29que Jean, alors le père de François,
14:32parce que l'idéodacien,
14:33je pense que je souviens surtout de François Dedenon,
14:35– Oui, oui, oui.
14:36– Et déporté, ce sont des résistants.
14:38D'abord, il faut rappeler que ce sont des résistants.
14:39– Ah, c'était pratiquement des résistants, oui.
14:42– Et ils sont, l'un d'eux est déporté.
14:44– Ah non, je ne sais pas dans quel camp.
14:47Et meurt en camp de concentration.
14:50– Oui, oui, monsieur Robert Dedenon,
14:52que je n'ai pas connu, mais qui est…
14:53C'est lui, c'est le monsieur qui est juste au-dessus
14:56avec sa sœur.
14:57– Ah, d'accord.
14:57– Et là, oui, oui, oui, c'est sa sœur
15:00qui gardait le magasin pendant les guerres.
15:04– De Gaulle revoit à Moyen-Moutier un homme,
15:12Petot, je crois, Petot, j'aurais retrouvé son nom.
15:14Mais quel lien il avait avec ces anciens compagnons,
15:18j'allais dire compagnons d'armes,
15:22dès juin 40, c'est-à-dire ceux qui s'engagent
15:23dans la Résistance, ces côtés,
15:24parce qu'il dit, il y a un historien local
15:26qui le rapporte, qui dit « Ah, je suis content
15:29de te revoir » quand il le voit à Moyen-Moutier.
15:31Est-ce que ça, c'est plausible comme scène ?
15:34– Oui, d'abord, le tutoiement est assez rare
15:37chez De Gaulle, mais je pense qu'à l'égard de…
15:38En fonction de l'histoire qu'il avait avec chacun,
15:41il tutoyait juin, par exemple.
15:42Juin, c'était le seul qui tutoyait,
15:43mais c'était Saint-Cyr.
15:45Je crois qu'il y a un grand attachement
15:46à l'égard des premiers, surtout,
15:48ceux qui ont été les premiers.
15:49Après, vous savez, dans l'histoire de la France libre,
15:51il y a ceux qui sont arrivés un peu après,
15:53et ceux qui sont arrivés un peu tard.
15:54– Oui, c'est à la fin, là.
15:54– Ils sont qui sont arrivés tard.
15:55Je crois que De Gaulle n'était pas dupe,
15:56mais les premiers, vraiment, les premiers compagnons,
15:58il a une phrase très belle à un moment donné,
16:00il dit « Les bourgeois, vous voyez,
16:02les bourgeois, ils ne sont pas venus,
16:03les petits possédants ne sont pas venus. »
16:05Mais le peuple, le petit peuple de l'île de Saint,
16:08le peuple des petits pêcheurs,
16:09donc souvent, il était très attaché à l'idée
16:11que le peuple, comme tous les aristocrates,
16:13d'ailleurs, il avait un grand respect pour le peuple,
16:15et que des gens des peuples,
16:16même les plus anonymes, etc.,
16:18mais qui étaient là,
16:19qui étaient là dès le mois de juin,
16:20en tout cas juillet 1940.
16:21Et ceux-là, je pense qu'ils allaient rester très fidèles.
16:24– Et eux, ils sont restés très fidèles jusqu'au bout.
16:27– Bien sûr.
16:27– Jusqu'au bout, c'est ça qui est impressionnant.
16:29– Oui, mais lui aussi, parce qu'au fond,
16:30vous voyez, il avait des rapports très compliqués
16:32avec les militaires.
16:32Il n'avait pas des rapports très chaleureux
16:34avec les militaires en général,
16:36parce que les militaires,
16:36il avait eu des problèmes avec eux,
16:38et qu'ensuite, il avait quand même été condamné à mort
16:39par un tribunal militaire en 1940.
16:42Mais par contre, avec ceux qui, à la fois,
16:46l'avaient rejoint,
16:47quel que soit leur bord politique,
16:49quelle que soit la même religion,
16:51il y avait autour à Londres,
16:52il y avait des juifs, des protestants,
16:53des catholiques, des hommes ou des femmes de droite
16:56ou de gauche,
16:57mais les premiers,
16:58ceux qui étaient vraiment les pionniers de la France libre,
17:00Leclerc, par exemple.
17:02L'attachement à Leclerc est resté très fort
17:04parce qu'elle a fait,
17:05puisque Leclerc est mort.
17:06Il commençait dans un accident d'avion.
17:08– Et la Lorraine est restée très attachée à Leclerc.
17:10– Oui, et puis De Gaulle était très attachée
17:12à cette région.
17:13On peut dire que c'est quand même
17:14un homme de l'Est et du Nord
17:15plus évidemment qu'un homme du Sud.
17:17Il n'y a pas de…
17:18– Complètement.
17:19– D'où les difficultés,
17:20sans doute parfois,
17:21à s'adapter à l'Algérie
17:22qui n'était pas tout à fait son territoire
17:25ni le mode de vie qu'il aimait.
17:28– Jean-Luc, on va monter encore
17:29un petit peu plus au Nord
17:30puisqu'on va rejoindre David Valence
17:32à Snowden maintenant.
17:33– Très bien.
17:33– Et puis on va remercier Evelyne.
17:36– Eh bien oui, toujours à votre disposition.
17:39– C'est vraiment superbe.
17:40– On conseille d'ailleurs aux téléspectateurs,
17:42venez ici, c'est magnifique.
17:44Calcaillerie, chasse-pêche-sérrurerie à Saint-Dié.
17:47– Oui.
17:48– Alors qui est en vente,
17:48on peut le dire,
17:49on peut ouvrir une petite parenthèse.
17:50– Eh oui, on peut ouvrir une parenthèse, absolument.
17:52– Elle est en vente.
17:53– Elle est en vente, oui.
17:54– Oui, oui.
17:55– Alors, beaucoup le regrettent.
17:57– On cherche un repreneur
17:58ou si possible,
17:59quelqu'un qui puisse conserver un peu.
18:03– Il faut le faire classer, ce monsieur.
18:05– C'est magnifique.
18:06– Oui.
18:14– Bonjour, monsieur le maire.
18:15– Bonjour, en santé.
18:17– C'est la première fois
18:17que je viens dans cette partie de France
18:20et je suis heureux de venir ici.
18:21– Ça va, Jean-Luc ?
18:22– Salut.
18:22– Merci de ton accueil.
18:24– David, qu'est-ce qu'il y a ?
18:35– Bonjour, comment il va ?
18:36– Ça va bien ?
18:37– Bonjour, Jean-Luc.
18:38– Je vous présente pas, vous connaissez ?
18:40– Oui, on se connaît pas.
18:41– Vous connaissez bien,
18:42par la Fondation Charlie.
18:42– Par la Fondation Charlie.
18:44– Quand j'ai commencé mon livre,
18:46je travaillais avec…
18:46– Je peux attester que c'était il y a très longtemps.
