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Société : Documentaire sur les Attentats du 13 novembre 2015 ils racontent ce qu'ils ont vecu
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00:00:00Le soir du 13 novembre 2015, la France était frappée par une série d'attentats les plus meurtriers de l'histoire du pays.
00:00:09Paris et Saint-Denis ont été touchés par ces attaques revendiquées par l'État islamique,
00:00:13et au total, 132 personnes ont été tuées et plusieurs centaines ont été blessées.
00:00:19Aujourd'hui, nous avons tenu à donner la parole à 7 personnes, pour beaucoup victimes du 13 novembre,
00:00:24pour qu'elles puissent partager ce qu'elles ont vécu ce soir-là, mais aussi prendre le temps de raconter l'après.
00:00:29Parmi elles, certaines ont perdu des proches, d'autres ont risqué leur vie en apportant leur aide.
00:00:34Elles seront marquées à jamais par cette soirée.
00:00:37Un immense merci à elles pour leur temps et leurs témoignages.
00:00:41Attention, certains passages de cette vidéo peuvent heurter la sensibilité.
00:00:46Je vous laisse avec leurs paroles, essentielles à entendre, pour ne pas oublier.
00:00:51Je préviens, je gigote beaucoup.
00:00:52On est bon ?
00:00:53À vous faire un clap ?
00:00:54Sinon je le fais moi.
00:00:56C'est bon, on peut y aller.
00:00:5913 novembre 2015, c'est un vendredi, un vendredi 13.
00:01:08Et donc je suis chez moi avec ma fille Opal.
00:01:11Et comme souvent le vendredi, c'est notre habitude, on regarde NCIS à la télé.
00:01:16Il y avait le match de l'équipe de France.
00:01:19Donc personnellement, j'avais prévu de regarder le match avec ma fille à la maison.
00:01:24Et puis, il y avait à la fois des événements à la belle équipe, cet établissement que j'ai depuis qu'il existe.
00:01:30Il y avait l'anniversaire de mon ami qui allait être mon associé, Oda.
00:01:34Donc du coup, je suis passé, je suis resté plus longtemps que prévu.
00:01:38J'étais avec des gens de ma vie, des amis, des associés, des copains.
00:01:42J'étais à la maison, devant mon ordinateur.
00:01:46Et Johan, qui est mon dernier, était devant le match France-Allemagne.
00:01:58Je suis médecin hospitalier au SAMU de Paris, urgentiste.
00:02:02Et ce soir-là, moi j'étais de garde à la régulation.
00:02:05C'est-à-dire que j'étais dans le centre de régulation, derrière un téléphone, à prendre les appels.
00:02:10C'était une soirée calme, il n'y avait pas trop d'activité.
00:02:13Les premières infos qu'on a, c'est qu'il se passe quelque chose à côté du Stade de France.
00:02:20Il y a eu une explosion, c'est à l'extérieur.
00:02:22C'est peut-être une bouteille de gaz près d'une baraque à frites ou d'un resto.
00:02:26En tout cas, il n'y a rien dans le stade, on ne sait pas trop, ce n'est pas clair.
00:02:28Oui, il n'y a rien au Stade de France.
00:02:30Comment ça, il n'y a rien au Stade de France ?
00:02:32Écoute, moi j'ai le manager médical du Stade de France sur l'autre ligne et il n'y a pas d'explosion.
00:02:36Dans le stade, c'est à proximité du stade, c'est à l'extérieur.
00:02:39Il y a une deuxième bombe qui explose.
00:02:43C'est toujours à l'extérieur du stade, mais là, la deuxième, c'est beaucoup plus clair, c'est un type qui s'est fait sauter.
00:02:49À partir de là, les appels explosent.
00:02:51On a beaucoup, beaucoup, beaucoup d'appels.
00:02:53Et en même temps, on a les premiers appels du petit Cambodge, c'est-à-dire qu'on a les premiers appels de fusillade.
00:02:59La situation, elle est très confuse au début.
00:03:07C'est des gens qui sont en véhicule, qui rafalent, qui repartent en véhicule, qui s'arrêtent plus loin et qui rafalent.
00:03:12Donc, il est essentiel de comprendre par où ils passent.
00:03:14Et donc, très vite, moi, je mets quelqu'un à la carte.
00:03:16Et je lui dis, dès qu'il se passe quelque chose, tu me localises l'appel, qu'on ait une vision ensemble.
00:03:21Ça commence le petit Cambodge.
00:03:22Il y a une fusillade qui vient d'éclater, en bas du faubourg du Temple.
00:03:27Je ne vois même pas la police, il y a deux personnes étalées au sol.
00:03:30Après, il y a la bonne bière.
00:03:33Vous êtes au courant d'une fusillade ?
00:03:34Rubi, ça.
00:03:35Ouais, ok.
00:03:36Vous avez besoin d'avoir la faute qui vient de tomber.
00:03:37T'as une notion de victime ?
00:03:39Pas plus que ça, on a un coup de feu sur deux restaurants.
00:03:41Il y a eu une attaque aussi à côté du Palais de la Femme.
00:03:43Donc là, le standard explose.
00:03:45On a beaucoup, beaucoup d'appels.
00:03:46On ne peut pas tous les décrocher, malheureusement.
00:03:48On s'est préparés, mais ça ne suffit pas.
00:03:49J'ai entendu une pétarade très, très forte de la cuisine.
00:03:54Parce qu'il faut dire que nous, on habite à 150 mètres de la belle équipe.
00:03:57C'est un bruit qu'on n'identifie pas immédiatement.
00:04:01C'est une pétarade.
00:04:03Mais moi, j'ai fait mon service militaire et c'est vrai que j'ai tiré avec des armes automatiques.
00:04:07Assez vite dans la tête, ça va faire tilt.
00:04:10C'est beaucoup plus puissant face à les balles que tirent les kalachnikovs.
00:04:16C'est du gros calibre.
00:04:17Le seul son qui se rapprocherait, vous avez déjà vu ces espèces de gros marteaux-piqueurs
00:04:21qui ont monté sur des tracteurs ou sur des véhicules pour casser les routes.
00:04:25Ça va être ça.
00:04:26C'est vraiment un son qu'on n'oublie pas.
00:04:29Et là, je vais hurler à ma fille qu'on quitte la pièce.
00:04:33On se lève et on va se réfugier dans le couloir.
00:04:36L'événement, il dure trois minutes, deux minutes trente.
00:04:39C'est un drôle de burie qu'on prend, je suis au milieu de l'établissement, qu'on prend pour un dégât électrique.
00:04:45Tout le monde est à terre.
00:04:47Après, tout ça dure peut-être trois secondes.
00:04:49Après, je me dis, ah, les petits cons, ils ont dû jeter des pétards.
00:04:53Et après, en levant les yeux avant de dire à tout le monde de rester à terre,
00:04:56je vois quelqu'un avec une kalachnikov pointée vers le sol à 15 mètres de moi,
00:05:04donc en train d'achever quelqu'un.
00:05:05Et là, je me dis, ah, un règlement de compte.
00:05:08Et dans les deux secondes qui suivent, étant donné l'intensité des tirs,
00:05:11je me dis, non, ce n'est pas un règlement de compte, c'est un attentat.
00:05:14J'ai envie de comprendre ce qui se passe en bas de chez moi.
00:05:17Et donc, je vais me rapprocher de la baie vitrée.
00:05:19Et là, je vais voir ces trois individus en bas de chez moi.
00:05:22J'en vois principalement deux.
00:05:24Un, juste en face de moi, qui lui, envoie des rafales sur l'immeuble.
00:05:29Sur la droite, il y en a un autre qui tire sur les véhicules.
00:05:31Et dans ce moment-là, je me rappelle que j'ai mon téléphone à la main.
00:05:36Je suis en train d'attendre la réponse de la police.
00:05:38Là, je me dis, il faut que je fasse des photos.
00:05:43Pendant l'attaque, je pense à Jamila.
00:05:49Parce que je sais qu'elle est sur la terrasse.
00:05:51Jamila, c'était la mère de ma fille,
00:05:53donc une personne plus qu'importante.
00:05:55Après, c'est...
00:05:57Je ne sais pas que je n'ai pas envie d'en parler,
00:05:59mais c'est délicat.
00:05:59Je n'ai pas envie de remuer des choses.
00:06:01Et puis, j'ai un peu de pudeur par rapport à ça.
00:06:02J'ai écrit là-dessus, mais voilà.
00:06:04Et puis, une fois que je les vois remonter dans la voiture,
00:06:07la voiture redémarre, prend la rue de Charonne.
00:06:09J'apprends après, plus tard,
00:06:11qu'ils ont été se faire sauter encore à un resto plus loin
00:06:14sur le boulevard Voltaire.
00:06:16Voilà, ce n'était pas fini.
00:06:17Je dis à ma fille, il faut que je descende.
00:06:19Il y a des blessés en bas, il faut que j'y aille.
00:06:21Allo, ça me parle, bonsoir.
00:06:22Oui, bonjour, monsieur.
00:06:23Il vient d'y avoir une fusillade, rue de Charonne.
00:06:25Devant le palais de la femme, devant le palais de la femme.
00:06:28D'accord.
00:06:28Est-ce qu'il y a des blessés ?
00:06:29Je ne sais pas, je ne suis pas devant.
00:06:31Il y avait un homme avec une mitraillette.
00:06:32Il a tiré sur tous les gens qui étaient dans le bar.
00:06:34Ils font ouvrir les secours immédiatement, monsieur.
00:06:36Il y a eu une fusillade.
00:06:38Ça y est, monsieur, les moyens sont engagés.
00:06:39Bon.
00:06:40Ne vous inquiétez pas, on est prévenus.
00:06:42Je suis sous le choc un peu.
00:06:43Oui, je comprends, je comprends.
00:06:44Il y a eu, je ne sais pas, un tir à la Kalachnikov, je pense.
00:06:49Mon mari va s'occuper d'essayer de contacter Lamia,
00:06:52qui, elle, avait un téléphone qui ne marchait pas de la veille.
00:06:57Johan va apprendre qu'elle est en rendez-vous avec son chéri, etc.
00:07:01Donc, on est en train, les uns et les autres,
00:07:03d'essayer de savoir qui est où, qui est.
00:07:05Voilà.
00:07:06C'est comme ça que ça s'est passé.
00:07:07Une espèce d'effervescence.
00:07:08À ce moment-là, honnêtement, je vais vous le dire,
00:07:12je ne m'inquiète pas pour la mienne.
00:07:16Pas du tout.
00:07:17Je sais qu'elle est en rendez-vous amoureux,
00:07:19donc pour moi, je suis rassurée.
00:07:21Moi, je suis un soignant, à la base.
00:07:22Je travaille à l'hôpital.
00:07:23Je vais monter, grimper, chercher ma trousse de secours,
00:07:25qui est dans un placard en hauteur, avec la pharmacie.
00:07:29Et puis, je vais descendre.
00:07:30Et au moment où je vais ouvrir la porte,
00:07:32déjà, là, il y a un truc qui va me surprendre,
00:07:34c'est le son.
00:07:38Il y a des gens qui courent, il y a des gens qui crient,
00:07:40mais en même temps, c'est assourdi.
