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00:00Bienvenue au Cœur du Crime, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Savez-vous que plus d'un tiers des crimes et délits commis en France sont traités par la Gendarmerie Nationale ?
00:19Je m'appelle Yann Kermadek, je suis commandant de gendarmerie.
00:25Je dirige une section de recherche dont la mission essentielle est une mission de police judiciaire.
00:41L'histoire que je vais vous raconter est une histoire vraie.
00:46Tous les faits sont réels et se sont déroulés en France.
00:50Seuls les noms des personnes et des lieux ont été changés.
00:55Stoddard essaie de se rappeler quand, pour la première fois, lui est venue l'idée de tuer Jérôme Fetterman.
01:09Sans doute l'a-t-il toujours souhaité, même s'il refusait de regarder la vérité en face.
01:16Les gens normaux ne deviennent pas si facilement des meurtriers.
01:20C'est dans les romans policiers ou à la télévision qu'ils voient les meurtres en principe.
01:25Mais ça n'est généralement pas le souci d'un financier respecté, président de banque, philanthrope et citoyen de premier plan, comme Philippe Stoddard.
01:34Assis à sa table de travail, dans le bureau de sa vaste et accueillante maison de campagne,
01:43Stoddard regarde fixement le revolver posé devant lui.
01:47Sa main tremble un peu quand il la porte à son front pour abriter son regard là.
01:52Par quel cheminement, se demande-t-il, par quel cheminement en est-il arrivé à prendre cette décision terrible ?
02:03Tout s'est déroulé si graduellement et pourtant si implacablement et même, oui, si logiquement.
02:11Stoddard pense à Fetterman.
02:16Pas de doute, par certains côtés, le jeune homme lui rappelle le garçon qu'il était lui-même au même âge,
02:23ambitieux et sans scrupule, car Stoddard a piétiné bien des gens,
02:28peut-être même détruit quelque existence pour faire son chemin à la force des poignets
02:33jusqu'à l'apogée de sa fortune et du pouvoir.
02:35En Fetterman, il retrouve cette même passion brutale qu'il a animée.
02:42Fetterman, cependant, représente un cas extrême.
02:47Stoddard est convaincu qu'il ne reculerait devant rien pour arriver à ses fins.
02:53Stoddard commence tout juste à comprendre à quel point il a détesté Fetterman
02:58dès le premier instant ou presque où il a jeté les yeux sur lui.
03:01Le jeune homme est pourtant agréable à voir.
03:07Il a de charmantes manières.
03:10Mais il ne vous regarde jamais droit dans les yeux et sa poignée de main est flasque et moite.
03:17Stoddard regarde sa propre main qui tremble à présent sous ses yeux.
03:23Elle est humide de sueur.
03:25Mais ça n'est pas une main faible ni molle.
03:27Il y a très longtemps qu'il a appris le truc de la poignée de main énergique et du regard direct.
03:34C'est bien là l'ironie.
03:36Fetterman, lui aussi, apprendra ses petits trucs,
03:38ses trucs qui donnent à l'homme faible l'apparence de la force.
03:44La vue de sa propre main le soulève d'un brusque dégoût.
03:47Il se lève vivement sans réfléchir comme pour échapper à quelque chose,
03:55à ses pensées peut-être.
03:59Il va jusqu'à la fenêtre et jette un coup d'œil au dehors.
04:04La propriété s'étend devant lui, vaste et spacieuse au clair de lune.
04:10Elle est à lui maintenant.
04:11Comme ses meubles, ce divan et ses fauteuils de cuir moelleux,
04:16le grand bureau d'acajou, le tapis précieux,
04:18le tableau inestimable accroché au mur.
04:20Tout cela est à lui, bien à lui.
04:25Bizarre comme le crime qu'il s'apprête à commettre déforme sa pensée.
04:30Tous ces symboles de sa fortune le rendent maintenant nerveux,
04:37presque mal à l'aise, comme s'ils avaient des yeux pour le guetter.
04:44Il écarte cette impression et se contraint à ramener son esprit vers Fetterman.