18:49– Bon, on ne va pas se dire mutuellement.
18:51– Il y a 13 ou 14 ans ?
18:52– Ah non.
18:53– 12 ans.
18:53– 12 ans, 12 ans, je dirais.
18:56– En tout cas, la Fondation de Gaulle,
18:58c'est vrai que…
18:58Alors, David, on te connaît
19:00comme ancien député élu,
19:04conseiller régional du Grand Est,
19:05mais c'est…
19:05– Toujours, oui.
19:06– C'est le directeur,
19:08l'ancien directeur de la Fondation de Gaulle
19:09qui m'a…
19:10– Enceinte directeur adjointe, oui.
19:11– Absolument à voir ici dans cette émission
19:13parce qu'il va nous éclairer sur plein de choses,
19:15Jean-Luc.
19:16Jean-Luc, je voudrais quand même,
19:17par rapport à ce qu'on s'est déjà dit,
19:19qu'on recule encore un peu,
19:21au tout début qu'on revienne,
19:22d'ailleurs au tome 1.
19:24– Oui.
19:24– Vous écrivez cette formule
19:27« De Gaulle, c'est l'homme façonné par les guerres ».
19:32Et votre consort historienne,
19:35Frédéric Naud Dufour,
19:36dit, elle, à un moment,
19:37dans un de ses livres,
19:38finalement, De Gaulle est né à Verdun,
19:40en 1916.
19:41C'est un homme qui…
19:42– C'est ça, il est façonné par les guerres.
19:44– D'abord, c'est un militaire,
19:45donc il a vocation à faire la guerre.
19:48C'est même son…
19:49J'allais dire presque son idéal de faire la guerre.
19:51Il y a un moment où il considère
19:53que son destin va être sublimé par la guerre.
19:56Donc il se prépare, en effet,
19:58à faire la guerre de 1914,
20:00avec l'idée, sans doute,
20:01lui qui s'était inventé à l'âge de 15 ans,
20:04un personnage qui s'appelait…
20:05– Le général De Gaulle, déjà.
20:07– Oui, c'est marrant.
20:07– Que son grand destin
20:08serait un grand destin militaire.
20:09Ça serait celui d'un Thurenne,
20:12d'un Dubourrier, etc.
20:14Et puis, en effet,
20:16il y a même une frénésie,
20:17l'idée d'aller faire la guerre.
20:18C'est le grand moment de sa vie.
20:19Et puis, ça ne se passe pas exactement comme ça.
20:21Mais il sera…
20:22Donc il ne sera jamais le grand général
20:24qu'il espérait être sur le champ de bataille.
20:27Mais il aura quand même un très grand destin,
20:29mais pas celui qu'il avait prévu.
20:32Et en effet, Verdun, c'est un moment
20:33où d'abord, on l'a donné comme mort.
20:35Donc il a été blessé à plusieurs reprises,
20:38au moins à deux reprises.
20:39Et là, on le donne comme mort.
20:40Et donc, c'est un tournant tragique
20:42de ce destin, quelque part,
20:43pour lui en tout cas,
20:44puisqu'il n'est pas du tout préparé
20:46à l'idée même d'aller passer autant d'années en…
20:48– Il est prisonnier plusieurs années.
20:50– Oui, oui, oui, absolument.
20:51Il a essayé de s'évader à cinq ou six reprises.
20:54Mais c'est là où il dit qu'il est un enterré vif.
20:57Donc c'est vraiment…
20:58Il le vit comme une tragédie
20:58parce qu'il sort finalement
20:59de ce grand destin auquel il se préparait.
21:01Et donc, il ne sera pas le libérateur de la France
21:05sur le plan militaire,
21:06mais il sera le libérateur d'un autre point de vue.
21:08Peut-être plus important encore.
21:10Voilà.
21:10Donc, il a été façonné par un idéal militaire,
21:14façonné aussi, sans doute, par cet échec
21:16qui a représenté pour lui la Grande Guerre,
21:19cette tristesse, cette déception,
21:21mais après façonné par, évidemment,
21:23par d'autres événements militaires,
21:24mais pas seulement militaires.
21:26– Il disait, je ne sais plus si c'est dans une correspondance,
21:28que c'était une douleur qui ne s'achèverait qu'avec sa vie.
21:31– Absolument.
21:31– Qu'avec sa vie, le fait d'avoir été prisonnier
21:33aussi longtemps pendant la Première Guerre mondiale.
21:34– Parce que dans la Mélancolite de Gaulle,
21:38il y a un peu ce souvenir-là, je pense.
21:40Il y a eu quelque chose qui a eu une déchirure à ce moment-là.
21:43Alors après, ça a été très fondamental.
21:44– C'est un être très mélancolique.
21:45– Oui, oui, très, très.
21:46– Vous le dites plusieurs fois dans votre livre.
21:47– Très, très.
21:48Quand j'ai travaillé sur les mémoires,
21:53j'ai demandé à travailler sur les manuscrits des mémoires.
21:56Et là, j'avais été frappé de voir
21:58qu'un des mots qu'il rayait le plus souvent,
22:00c'était le mot chagrin.
22:01– Ah oui.
22:02– Il l'écrivait dans le premier G, il l'enllait.
22:03– Oui.
22:04– Donc, voilà.
22:07Il avait une formule, d'ailleurs, il avait dit
22:08« Il faut avoir du chagrin pour la France, elle le mérite. »
22:11– Ah oui.
22:11– Et donc, il y avait, oui, parce que c'est un idéal,
22:14effectivement, qui est souvent blessé par les réalités
22:16ou par certaines déceptions.
22:18Mais il est habité par la Mélancolie,
22:20mais c'est une énergie chez lui, la Mélancolie aussi.
22:22C'est pas simplement quelque chose qui le bloque.
22:24– C'est parfois une énergie, la Mélancolie.
22:26– Oui, enfin, chez lui, ça l'est.
22:27– Oui, il est sujet à des moments
22:30qu'on appellerait de noires mélancolies,
22:31plus que d'abattements.
22:32– Oui, absolument. – On en parle souvent à propos de Dakar.
22:34– Absolument.
22:34– Mais à de nombreuses reprises dans sa vie publique,
22:38ça va se retrouver.
22:38– Oui, et puis avec cette tentation,
22:41souvent, qui revient à celui de partir,
22:43de se retirer, de partir.
22:45Alors, il y a une part de tactique aussi.
22:47– Oui, oui, bien sûr.
22:48– Il n'y a pas que de Mélancolie.
22:49– Jean-Luc Barré parlait de De Gaulle, le militaire.
22:54Donc, on avance dans l'histoire.
22:55Les années 30, c'est aussi De Gaulle relié à la Lorenz.
22:58Il est comme une compagnie de chars à Montigny.
23:02Avant qu'on en vienne à Sloan, ici, bien sûr.