00:07:43J'ai l'impression que l'image que j'ai,
00:07:45c'est comme quand il y a de la neige.
00:07:46Quand on marche à un endroit où il y a de la neige,
00:07:48le son, il est bizarre.
00:07:49Et j'arrive sur le côté gauche de la terrasse.
00:07:51Donc, je vais avancer.
00:07:52Et en premier, il y a un corps par terre qui est sans vie.
00:07:57Je ne peux rien faire, je passe au-dessus.
00:07:58Et là, je vais voir, adossé sur une paroi vitrée
00:08:04qu'il y a sur le côté de la vitrine,
00:08:05il y a une jeune femme qui a une plaie à la cuisse
00:08:07et dont le sensor en jet.
00:08:10Donc là, je sais que c'est une blessure artérielle,
00:08:12il faut agir tout de suite.
00:08:14Je vais réussir à poser ma trousse sur une des rares chaises
00:08:17qui était encore debout.
00:08:18Tout était par terre, tout était ravagé.
00:08:21Je vais ouvrir ma trousse, je prends un paquet de compresses,
00:08:23je vais mettre les compresses sur la plaie,
00:08:24j'ai appuie dessus.
00:08:26Et puis, je vais lui demander d'appuyer à son tour
00:08:28pour que moi, je puisse faire autre chose.
00:08:30Elle me répond qu'elle a une balle dans le bras,
00:08:31donc elle ne peut pas appuyer.
00:08:33Là, qu'est-ce que je fais ?
00:08:34Je vais défaire ma ceinture, passer ma ceinture autour
00:08:36et puis serrer jusqu'à arriver au cran.
00:08:40Et ça s'arrête de saigner.
00:08:41Et puis, là, je vais me tourner à droite
00:08:43et je ne vois pas une autre personne,
00:08:46je vois une autre plaie.
00:08:47Et en fait, ma vision, elle s'est resserrée
00:08:49et je ne vois plus que ce que je dois traiter.
00:08:52Je reprends en contact avec le réel
00:08:54au moment où les pompiers vont arriver
00:08:56et où je vais peut-être voir les gyros
00:08:58ou entendre les sirènes.
00:08:59On explique à nos équipes
00:09:02qu'il faut faire attention,
00:09:03que la zone n'est pas sécurisée,
00:09:06de ne pas s'engager si ça tire,
00:09:08de prendre contact avec la police,
00:09:10avec les pompiers sur place.
00:09:12Mais on est bien obligé d'accepter,
00:09:13de prendre un risque.
00:09:14De laisser sur la terrasse, entre autres,
00:09:16un couple de copains, d'amis,
00:09:19qui avaient des enfants,
00:09:20mais là, il n'y a aucun des deux
00:09:21qui allait rentrer.
00:09:21Moi, j'allais rentrer,
00:09:22Djamila, je lui avais fermé les yeux
00:09:24peu de temps avant.
00:09:26J'avais un boulot qui m'attendait.
00:09:28C'était de m'occuper de ma fille
00:09:30puis de lui expliquer ça.
00:09:31Donc, d'avoir cette petite lumière
00:09:33en tête qu'est ma fille
00:09:36m'a sûrement aidé à rester,
00:09:40à garder énormément de sang froid
00:09:41et la tête froide.
00:09:42On va dire au secours ce qu'on a fait
00:09:46et puis ensuite, on les laisse faire.
00:09:48Puis, j'ai qu'une envie,
00:09:49c'est de remonter voir ma fille
00:09:50parce que je l'ai laissée
00:09:51quand même toute seule.
00:09:55Le concert commence à 21h pile,
00:09:58si ce n'est pas 21h05.
00:10:00Et c'est un concert qui est super.
00:10:02C'est la fête, quoi.
00:10:03On est vendredi soir.
00:10:04Eagles of Death Metal,
00:10:05ce n'est pas du tout un groupe de métal,
00:10:06c'est un groupe plutôt de rock'n'roll.
00:10:08C'est cool, en fait.
00:10:08C'est une bonne ambiance.
00:10:09Le Bataclan, sur l'air,
00:10:10il était plein, il était chaud revendu.
00:10:11Il y avait plus de 1500 personnes
00:10:12dans la salle,
00:10:13donc c'était vraiment comble, quoi.
00:10:14La fosse était pleine de gens.
00:10:16Il y avait des gens vraiment partout,
00:10:17c'est dégueulé partout.
00:10:19On vient d'avoir une de nos équipes,
00:10:21à l'instant, au Bataclan,
00:10:22il y a des tirs qui viennent de se faire
00:10:23à l'instant T.
00:10:25Ils demandent renfort poli.
00:10:26Quittez pas, quittez pas, quittez pas.
00:10:28Restez à terre, restez à terre.
00:10:32Qu'est-ce qui se passe ?
00:10:34Moi, je suis au balcon,
00:10:39je suis au premier étage,
00:10:40j'identifie tout de suite
00:10:41que ces coups que j'entends
00:10:42ne proviennent pas du concert
00:10:44ni des instruments musiques
00:10:46ou quoi que ce soit.
00:10:47Je comprends assez vite
00:10:48que c'est des coups de feu.
00:10:49Je vais lever le doute
00:10:50en me penchant par-dessus
00:10:52la barrière, la balustrade,
00:10:54le garde-fou du balcon
00:10:56et je découvre la fosse,
00:10:58ces mêmes gens qui dansaient
00:10:59quelques temps avant,
00:11:00je les découvre allongés au sol
00:11:01et on leur tire dessus.
00:11:02À ce moment-là,
00:11:04moi, je suis à un concert de jazz.
00:11:07Je l'apprends par mon téléphone
00:11:08et on a des weepers aussi.
00:11:11Le message, il est...
00:11:12On est vers 21h50 et quelques,
00:11:15je pense.
00:11:16Et le message, il est
00:11:17« Attentat sur Paris,
00:11:18alerte générale, retour service ».
00:11:20Donc là, la procédure,
00:11:21elle est assez simple.
00:11:22Je prends mon véhicule
00:11:24et je remonte sur notre base
00:11:27pour nous équiper
00:11:29et pour ensuite se dispatcher
00:11:31sur les différents lieux d'attentat.
00:11:34En l'occurrence, dans mon cas,
00:11:35c'était sur le Bataclan.
00:11:36À ce moment-là,
00:11:37j'ai trois sens qui s'activent,
00:11:39qui est la vue, Louis et l'odorat.
00:11:40Parce que je vois ces gens
00:11:41qui sont allongés,
00:11:42j'ai la vue qui est saturée,
00:11:45Louis, parce que j'ai les coups de feu
00:11:46qui continuent
00:11:47et un tir de calage,
00:11:49ça prend beaucoup de place.
00:11:50C'est très, très, très bruyant.
00:11:53Les cris aussi,
00:11:54des gens qui souffrent
00:11:56et qui meurent aussi.
00:11:58Et puis l'odorat,
00:11:59parce que l'odeur de poudre
00:11:59et de sang
00:12:00commence à monter au balcon
00:12:01et c'est une odeur âcre
00:12:03qui est vraiment assez forte.
00:12:05La seule solution que je trouve,
00:12:06c'est d'essayer de m'échapper.
00:12:10Je me dis,
00:12:10si tu descends au rez-de-chaussée,
00:12:11tu vas tomber sur le ou l'étireur.
00:12:13Je me tourne vers une autre porte
00:12:14qui, elle, se trouve...
00:12:17On va dire que si le Bataclan
00:12:18fait un U face à moi,
00:12:19qui se trouve vraiment
00:12:20sur le bras gauche du balcon,
00:12:22au bout du bras gauche du balcon,
00:12:23qui est en fait
00:12:23une toute petite coursive
00:12:24qui fait vraiment 6 mètres de long
00:12:25et 1 mètre 30 de large.
00:12:261 mètre 30,
00:12:26c'est un truc...
00:12:26Enfin, c'est microscopique
00:12:27et qui donne accès aux loges, en fait.
00:12:29Et une fois que je rentre
00:12:30dans ce couloir,
00:12:30je tombe sur une trentaine de personnes
00:12:32qui sont complètement affolées.
00:12:33Donc moi, là,
00:12:34je suis sans froid
00:12:34quand je vous en parle,
00:12:35mais en vrai, non, non.
00:12:35Sur le moment,
00:12:36j'étais très stressé,
00:12:36j'avais très peur.
00:12:37Et donc,
00:12:37je découvre que l'unique truc,
00:12:39la unique chose à faire
00:12:40pour sortir du Bataclan,
00:12:41c'est hypothétiquement
00:12:42sortir par les fenêtres.
00:12:43Et au moment où je me dis ça,
00:12:44j'entends que derrière la porte,
00:12:46pratiquement,
00:12:47les tirs reprennent.
00:12:48Et je me dis,
00:12:48en fait, là,
00:12:49il ne va pas tarder à rentrer,
00:12:50il va tous nous tuer.
00:12:51Je pensais qu'il n'y avait
00:12:52qu'un seul tireur.
00:12:53Et donc,
00:12:53je regarde ces fenêtres
00:12:53comme étant le seul moyen
00:12:55de vie que j'avais à ce moment-là.
00:12:58Et donc,
00:12:59je traverse la fenêtre,
00:13:00une des deux fenêtres,
00:13:02et je décide,
00:13:02je ne sais pas trop pourquoi,
00:13:03d'essayer de grimper
00:13:04sur le toit du Bataclan,
00:13:05sauf que je n'y arrive pas.
00:13:06Et donc,
00:13:06je reste coincé là
00:13:07environ une quinzaine de minutes.
00:13:11C'est un truc complètement dingue.
00:13:13Il y a un mec
00:13:13qui décide de se mettre
00:13:14juste à côté de moi,
00:13:15qui m'a dit qu'il s'appelait Seb.
00:13:16Je dis à Sébastien,
00:13:19là, dans peu de temps,
00:13:20il va y avoir un mec armé
00:13:21qui va passer cette porte.
00:13:22Parce que l'on voyait le couloir,
00:13:23et donc on voyait la porte
00:13:23qui allait s'ouvrir.
00:13:25Il y a un mec
00:13:25qui va passer cette porte
00:13:26et il va être armé.
00:13:27Fait ce qu'il dit, quoi.
00:13:28Le fait est que j'avais raison
00:13:29parce qu'il nous a demandé
00:13:30de descendre,
00:13:30il nous a ordonné de descendre.
00:13:32Et on l'a suivi.
00:13:32Et donc,
00:13:33je vois une dizaine de personnes
00:13:34qui sont assises au sol
00:13:35et un deuxième terroriste,
00:13:37déjà.
00:13:37Donc je comprends
00:13:37qu'il n'est pas tout seul,
00:13:39mais il y en a au moins deux.
00:13:41Et en effet,
00:13:42je tombe sur ces dix otages au sol.
00:13:44Donc je me dis,
00:13:44bon, ça y est,
00:13:45maintenant, c'est à ton tour.
00:13:4620 minutes avant,
00:13:46j'étais encore en train
00:13:47de boire une bière avec un pote.
00:13:48Donc le contraste,
00:13:49il est quand même assez épais.
