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00:00On passe à notre focus culture de ce vendredi soir avec une figure incontournable de la scène musicale africaine.
00:07Rokia Traoré, la chanteuse malienne aux six albums, aux multiples influences, vient de publier
00:12« Je suis née libre », un récit personnel aux éditions Jean-Claude Lattès,
00:18née d'une longue bataille judiciaire avec un engagement sans faille pour l'art et la liberté,
00:22entre autres hommage aux traditions mandines, combat pour la création, une affirmation de soi.
00:27Elle est avec nous ce soir. Merci Rokia Traoré et bienvenue dans votre Journale de l'Afrique.
00:32Merci de m'accueillir.
00:34Vous avez passé plusieurs mois en prison dans trois pays différents, séparés de vos enfants,
00:39pour une histoire de garde d'enfants au départ. D'abord, comment allez-vous et comment vont vos enfants ?
00:46Je vais bien parce que les enfants vont très bien.
00:50Ça fait plaisir à entendre parce que quand on lit ce récit d'une épreuve judiciaire douloureuse effroyable,
00:57vous êtes arrivée, vous avez été arrêtée en arrivant à Paris le 25 novembre 2019, une première fois.
01:04Alors vous deviez partir à Moscou pour l'opéra du Bolshoi.
01:08Et à partir de là, c'est l'emballement et depuis vous vivez un enfer. Racontez-nous.
01:14Alors je suis arrêtée pour enlèvement, séquestration et prise d'otages.
01:19De votre propre fille ?
01:20Oui, de ma propre fille et surtout que je n'ai pas... Beaucoup de gens comprennent tout de suite que j'ai pris l'enfant,
01:27que je vivais en Belgique et j'ai fui au Mali, comme c'est écrit d'ailleurs sur ce premier mandat d'arrêt européen,
01:34émis avant la fin de l'instruction du dossier et avant mon inculpation.
01:38Parce que c'est grâce à ce mandat d'arrêt européen qu'on va me demander de me rendre librement en Belgique,
01:45parler au juge d'instruction. Donc moi je crois qu'en discutant, en expliquant qu'il y a une erreur que j'ai toujours vécue au Mali depuis longtemps,
01:52ça va s'arrêter. Mais tout commence là. Parce que là, du coup, on achève avec un interrogatoire d'environ deux heures.
01:58Je passe la nuit en garde à vue que je finis à l'hôpital choquée.
02:03Et puis on arrive devant le juge d'instruction après le lendemain vers 16h.
02:06On me dit que je suis inculpée et qu'on me libère pour que je parte au Mali chercher l'enfant et l'amener en territoire belge.
02:15Donc à partir de là, je ne le fais pas. Parce que je ne comprends pas.
02:17Je ne comprends pas cette manière de procéder qui est contraire à ce que je savais de la justice.
02:23Je me sens en insécurité et un parent qui se sent en insécurité protège son enfant.
02:29Comment amener mon enfant dans cette procédure que je ne comprends pas ?
02:33Donc j'avais fait appel. La procédure d'appel était en cours.
02:38Je me dis que je vais attendre cette procédure. Je ne peux pas amener cet enfant.
02:42Mais le juge d'instruction m'avait averti qu'au bout d'un mois, qu'il avait tous les pouvoirs.
02:47Et qu'au bout d'un mois, il remettait le mandat d'arrêt européen.
02:50Et depuis, la machine ne s'est pas arrêtée.
02:53La machine, pour vous, avec le recul, soyons clairs ici dans le Journal de l'Afrique.
02:59Qu'est-ce qui s'est passé ? Comment vous appelez ce qui vous est arrivé à plusieurs reprises ?
03:04De la prison, que ce soit en France, Fleury Mérogis, que ce soit en Belgique, que ce soit en Italie.
03:13Pourquoi cette machine judiciaire s'est emballée dans votre cas, Oka Traoré ?
03:17En fait, je ne sais pas comment ce dossier a pu exister.
03:22Sachant que ce qu'on appelle enlèvement, qui est une requalification d'une non-présentation d'enfants,
03:28qui est issue d'un dossier, d'une procédure, qui a commencé pendant que je vivais au Mali.
03:34Parce que votre enfant, votre fille habitait avec vous, au Mali, avec la cour du père.
03:39Que le père se plaigne.
03:41Il y a beaucoup de couples, d'histoires, de séparations.
03:44Depuis que les femmes ont le droit de divorcer, ces cas-là sont courants, malheureusement.
03:51Mais il y a des juridictions, il y a des règles.
03:53Donc que cette requête ait été introduite au tribunal de Bruxelles,
03:58au lieu du tribunal de Bamako, ville de résidence habituelle de l'enfant,
04:05est la première question.
04:07En fait, je ne comprends pas ce qui se passe, je ne comprends pas qu'on en arrive là.
04:13Je ne comprends pas que, finalement, l'intérêt supérieur de l'enfant n'est plus au centre du débat.
04:21Mais j'ai l'impression que c'est devenu...
04:23En fait, on me l'a fait comprendre quelques fois que je défie la justice.
04:27Mais j'ai peur, je suis terrorisée.
04:29Je suis une maman qui ne comprend pas.
04:31Et mon refus d'amener cet enfant en attendant au moins que l'appel soit jugé est pris comme un défi.
04:44Donc j'écris à tout le monde, des associations, des ONG de droit de l'enfant,
04:48le ministère de la justice belge, etc., pour leur expliquer.
04:51Attendez au moins qu'il y ait l'appel.
04:52Cet enfant va à l'école.
04:54Elle a un grand frère.