23:07Comment on peut définir l'idée de De Gaulle ?
23:10Dans les années 30, il bataille pour de nouvelles méthodes militaires.
23:15Comment il agit dans les années 30 ?
23:18Parce qu'on dit qu'il est vraiment...
23:20Comment, par exemple, il se positionne sur la ligne Maginot ?
23:24– Il a sa conviction, c'est qu'il faut que la France s'équipe en chars.
23:30Et que l'arme blindée, ça va être une arme essentielle.
23:33Il sous-estime, moins qu'on ne le dit souvent,
23:35le rôle de l'aviation dans la guerre.
23:37Mais enfin, l'essentiel, c'est l'arme blindée.
23:39Et puis, il plaide aussi pour l'armée de métier.
23:41Ce qui est complètement orthogonal, avec la vision,
23:44notamment qu'à une grande partie de la gauche,
23:46de ce que doit être l'armée française.
23:47Mais orthogonal aussi avec ce que pense de l'armée, l'armée elle-même.
23:52Et De Gaulle, ce qui est très frappant, c'est que...
23:54Alors, c'est un militaire qui n'a pas la carrière glorieuse des armes
23:58qu'il voudrait avoir.
23:59Mais c'est aussi un militaire qui passe son temps à expliquer
24:02que le pouvoir civil doit l'emporter sur le pouvoir militant.
24:05– Ça, vous l'aurez dit souvent.
24:06– Oui, c'est pas vrai.
24:07– Exactement.
24:08Et qui explique d'ailleurs que si l'Allemagne a perdu la Première Guerre mondiale,
24:11c'est parce qu'à la fin, c'était les militaires qui commandaient.
24:13– Donc, il essaie de convaincre des gens.
24:15Alors, avec Blum, par exemple, quelles sont ses relations à cette époque-là ?
24:19– Il l'essaie avec plusieurs personnes, avec Paul Reynaud,
24:22avec Marcel Déat, avec Léon Blum.
24:25Il a plus ou moins d'écho.
24:26Je dirais qu'avec Joseph-Paul Boncourt au début, socialiste aussi,
24:31il a un succès d'estime dans certains milieux.
24:34Il n'aura d'ailleurs jamais sur le front populaire
24:36le jugement très dur qu'une partie de la droite pourra avoir
24:39du point de vue de l'équipement militaire.
24:41Enfin, le responsable politique avec lequel il va vraiment nouer
24:44une relation forte, c'est Paul Reynaud.
24:46– Ah oui, d'accord.
24:47Alors, dans ces histoires, vous le dites aussi plusieurs fois,
24:51il y a plein de gens qu'on oublie au fil des récits historiques.
24:54Et je pense, parce que tu parlais de Montigny-les-Messes,
24:56je pense au général de l'Estreint,
24:58qui est quand même, je ne sais pas comment vous l'expliquez l'un et l'autre,
25:01qui est quand même un peu oublié dans l'histoire,
25:02qui a été le chef de l'armée secrète.
25:05On en parle très très peu, finalement.
25:06– Qui est passé au camp du Struthoff.
25:09– Oui, et qui est mort, c'est vrai.
25:12– Je crois qu'il a beaucoup compté pour de Gaulle,
25:14parce que de Gaulle n'avait pas beaucoup d'estime,
25:16entre nous soit dit, pour un certain nombre de chefs militaires.
25:19Il avait de l'estime pour de l'Estreint.
25:20– De l'Estreint.
25:20– D'ailleurs, de l'Estreint l'a plutôt soutenu, finalement.
25:22– Dans ce qu'il a fait, c'était un des rares à l'avoir soutenu.
25:24Alors que Giraud n'a évidemment pas combattu sur ce terrain,
25:26mais effectivement, il y a une incompatibilité totale entre les deux hommes.
25:30Donc de l'Estreint, il avait beaucoup d'estime et même d'affection pour eux.
25:33Enfin, de Gaulle avait beaucoup d'affection pour lui.
25:34– Oui, oui, pour de l'Estreint.
25:35Est-ce que c'est à cette époque, Montigny, Metz, etc.,
25:39les années 30, où de Gaulle est aussi le nègre de Pétain ?
25:42– On n'aurait pas aimé que vous disiez ça.
25:44– On peut dire le nègre maintenant.
25:45– On n'aurait pas aimé que vous disiez ça.
25:46– C'est plus fin des années 20.
25:48– Oui, exactement.
25:48– Fin des années 20, pardon.
25:49– Dans les années 30, ils sont…
25:50– La rupture Pétain-de Gaulle, elle se fait à ce moment-là ?
25:52– Vous savez, il y a un mot de De Gaulle, qui est connu, mais enfin…
25:55En 1925, Pétain avait remplacé l'Ioté au Maroc.
25:59Et De Gaulle n'avait pas supporté cette chose-là.
26:01Il avait pris ça pour une trahison.
26:03Et il avait dit « le maréchal Pétain est mort en 1925 ».
26:07Donc, phrase terrible.
26:08Non, il n'a jamais été le nègre, en réalité.
26:10Il a été une sorte de collaborateur littéraire.
26:12– D'accord.
26:12– Parce qu'au fond, mais enfin, d'ailleurs, Pétain avait d'autres collaborateurs.
26:16Mais il avait distingué le talent, il avait discerné le talent de De Gaulle.
26:20La personnalité de De Gaulle, je pense qu'il avait une certaine estime.
26:23– La plume et la personnalité.
26:24– La plume, voilà.
26:25Mais il y a un moment où je crois que la lucidité de De Gaulle
26:27a fait en sorte qu'il a gardé une forme de distance
26:29jusqu'au moment, en effet, où il s'est emparé du manuscrit
26:32qu'il était censé avoir écrit et signé par le par le maréchal Pétain.
26:36– On dit que c'est ça.
26:37Il y a une anecdote, je crois, à la cathédrale de Metz,
26:39où il se bat de froid, vraiment.
26:41– Oui, oui, oui. Non, non, non, mais bien sûr, bien sûr.
26:43Mais il y a eu chez Pétain un peu d'étonnement, en fait, finalement,
26:47parce qu'il ne s'attendait pas à ça. Il ne s'attendait pas à ça.
26:50Et c'est la première fois, finalement, qu'on osait toucher à l'homme de Verdun,
26:53finalement, un espèce de héros. Voilà.
26:56– Alors on va avancer dans l'histoire.
26:58On va arriver à la Deuxième Guerre mondiale.
27:00Et puis on va arriver à Snowden, parce qu'il y a un fait qu'on connaît peu, David.
27:05C'est toutes ces arrestations, à la fin de l'année 44.
27:1044, Paris est libéré.
27:12Ici, il se passe quelque chose de terrible, près d'un millier d'arrestations.
27:16Est-ce que vous pouvez nous en dire un petit peu plus ?