00:13:55La situation bascule
00:13:56parce qu'il y a un commissaire
00:13:57de la BAC
00:13:57qui rentre dans le Bataclan
00:13:59et qui tire sur un troisième terroriste
00:14:01qui est dû sur scène.
00:14:02Et en tirant sur ce terroriste,
00:14:03il explose.
00:14:05Et les deux autres terroristes
00:14:06qui sont avec nous,
00:14:07eux,
00:14:08ils comprennent que la situation
00:14:09leur échappe.
00:14:09En tout cas,
00:14:10ils ont moins de contrôle,
00:14:11ils ont moins d'assises
00:14:12sur le Bataclan
00:14:14et ils décident de retourner
00:14:16dans ces toutes petites corsives.
00:14:17Donc nous,
00:14:18il y a deux équipes
00:14:20qui vont être faites.
00:14:22Je parle du raid.
00:14:23Il y a deux médecins
00:14:23qui vont partir sur le Bataclan
00:14:25et deux autres sur les terrasses.
00:14:26On arrive,
00:14:27on se garde,
00:14:27d'abord devant le...
00:14:29On voit l'entrée du Bataclan.
00:14:31Il y avait malheureusement déjà
00:14:32des blessés,
00:14:33des morts
00:14:33sur les trottoirs.
00:14:35Et puis,
00:14:35il y avait des policiers,
00:14:37entre autres,
00:14:37il y avait deux policiers
00:14:38à l'angle de la rue,
00:14:39des policiers de la BAC 94
00:14:40qui hurlent
00:14:41« Planquez-vous,
00:14:42ça tire ! »
00:14:43Or,
00:14:43c'est notre mission
00:14:44d'être là
00:14:45parce que justement,
00:14:46il y a des tirs.
00:14:47Mais c'est vrai
00:14:48qu'à ce moment-là,
00:14:49on était donc
00:14:50tout le groupe du raid.
00:14:53On voit dans les yeux,
00:14:54on voit beaucoup de choses.
00:14:55Pendant une fraction de seconde,
00:14:56je me suis dit
00:14:57« Mais qu'est-ce qu'on fait là ? »
00:14:59Sauf que ce qu'on attend
00:15:00de nous,
00:15:01policiers,
00:15:03pompiers,
00:15:03médecins,
00:15:04c'est ensuite
00:15:05d'intervenir
00:15:05et donc
00:15:06de passer de l'émotion
00:15:08à l'action.
00:15:08Du coup,
00:15:14je m'appelle Claire,
00:15:15Claire Rouat.
00:15:17Le 13 novembre 2015,
00:15:19j'étais aux États-Unis.
00:15:21Dans le cadre
00:15:21de mon cursus scolaire,
00:15:23je passais un semestre
00:15:24en Oklahoma.
00:15:25J'avais 21 ans à l'époque.
00:15:27Il devait être 13-14 heures
00:15:28quand j'ai...
00:15:31En fait,
00:15:31on était plusieurs Français
00:15:33là-bas
00:15:33et on avait un groupe
00:15:34sur les réseaux sociaux
00:15:35et ça a commencé
00:15:37à échanger pas mal
00:15:38de news
00:15:39sur ce qui se passait
00:15:41à Paris
00:15:41et à ce moment-là,
00:15:42je ne comprenais pas
00:15:43vraiment ce qui se passait
00:15:44et en tout cas
00:15:45l'ampleur des événements
00:15:46qui avaient lieu à Paris
00:15:48jusqu'à ce qu'en fait
00:15:48j'apprenne que ça se passe
00:15:50dans une salle de concert.
00:15:52Donc à partir de là,
00:15:53j'ai assez vite fait le lien
00:15:54parce que j'avais reçu
00:15:55une photo
00:15:56de ma soeur,
00:15:57ma grande soeur Estelle
00:15:58et son amie le matin
00:16:00et en fait,
00:16:00cette photo-là,
00:16:01il y avait deux places
00:16:02de concert
00:16:03pour les Eagles of Death Metal.
00:16:05Ce qui va se passer,
00:16:06c'est que moi,
00:16:06je ne vais pas passer
00:16:07toute la nuit
00:16:08en régulation.
00:16:09À un moment,
00:16:10moi, je vais repartir,
00:16:12je vais partir
00:16:12pour aller sur le terrain
00:16:13prendre les gens en charge.
00:16:14Et là,
00:16:15on est plusieurs équipes
00:16:15dans une seule ambulance.
00:16:16Je vais monter
00:16:17rue de Charonne.
00:16:18Moi, je prends en charge
00:16:19une jeune femme
00:16:20qui a pris une balle
00:16:21de Kachnikov
00:16:22dans le bassin.
00:16:24On va attendre
00:16:24que la police
00:16:25nous donne le feu vert
00:16:26pour qu'ils escortent
00:16:28la colonne de véhicules
00:16:30jusqu'à l'hôpital Bégin.
00:16:31Donc, on appelle
00:16:31la régulation du SAMU
00:16:32en leur disant
00:16:33« Écoute, nous,
00:16:33on a déposé à Bégin,
00:16:35on est disponible,
00:16:36où est-ce qu'on va ? »
00:16:37Et là, ils nous disent
00:16:38« Tu vas,
00:16:38Fille du Calvaire,
00:16:40boulevard du Fille du Calvaire,
00:16:41il y a un PMA,
00:16:42le PMA du Bataclan.
00:16:43Le PMA,
00:16:44c'est Post-Médical Avancé.
00:16:45C'est là
00:16:45où on accueille
00:16:46les blessés,
00:16:47on les trie,
00:16:48on commence
00:16:49à les traiter
00:16:50et on leur trouve
00:16:51une destination. »
00:16:51Quand on rentre,
00:16:52évidemment,
00:16:53les terroristes
00:16:53sont encore à l'étage,
00:16:55donc il y a la Béerie
00:16:55qui prépare l'assaut
00:16:57et puis il y a le RAID
00:16:59qui aussi est en train
00:17:01de fouiller
00:17:02et de sécuriser
00:17:03l'ensemble du théâtre.
00:17:04Mon rôle,
00:17:05il est uniquement
00:17:05d'organiser
00:17:06l'évacuation
00:17:07des blessés
00:17:09tout en étant intégré
00:17:11à un service
00:17:12d'intervention
00:17:13qui est là surtout
00:17:14pour neutraliser la menace.
00:17:16Les terroristes,
00:17:16ils étaient dans une posture
00:17:17ultra violente,
00:17:19ils étaient sûrs
00:17:20de ce qu'ils faisaient,
00:17:20je ne sais pas comment
00:17:21mieux dire ça,
00:17:21mais ils étaient
00:17:22dans une espèce
00:17:22de mission.
00:17:25Nous, forcément,
00:17:25on est otage,
00:17:26on ne peut pas leur parler,
00:17:26on ne peut pas leur dire
00:17:27« Arrêtez les gars,
00:17:28on se casse maintenant,
00:17:28ça ne marche pas comme ça. »
00:17:30Une prise d'otage,
00:17:30il faut le comprendre,
00:17:31on devient l'objet de quelqu'un.
00:17:32En l'occurrence,
00:17:32l'un des objets
00:17:33de deux hommes armés
00:17:34qui étaient en plus piégés
00:17:35et ils parlaient
00:17:37de Daesh,
00:17:38de l'État islamique,
00:17:38etc.
00:17:39Ils essaient de justifier
00:17:40aussi la raison
00:17:41pour laquelle ils étaient là
00:17:42et je pense sincèrement
00:17:43encore aujourd'hui
00:17:43que cette prise d'otage
00:17:44n'était pas prévue.
00:17:45Mon premier réflexe
00:17:46a été d'appeler ma sœur
00:17:47à plusieurs reprises
00:17:48et c'était des appels
00:17:49sans réponse.
00:17:51Donc,
00:17:52la seconde étape,
00:17:53ça a été d'appeler mes parents
00:17:54pour aussi savoir
00:17:56s'ils avaient des nouvelles.
00:17:57Directement,
00:17:58c'est le premier réflexe
00:17:59qui m'est venu.
00:18:00Mes parents n'avaient pas
00:18:01de nouvelles
00:18:01et la seule chose
00:18:03qu'ils m'ont dit,
00:18:03c'est qu'ils doivent être
00:18:04au cinéma.
00:18:05Donc, du coup,
00:18:05c'est moi qui ai dû leur dire
00:18:07qu'ils n'étaient pas au cinéma,
00:18:09ils étaient à un concert
00:18:10et ils étaient à ce concert
00:18:12en particulier.
00:18:12Alors,
00:18:14je n'ai jamais par pudeur
00:18:14jamais voulu trop détailler
00:18:16mais c'est évidemment
00:18:18pire que tout ce
00:18:19qu'on a pu imaginer.
00:18:21Moi,
00:18:22des blessés et des morts,
00:18:24par balle,
00:18:25j'en avais déjà vu
00:18:26beaucoup
00:18:27mais on est dans
00:18:29autre chose.
00:18:30On ne pouvait qu'assister
00:18:31à ces gens qui souffrent
00:18:34et quelque part,
00:18:36ça crée une forte culpabilité
00:18:37en fait.
00:18:37On entend des gens agonisés,
00:18:40c'est un truc
00:18:40qui nous poursuit encore aujourd'hui.
00:18:41Moi, j'y pense encore régulièrement.
00:18:43Quand tu interviens
00:18:44en tant que secouriste,
00:18:46médecin,
00:18:47et parce qu'il y a
00:18:48beaucoup de victimes,
00:18:49tu dois prioriser.
00:18:50Tu dois faire des choix,
00:18:52tu dois prendre des décisions
00:18:53mais il ne faut pas imaginer
00:18:54que c'est
00:18:55tiens,
00:18:56tu pourrais survivre
00:18:58mais j'ai décidé
00:18:59de ne pas m'occuper de toi.
00:19:00Ce n'est pas comme ça,
00:19:01ce n'est pas ça du tout.
00:19:02C'est qui je soigne en premier
00:19:04ou qui je fais sortir en premier
00:19:06mais tout le monde va sortir.
00:19:08Enfin,
00:19:08l'objectif,
00:19:09c'est que tout le monde sorte.
00:19:10Moi, je me souviens très bien
00:19:11d'une scène
00:19:12où je demande au policier
00:19:14de s'occuper d'un jeune homme
00:19:15plutôt que d'une jeune femme
00:19:16parce qu'avec ma connaissance médicale,
00:19:19je sais que lui
00:19:20a beaucoup plus de chances
00:19:22de survivre
00:19:23qu'elle.
00:19:24Le temps,
00:19:25évidemment,
00:19:26malheureusement,
00:19:27ça allait être très déterminant.
00:19:29J'arrive au PMA,
00:19:30il y a des gens dans tous les sens,
00:19:32il y a des ambulances
00:19:32dans tous les sens,
00:19:33il y a des gens aux fenêtres
00:19:34et je n'ai même pas le temps
00:19:34de rentrer dans le PMA
00:19:35quand on me dit
00:19:36tiens,
00:19:36si tu es dispo,
00:19:37tu prends,
00:19:38il y a un blessé là,
00:19:39ce monsieur,
00:19:40il va aller à Saint-Antoine.