04:50Dès le début, Stoddard a compris ce que cherche le garçon.
04:54Il en veut tout simplement à l'héritage de Margaret,
04:58pas plus difficile que ça.
05:01Stoddard le sait, Stoddard l'a immédiatement compris.
05:05Mais il est incapable d'en convaincre sa fille.
05:09Même les documents probants,
05:11recueillis par une agence de détectives privées fort coûteuses
05:14sur le passé de Fetterman, son précédent mariage,
05:17ses séjours en prison pour faux et agressions,
05:20rien n'a pu convaincre Margaret.
05:24Pauvre Margaret.
05:27Elle a hérité des traits sans beauté de sa mère
05:30au lieu du visage séduisant de son père.
05:34Mais sous son apparence insignifiante,
05:37sous son absence de talent mondain,
05:40se cache de merveilleuses qualités
05:42que Stoddard a espéré voir découvrir un jour
05:44par un jeune homme respectable.
05:47Or, cette éventualité devient de plus en plus improbable.
05:51Margaret a vingt-neuf ans à présent.
05:57Et avant l'apparition du jeune Fetterman,
05:59elle passait tout son temps à la maison.
06:02Pas étonnant qu'elle se soit si follement éprise de ce garçon.
06:07C'est le premier jeune homme à lui avoir témoigné quelque intérêt.
06:12Et voici maintenant qu'il projette de se marier.
06:15Stoddard a bien essayé de se faire à l'idée
06:19qu'il ne va pas pouvoir empêcher ce mariage.
06:22Il s'est dit qu'il va devoir accepter l'inévitable,
06:25mais c'est impossible.
06:27La pensée que sa fortune si chèrement acquise
06:30reviendra un jour à cette méprisable créature
06:33le rend physiquement malade.
06:35Mais de là à aller jusqu'au meurtre.
06:41Évidemment, peut-être que l'idée du meurtre
06:44ne lui serait jamais venue à l'esprit
06:46si Fetterman lui-même ne la lui avait suggérée.
06:51C'était par une soirée de pluie et de vent,
06:54une vraie soirée à parler de violence.
06:57Stoddard se rappelle que c'est lui
06:58qui a engagé la conversation sur ce sujet.
07:01Margaret, qui avait une forte migraine,
07:06les avait laissées pour se coucher de bonne heure.
07:09Fetterman attendait un répit de la verse
07:12pour regagner son arrêt d'autobus.
07:15Stoddard a commencé par parler d'un crime célèbre
07:18qui a bouleversé et intrigué le village
07:21quelques années auparavant.
07:23Fetterman, pour sa part, raconta un meurtre mystérieux
07:27dont il avait lu le récit.
07:28Puis, la conversation roula sur la possibilité
07:32de commettre un crime parfait.
07:34Stoddard prétendait que les moyens de détection moderne
07:37rendaient pratiquement impossible le crime parfait.
07:40Fetterman n'était pas de son avis.
07:43« Par exemple, » avait-il dit,
07:44« je crois que vous pourriez me tuer
07:46et vous tirer d'affaires très facilement. »
07:49« Et comment devrais-je faire pour ne pas être pris ? »
07:53avait demandé Stoddard.
07:55Fetterman avait alors expliqué.
07:56« Vous habitez à un endroit isolé.
07:59Je suppose qu'il vous arrive de temps en temps
08:01d'être importuné par des rôdeurs.
08:05Personne ne me connaît dans le coin.
08:06Peu de gens m'ont rencontré
08:08ou savent que je fréquente votre fille.
08:10Autant de circonstances
08:11qui vous permettraient de m'exécuter sans risque. »
08:15Commence-là.
08:17Commencez par appeler la police
08:19deux ou trois fois par semaine
08:20pour vous couvrir
08:21en vous plaignant de la présence d'un rôdeur.
08:23La police se déplace.
08:26Le rôdeur disparaît.
08:27Mais il revient.
08:29Il ne cesse de vous importuner.