27:17Parce qu'on connaît finalement assez peu.
27:19Et De Gaulle va en parler quand il vient en 61, ici.
27:21– Alors, il y a des parachutistes britanniques qui sont arrivés ici, dans ce territoire,
27:28dans la vallée du Rabaudot.
27:31Et de ce moment-là, les Allemands vont considérer, les nazis vont considérer
27:34que la population est complice s'ils n'arrivent pas à arrêter ces Britanniques.
27:39Et c'est ce qui explique qu'en septembre 1944,
27:41ils décident effectivement de rassembler tous les hommes de la vallée
27:44à partir de Senone et de quelques villages, d'ailleurs, des hauteurs,
27:48et de les déporter systématiquement en Allemagne.
27:51Ce qui fait que De Gaulle, quand il vient plus tard,
27:54deux ans plus tard, en 1946, à Epinal,
27:56et qu'il prononce ce discours d'Epinal,
27:58qui est un peu l'écho du discours de Bayeux,
28:01va rendre hommage, au début de ce discours,
28:03à cette terre des Vosges, qui est une des terres
28:05et qui a donné le plus de déportés à la France,
28:08qui a le plus souffert par la déportation, l'épreuve de la déportation.
28:11Et quand il dit ça, c'est notamment à la vallée du Rabaudot qu'il pense.
28:15– David, vous êtes historien, Jean-Luc.
28:18Alors, cette formule « vallée des larmes »,
28:20c'est De Gaulle ou c'est pas De Gaulle ?
28:22Est-ce qu'on disait plutôt la vallée des veuves ?
28:23Mais vallée des larmes, alors moi j'ai lu dans certains cas
28:27que c'était lui qui, bon, c'est compliqué,
28:30même si c'est pas lui, la formule est belle, on peut dire, en tout cas.
28:32– Moi je la connais pas en tout cas.
28:33– La formule décrit bien ce qui a été l'épreuve de cette vallée.
28:37– Elle lui ressemble.
28:39– Elle lui ressemble, oui, elle peut lui ressembler.
28:41Au début du discours d'Épinal, il rend hommage au maquis de Corsieux,
28:44au maquis de Tintru, il rend hommage au maquis de Vionbois,
28:47il parle de la déportation.
28:48On sait qu'en 1961, entre Saint-Dié et Lunéville,
28:52il tient à s'arrêter ici, à Senone.
28:55Et donc, probablement qu'on lui a parlé de cette histoire,
28:58qu'il en a entendu parler.
29:00Peut-être que dans un propos qui n'aurait pas été retranscrit par écrit,
29:04il a tenu cette formule, mais en tout cas,
29:05on n'a pas de traces écrites qu'il l'ait prononcée.
29:07– Alors ce qu'il se dit, j'ai lu ça dans le livre de Paul Zing,
29:10que tu as connu,
29:12les services de l'Élysée font une petite note au maire de Senone,
29:16de l'époque, son nom m'a échappé,
29:19qui disent, dans ce long voyage qui dure cinq jours, je crois, en 1961,
29:24la plus grande ferveur, elle a été à Senone.
29:26Alors, comment ça s'explique ? Est-ce que c'est ça ? Je ne sais pas.
29:29En tout cas, il y avait une ferveur populaire immense à ce moment-là.
29:32Et il vient quand même toujours dans ses sacoches de Gaulle
29:35avec l'idée de défendre aussi d'autres choses.
29:37C'est-à-dire qu'il parle sans cesse de l'Algérie.
29:39Parce qu'on est dans un contexte de soixante ans.
29:42– Oui, on est vraiment à ce moment-là.
29:43– Voilà, et il a ça en tête, il revient là-dessus.
29:45Donc, il y a une opération aussi politique qui est très bien organisée.
29:49– Ce qui est extraordinaire, c'est, on a oublié ça maintenant,
29:52parce que ça ne se pratique plus, mais il voyageait énormément en France.
29:56Il voyait énormément les Français.
29:57Il avait commencé au temps du RPF.
29:59Mais pratiquement, je crois qu'il a fait tous les départements
30:01durant la présidence de la République.
30:03Moi, je me souviens très bien dans ma ville natale.
30:05Je dois avoir sept, huit ans.
30:07Et je me vois sur les épaules de mon père, j'ai vu de Gaulle de loin, de très, très loin.
30:13Non, mais c'était impressionnant.
30:14Il allait absolument voir tous les départements.
30:17– Mais physiquement, il était impressionnant.
30:18– Oui, oui, ça, c'est pas un scoop.
30:21– Un mètre quatre-vingt-sept.
30:23À quatre-vingt-sept ou quatre-vingt-douze ?
30:24Enfin, je n'en sais rien.
30:25– Alors, j'ai lu les deux versions.
30:26– Eh bien oui.
30:26– À quatre-vingt-sept, oui.
30:27– Et j'ai vu Chirac 90.
30:30– Chirac 90.
30:31– Ah oui.
30:32– À quatre-vingt-sept.
30:32– C'est un peu des secrets d'État, ça.
30:34– Oui, c'est ça, oui.
30:35– Mais il y a quand même l'anecdote, alors je reviens au livre de Paul Zing,
30:38excusez-moi, mais qui dit quand même qu'à la sous-préfecture,
30:41avant qu'il vienne à Snowden, il déjeune à la sous-préfecture de Saint-Dié,
30:44il va se reposer dans la chambre du ministre, qu'on appelle la chambre du ministre,
30:47et il dort en diagonale, parce que le lit n'est pas assez grand.
30:51– Ah oui, alors je…
30:52– Bon, là aussi.
30:54– C'est possible.
30:54Il se trouve qu'elle n'est pas très grande, cette chambre,
30:57j'y suis déjà allé, je vois à quoi elle ressemble,
30:59donc c'est possible, c'est crédible.
31:01– Elle n'est plus tellement utilisée aujourd'hui, ça c'est sûr.
31:04Mais quand de Gaulle fait cet itinéraire,
31:06alors il vient de l'ouest du département,
31:07il vient de Neufchâteau et d'Épinal,
31:09et d'ailleurs après il va en Meurthe-et-Moselle,
31:11puis ensuite à Metz,
31:13et donc c'est vrai que toutes les photographies qu'on a,
31:17à Saint-Dié, à Sononne,
31:19elles marquent une très forte mobilisation.
31:22C'est un territoire bleu ici,
31:24c'est-à-dire à la fois très républicain,
31:26un peu conservateur,
31:28mais très attaché à ce que de Gaulle pouvait représenter.
31:30Et donc il y avait effectivement,
31:33d'ailleurs les gaullistes, hormis dans la plaine,
31:35tenaient toutes les circonscriptions du département
31:37sous la République gaullienne,
31:39et de Gaulle à chaque fois, en 65,
31:42a bénéficié, lors des référendums précédents,
31:44d'un soutien massif de la population,
31:46y compris jusqu'en 69.