00:19:41En fait,
00:19:41il y a eu deux temps,
00:19:42il y a eu un moment
00:19:42le plus urgent,
00:19:44c'était pour nous,
00:19:45c'était la fosse,
00:19:46c'est tout le rez-de-chaussée
00:19:46parce qu'il y avait des gens,
00:19:47il faut imaginer
00:19:48qu'il y avait des gens partout
00:19:49et on savait
00:19:50qu'il y avait encore
00:19:50beaucoup de personnes
00:19:52qui étaient en haut
00:19:53du Bataclan.
00:19:54Quand le commandant Ops
00:19:56me dit
00:19:56il y a plus de 80
00:19:58ou 100 personnes
00:19:58encore sur le toit
00:20:01et dans les bureaux
00:20:02et qu'on avait déjà,
00:20:03ça faisait quasiment
00:20:05trois quarts d'heure
00:20:06qu'on était là,
00:20:07je lui dis
00:20:07mais on ne va jamais
00:20:08s'en sortir.
00:20:09Au total,
00:20:09il y a six coups de fil
00:20:10qui sont passés
00:20:11entre les preneurs d'otages
00:20:12et la BRI,
00:20:13donc c'est la brigade
00:20:14de recherche et d'intervention
00:20:15de la préfecture de police
00:20:16de Paris
00:20:16parce qu'il y a un négociateur
00:20:18et ce négociateur,
00:20:20il essaie
00:20:20de trouver une issue
00:20:21en fait,
00:20:22d'essayer soit
00:20:23d'échanger des otages
00:20:24ou de libérer
00:20:24une partie des otages,
00:20:25etc.
00:20:25Mais il n'y a aucun espoir
00:20:27de rédition
00:20:28de ces terroristes
00:20:29et nous,
00:20:30on le savait bien
00:20:30parce qu'on était
00:20:31de l'autre côté
00:20:31de cette porte.
00:20:32Au bout du sixième appel,
00:20:33je me dis
00:20:33ouais,
00:20:33mais ça va aller où ?
00:20:34Je commence à me dire
00:20:35parce qu'au bout de deux heures,
00:20:37on reprend un peu
00:20:37de faculté intellectuelle
00:20:38et en réalité,
00:20:39ce dernier coup de fil
00:20:40a lieu
00:20:41et moi,
00:20:42je me rends compte
00:20:43parce qu'on entend
00:20:43des bruits
00:20:43derrière cette porte
00:20:44mais on ne sait pas
00:20:44ce que c'est,
00:20:45on ne sait pas
00:20:45si c'est des victimes,
00:20:46on ne sait pas
00:20:46si c'est les secours,
00:20:47on ne sait pas en fait.
00:20:49Le dernier coup de fil
00:20:49est passé
00:20:50et puis en fait,
00:20:50un coup énorme
00:20:51est donné sur la porte
00:20:53et puis l'assaut est lancé en fait.
00:20:54On avait un décompte,
00:21:01j'ai entendu aussi
00:21:02des tirs
00:21:04donc il y a une angoisse
00:21:05pour nous aussi
00:21:07de voir des copains
00:21:08tomber,
00:21:10les otages évidemment,
00:21:12c'est un moment difficile.
00:21:14Ce que je peux dire
00:21:14de l'assaut,
00:21:14c'est qu'il était
00:21:15extrêmement violent
00:21:16et extrêmement rapide.
00:21:17L'assaut,
00:21:17il a duré une minute 40
00:21:18au grand maximum
00:21:19sauf que durant
00:21:20une minute 40,
00:21:21une minute 37,
00:21:22à chaque seconde,
00:21:23je me disais
00:21:24je vais y passer
00:21:24je vais y passer,
00:21:25je vais y passer,
00:21:25je vais y passer
00:21:26et jusqu'au moment
00:21:27où en fait,
00:21:28c'est un des deux terroristes,
00:21:29il voit la police rentrer,
00:21:30il tire ses 27 coups de feu
00:21:32sur ce bouclier de la BRI
00:21:33et à la fin,
00:21:34une fois qu'il n'a plus d'options,
00:21:35il se fait exploser.
00:21:35Les gens sont étonnés
00:21:36quand j'en parle,
00:21:37je leur dis
00:21:37ouais,
00:21:37il s'est fait exploser
00:21:38à un mètre de moi.
00:21:39Son intention finale,
00:21:40c'était de nous tuer tous en fait.
00:21:41La chance fait que
00:21:42aucun des otages
00:21:44n'est blessé grièvement
00:21:45et l'autre chance,
00:21:46c'est qu'en fait,
00:21:47aucun des hommes
00:21:47de la BRI non plus
00:21:48il n'est vraiment gravement touché
00:21:49et l'autre chance,
00:21:51c'est celle que
00:21:51le moment où il se fait exploser,
00:21:53la seule victime létale
00:21:54de ce gilet d'explosif,
00:21:56c'est son comparse.
00:21:57On souffle,
00:21:59on n'était pas en sécurité totale
00:22:01parce qu'il peut y avoir
00:22:02un sur-attentat
00:22:02mais c'était déjà quand même
00:22:05un énorme soulagement.
00:22:08Donc on est sortis du couloir
00:22:09un peu manu militari,
00:22:10moi j'ai quelqu'un
00:22:10qui m'attrape par les cheveux
00:22:11et la ceinture
00:22:12et qui me jette
00:22:12à l'entrée du couloir.
00:22:13J'arrive dans ce truc,
00:22:14il y avait des gravats par terre,
00:22:16de la limaille de fer
00:22:17et d'autres choses
00:22:18pas très cool.
00:22:19C'est bête mais en fait
00:22:20quand on sort du couloir,
00:22:21nous les otages
00:22:22et moi quand je sors du couloir,
00:22:23je me dis c'est fini.
00:22:24C'est-à-dire au Bataclan,
00:22:25il n'y a pas de mort,
00:22:26il n'y a pas de sang,
00:22:28il n'y a pas de téléphone
00:22:29qui vibre par terre
00:22:30et qui s'allume
00:22:30avec des papas, mamans,
00:22:32il n'y a pas tout ça en fait.
00:22:33Sauf qu'en réalité
00:22:34quand on sort du couloir,
00:22:35on tombe sur des d'autres policiers
00:22:37qui sont un peu des phares
00:22:38dans l'obscurité
00:22:39qui nous éclairent comme ça
00:22:40pour qu'on aille vers eux.
00:22:43Et donc on retourne
00:22:44dans les couloirs du Bataclan,
00:22:46on finit par descendre
00:22:47au rez-de-chaussée
00:22:48et en fait on tombe
00:22:50sur le bar
00:22:51qui lui-même donne
00:22:52sur la fosse.
00:22:54Et là c'est un charnier.
00:22:55Et on a ce policier
00:22:56que tout le monde cite
00:22:57qui dit ne regardez pas
00:22:59et en fait tout le monde regarde.
00:23:00Et donc là je pense
00:23:01que c'est ce qui est inscrit
00:23:02le plus l'irréel
00:23:05par rapport à ce qu'on a vécu
00:23:07nous dans ce couloir
00:23:08où en fait on a passé
00:23:08ces deux heures et demie
00:23:09avec ces terroristes
00:23:10qui ont fait ça.
00:23:11Et on est encore là.
00:23:12Donc c'est bizarre
00:23:14mais c'est à ce moment-là
00:23:14que moi j'ai compris
00:23:15d'une part la chance que j'ai
00:23:17et la malchance que j'ai
00:23:18d'avoir survécu quelque part.
00:23:20Parce que c'est un poison ensuite.
00:23:21Je sors du couloir
00:23:22le premier truc que je dis
00:23:23c'est putain je suis en vie quoi.
00:23:25Mais c'est vraiment une sensation.
00:23:27C'est un truc
00:23:28je pense que je ne saurais
00:23:29même pas mettre de mots
00:23:30exactement sur
00:23:31la puissance
00:23:33de cette pensée là quoi.
00:23:35Je suis vivant en fait.
00:23:36Je suis vivant.
00:23:37Je viens de vivre
00:23:38deux heures et demie
00:23:38complètement horrible.
00:23:40C'est un film d'horreur.
00:23:41Mais je suis vivant.
00:23:42et c'est une sensation
00:23:43qui m'a suivi pendant longtemps.
00:23:44Ma mission en tant que médecin
00:23:46de RAID
00:23:47elle s'arrête
00:23:48quand tout le monde
00:23:49est sorti de cette zone
00:23:50dite de rouge.
00:23:52Après c'est le rôle
00:23:53des pompiers
00:23:53puis SAMU
00:23:54puis à l'hôpital.
00:23:56Mon rôle
00:23:56c'était à cet endroit-là
00:23:58terminé.
00:24:01Une fois que je vais rentrer
00:24:02chez moi
00:24:02je vais déjà
00:24:03rassurer ma fille.
00:24:05J'imagine
00:24:06qu'elle est assez heureuse
00:24:07de me voir de nouveau.
00:24:08Maintenant
00:24:09est-ce que ça
00:24:09je pense pas
00:24:10que ça ait suffi
00:24:11à effacer
00:24:13l'angoisse
00:24:13qu'elle avait vécu
00:24:14de me voir en bas.
00:24:16Puis il y a quelque chose
00:24:17que je raconte pas
00:24:20mais voilà
00:24:20j'ai mes chaussures
00:24:21j'ai tout ce que j'ai
00:24:23sous mes chaussures
00:24:23parce que j'ai quand même
00:24:25marché dans ce
00:24:26ce massacre
00:24:29et puis je veux pas
00:24:31que ça rentre chez moi
00:24:32donc voilà
00:24:34je vais prendre un certain
00:24:36un temps
00:24:36pour retirer
00:24:38dans la douche
00:24:39tout ce qu'il y a
00:24:39sous les chaussures.
00:24:41J'ai reçu un appel
00:24:42de mon père à nouveau
00:24:43et quand j'ai décroché
00:24:46il avait une voix
00:24:47super rassurante
00:24:48j'ai vraiment cru
00:24:49à une bonne nouvelle
00:24:50et il m'a dit
00:24:51quelque chose comme
00:24:52son ami s'en est sorti
00:24:55il a été blessé
00:24:56d'une balle dans la jambe
00:24:58mais celle, elle
00:24:58s'en est pas sortie.