08:31Alors, vous vous mettez en colère
08:32contre les policiers.
08:33Un soir, vous les appelez
08:34pour leur dire que désormais,
08:36vous serez armés.
08:37Puis, vous trouvez un moyen
08:39pour me faire venir ici un soir
08:41où Margaret ne m'attend pas.
08:43Je ne crois pas que cela présente de difficultés.
08:46Ensuite, il ne vous reste qu'à m'attendre dehors.
08:49« Quand j'arrive,
08:51vous me descendez
08:53comme s'il s'agissait du rôdeur.
08:55Vous pouvez prétendre
08:56que vous aviez de nouveau
08:57entendu du bruit dans le jardin.
08:59Vous êtes sorti avec votre revolver,
09:01vous avez vu quelqu'un rôder furtivement,
09:04vous lui avez ordonné
09:05de ne plus bouger
09:05et vous avez cru voir la personne en question
09:08ébaucher un geste menaçant.
09:10Alors, vous avez tiré.
09:12De toute évidence,
09:14il s'agit d'un malheureux accident,
09:16comme on dit.
09:16« Mais vous affirmez aux policiers
09:18qu'on ne m'attendait pas ce soir-là.
09:21Votre propre fille pourra en témoigner. »
09:25Fetterman a allumé une cigarette
09:27en regardant Stoddard.
09:30La pluie fouettait toujours les vitres.
09:32« Qu'en pensez-vous, monsieur Stoddard ? »
09:37a-t-il demandé.
09:39« À première vue,
09:41votre argumentation paraît solide,
09:45a répondu Stoddard.
09:47Mais c'est le cas dans la plupart des crimes,
09:50quand on n'en est encore qu'au projet.
09:52Les défauts,
09:54les failles
09:55n'apparaissent qu'après. »
09:59Comme il se faisait tard,
10:01la conversation a ensuite
10:03quelque peu langui.
10:05Et la verse s'étant transformée
10:07en fin crachin,
10:09Fetterman prit congé.
10:10Stoddard, pour sa part,
10:14avait plutôt mal dormi cette nuit-là.
10:19Moins d'une semaine plus tard,
10:22il appelait la police pour se plaindre
10:23de la présence d'un rôdeur
10:25à proximité de sa maison.
10:27Il y a quinze jours de cela.
10:33Depuis,
10:33il a rappelé à cinq reprises
10:36pour se plaindre du rôdeur.
10:38Et chaque fois,
10:39devant l'impuissance des policiers,
10:42il a faim
10:43une colère plus vive.
10:45Stoddard semble vraiment
10:50vouloir mettre en œuvre
10:52le plan imaginé par Fetterman.
10:55Ira-t-il jusqu'au bout
10:57de son exécution ?
11:00La réponse dans quelques instants.
11:10Président de banque
11:11et financier respecté,
11:13Stoddard déteste Fetterman
11:16qui a séduit sa fille,
11:18l'innocente Margaret,
11:19et qui espère ainsi
11:20devenir son gendre.
11:24Fetterman ressemble beaucoup
11:25au garçon qu'a été Stoddard
11:28dans sa jeunesse,
11:29un jeune homme sans scrupules.
11:32Il se débarrasserait volontiers de lui.
11:36Et un soir,
11:37c'est Fetterman lui-même
11:38qui lui explique
11:39comment il pourrait le faire
11:41sans risque,
11:42en tirant sur lui
11:43par mégarde,
11:44comme s'il avait affaire
11:45à un rôdeur.
11:47Séduit par l'idée,
11:49Stoddard,
11:51insensiblement,
11:53commence à mettre
11:54à exécution
11:55le plan
11:55imaginé par le garçon.
11:59Il commence par téléphoner
12:00régulièrement à la police
12:01pour se plaindre
12:02de la présence
12:04d'un rôdeur.
12:05Deux jours plus tôt,
12:10Stoddard a également prévenu
12:11le lieutenant Wilcox
12:13qu'il sera désormais armé.