31:47Pour un élu d'aujourd'hui, de 2025,
31:53David Valence, c'est quoi de Gaulle ?
31:55Ça représente quoi ?
31:57Je porte quoi aujourd'hui ?
31:59Pour moi, c'est tout le monde...
31:59Excuse-moi.
32:01Tout le monde aujourd'hui,
32:02on en parle aussi avec Jean-Luc,
32:03tout le monde aujourd'hui se revendique gaulliste.
32:05C'est quand même très très impressionnant.
32:07C'est même pour certains très très suspect.
32:09Mais pour toi, David Valence, c'est quoi de Gaulle ?
32:12Pour moi, c'est d'abord une éthique de l'action publique.
32:16C'est-à-dire l'idée que...
32:18On construit en grande partie l'action avec des idées.
32:23Parce que de Gaulle sait ça.
32:24Pendant une grande partie de la Seconde Guerre mondiale,
32:25il fait comme si...
32:26Il n'a quasiment personne.
32:28La France n'est presque plus rien.
32:30Mais lui est convaincu que la France est une grande chose.
32:33Et c'est la puissance de l'idée, en fait,
32:35contre la puissance des réalités.
32:36Pétain, c'est les réalités de la défaite de la France.
32:39Et donc, cette idée qu'on ne doit jamais perdre de vue
32:42la grande vision, la grande conviction dans l'action politique,
32:45c'est presque pour moi plus important
32:47que certaines des affirmations que de Gaulle a pu avoir sur le...
32:50C'est plus important que la participation, par exemple.
32:53Ou que d'autres points auxquels il était attaché.
32:56Cette idée qu'on ne doit jamais désespérer de la France,
32:59que la France est une très grande chose.
33:02Et que, oui, il y a une puissance des idées dans le débat politique.
33:05Je crois profondément à ça.
33:07La nécessité de rompre aussi, parfois,
33:10de dire stop, de dire assez.
33:13Cette idée, à chaque fois, de vouloir rassembler, pas forcer.
33:15De Gaulle n'est pas un homme de consensus,
33:17c'est un homme de rassemblement.
33:18Ce n'est pas la même chose.
33:19Donc ça, ça veut dire beaucoup de choses.
33:20Moi, je me méfie.
33:21Je ne me suis jamais qualifié comme gaulliste
33:23dans le débat public.
33:24Y compris, ici, j'aurais pu le faire.
33:27J'avais des titres pour le faire.
33:29Mais je ne l'ai jamais fait parce que, pour moi,
33:31c'est plus un sujet de Gaulle,
33:32c'est plus un sujet de méditation.
33:36Un point qui, sans cesse, se dérobe
33:38que quelque chose qu'on peut s'approprier en tant que tel.
33:40Et se coller sur la figure
33:41pour se donner un peu de respectabilité.
33:44Jean-Luc, vous êtes beaucoup dans les médias, en ce moment,
33:47avec la sortie du tome 2 de votre biographie.
33:52La question vient tout le temps.
33:52Alors, elle vous exaspère peut-être.
33:54Je comprendrai.
33:55C'est qui est l'héritier ?
33:56Parce que c'est quand même, c'est terrible.
33:57Mais encore, je repense à...
33:59C'est à vous, le jour où on vous pose la question.
34:03C'est qui, alors ?
34:03J'ai répondu Sébastien Lecornu.
34:05Oui, exactement.
34:06Non, mais il se trouve que je connais bien Sébastien Lecornu.
34:10Je crois que c'est un grand méconnu, finalement.
34:11Il n'était pas très connu.
34:13Moi, je l'ai connu à un moment
34:14où il voulait écrire un livre sur Pierre Mesmer.
34:17Et je lui avais dit, écoutez, à mon avis,
34:19Mesmer doit être une partie de votre livre,
34:21mais faite un livre autour de la politique de défense.
34:25Et j'ai beaucoup parlé avec lui de tous ces sujets.
34:27D'abord, le fait de se référer à Mesmer
34:29prouvait qu'il avait des racines gaulliennes.
34:31C'est vrai.
34:31Voilà, il prenait exemple.
34:34Moi, c'est ça qui me paraissait important,
34:35c'est de dire, je fais une politique de défense,
34:36mais je me réfère à quelqu'un qui a été un homme
34:39qui a marqué l'histoire de la défense.
34:41Voilà.
34:42Et après, j'ai apprécié l'homme, le caractère.
34:44Je trouve que c'est un homme qui est assez habile aujourd'hui.
34:48Alors, ce n'est pas forcément une qualité essentiellement gaullienne,
34:50mais enfin, quand même.
34:50Il a le sens de l'État.
34:52Et j'aime bien l'idée que cet homme dise
34:54qu'il faut savoir parfois s'effacer derrière l'intérêt national
34:57et oublier son parti.
34:58C'est ce qu'il a dit un soir à la télévision.
35:00Il trouvait ça assez juste.
35:01Voilà, il n'est pas le seul.
35:02Mais ce que je remarque,
35:04c'est qu'aujourd'hui, quand on cherche autour de nous
35:06des hommes politiques qui ont cette exigence-là
35:09ou cette culture gaullienne,
35:10on en trouve très très peu.
35:11Voilà.
35:12Alors après, on peut lui reprocher de l'art du compromis
35:14et tout ce qu'on veut.
35:15Il est dans une situation infernale aujourd'hui.
35:16De toute façon, je ne sais pas qui ferait mieux que ça.
35:19Enfin, il y a eu deux hommes avant,
35:22François Béraud et Michel Barnier.
35:23Bon, et aujourd'hui, on est au bord
35:25soit d'une dissolution, soit du compromis.
35:27Enfin, après, moi, je veux bien qu'on m'explique autre chose,
35:29mais je ne vois pas d'autres façons.
35:31Il y a une chose qui, pour moi, caractérise De Gaulle
35:33et qui est rare aujourd'hui dans le monde politique,
35:35c'est son rapport au temps.
35:38De Gaulle, c'est un homme du temps long avant
35:39et du temps long après.
35:41Et il n'est absolument pas enfermé dans le présent.
35:44Il est conscient des...
35:45Oui, mais il est rapide dans l'action, David.
35:46Oui, oui.
35:47Parce que ce qui a dit...
35:48Il n'attermoit pas.
35:49Voilà, il n'attermoit pas.
35:50Quand même, les réformes entre 44 et 46,
35:53bien sûr, 44 et 46, c'est impressionnant.
35:56Oui.
35:56Et 58, c'est impressionnant.
35:58C'est très impressionnant.
35:58En 60...
35:59En 6 mois...
36:01Y compris sur le plan monétaire et économique.
36:02Absolument.
36:02Mais tout ce qu'il fait.
36:03Donc, il a le sens de l'action rapide,
36:05mais il est l'homme du temps long.