00:25:01Vers une heure du matin
00:25:02Johan va me
00:25:04va me presser
00:25:06pour que j'appelle
00:25:07ce fameux numéro
00:25:08d'urgence
00:25:09qu'on avait mis
00:25:11pour les familles
00:25:12et c'est vrai que moi
00:25:13j'avais dû
00:25:13je voulais pas appeler
00:25:16parce qu'appeler
00:25:18ça voulait dire reconnaître
00:25:19qu'il y a un problème
00:25:20donc j'essaye de les appeler
00:25:21c'est saturé
00:25:22j'essaye, j'essaye
00:25:23jusqu'à ce que j'auraient
00:25:25quelqu'un
00:25:25au bout du fil
00:25:26voix très calme
00:25:29très rassurante
00:25:30pour me dire
00:25:31que la mienne
00:25:32n'est pas
00:25:33sur les listes
00:25:36voilà
00:25:36et que j'avais pas besoin
00:25:38de rappeler
00:25:39je crois que je me suis assoupie
00:25:41vers 4h du matin
00:25:42jusqu'à 6h
00:25:43je sais pas
00:25:44assise sur une chaise
00:25:45moi j'ai ces photos
00:25:46que je veux redescendre
00:25:47donner à la police
00:25:49puis ben voilà
00:25:50on a attendu
00:25:51et je crois que c'est
00:25:52aux environ 2h30 du matin
00:25:54que des bus sont arrivés
00:25:56et puis après
00:25:57on va apprendre
00:25:58qu'on nous emmène
00:25:59à la préfecture de police
00:26:00je vais croiser
00:26:01des hommes en noir
00:26:03avec des cagoules
00:26:05des casques
00:26:06des armes lourdes
00:26:07je vois les yeux
00:26:08je vois le
00:26:09voilà
00:26:11ce qu'ils viennent de voir
00:26:12et puis quand je les dépasse
00:26:13je vois marqué
00:26:14BRI dans le dos
00:26:16donc voilà
00:26:17c'était ceux qui sortaient
00:26:18du Bataclan
00:26:19qui ont aussi vu
00:26:21des scènes monstrueuses
00:26:23et ça a beau être des pros
00:26:25ils étaient touchés
00:26:26quoi
00:26:26c'était
00:26:28donc c'est là où je me dis
00:26:29j'ai vu quelque chose
00:26:31de semblable aussi
00:26:32donc il faut que j'aille
00:26:34à la cellule psychologique
00:26:35parce que
00:26:36ce que je viens de vivre
00:26:37c'est pas
00:26:38c'est pas anodin
00:26:39et c'est là où ils vont
00:26:41me dire que
00:26:42qu'il faut que je fasse attention
00:26:43que
00:26:44je peux avoir à un moment
00:26:45une remontée
00:26:46de souvenirs
00:26:47d'émotions
00:26:47de choses
00:26:48qui s'appelle
00:26:49le syndrome de stress
00:26:50post-traumatique
00:26:51ma fille était
00:26:52chez mon voisin
00:26:53avec le fils de mon voisin
00:26:54elle avait
00:26:55elle avait 8 ans
00:26:56elle avait
00:26:56elle avait un petit plâtre
00:26:57c'était une des raisons
00:26:58d'ailleurs qui fait qu'elle n'était pas
00:26:59avec nous ce soir là
00:27:00j'étais chercher
00:27:01de l'aide
00:27:02à la mairie du 11ème
00:27:04enfin dans les locaux
00:27:05de la mairie du 11ème
00:27:06j'avais un psychologue
00:27:07pour lui demander
00:27:08comment je fais demain matin
00:27:09avoir une aide là-dessus
00:27:10quoi
00:27:10pour trouver les mots justes
00:27:12quoi
00:27:12cette petite fille
00:27:13elle a perdu sa vraiment
00:27:13déjà comprendre
00:27:14ce que c'est
00:27:15à 8 ans
00:27:15de perdre quelqu'un
00:27:16c'est compliqué
00:27:17ça c'est encore plus dur
00:27:18à raconter
00:27:18que ce qui s'est passé
00:27:19ce soir là
00:27:19au moment où on arrive
00:27:22à notre quartier général
00:27:24c'est un moment
00:27:25où on a besoin
00:27:27de se vider
00:27:27moi j'ai pris
00:27:28une douche
00:27:29très longue
00:27:30j'en avais besoin
00:27:32il y a des odeurs
00:27:36il y a du sang
00:27:38il y a de ça
00:27:38on a besoin
00:27:39il y a un sas physique
00:27:41puis après
00:27:42il y a un sas psychologique
00:27:43et moi
00:27:46l'idée
00:27:46que j'ai eue
00:27:47c'était de rentrer
00:27:48chez moi
00:27:48comme si c'était
00:27:50un matin normal
00:27:52je suis resté
00:27:53pendant
00:27:53je ne sais plus
00:27:54mais un temps certain
00:27:56dans ma bagnole
00:27:57à rien foutre
00:27:59hors du temps
00:28:02à attendre
00:28:03que la boulangerie
00:28:04où j'étais
00:28:04ouvre
00:28:05pour acheter des croissants
00:28:07pour arriver
00:28:07chez moi
00:28:07et que là
00:28:09qu'une journée
00:28:10normale
00:28:11commence
00:28:12j'ai reçu un sms
00:28:13de l'autre médecin
00:28:14qui était avec moi
00:28:16c'était
00:28:16merci
00:28:17parce que
00:28:19ensemble
00:28:21on a fait un travail
00:28:22que je n'avais jamais imaginé
00:28:25un truc un peu comme ça
00:28:26pour moi
00:28:26ça a résumé
00:28:27beaucoup de choses
00:28:29j'ai versé mes larmes
00:28:30je trouve enfin moyen
00:28:31de donner des nouvelles
00:28:31à mes proches
00:28:32quand même
00:28:32on était 5 à venir
00:28:33on est 5 à repartir
00:28:34de ce côté là
00:28:35tout va bien
00:28:35mais je découvre aussi
00:28:36le fait qu'il y avait
00:28:37d'autres attentats dans Paris
00:28:38les terrasses
00:28:39au stade de France
00:28:39et en fait
00:28:41je me prends un peu
00:28:42le monde sur la tête
00:28:43parce qu'on a été emmené
00:28:44au 36 cas des Orphèves
00:28:45où je l'ai déposé
00:28:46pendant 5 heures
00:28:47je n'ai pas vraiment dormi
00:28:48j'ai dû dormir 2 heures
00:28:49donc je me rappelle bien
00:28:50de fermer les yeux
00:28:51de me réveiller
00:28:51et d'être arrivé
00:28:53chez Guillaume
00:28:53et que Guillaume
00:28:54on était barman
00:28:55et il a dit
00:28:57non mais il faut qu'on boive en verre
00:28:58et il a préparé des tiponches
00:28:59et je me rappellerai
00:29:02toute ma vie
00:29:02de ce tiponche
00:29:02comme tous les blessés
00:29:06ont été transportés
00:29:07le travail
00:29:08c'est dans les hôpitaux
00:29:08quand je retourne
00:29:09à la régulation
00:29:10on n'a plus d'appel
00:29:11il n'y a plus d'appel
00:29:12c'est lunaire
00:29:13il n'y a plus du tout d'appel
00:29:14donc ma collègue
00:29:15elle me voit
00:29:16elle me dit
00:29:16toi tu vas te doucher
00:29:17tu vas dormir un peu
00:29:18et tu reviens après
00:29:19à 7h du matin
00:29:20je reviens la relever
00:29:21parce qu'elle
00:29:22elle a fait
00:29:22toute la nuit
00:29:23et on commence
00:29:24à voir les appels
00:29:24des gens
00:29:25qui cherchent leurs proches
00:29:26sa colloque
00:29:27va nous appeler
00:29:27pour nous dire
00:29:28qu'elle est à l'hôpital
00:29:29Béjart
00:29:30donc on va se précipiter
00:29:32à l'hôpital Béjart
00:29:33et on me dit
00:29:34ah mais non
00:29:34elle n'est pas là
00:29:35donc on rappelique
00:29:37à la maison
00:29:38et là honnêtement
00:29:40moi je suis complètement dépassée
00:29:41je commence à m'inquiéter
00:29:43je sais que
00:29:45je pense avoir envoyé
00:29:47à mes frères et soeurs
00:29:48un mot
00:29:48vers midi
00:29:51en leur disant
00:29:52je ne veux pas m'inquiéter
00:29:53je mets ça sur le compte
00:29:55d'une grâce mate
00:29:57en fait je suis dans le déni
00:29:58je pense
00:29:59pour moi
00:29:59ils sont les deux
00:30:01ensemble
00:30:02ils n'ont rien vu
00:30:03ils filent
00:30:06le doux amour
00:30:07et on commence
00:30:08à faire les listes
00:30:09alors le nombre
00:30:10de morts et de blessés
00:30:11on l'a à peu près
00:30:12à 5-6 près
00:30:13on a le nombre
00:30:15mais on n'a pas
00:30:16les identités
00:30:17ça ça va prendre
00:30:18des jours
00:30:19pour avoir les listes
00:30:20établies
00:30:20parce que
00:30:21c'est des centaines
00:30:23de morts et de blessés
00:30:24c'est un volume
00:30:25de destruction
00:30:28d'humains
00:30:29qui est calamiteuse
00:30:31qui est énorme
00:30:31Jean-François
00:30:32mon mari
00:30:34va recevoir
00:30:35un appel
00:30:37de la famille
00:30:37de Romain
00:30:38pour dire
00:30:39que Romain
00:30:40est sur les
00:30:42ils ont reçu
00:30:42un appel
00:30:43pour avertir
00:30:44que Romain
00:30:44était décédé
00:30:45donc ça
00:30:47c'est vers 13h
00:30:48et puis
00:30:49et puis là
00:30:51et puis
00:30:54ils vont dépêcher
00:30:55une amie
00:30:57qui est sur Paris
00:30:58pour aller
00:30:58à l'Institut
00:31:00Médico-Légal
00:31:01qui elle
00:31:04va rappeler
00:31:04Jean-François
00:31:05et va lui dire
00:31:07je vais être brutale
00:31:08mais
00:31:09la mienne
00:31:10est sur les listes
00:31:10voilà
00:31:11donc à 2h
00:31:11de l'après-midi
00:31:12on va apprendre
00:31:13que la mienne
00:31:13est sur les listes
00:31:14c'est pas effondré
00:31:18c'est
00:31:19moi perso
00:31:20c'est comme si
00:31:22ma tête
00:31:22était partie là-haut
00:31:23et que je regardais
00:31:24en bas
00:31:25voilà
00:31:25donc là
00:31:27on apprend
00:31:27qu'elle est décédée
00:31:28à la belle équipe
00:31:28parce que pour moi
00:31:29elle est peut-être
00:31:29dans la rue
00:31:30elle marchait
00:31:31donc c'est à la belle équipe
00:31:34voilà
00:31:35ça n'avait rien de concret
00:31:37rien de tangible
00:31:38le fait d'être aussi loin
00:31:40je ne pouvais pas
00:31:41être physiquement là
00:31:41présente
00:31:42pour mes parents
00:31:43pour ma famille
00:31:44je ne pouvais pas
00:31:45non plus
00:31:46aller sur place
00:31:48savoir ce qui se passait
00:31:49concrètement
00:31:50donc j'ai dû
00:31:50vivre ça à distance
00:31:52prendre aussi
00:31:52mon mal en patience
00:31:54et ouais
00:31:56c'était difficile
00:31:57d'être loin
00:31:58et en même temps
00:31:59je pense que ça
00:32:00m'a aussi préservée
00:32:01pendant quelques jours
00:32:02il y a eu du coup
00:32:04une première étape
00:32:05qui a été
00:32:05de chercher
00:32:07le corps d'Estelle
00:32:07donc mes parents
00:32:09sont partis sur Paris
00:32:10le lendemain
00:32:11des événements
00:32:12ils ont vécu
00:32:13la confusion
00:32:14le manque d'informations
00:32:16la mauvaise information
00:32:18aussi
00:32:18et surtout
00:32:19la désorganisation
00:32:20en fait
00:32:21qu'un événement
00:32:22d'une telle ampleur
00:32:23peut engendrer
00:32:24malgré
00:32:24les outils
00:32:25qu'on avait
00:32:26qui étaient
00:32:27performants
00:32:28pour le nombre
00:32:28mais qui n'étaient pas
00:32:29performants
00:32:29pour l'identification
00:32:33ça a mis beaucoup
00:32:33de temps
00:32:34il y a eu des listes
00:32:34en parallèle
00:32:35ça a été assez chaotique
00:32:36pour les familles
00:32:37ça a été terrible
00:32:38ils savaient
00:32:39qu'elle était décédée
00:32:40mais on ne savait pas
00:32:41où était son corps
00:32:42donc ils ont pu
00:32:44l'identifier
00:32:45le 17 novembre
00:32:46seulement
00:32:47moi je ne suis pas
00:32:48arrivée à temps
00:32:49pour faire cette
00:32:52identification là
00:32:52parce que j'étais
00:32:53dans l'avion
00:32:53donc ils ont pu
00:32:55voir Estelle
00:32:55à travers une vitre
00:32:56elle était sous
00:32:57un drap blanc
00:32:58et on voyait
00:33:00juste une partie
00:33:00de son visage
00:33:01et bien sûr
00:33:03ils l'ont reconnue
00:33:03tout de suite
00:33:04donc Estelle
00:33:06elle est décédée
00:33:06d'une balle
00:33:07dans l'œil droit
00:33:08elle est décédée
00:33:10sans doute
00:33:11au début
00:33:11de la fusillade
00:33:12et sur le coup
00:33:13donc sans souffrance
00:33:15ce qui est
00:33:16pour nous
00:33:16quelque chose
00:33:17auquel on essaie
00:33:18de se raccrocher aussi
00:33:19donc les jours
00:33:21qui vont suivre
00:33:21ça va être ça
00:33:22c'est à dire
00:33:23ça va être déjà
00:33:25de pouvoir
00:33:27aller la voir
00:33:28et moi naïvement
00:33:30je pense
00:33:30qu'on peut aller
00:33:32à l'IML
00:33:34enfin l'Institut Médico-Légal
00:33:35comme ça
00:33:35à voir nos enfants
00:33:36pas du tout
00:33:38vous avez trois minutes
00:33:39pour voir la personne
00:33:41vous pouvez revenir
00:33:43vous ne devez pas être
00:33:44plus de cinq
00:33:45six personnes
00:33:46etc.