12:17En dépit de tous ses préparatifs,
12:20il refusait de croire
12:21qu'il irait jusqu'à mettre
12:22son idée à exécution.
12:24De toute manière,
12:27restait encore un problème
12:28qu'il n'avait pu résoudre.
12:30Comment attirer Fetterman
12:32à la maison
12:32sans que Margaret
12:34soit avertie de sa visite ?
12:38Ils avaient eu cette conversation,
12:39Fetterman et lui,
12:41trois semaines plus tôt.
12:43Selon toute vraisemblance,
12:45Fetterman
12:46devait l'avoir oublié.
12:48Néanmoins,
12:48il risquait de s'en souvenir
12:50et d'avoir des soupçons
12:51si Stoddard lui téléphonait
12:52lui-même
12:53pour l'inviter
12:54à venir le voir.
12:57Stoddard pensait cependant
12:58que le jeu
12:59en valait peut-être
13:00la chandelle.
13:02Toute entreprise
13:02comporte des risques,
13:04non ?
13:06La solution avait finalement
13:08surgi l'après-midi même
13:09et grâce à Fetterman.
13:12Ce dernier avait en effet
13:13téléphoné à Margaret
13:14pour la prévenir
13:15qu'il allait devoir
13:16s'absenter
13:16pour affaire
13:17durant le week-end.
13:19Or, Margaret
13:20n'était pas là.
13:21Comme chaque mercredi,
13:23elle faisait des courses
13:23en ville.
13:25Fetterman avait donc
13:26prié Stoddard
13:27de lui dire
13:28qu'il passerait la voir
13:29ce soir
13:30vers huit heures.
13:32Stoddard avait répondu
13:34qu'il transmettrait
13:35le message à sa fille
13:36puis avait raccroché
13:38d'une main tremblante.
13:42Voici qu'il se retrouve
13:43seul à présent
13:44dans son bureau.
13:46Il s'aperçoit
13:48que,
13:49depuis un moment,
13:51il regarde fixement
13:53un portrait
13:54accroché au-dessus
13:55de la cheminée.
13:58Ce portrait,
13:59c'est celui de Roda,
14:01sa défunte femme.
14:03Il a été peint
14:04à l'époque
14:04où Roda avait à peu près
14:06l'âge de Margaret,
14:07peu de temps
14:08après leur mariage.
14:09Du haut du portrait,
14:13Roda le regarde.
14:15Le tableau est si vivant
14:17qu'il est arrivé à Stoddard
14:19au fil des ans
14:20de lire dans le regard
14:22de sa femme
14:22des expressions
14:24différentes.
14:27Au début,
14:28par exemple,
14:29peu de temps
14:29après sa mort,
14:31les yeux de Roda
14:32étaient accusateurs
14:34et pendant longtemps,
14:36il préféra
14:37éviter son bureau.
14:39Il était incapable
14:39d'affronter ce regard.
14:41Pourtant,
14:43il a laissé
14:43le tableau en place
14:44et il a fini
14:46par revenir
14:46lui faire face.
14:49La conscience
14:50est un luxe
14:52que ne peut se permettre
14:53un homme puissant
14:54et influent,
14:55a-t-il décidé.
14:56Il est parvenu
14:58à écarter
14:59de son esprit
14:59la pensée
15:00qu'il a mené
15:01sa femme au suicide.
15:03D'accord,
15:04il ne l'a jamais aimé,
15:06mais il s'est conduit
15:07convenablement
15:08envers elle,
15:09enfin,
15:10presque tout le temps.
15:13Il se sent pourtant
15:14contraint
15:15aujourd'hui
15:16de s'adresser
15:17au portrait.
15:19« Oui, »
15:21dit-il à haute voix.
15:23« Cette maison
15:24est à moi maintenant. »
15:26« Au début,
15:27c'est vrai,
15:27je vous l'ai prise
15:28à toi
15:29et à ta famille
15:29de snobs,
15:30mais maintenant
15:31je l'ai gagnée.
15:33J'ai travaillé dur.