36:06Oui, oui.
36:07Il est l'homme de la vision, en fait.
36:08Alors, comme on parle de temps,
36:09eh bien, je vous propose de boucler cette séquence là-dessus.
36:12Parce que là, on a vraiment débordé très largement.
36:15Mais c'est un vrai plaisir de parler.
36:16Merci d'être venu nous rejoindre pour cette séquence, David.
36:19Et puis, nous, on nous poursuit.
36:20Eh bien, voilà, mon cher Jean-Luc,
36:42on est déjà à la fin de l'émission et on est...
36:45Je ne sais pas, vous pouvez pas...
36:46... dans une librairie.
36:47Belle librairie.
36:48Parce que là, on est avec le patron de la maison d'édition Plomb.
36:53Et on est avec le libraire Olivier, patron de la librairie.
36:57Oui.
36:58Vice-présidente de l'Association des libraires indépendants du Grand Est,
37:01il faut le signaler, enseignant aussi à l'Université de Lorraine.
37:05Un mot d'abord, je voudrais qu'on parle de Plomb d'abord.
37:10Plomb, c'était la maison d'édition de De Gaulle.
37:12C'était vraiment De Gaulle.
37:13Il éditait tout là.
37:14Non, il n'a pas tout édité là.
37:15Les premiers livres de De Gaulle ont paru chez un petit éditeur,
37:18enfin, qui s'appelait Berger-Levraud, je ne sais pas si c'est bon,
37:21qui a disparu, je crois.
37:22Mais en effet, les mémoires de guerre ont été chez Plomb.
37:27Il y a eu un moment où il a même failli être chez Robert Laffont,
37:29mais ça s'est finalement fait chez Plomb.
37:32Et c'était la grande tradition quand même de cette maison.
37:35C'est les maréchaux publiés là, les hommes d'État, les présidents du Conseil, etc.
37:41Donc il a rejoint cette maison qui était à l'époque animée d'ailleurs par de très bons éditeurs.
37:48Après, il y a eu Marcel Julien, mais il y a eu Charles Auringo.
37:50En fait, tous ces gens-là, il a été très...
37:53Donc il a publié ses mémoires, les trois volumes, et ensuite les mémoires d'espoir.
37:57C'est une très belle maison.
37:58Et puis on parle un mot, parce que vous dirigez aussi Bouquin, c'est Plomb ?
38:04Alors, c'est une maison d'édition, c'est une collection qui a, autrefois,
38:07qui était proche d'Robert Laffont, qui va se rapprocher de Plomb aujourd'hui,
38:10puisqu'en plus, il y a une seule direction.
38:12C'est une très belle collection qui date de plus de 45 ans.
38:15Ah, c'est chouette, ouais.
38:16D'abord, De Gaulle étant désormais vraiment chez Bouquin,
38:21je signale quand même quelque chose de très important.
38:24Oui, bien sûr.
38:24Ces mémoires de guerre, c'est l'édition intégrale que je viens d'éditer,
38:27et de préfacer.
38:29Pourquoi est-elle intégrale ?
38:30Depuis 50 ans, on ne trouve plus...
38:32C'est vrai que quand De Gaulle a écrit ses mémoires,
38:34il a écrit le texte des mémoires,
38:37mais il y a encore plus de pages qui sont consacrées à des documents,
38:42qui sont des notes, qui sont des télégrammes,
38:44qui sont toutes sortes de textes qui alimentent,
38:48qui sont issus de ses archives, qui sont toutes de sa main,
38:51et qui éclairent le texte des mémoires.
38:56Donc c'est une autre version, finalement.
38:57Il y a la version, j'allais dire, un peu littéraire des mémoires,
39:00et à côté de ça, il y a la version plus historique à travers des documents.
39:03Donc c'est l'édition intégrale,
39:05puisque même l'édition de la Pléiade avec laquelle j'ai collaboré
39:07n'avait pas retenu ces documents.
39:11Voilà.
39:11Donc ça fait effectivement...
39:12Vous avez toutes les mémoires de guerre intégralement dans ce livre.
39:15Oui, oui, oui.
39:16Pléiade chez Gallimard, donc je ne dis pas de bêtises, c'est ça ?
39:18C'est ça.
39:19Mais là, c'est bouquin.
39:20Est-ce que je vois, parce que je...
39:22Olivier, je vois la biographie, parce qu'il y a eu d'autres biographies par Jean-Luc Barré,
39:28je vois celle de François Mauriac.
39:30Quand les gens recherchent, les gens sont intéressés par l'histoire,
39:33les lecteurs, les clients ici sont intéressés par l'histoire.
39:35Est-ce qu'ils recherchent quel type de livre d'histoire ?
39:38Est-ce que la bio est très recherchée ?
39:41Alors, la biographie, je crois pouvoir dire que les Français sont très attachés aux biographies,
39:49contrairement à d'autres pays en Europe.
39:52Beaucoup de libraires, nous, on a commencé à le faire,
39:56c'est-à-dire qu'on a créé un rayon biographie.
39:58C'est-à-dire qu'on y intègre dans ce rayon biographie,
40:02les biographies historiques, évidemment,
40:04les biographies scientifiques, les à l'actualité.
40:08Voilà, il n'y a que le sport qu'on n'a pas réussi à intégrer.
40:11C'est quand même assez difficile.
40:13On les met plutôt dans le sport.
40:14Non, non, mais c'est vraiment un genre majeur.
40:19Et l'histoire, oui.
40:20Alors, est-ce qu'en France, globalement,
40:23alors, contrairement à une idée reçue,
40:25tout le monde lit de l'histoire,
40:27beaucoup plus les hommes que les femmes,
40:30même si les femmes ont investi...
40:32Les femmes, elles la font.
40:32Tous les gens, elles la font.
40:34C'est pas plaisir.
40:35Ah, ça, c'est Vianney, c'est...
40:36C'est l'enfant de plaisir.
40:37C'est le séducteur.
40:38En fait, il a le sens de la répartie,
40:41comme le général de Gaulle.
40:43Beaucoup moins bien que le général.
40:44En moins méchant, parce que le général,
40:45il faut être cruel dans les réparties.
40:48On va en parler, Jean-Luc.
40:49Il n'était pas méchant, mais il faut être cruel.
40:51C'est-à-dire que les Français aiment l'histoire,
40:58aiment la lecture de biographies.
41:01Ça, c'est clair.
41:02L'histoire qui se déroule sous nos yeux,
41:05c'est-à-dire l'actualité,
41:07là, par contre, le livre politique ne marche pas bien.
41:09Alors, le livre...
41:10Non, le livre politique ne marche pas bien,
41:13excepté les livres politiques liés à des révélations,
41:16les sous-ceintures, les querelles,
41:19mais globalement, non.