00:33:47donc là déjà
00:33:49c'est un peu
00:33:50un peu dur
00:33:51ensuite
00:33:52de faire les obsèques
00:33:56enfin
00:33:56d'organiser
00:33:58les obsèques
00:33:59c'est très
00:34:01c'est très
00:34:02c'est très
00:34:03spécial
00:34:04c'est très spécial
00:34:06parce que
00:34:06ce n'est pas nous
00:34:07qui prenons en charge
00:34:08tout ça
00:34:08c'est à dire
00:34:09ce qui se passe
00:34:11c'est que c'est
00:34:11l'Institut Médico-Légal
00:34:13que vous devez
00:34:14attendre
00:34:15l'accord
00:34:17l'autorisation
00:34:17du procureur
00:34:18pour pouvoir
00:34:20commencer
00:34:21à penser
00:34:21les obsèques
00:34:22donc la mienne
00:34:23elle va être
00:34:24la cérémonie
00:34:26sera faite
00:34:26quinze jours après
00:34:27le 13
00:34:28le 27
00:34:29novembre
00:34:29voilà
00:34:30revenir sur Paris
00:34:31ça veut dire
00:34:32affronter la réalité
00:34:33mais ça veut dire
00:34:34aussi avoir
00:34:34un soutien physique
00:34:35et ça c'était
00:34:36hyper important
00:34:37donc je me souviens
00:34:38encore d'attendre
00:34:39mon bagage
00:34:40et du coup
00:34:40d'être dans
00:34:41cette appréhension
00:34:44en fait
00:34:44de me confronter
00:34:45à mes parents
00:34:46et à leur tristesse
00:34:47donc j'ai fini
00:34:49par passer les portes
00:34:50et du coup
00:34:51j'ai pu les retrouver
00:34:52donc c'était
00:34:53un mélange
00:34:53de réconfort
00:34:55de joie
00:34:56de les retrouver
00:34:57et en même temps
00:34:58de profonde tristesse
00:35:00et le lendemain
00:35:04je me suis rendue
00:35:05au 36
00:35:07quai des orfèves
00:35:07du coup
00:35:08avec son amie
00:35:09avec qui elle était
00:35:10au concert
00:35:11pour que lui
00:35:13puisse récupérer
00:35:13les affaires
00:35:14qui étaient au vestiaire
00:35:15qui lui appartenait
00:35:16et pour que moi
00:35:17je puisse récupérer
00:35:19les affaires
00:35:20que ma soeur
00:35:20avait sur elle
00:35:21ce soir là
00:35:22donc le policier
00:35:23m'a tendu
00:35:24une enveloppe marron
00:35:25et dedans
00:35:27il y avait
00:35:27son téléphone
00:35:28ses clés
00:35:30et quelques pièces
00:35:31de monnaie
00:35:31qu'elle avait
00:35:32dans sa poche
00:35:32qui étaient
00:35:33tachées de sang
00:35:33et ça c'est un peu
00:35:35ce que moi j'ai gardé
00:35:36c'est un peu
00:35:37ce qui me rattache
00:35:38à elle aujourd'hui
00:35:39et je l'ouvre
00:35:39quasi jamais
00:35:41mais voilà
00:35:42c'est important
00:35:43et je ne vous montrerai
00:35:44pas ce qu'il y a dedans
00:35:45parce que
00:35:45c'est mon petit jardin secret
00:35:47mais voilà
00:35:48aujourd'hui
00:35:49c'est un peu
00:35:50tout ce qui me reste
00:35:51ça faisait 11 jours
00:35:53que ma soeur
00:35:54était décédée
00:35:54on a pu voir
00:35:56le corps d'Estelle
00:35:58pour la première fois
00:35:59et pour la dernière fois
00:36:00j'avais dû
00:36:01préparer son enterrement
00:36:03sans avoir pu l'avoir
00:36:05et quand les portes
00:36:07se sont ouvertes
00:36:08à l'IML
00:36:08donc c'était un grand bâtiment
00:36:10très sombre
00:36:11assez austère
00:36:12très très haut de plafond
00:36:13dans mes souvenirs
00:36:14et en fait
00:36:15il y avait plusieurs portes
00:36:16il devait y avoir
00:36:17six portes
00:36:18donc toutes alignées
00:36:19les unes à côté des autres
00:36:21et du coup
00:36:22ils nous ont fait rentrer
00:36:23dans le couloir
00:36:24et ils ont attitré
00:36:25les familles
00:36:26devant chacune des portes
00:36:27et en fait
00:36:28il y a toutes les portes
00:36:29avant la nôtre
00:36:30qui se sont ouvertes
00:36:31et du coup
00:36:37on a entendu
00:36:38toutes les familles
00:36:39crier
00:36:42hurler
00:36:42pleurer
00:36:43les gens
00:36:45se mettent à terre
00:36:46et on a pu aller la voir
00:36:49et franchement
00:36:50autant j'ai déjà vu des corps
00:36:52dans des funérariens
00:36:53autant encore
00:36:53après onze jours
00:36:55c'était
00:36:55c'était vraiment une épreuve
00:36:57les jours qui suivent
00:37:05en fait
00:37:05il y a vraiment quelque chose
00:37:06d'assez irréel
00:37:08Paris était comme en pause
00:37:10il y avait un côté
00:37:11on l'a un peu revécu
00:37:13pendant le premier confinement
00:37:14du Covid
00:37:15où il y avait une espèce de
00:37:16je sais pas
00:37:16l'oxygène
00:37:17il s'était arrêté
00:37:18il y avait une pause
00:37:18et c'est un truc
00:37:20qui se passait aussi en nous
00:37:21parce qu'on
00:37:22on est tellement choqué
00:37:24on est tellement
00:37:25bloqué
00:37:28à ce qu'on a vécu
00:37:29ce soir-là
00:37:30et dans nos têtes
00:37:30et physiquement
00:37:31qu'on a du mal
00:37:32à renaviguer
00:37:34dans la vie quotidienne
00:37:35j'étais vraiment défasé
00:37:36ça a duré
00:37:37ça a duré un an
00:37:38je pense ça
00:37:39moi j'avais les amis
00:37:40de ma fille
00:37:40qui étaient là
00:37:41tous les jours
00:37:43pendant deux mois
00:37:44tous les soirs
00:37:45la porte était ouverte
00:37:47je suis coupée du monde
00:37:48je veux pas
00:37:48je veux pas descendre
00:37:49dans la rue
00:37:50ça c'est clair
00:37:51je ne peux pas voir
00:37:52une rue
00:37:53qui continue de vivre
00:37:54on a vécu
00:37:56couper de la rue
00:37:57c'est vrai
00:37:58mais pas couper
00:38:00des amis de ma fille
00:38:01et chaque fois
00:38:02je le dis
00:38:02le plus beau cadeau
00:38:04qu'elle m'ait laissé
00:38:04ce sont ses copains
00:38:06il y a eu une grosse
00:38:07un gros retour de flamme
00:38:09c'est le soir
00:38:10ma femme me demande
00:38:12de couper le gigot
00:38:12et donc je vais commencer
00:38:13à couper
00:38:14ce morceau de viande
00:38:15la viande se détache
00:38:17il y a une goutte de sang
00:38:18qui va perler
00:38:18et ça
00:38:19ça va
00:38:20me bloquer
00:38:21j'ai l'impression
00:38:24que je vais tomber
00:38:25mes jambes sont en train
00:38:26de lâcher
00:38:27je peux même pas
00:38:27lâcher le couteau
00:38:28que j'ai dans la main
00:38:29et là
00:38:29je vais avoir un retour
00:38:30des flashs
00:38:32les images
00:38:33les sons
00:38:34les bruits
00:38:35tout revient d'un seul coup
00:38:36après les événements
00:38:37j'ai repris
00:38:38une vie étudiante
00:38:38à Lille
00:38:39assez normale
00:38:40assez à 100 à l'heure
00:38:41j'ai vécu
00:38:43ma vie étudiante
00:38:44pleinement
00:38:44je remplissais mon agenda
00:38:46autant que je le pouvais
00:38:47je partais en voyage
00:38:48je faisais des soirées
00:38:49et ce qui m'apportait
00:38:51vraiment
00:38:51c'était la santé mentale
00:38:52et physique
00:38:53de mes parents
00:38:53à ce moment là
00:38:54et en 2018
00:38:55du coup
00:38:56mes parents
00:38:57eux ont vécu
00:38:58leur deuil
00:38:58ces trois années là
00:38:59de manière assez différente
00:39:01ce qui les a amenés
00:39:01à se séparer
00:39:02fin 2018
00:39:04ça a été un petit peu
00:39:05la bombe à retardement
00:39:06pour moi
00:39:07et c'est un peu là
00:39:08que mon cauchemar
00:39:10à moi a commencé
00:39:11j'avais des symptômes
00:39:13physiques
00:39:14assez forts
00:39:15j'avais du mal à respirer
00:39:16j'avais du mal à déglutir
00:39:17et le plus
00:39:19le plus impressionnant
00:39:21c'est que je me réveillais
00:39:21la nuit
00:39:22et j'étais vraiment
00:39:22le souffle coupé
00:39:23je ne pouvais plus
00:39:24tout respirer
00:39:24et de là en fait
00:39:25on m'a redirigée
00:39:26pour la première fois
00:39:27vers un psychologue
00:39:28en fait j'ai compris
00:39:28que vraiment
00:39:30psychologiquement
00:39:31j'arrivais plus à gérer
00:39:32quoi
00:39:32que je pouvais plus
00:39:34gérer tout ça
00:39:34toute seule
00:39:35et en fait
00:39:36pendant trois ans
00:39:37j'ai jamais parlé
00:39:39de cette histoire
00:39:39à personne
00:39:41j'ai jamais raconté
00:39:42ce que je ressentais
00:39:43et je pense que
00:39:44j'ai essayé
00:39:45de prendre soin
00:39:45des autres
00:39:46et je n'ai pas pris
00:39:47soin de moi
00:39:47en fait
00:39:48la vie d'après
00:39:49elle n'existe pas
00:39:50elle nous compose
00:39:51avec la vie d'avant
00:39:52moi j'étais barman
00:39:53j'ai été en arrêt maladie
00:39:55jusqu'en 2018
00:39:56en 2018
00:39:58il a fallu que je me pose
00:39:58la question
00:39:59de savoir ce que je faisais
00:40:00de ma vie
00:40:00parce que même si
00:40:01je ne pouvais pas être
00:40:01en arrêt maladie
00:40:02toute ma vie