15:35J'ai fait fructifier
15:36ton argent
15:37beaucoup plus
15:38que tu n'aurais pu
15:38le faire seul.
15:39Toi et les gens
15:40de ton espèce,
15:41vous ne savez pas
15:41ce que c'est
15:41d'avoir faim.
15:43Ce que j'ai fait
15:43est excusable. »
15:47Il voit
15:48que le regard
15:48ne l'accuse plus.
15:51Simplement
15:51une mélancolique
15:52interrogation,
15:54plus terrible
15:55de loin
15:55que l'accusation.
15:59Il se rassoit
15:59devant sa table
16:00et enfouit
16:01son visage
16:01au cru
16:02de ses mains.
16:04Au bout
16:04d'un moment,
16:06il cesse
16:06de trembler
16:07et un grand
16:09calme
16:09l'envahit.
16:12Il consulte
16:13sa montre.
16:15Sept heures
16:16et demie,
16:16juste.
16:18Feterman
16:19sera là
16:19à huit heures précises.
16:20Il a bien
16:21des défauts,
16:22ce jeune homme,
16:22mais il est
16:24ponctuel.
16:27Stoddard
16:27ouvre un tiroir,
16:28il prend une feuille
16:29de papier à lettres,
16:30une enveloppe,
16:31un stylo.
16:32Penché en avant,
16:33il se met
16:34à écrire.
16:36Quand il a fini,
16:38il plie la feuille,
16:39la glisse dans
16:40l'enveloppe,
16:41prédige l'adresse
16:42et pose la lettre
16:44sur la table.
16:46Puis,
16:46il met
16:47le revolver
16:48dans sa poche
16:49et descend
16:50sans bruit
16:51l'escalier
16:51de service.
16:54Margaret est rentrée,
16:55elle est dans
16:56la salle de séjour.
16:58Les domestiques,
16:59quant à eux,
17:00ont regagné
17:00leur chambre
17:01dans l'aile sud.
17:05La nuit
17:05est fraîche.
17:08Stoddard
17:08frissonne.
17:11Il pense
17:12à Margaret,
17:13à sa réaction
17:14devant la mort
17:15de Feterman.
17:16Mais il sait
17:17qu'elle surmontera
17:18son chagrin.
17:19elle est jeune.
17:20Dans six mois,
17:21un an,
17:22elle l'aura oubliée.
17:26La lune
17:27donne assez
17:27de lumière
17:28pour éclairer
17:28une bonne partie
17:29de la grande allée.
17:33Stoddard
17:33avance
17:33précautionneusement
17:35en se maintenant
17:36dans l'ombre
17:37des arbres.
17:40Il est
17:41à moins
17:41de 500 mètres
17:42de la maison
17:42quand il a conscience
17:43d'une présence
17:44proche
17:45derrière lui.
17:47Il fait
17:47vivement
17:48folte face,
17:48mettre retard.
17:49Un coup violent
17:50le fait tomber.
17:51Avant qu'il puisse
17:51réagir,
17:52son revolver
17:53lui est arraché
17:53et jeté au loin.
17:55Il se redresse
17:55péniblement
17:56et lève les yeux
17:57vers la silhouette
17:58qui se dresse
17:59à côté de lui.
18:02« Ainsi,
18:03vous avez suivi
18:04mes conseils ? »
18:06dit Jérôme
18:07Fetterman
18:07tandis qu'un
18:08demi-sourire
18:09lui retrousse
18:10la lèvre.
18:12« Comment ?
18:14Que voulez-vous dire ? »
18:16demande Stoddard.
18:17« Margaret
18:19avait entendu
18:19l'une de vos
18:20conversations
18:20avec la police
18:21à propos du rôdeur.
18:23Elle m'en a parlé
18:24par hasard.
18:25J'ai su
18:25alors que mon plan
18:27se déroulait
18:27à merveille.
18:29Naturellement,
18:30je savais
18:31que vous ne m'appelleriez pas.
18:33Aussi,
18:34ai-je pris
18:34les devants.