41:21On est aussi, puisqu'on est dans les Vosges,
41:24on est en Lorraine,
41:24on a un attachement à l'histoire un peu particulier,
41:26parce que là, on va parler demain du général de Gaulle,
41:34mais globalement, les gens restent attachés.
41:36Par exemple, dans le rayon histoire,
41:38on a un sous-rayon,
41:39Première Guerre mondiale, Seconde Guerre mondiale.
41:42Les gens restent très attachés à l'histoire des guerres.
41:47Bien sûr.
41:47Voilà.
41:47Et peut-être encore plus maintenant,
41:49une époque très anxiogène,
41:52par rapport à la situation internationale,
41:55le contexte géopolitique,
41:56ici à Saint-Dié, la géo, ça nous connaît,
42:00et on peut l'étendre même à la cartographie.
42:03Oui, bien sûr.
42:03Bien sûr.
42:04Non, non, on a une clientèle qui est friande,
42:08et pas uniquement une clientèle de professeurs, d'étudiants,
42:12mais moi, je connais, j'ai des clients,
42:15là, j'ai des petits papiers qui viennent le samedi,
42:18qui sont des anciens ouvriers,
42:19qui viennent et me disent,
42:20qu'est-ce que vous avez de palpitant en histoire,
42:23quelque chose de, une bonne bio,
42:25quelque chose qui se raconte.
42:27Et voilà, c'est important.
42:28Oui, surtout quand elles se lisent comme des romans.
42:31Oui.
42:31C'est ce que je disais en début d'émission sur Luc Barré,
42:34c'est un roman d'aventure, ce qu'on lit de De Gaulle,
42:37et puis il y a des belles révélations.
42:40Parlons quand même du style De Gaulle,
42:42puisqu'on est en librairie.
42:43De l'écrivain.
42:44De l'écrivain.
42:45C'est une plume,
42:47on a un petit peu parlé tout à l'heure,
42:48quand on évoquait ses relations avec Pétain,
42:51mais c'est quand même,
42:53de tous les politiques qui se sont mis à la littérature,
42:57c'est quand même le plus grand,
42:58on peut dire les choses comme ça.
43:00Il y a eu un moment, une bataille,
43:01on a essayé d'instaurer une bataille,
43:03Mitterrand-De Gaulle.
43:05Je vous vois sourire.
43:07Non, non, non, mais moi, je crois que François Mitterrand
43:10était un écrivain,
43:11mais le style de De Gaulle est un grand style classique.
43:15D'abord, c'est un grand style qui est aussi proportionné
43:18à la grande histoire qu'il a racontée,
43:19mais quand même, un de ses plus beaux livres,
43:21c'est Le fil de l'épée.
43:22Il l'a écrit avant.
43:24On voit toute la culture classique de De Gaulle,
43:26la culture de...
43:27Il a lu les philosophes antiques,
43:30les écrivains antiques.
43:31Il a lu les écrivains du XVIIe, du XVIIIe.
43:34C'est impressionnant, la culture de cet homme.
43:37Et bien sûr, il admirait le carnet d'Alderay,
43:40il admirait Chateaubriand,
43:42il admirait Vovnargues.
43:44Donc, il s'est sans doute un peu inspiré
43:45de tous ces écrivains-là,
43:46mais c'est un grand écrivain classique,
43:48ce que n'était pas François Mitterrand.
43:50D'où sa parution dans les...
43:53Absolument, on peut les...
43:53Et donc, il est en bouquin,
43:56mais il est aussi dans la Pléiade,
43:57qui quand même, la reconnaissance,
43:59et encore une fois, pour m'être occupé de cette édition,
44:01ça a été une bataille d'ailleurs,
44:02parce qu'à ce moment-là,
44:04il a d'abord été refusé par Ganimard,
44:06qui n'était pas une maison d'édition très gaulliste à l'origine.
44:08Et puis, finalement, ça s'est imposé,
44:12parce qu'effectivement, c'est un écrivain,
44:14c'est un grand écrivain,
44:15c'est un grand écrivain de mémoire,
44:17il y a une tradition de grand mémorialiste,
44:20et il en fait partie aujourd'hui.
44:22Et il a sublimé surtout cette histoire qui était la sienne,
44:26il a su...
44:26D'où l'importance des documents à côté,
44:28parce qu'on n'est pas toujours dans la vérité la plus exacte,
44:30mais on est dans une très belle vérité littéraire aussi
44:32d'une grande épopée française et historique.
44:37Donc, pour avoir travaillé sur ses manuscrits,
44:42ce qui fait de De Gaulle aussi un écrivain,
44:44c'est l'exigence du style,
44:46la difficulté d'écrire.
44:48C'est très impressionnant.
44:49Moi, je me suis trouvé face à 7 à 8 étapes du manuscrit,
44:53tellement il recopiait, il reprenait,
44:55il polissait chaque phrase, etc.
44:57Ce n'est pas une écriture d'ailleurs très spontanée,
44:59c'est une écriture très travaillée,
45:00mais portée par un espèce de souffle extraordinaire.
45:03Il y a...
45:04Vous apportez plein d'éclairages nouveaux,
45:06notamment dans cette biographie,
45:08mais ce qui fait la force de De Gaulle,
45:10sans doute, c'est qu'il reste un mystère.
45:11De Gaulle reste profondément un mystère.
45:15Est-ce que ce n'est pas ça, finalement,
45:16qu'il fait les grandes légendes ?
45:18Je pense à des gens comme...
45:20Alors, il n'y a pas énormément.
45:21On pourrait citer Napoléon,
45:23on pourrait citer...
45:24Il y a De Gaulle, il y a Napoléon,
45:26on peut peut-être mettre Clémenceau,
45:28Jaurès, des gens comme ça.
45:29Mais qu'est-ce qui fait, finalement,
45:31que ces gens-là restent inscrits dans les mémoires
45:34comme des légendes ?
45:36D'abord, moi, je dirais qu'il reste...
45:38Vous savez, il avait dit un jour à Maurice Cove de Murville,
45:41il a dit, oh, après moi,
45:43vous verrez qu'ouvre la légende.
45:45Ce n'était pas assez péjoratif.
45:46Ça veut dire, on va raconter à peu près n'importe quoi.
45:48Bon.
45:49Non, je crois que ce qui comptait pour lui,
45:50c'est le mythe.
45:51Donc, il a fabriqué un mythe.
45:52Oui, d'accord.
45:52Mais ce mythe, il était nécessaire.
45:54D'abord, premièrement, il avait imaginé De Gaulle
45:56dès l'âge de 15 ans.
45:57Donc, déjà, il avait construit ce personnage.
45:59Quand il disait De Gaulle,
46:01ou quand il parlait de lui à la troisième personne,
46:03ce n'était pas Charles, c'était De Gaulle.
46:05Il avait identifié, comme au théâtre, finalement.
46:07Il avait créé un personnage de théâtre.
46:09D'ailleurs, il aimait beaucoup le théâtre.