00:40:02j'avais des factures
00:40:03à payer
00:40:03voilà
00:40:04j'ai recommencé
00:40:05un métier de photographe
00:40:05mais par dépit
00:40:06parce que j'étais incapable
00:40:07d'être barman
00:40:07et de retourner
00:40:08dans ce contexte
00:40:09qui ressemblait
00:40:09à celui du Bataclan
00:40:10en fait
00:40:10moi j'avais peur
00:40:12des chantiers
00:40:13par exemple
00:40:13parce qu'il y avait
00:40:13des marteaux piqueurs
00:40:14les gros bruits
00:40:15j'avais peur
00:40:16des livraisons
00:40:17j'avais peur
00:40:18des rideaux
00:40:19de magasins
00:40:20j'avais extrêmement peur
00:40:22des mouvements de foule
00:40:22par exemple
00:40:23pas forcément
00:40:24des mouvements de foule
00:40:25dangereux
00:40:25mais par exemple
00:40:25souvent dans le métro
00:40:26quand on voit
00:40:26plein de gens sortir
00:40:28du métro en même temps
00:40:28ça c'était quelque chose
00:40:29pour moi
00:40:30qui était extrêmement dur
00:40:31on a vu
00:40:31des dizaines
00:40:33et des dizaines
00:40:33de personnes
00:40:34s'échapper du Bataclan
00:40:34et entre autres
00:40:35certaines s'effondrer
00:40:36parce qu'on leur tirait dessus
00:40:37en fait
00:40:38on capte tous les signaux
00:40:39qu'on voit
00:40:40et notre cerveau
00:40:41interprète aussi
00:40:41les choses
00:40:42d'une manière
00:40:43qui n'est pas juste
00:40:43un rideau de magasin
00:40:45c'est un rideau de magasin
00:40:46c'est pas un coup de feu
00:40:46mais lui l'entend un coup de feu
00:40:47Libère Vigilance
00:40:48est partie au bout de deux ans
00:40:49et ensuite
00:40:49sont restées les insomnies
00:40:51les cauchemars
00:40:52voilà ce genre de choses
00:40:53qui sont parfois même
00:40:58qui travaillent énormément
00:41:00et que je cite dans mon livre
00:41:02c'est
00:41:02le fait qu'il y a une jeune femme
00:41:04qui a crié
00:41:05aux terroristes
00:41:07pourquoi vous faites ça ?
00:41:09et en fait
00:41:09on ne l'a plus jamais entendu
00:41:10elle a été tuée
00:41:11et c'est ça
00:41:12qui revient le plus souvent
00:41:13c'est vraiment le truc
00:41:15le plus destructeur
00:41:16je pense que j'ai entendu ça
00:41:17je suis fracassée de l'intérieur
00:41:19il y a beaucoup de choses
00:41:20qui ont changé en moi
00:41:21là où
00:41:22il m'était dit
00:41:23où je ne suis jamais passée
00:41:26c'est là où elle habitait
00:41:27c'était à 10 minutes de la maison
00:41:29dans la rue
00:41:29où elle habitait
00:41:30je ne pouvais pas
00:41:31avec le temps
00:41:32vous avez envie
00:41:33de faire des choses
00:41:34vous voulez retrouver des trucs
00:41:35une vie
00:41:36comme vous étiez
00:41:38mais ce n'est pas vrai
00:41:39il y a des choses
00:41:40qui ont changé
00:41:40bien sûr
00:41:41psychologiquement
00:41:42c'est hyper dur
00:41:43j'ai peur de gêner les autres
00:41:44c'est hyper difficile à dire
00:41:46en fait dans une conversation
00:41:47quand on te demande
00:41:48est-ce que tu as des frères et sœurs
00:41:49si je réponds oui
00:41:51on va me dire
00:41:52ah bon
00:41:53et du coup
00:41:54je vais devoir expliquer
00:41:54ce qui s'est passé
00:41:55et si je réponds non
00:41:57je suis en train de mentir
00:41:59et je suis en train
00:42:00de cacher quelque chose
00:42:01je suis en train de
00:42:01d'occulter
00:42:02la personne qui a le plus
00:42:04compté pour moi
00:42:05dans ma vie d'avant
00:42:06quand on me demande
00:42:07si j'ai un frère ou une sœur
00:42:08c'est la première fois
00:42:09cette année
00:42:10où j'ai réussi à dire
00:42:11oui mais elle est décédée
00:42:12dans les attentats
00:42:12j'ai eu la chance
00:42:15de connaître une psy
00:42:16en fait
00:42:17je lui rends hommage
00:42:18aujourd'hui
00:42:18parce que
00:42:19je dis souvent
00:42:21qu'elle m'a sauvé la vie
00:42:21elle a été
00:42:22psychologue
00:42:23clinicienne
00:42:24pour entre autres
00:42:25la brigade criminelle
00:42:26à Paris
00:42:26c'était tellement brutal
00:42:27que je me voyais mal
00:42:28aller voir une psy
00:42:29de ville
00:42:29quelqu'un qui n'est pas spécialisé
00:42:31dans les psychotraumas
00:42:31et je vais la voir
00:42:33une première fois
00:42:33et ça a été ma psy
00:42:34jusqu'en novembre dernier
00:42:35donc je pense que
00:42:36ça raconte bien
00:42:37à quel point
00:42:37d'une part j'en avais besoin
00:42:38et d'autre part
00:42:39elle était bien
00:42:42aujourd'hui
00:42:43je suis encore suivie
00:42:44une fois par mois
00:42:45donc j'ai passé un an
00:42:47avec la même psychologue
00:42:48et là ça va faire
00:42:49six ans
00:42:49que je suis suivie
00:42:51par une autre psychologue
00:42:53je sens que
00:42:54j'en ai encore besoin
00:42:55et du coup
00:42:56je poursuis
00:42:57tout ça
00:42:58même si
00:42:58le coeur
00:42:59du sujet
00:43:00n'est pas toujours
00:43:01le 13 novembre
00:43:02mais voilà
00:43:03c'est un traitement
00:43:04de long terme
00:43:05et c'est
00:43:06un combat
00:43:06de tous les jours
00:43:07on va dire
00:43:07la justice
00:43:09face à la barbarie
00:43:11près de neuf mois
00:43:12pour juger les attentats
00:43:13du 13 novembre 2015
00:43:14le procès s'ouvre aujourd'hui
00:43:16un moment de vérité
00:43:17capitale
00:43:18pour les victimes
00:43:19et pour la société
00:43:20tout entière
00:43:21le procès V13
00:43:22ça a duré dix mois
00:43:23déjà
00:43:23c'est le plus long
00:43:24procès de France
00:43:25il y a
00:43:26à son lancement
00:43:27il y a 1700 parties civiles
00:43:28qui sont constituées
00:43:29il y a plusieurs centaines
00:43:31d'avocats
00:43:32il y a 14 accusés
00:43:33dans le box
00:43:34qui ne sont pas tous
00:43:34des terroristes
00:43:35d'ailleurs
00:43:35il y a des gens
00:43:36qui sont des facilitateurs
00:43:37d'autres qui sont
00:43:38comme Salah Abdeslam
00:43:39qu'on connaît malheureusement
00:43:40assez bien
00:43:40lui était un peu plus impliqué
00:43:42en fait dans la commission
00:43:43des attentats
00:43:44je n'attendais rien
00:43:45du procès
00:43:46c'est pas ce procès
00:43:48qui va me permettre
00:43:50de tourner une page
00:43:52va me permettre
00:43:53de faire mon deuil
00:43:54personnellement
00:43:55mais puisqu'il avait lieu
00:43:57je devais y être
00:43:58au départ je voulais pas
00:43:59et j'ai une avocate
00:44:01qui m'a dit
00:44:03avec justesse
00:44:05par rapport à ma fille
00:44:05elle m'a dit
00:44:06Grigory
00:44:06je comprends
00:44:07je respecte votre choix
00:44:08Métesse
00:44:08elle a 11, 12 ans, 13 ans
00:44:09sa mère
00:44:10elle est quand même
00:44:11morte, assassinée
00:44:12par balle
00:44:12elle pourrait peut-être
00:44:14vous reprocher plus tard
00:44:15à les mineurs
00:44:17de pas avoir voulu
00:44:18être partie civile
00:44:19au moins sans nom
00:44:21et j'ai trouvé
00:44:24qu'elle avait
00:44:25sa réflexion
00:44:26était bonne
00:44:27donc du coup
00:44:27nous nous sommes portés
00:44:28partie civile
00:44:29et j'y suis allée
00:44:30c'était un gros morceau
00:44:31c'est quelque chose
00:44:32que j'attendais vivement
00:44:34j'avais jamais
00:44:35mis des mots
00:44:36sur ce que j'avais vécu
00:44:37avant le procès
00:44:38donc là j'ai vraiment
00:44:39pris le temps
00:44:41de faire cet exercice
00:44:42et c'est difficile
00:44:43mais en fait
00:44:43ça permet d'aller mieux
00:44:44après
00:44:44de se confronter à tout ça
00:44:46de réaliser aussi
00:44:47le chemin parcouru
00:44:48ça m'a permis d'avancer
00:44:49tout au long du procès
00:44:50en fait j'ai publié
00:44:51147 billets
00:44:52donc 147 articles
00:44:53accompagnés chacun
00:44:54d'une photo
00:44:54qui raconte
00:44:56mon quotidien
00:44:57au palais de justice
00:44:58donc je vais au procès
00:44:59en sachant
00:45:01que je vais faire
00:45:01ce journal de bord
00:45:02et en même temps
00:45:02en ne sachant pas
00:45:04à quoi attendre du tout
00:45:05de ces dix mois
00:45:07d'audience en fait
00:45:08moi j'avais préparé
00:45:09mon speech
00:45:09je suis allé réciter
00:45:10mon speech
00:45:11et puis je suis rentré
00:45:12c'est moi
00:45:13je suis très content
00:45:13qu'il y ait eu ce procès
00:45:14mais à titre personnel
00:45:16j'ai pas porté
00:45:17d'importance
00:45:18parce que ça me remue
00:45:19puis moi ce qui m'intéresse
00:45:20c'est ceux qui ont tenu
00:45:21le pistolet
00:45:22qu'a tiré
00:45:23ou qu'ils leur ont
00:45:24voilà mais eux