18:36« Mais je ne comprends
18:37rien à tout ça ! »
18:39« Vous ne vous rendez
18:40donc pas compte,
18:41espèce de vieux fou ? »
18:43dit Fetterman.
18:44« Que ce soir,
18:46vous allez être
18:46assassiné
18:47par ce rôdeur
18:49que vous aviez
18:50signalé à la police ? »
18:52« Personne ne songera
18:53même à me soupçonner.
18:55Après un délai convenable,
18:56j'épouserai votre
18:57laide ronde fille
18:58et votre fortune
19:00toute entière
19:01m'appartiendra. »
19:04« Ainsi,
19:05j'avais raison. »
19:08murmure Stoddard
19:09comme pour lui-même.
19:10« Vous êtes démoniaque.
19:14Vous êtes
19:14le diable
19:15en personne. »
19:18« N'oubliez pas,
19:18vieux fou,
19:19que vous aviez
19:20le premier
19:20l'intention
19:21de me tuer ! »
19:22dit Fetterman.
19:24« Comment appelez-vous
19:25cela ? »
19:27Il sort
19:28de la poche
19:28de sa veste
19:29un couteau
19:29à cran d'arrêt
19:30qui l'ouvre
19:30d'un geste.
19:31« Le mal
19:32doit être détruit
19:33et je vais m'en charger ! »
19:34s'écrit-il.
19:35La lame
19:36jette des éclairs répétés
19:37jusqu'au moment
19:37où Stoddard
19:38demeure allongé
19:39sur l'herbe,
19:40immobile,
19:41sanglant.
19:43Alors Fetterman
19:44s'empare
19:45du portefeuille
19:45du mort.
19:46Il en ôte
19:47les billets
19:47qu'il fourre
19:48dans sa poche,
19:49puis il déchire
19:49le portefeuille
19:50et le jette
19:51près du corps.
19:53Il ramasse
19:53le révolver
19:54de Stoddard,
19:54l'essuie soigneusement
19:55avec son mouchoir
19:56et le place
19:57dans la main
19:58du cadavre.
20:02Le journal du matin
20:03est plein
20:03du récit
20:04de la mort tragique
20:05de l'un
20:05des plus
20:05distingués
20:06citoyens locaux.
20:07Dans son petit appartement,
20:10Jérôme Fetterman
20:11lit le premier
20:12compte-rendu
20:12du crime.
20:14Plus il avance
20:14dans sa lecture,
20:16plus son sourire
20:17s'élargit.
20:20L'enquête préliminaire,
20:21dit l'article,
20:23indique que
20:23M. Stoddard
20:24a été victime
20:25d'un rôdeur.
20:26Une battue
20:27a été entreprise
20:28pour retrouver
20:29l'assassin.
20:32Fetterman
20:33repose le journal
20:34et boit
20:35une gorgée
20:35de café.
20:37Après une bonne nuit
20:38de sommeil,
20:39il se sent
20:40dans une forme
20:41exceptionnelle.
20:44Il décide
20:45que le mieux
20:46serait pour lui
20:46de se rendre
20:47sans tarder
20:48chez les Stoddards
20:49afin de présenter
20:51ses condoléances
20:52à l'orpheline.
20:54Il se lève,
20:55se dirige
20:56vers sa chambre
20:57pour s'habiller
20:57quand on frappe
20:59vigoureusement
20:59à sa porte.
21:01Il ouvre
21:02et deux policiers
21:04les cartes
21:04pour pénétrer
21:05dans l'appartement.
21:07« Vous êtes bien,
21:08M. Jérôme Fetterman ? »
21:10demande le plus âgé.
21:12« Oui ?
21:13Mais qui êtes-vous ? »
21:15« Je suis
21:15le lieutenant
21:16Wilcox
21:16et voici
21:17le sergent
21:18Hollman.
21:19Je vous arrête,
21:20monsieur. »
21:22« Vous m'arrêtez ?
21:22Mais pour quelle raison ? »
21:24« Pour le meurtre
21:25de Philippe Stoddard, »
21:28dit Wilcox.