46:10Il a été un grand acteur de théâtre
46:12sur le plan des conférences de presse, etc.
46:14Mais il avait créé ce personnage.
46:16C'est assez génial.
46:17C'est-à-dire, il se projetait dans un personnage
46:18qui se confondait avec la France.
46:20Quand il parlait de De Gaulle,
46:21il parlait de la France, en fait.
46:22Et ça ne paraissait pas ridicule,
46:25puisque c'était tout à fait réel.
46:27On s'apercevait que c'était tout à fait juste.
46:29Donc, il a créé ce mythe très jeune.
46:33Et il l'a ensuite complété, si je puis dire,
46:36dans Le fil de l'épée,
46:37où il trace le portrait du héros
46:38dont la France aura besoin.
46:39On est en 1932, quand même.
46:41Donc, il projette 8 ans avant
46:43l'homme dont la France aura besoin,
46:44le sauveur, ou en tout cas, le recours.
46:47Et dans le mythe,
46:49le 18 juin est un mythe,
46:50d'une certaine manière.
46:51Puisque là, il faut avoir quand même
46:53le sens de la fiction
46:54et le sens du mythe, précisément,
46:56pour penser que le 18 juin 1940,
46:57on va sauver la France,
46:58alors que la France est effondrée.
47:00Donc, il a créé à ce moment-là,
47:02il a créé un mythe salvateur.
47:05Il a créé les moyens de croire
47:07à quelque chose qui était la France.
47:09Je veux dire, la France n'est pas finie.
47:11J'incarne cette France-là.
47:13Et un peu comme...
47:15C'est une foi quasi mystique.
47:16Il y a quelque chose d'assez mystique
47:17dans cette démarche-là.
47:19Et puis, parmi les mythes,
47:20il y a celui qui a voulu
47:21qu'à la fin de la guerre,
47:23il fasse croire aux Français.
47:24D'ailleurs, c'était nécessaire
47:25que les Français s'étaient libérés
47:27par eux-mêmes,
47:28qu'ils avaient gagné la guerre, etc.
47:29Tout ce qui était, évidemment,
47:30historiquement contestable.
47:31Non pas que les Français
47:32ne se seraient pas battus pour ça,
47:33mais on doit quand même beaucoup...
47:35D'abord, pas tous,
47:35mais on doit quand même beaucoup
47:36aux alliés aussi.
47:37Mais il avait besoin...
47:38C'était nécessaire
47:39de donner à la France
47:40le sentiment
47:40qu'elle était sortie de la défaite,
47:43qu'elle avait guéri
47:43de la défaite,
47:44de l'humiliation
47:44et qu'elle était à nouveau
47:46un grand pays,
47:46une grande puissance.
47:47Il pensait,
47:48il disait clairement aux alliés
47:49que la France était redevenue
47:51une grande puissance,
47:52alors que tout ça
47:52est évidemment assez loin
47:53de la réalité à ce moment-là.
47:55Donc, le mythe...
47:57Mais vous dites mystère.
47:58Moi, je crois qu'il y a
47:59une forme de grâce
48:00chez ces hommes ou ces femmes.
48:02Je pense à Jeanne d'Arc.
48:03Il y a une grâce
48:05qui fait effectivement
48:05qu'il y a quelque chose
48:06de l'ordre de la mystique.
48:07Oui, c'est ça.
48:08Je dirais plus mystique
48:09que mystère.
48:10Et puis, alors,
48:11on dirait tellement
48:12d'autres choses encore.
48:13Oui, non, non.
48:13Il y a l'homme
48:14qui est relativement
48:17méconnu,
48:18mais on n'aura pas
48:19le temps d'en parler.
48:19C'est quand même 44.
48:20Il s'affronte à la fois
48:21aux communistes,
48:23il s'affronte à la fois
48:23aux Américains
48:24qui veulent quand même
48:25mettre...
48:25Bien sûr, bien sûr.
48:26C'est extrêmement compliqué.
48:28Il est dans une situation
48:28compliquée,
48:29mais ça, on le découvre
48:29en partie dans votre livre
48:30qu'il faut aller voir.
48:32Olivier, c'est toi qui...
48:33Oui, en partie, mais...
48:34Il marche bien,
48:35il fonctionne bien,
48:35le livre,
48:35dans les premiers jours
48:37de parution, là.
48:38Je rappelle quand même
48:39le prix Renault 2.
48:40C'est le premier volume,
48:41c'est quand même 25 000 exemplaires.
48:43C'est énorme.
48:44Et là, nous,
48:45les gens l'attendaient.
48:46À la sortie fin octobre,
48:48les gens sont venus
48:49chercher le tome 2
48:49et d'autres personnes.
48:52Donc moi,
48:53quand on finit le tome 2,
48:53on se dit chic.
48:55Il y a la période
48:55d'après 58.
48:57Mais ce volume,
48:59moi, ce qui me paraît
49:00vraiment génial,
49:02je ne trouve pas
49:03d'autres mots,
49:04c'est qu'on va vraiment
49:05dans l'analyse
49:07et sans que ce soit
49:08énergographie.
49:09C'est-à-dire que
49:09c'est un livre
49:10qui est vraiment
49:11accessible
49:13à tous.
49:14Alors, on en parlera peut-être
49:16sur tout ce gaulliste
49:17à l'heure actuelle.
49:19Mais non, non,
49:20c'est un morceau.
49:22C'est un morceau d'histoire.
49:23Je pense en particulier
49:24sur...
49:25On parlait des Américains
49:27et des Anglais.
49:29On n'en a pas parlé
49:30de Churchill.
49:31C'est toute la partie
49:33de Yalta,
49:34la répartition des pays,
49:36c'est passionnant.
49:36On aurait tellement
49:38encore de choses
49:39à dire.
49:39Et alors là,
49:40si on met le nez
49:40chez Churchill,
49:42on est là encore
49:43demain matin.
49:44Bon, mon cher Jean-Luc,
49:45merci vraiment
49:46d'avoir fait ce trajet
49:48pour nous.
49:48Je suis heureux
49:49d'avoir fait ce parcours
49:50avec vous.
49:50Vraiment, ça va.
49:51Et puis merci Olivier.
49:52Oh, bah non, merci.
49:53Moi, je reste là maintenant.
49:54Je ne bouge plus là.
49:55Voilà.
49:55Je reste là.
49:56Merci beaucoup
49:57et à bientôt
49:58sur Marouk.
50:12Ici Lorraine,
50:13craque pour l'émission
50:14sur Marouk,
50:15sur Moselle TV
50:16et Vosges Télévisions.
50:18Ici,
50:19votre radio de proximité
50:20en Lorraine.
Recommandations
0:53
|
À suivre
3:18
0:32
4:52
30:39
59:47
52:02
25:58
1:32
2:43
39:07
Écris le tout premier commentaire