04:54Sa vie est là.
04:55Personne ne m'écoute.
04:56Et je finis en prison et de prison en prison.
04:58C'est vraiment horrible cette histoire de tout ce qui vous est arrivé par la suite.
05:06En prison, vous découvrez aussi une part d'humanité finalement qui est mise au rebut.
05:12Vous rencontrez notamment cette jeune fille.
05:15Moi, ça m'a beaucoup touchée ce moment.
05:17Cette jeune fille qui a 18 ans, qui a l'âge que votre fils avait à ce moment-là.
05:21Et que vous voyez qu'en fait, elle est en détresse aussi.
05:25Et malgré votre cas, vous arrivez quand même à lui tendre la main à cette petite jeune fille.
05:29C'était très compliqué parce que je n'arrivais pas à appeler mon fils.
05:32Puisque j'étais censée être extradée.
05:35Je n'avais pas les mêmes droits.
05:37C'était compliqué.
05:38Je n'avais pas parlé à mes enfants depuis longtemps.
05:40Mais je m'inquiétais pour mon fils qui venait d'avoir le bac et atterri à Paris.
05:43Je n'étais pas là.
05:45Je n'avais réussi à régler une partie des choses.
05:47Mais pas tout.
05:48Donc, je ne sais pas ce qui se passe.
05:50Et puis, il y a cette jeune fille qui a le même âge, qui est belle comme tout, mignonne.
05:54Et qui me dit...
05:55Un jour, je lui dis que mon fils a son âge.
05:57Il me dit que j'aimerais bien le rencontrer, etc.
05:59Et qui va mal.
06:01Qui visiblement se drogue un peu.
06:03Qui est là pour trafic de drogue.
06:05Et c'est perturbant.
06:06Mais en même temps, c'est une enfant.
06:08Et je fais comme je peux.
06:10Et je n'aime pas être avec elle parce que je n'ai pas l'énergie de ça.
06:15Mais quand on est ensemble dans la même cellule...
06:16Oui, elle est difficile.
06:18Vous racontez qu'elle ne range pas.
06:19Ah oui, mais terrible, terrible.
06:21Mais adorable.
06:22Comme une coupée.
06:22Très, très, très belle.
06:23Attachante, quoi.
06:24On dirait attachante aujourd'hui.
06:25Tout à fait.
06:26Et c'est une adolescente, forcément.
06:28Et donc, vous ne renoncez pas à votre part d'humanité dans ce livre.
06:31Et c'est pour ça que, d'ailleurs, c'est marqué.
06:33Vous êtes née libre.
06:34Il y a aussi ce trait.
06:35Vous commencez à un moment donné, au début d'ailleurs,
06:37pour nous raconter l'histoire de votre père, de ce qu'il vous a inculqué,
06:41de votre tradition, de votre fierté mandagne.
06:44J'aimerais qu'on en dise un mot.
06:46Parce qu'il y a un moment donné, dans le livre, vous expliquez,
06:48justement, que votre premier mari, donc celui qui est le père de votre fils,
06:53il y a un moment donné, une avocate qui dit
06:54vous n'allez pas l'emmener au Mali, votre enfant.
06:57En gros, l'Afrique...
06:59Le juge a raison, voilà, vous voulez quand même amener cet enfant au Mali.
07:03Quand même, quand même, quelle idée ?
07:04Si seulement elle connaissait mon Mali.
07:06Exactement.
07:07Et mon Afrique.
07:07Qu'est-ce que vous voulez dire, un mot sur cette Afrique-là,
07:10qui vous habite ?
07:11Cette Afrique-là, ça n'est pas la boue, ne me dérange pas.
07:14D'ailleurs, petite, je me rappelle, ça faisait rire mon père,
07:18parce que quand j'entendais parler de pays sous-developpés, etc.,
07:21et que j'ai compris qu'il s'agissait de l'Afrique,
07:23je disais, mais je ne comprends pas, ici,
07:25il y a le beignet de millet cuits au beurre de karité,
07:31de Mamanassou, qu'on va acheter tous les matins,
07:34et j'adore quand on fait le feu avec le reste d'épis de mille,
07:39après les récoltes, quand on a un peu froid,
07:42et moi, j'adore, on a torse nu, c'est parce qu'on aime,
07:45je ne comprends pas.
07:46On n'est pas sous-développés, on mange très bien ici.
07:48On mange très bien.
07:48Et ça faisait rire mon père.
07:50Et alors, on va vous voir en tant qu'artiste bientôt ?
07:52On va vous recevoir en tant que chanteuse ?
07:54Eh bien, écoutez, j'espère, parce que pendant longtemps,
07:58je n'arrivais plus à chanter, ni à jouer de la guitare, etc.
08:00J'étais totalement perturbée.
08:03Mais c'est vrai que finalement, en reprenant,
08:07et puis on se rappelle qu'on a été chanteuse un jour,
08:09et qu'on adore ça quand même.
08:10Eh bien, on a hâte de vous entendre chanter à nouveau.
08:13Merci beaucoup, Roquia Traoré, d'être venu sur le Journal de l'Afrique.
08:17Je rappelle ce livre.
08:18Je suis née libre aux éditions, Jean-Claude Lattès.
08:21Merci beaucoup.
08:22C'est la fin de ce journal.
08:23Merci à tous ceux qui nous ont regardés partout dans le monde.
08:25Et ce soir, forcément, de Bamako à Bruxelles,
08:28en passant par Paris et Rome.
08:30Restez avec nous, car l'actualité continue sur 15h24.
08:33Merci.
08:33Merci.
08:34Merci.
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