21:29« Mais enfin,
21:30c'est ridicule.
21:31Le journal dit
21:31qu'il a été tué
21:32par un rôdeur. »
21:34Le type
21:35qui a écrit
21:35l'article
21:36ignorait
21:37la petite découverte
21:38que nous avons faite
21:39un peu plus tard
21:40dans le bureau
21:41de M. Stoddard.
21:44Une lettre.
21:46Une lettre ?
21:48Le lieutenant
21:49Wilcox
21:49sort de sa poche
21:50une enveloppe
21:51et en tire
21:51une feuille
21:52pliée en quatre
21:53qu'il déplie.
21:55« Vous êtes
21:56très malin,
21:57M. Fetterman,
21:58mais vous avez
21:59négligé
22:00une toute
22:00petite chose. »
22:02« Comme pour votre part
22:04vous ne possédez
22:05pas de conscience,
22:07vous n'avez pas pensé
22:07que M. Stoddard
22:09put en avoir une.
22:11Laissez-moi
22:11vous lire
22:12cette lettre. »
22:14Le lieutenant
22:15se met à lire.
22:17« Cher lieutenant
22:18Wilcox,
22:19je suis sur le point
22:21de commettre
22:22une action
22:22horrible
22:23ce soir
22:24et je sais
22:25pourtant
22:26que j'irai
22:27jusqu'au bout.
22:29Dans quelques instants,
22:30je vais tuer
22:31un jeune homme
22:32nommé
22:33Jérôme
22:33Fetterman. »
22:35Par une ironie
22:36du sort,
22:37c'est le jeune
22:38Fetterman lui-même
22:39qui a mis au point
22:40son propre meurtre
22:41et m'a fourni
22:42pour le commettre
22:42une occasion
22:44inespérée.
22:45C'est lui
22:45qui,
22:46en toute innocence,
22:47m'a suggéré
22:48le truc
22:49du faux rôdeur
22:50pour dissimuler
22:51mon crime.
22:52C'est lui
22:52qui m'a téléphoné
22:53cet après-midi
22:54pour me dire
22:55que ce soir,
22:55à huit heures,
22:56il rendrait à ma fille
22:57une visite inattendue.
23:00Il m'a ainsi fourni,
23:02sans le savoir,
23:03la parfaite occasion
23:04pour le tuer.
23:07Jusqu'au moment
23:08où j'ai commencé
23:09à écrire cette lettre,
23:10j'avais l'intention
23:11de commettre
23:12ce terrible crime
23:13et d'essayer
23:14d'échapper
23:15à un juste châtiment.
23:18J'étais convaincu
23:18qu'il s'agissait
23:19d'un acte dépouillé
23:21de tout égoïsme.
23:23Je pensais le faire
23:24pour sauver ma fille
23:25de cet homme
23:26qui,
23:26j'en suis persuadé,
23:27n'est animé
23:28que des intentions
23:29les plus indignes
23:30à son égard.
23:33Mais voici
23:34que des doutes
23:35m'assaillent.
23:37Je commence
23:38à me rendre compte
23:39que cet homme
23:40est un symbole.
23:42Le symbole,
23:43peut-être,
23:44du mal
23:45que je porte en moi,
23:46un mal
23:47qu'il faut détruire.
23:50Vous le voyez,
23:51lieutenant,
23:52ma haine envers lui
23:53a de profondes racines.
23:55Ma décision est donc prise.
24:00Quand j'aurai commis le crime,
24:03je montrerai moi-même la vie.
24:06Ce n'est que de cette façon
24:08que je serai sûr
24:09d'avoir détruit
24:10ce démon qui est en moi.
24:12« Que Dieu me pardonne. »
24:17Signé
24:18Philippe Stoddard.
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24:29issu des archives
24:30d'Europe 1.
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24:32Julien Tarot.
24:33Production,
24:34Estelle Laffont.
24:35Patrimoine sonore,
24:37Sylvaine Denis,
24:38Laetitia Casanova
24:39et Antoine Reclut.
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24:43est disponible
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