00:45:25je sais pas
00:45:26des gens
00:45:26ils m'intéressent pas quoi
00:45:28j'ai témoigné
00:45:29à la barre
00:45:30c'est quelque chose
00:45:32que j'ai longuement réfléchi
00:45:33avant de faire
00:45:34je sais pas pourquoi
00:45:34j'avais une peur
00:45:35de représailles
00:45:37j'étais vraiment stressée
00:45:39à l'idée
00:45:39de prendre la parole
00:45:40et sur le format
00:45:41du témoignage
00:45:42on était assez libres
00:45:43on avait 20 minutes
00:45:44pour s'exprimer
00:45:45sur notre ressenti
00:45:47et on était vraiment libres
00:45:48dans ce qu'on
00:45:49ce qu'on voulait dire
00:45:50la question que je posais
00:45:52c'était la question
00:45:54donc c'est une des questions
00:45:55que je posais
00:45:55au cours de ma déposition
00:45:57c'est
00:45:57qu'est-ce qui fait
00:45:59que des gamins
00:46:01qui ont été
00:46:03dans les mêmes écoles
00:46:04dans nos écoles
00:46:05j'ai dit
00:46:05dans nos écoles
00:46:07se transforment
00:46:09parce qu'ils sont nés
00:46:11dans la même année
00:46:11que ma fille
00:46:12ils sont en 1985
00:46:14c'est 1985
00:46:14donc ça c'est
00:46:15ça c'est quelque chose
00:46:17qui m'a tout de suite frappée
00:46:18j'ai dit
00:46:19mais c'est des gamins
00:46:20que j'ai pu tenir
00:46:20dans mes mains
00:46:21je raconte
00:46:22ce que j'ai vécu
00:46:23au Bataclan
00:46:24à des magistrats
00:46:24qui vont en faire quelque chose
00:46:25ils vont rendre ça
00:46:26sous forme de décision de justice
00:46:28et je pense que ce jour-là
00:46:29il marque une bascule
00:46:31et je me suis dit
00:46:31mais moi
00:46:32si je peux apporter des réponses
00:46:33et un éclairage
00:46:34un minimum
00:46:34bah tant mieux
00:46:35et je vais essayer de le faire
00:46:36et c'est ce que j'ai tenté de faire
00:46:37donc je pense vraiment
00:46:37cette date-là
00:46:38c'est un peu
00:46:39vraiment
00:46:41la somme
00:46:43de ces dix années
00:46:44moi j'ai été exposée
00:46:45à l'accusé
00:46:47notamment
00:46:47et c'est quelque chose
00:46:49que j'ai appréhendé
00:46:52quand même beaucoup
00:46:52et qui au final
00:46:53m'a pas touchée
00:46:55plus que ça
00:46:56moi j'ai aucune haine
00:46:59aucune rancœur
00:47:00je pense que
00:47:01les gens qui ont fait ça
00:47:03c'est des gens
00:47:04qui sont eux-mêmes malheureux
00:47:05qui ont
00:47:05jamais été bercés
00:47:07par l'amour
00:47:07et c'est encore plus triste
00:47:09pour eux
00:47:09qu'ils aient jamais connu ça
00:47:12je leur en veux
00:47:14je suis en colère
00:47:15de ce qu'ils m'ont fait à moi
00:47:17ce qu'ils nous ont fait à nous
00:47:18mais nous
00:47:18non seulement les otages
00:47:19les gens qui étaient au Bataclan
00:47:20mais il y a la société aussi
00:47:21moi quand j'arrive au procès
00:47:23que je tombe sur Salah Abdeslam
00:47:24on va dire
00:47:25on tombe sur lui
00:47:26et il tombe sur nous
00:47:27au lancement du procès
00:47:28il dit qu'il a abandonné
00:47:30toute profession
00:47:30pour devenir soldat
00:47:32de l'état islamique
00:47:33etc
00:47:33c'est exactement ce qu'on dit
00:47:34pas mot pour mot
00:47:35mais presque
00:47:36les deux mecs
00:47:37qui étaient au Bataclan avec nous
00:47:38donc forcément
00:47:39mon cerveau
00:47:39on parlait tout à l'heure
00:47:40des raccourcis que le cerveau prend
00:47:42là c'est la même chose
00:47:43le procès était très difficile pour moi
00:47:47j'étais pas parti civil au début
00:47:49le jour où mon avocat a plaidé
00:47:51ma cause
00:47:54et celle de ma fille
00:47:55le procureur général a
00:47:58pris la parole
00:47:59en disant qu'il
00:48:03qu'il reconnaissait le côté héroïque
00:48:06de mon action
00:48:06mais que je n'en étais pas moins
00:48:09qu'un témoin malheureux
00:48:10je ne peux pas être victime
00:48:13parce que je suis sorti
00:48:14volontairement de chez moi
00:48:15je ne suis pas victime
00:48:18parce que j'ai dit
00:48:19qu'ils étaient déjà partis
00:48:20au moment où je descends
00:48:21qu'est-ce que ça veut dire ?
00:48:26et ça
00:48:26ça me laisse un fond de colère
00:48:29parce que
00:48:31je ne comprends pas
00:48:32Hier c'est donc achevé
00:48:35après dix mois d'audience
00:48:36le procès des attentats
00:48:37du 13 novembre
00:48:39des peines de deux ans
00:48:40à la perpétuité
00:48:41incompressible
00:48:42pour Salah Abdeslam
00:48:43A l'annonce des condamnations
00:48:45du procès
00:48:45moi je me suis surtout
00:48:47référé à mon avocate
00:48:48pour savoir
00:48:49si c'était quelque chose
00:48:50qu'on pouvait considérer
00:48:52comme une victoire
00:48:53ou non
00:48:53et son raisonnement
00:48:54ça a été de nous dire
00:48:55que oui ça l'était
00:48:56et après moi honnêtement
00:48:58je fais entièrement confiance
00:48:59aux personnes
00:49:00danser le métier
00:49:01et du coup
00:49:02personnellement
00:49:03en tout cas
00:49:03ça m'a beaucoup satisfaite
00:49:05Si je peux dire
00:49:06une chose
00:49:08c'est que
00:49:08je trouve que
00:49:09les peines sont proportionnelles
00:49:11voilà
00:49:12On a montré
00:49:13vraiment ce que c'est
00:49:14qu'un état de droit
00:49:14avec cette justice
00:49:16qui a condamné sévèrement
00:49:18les gens qui étaient
00:49:19dans le box
00:49:19qui n'étaient pas
00:49:21ceux qui avaient attaqué
00:49:22puisqu'ils étaient
00:49:23tous morts
00:49:24réellement
00:49:24mais
00:49:25tous ceux qui avaient participé
00:49:27à la mise en place
00:49:28de ces attaques
00:49:29ont été condamnés
00:49:31Au sortir du procès
00:49:34beaucoup ont se retrouvé
00:49:36ceux qui étaient là
00:49:37donc il y a eu
00:49:37toute une communauté
00:49:38qui s'est
00:49:39qui s'est constituée
00:49:41donc on allait à l'annexe
00:49:42ou aux deux palais
00:49:43donc c'est les deux cafés
00:49:44qui sont en face
00:49:45du palais de justice
00:49:46nous avons gardé
00:49:47le premier jeudi du mois
00:49:51on se retrouve là-bas
00:49:52il y a quelque chose
00:49:53qui s'est créé là
00:49:54on a appris
00:49:56de 2015
00:49:57au sein du RAID
00:49:58on a changé des choses
00:49:59des petits trucs
00:50:00on a développé
00:50:01des nouveaux outils
00:50:02des nouveaux brancards
00:50:04tout un tas de choses
00:50:05qui ont été
00:50:05qui ont été modifiées
00:50:08sur la coordination
00:50:09avec les pompiers
00:50:10tout ça
00:50:10on a amélioré
00:50:12comment on s'intègre
00:50:13encore plus vite
00:50:14et qu'on peut
00:50:15ensuite
00:50:16gagner encore
00:50:17gagner
00:50:18ne pas perdre
00:50:19plus de temps
00:50:20pour les évacuer
00:50:20pour les confier aux pompiers
00:50:22pour que les pompiers
00:50:23les emmènent le plus vite
00:50:24possible à l'hôpital
00:50:24donc il y a tout un travail
00:50:26qui a été fait
00:50:28il y a des choses
00:50:28qu'on avait anticipées
00:50:29et qui se sont révélées
00:50:30efficaces
00:50:31d'autres qu'on n'avait pas
00:50:33anticipées
00:50:33qui se sont faites
00:50:34un petit peu
00:50:35dans le mouvement
00:50:37et qu'on a ensuite
00:50:38analysées
00:50:40pour se dire
00:50:40oui ça c'est important
00:50:41c'est intéressant
00:50:42donc on va aller vers ça
00:50:44on a modifié
00:50:45nos formations
00:50:45on a modifié
00:50:47les cours
00:50:47on a fait des cours
00:50:48aux étudiants de médecine
00:50:49de Paris
00:50:49sur la réponse médicale
00:50:52aux attaques terroristes
00:50:53voilà
00:50:53on a vraiment été
00:50:54été vraiment boostés
00:50:57par tout ça
00:50:57pour dire
00:50:58il faut qu'on fasse mieux
00:50:58la prochaine fois
00:50:59il faut qu'on forme les gens
00:51:00parce que ce soir-là
00:51:02nous on a fait
00:51:02de la médecine de guerre
00:51:03aujourd'hui je pense
00:51:09tous les jours
00:51:10au 13 novembre
00:51:10je pense que je pourrais parier
00:51:11avec tous mes potes victimes
00:51:12et toutes les victimes
00:51:13du 13 novembre
00:51:14on pense tous
00:51:15quotidiennement
00:51:16quotidiennement
00:51:16à notre attentat
00:51:17et je pense que
00:51:18dix ans après
00:51:19c'est important
00:51:20de se rendre compte de ça
00:51:20c'est pas derrière moi
00:51:22vous savez
00:51:23c'est comme une cicatrice
00:51:25au départ
00:51:26la plaie
00:51:27elle vous fait mal
00:51:27très mal
00:51:28elle vous brûle
00:51:29puis après
00:51:30elle est là
00:51:30vous la sentez
00:51:32mais elle est
00:51:32elle est plus
00:51:33elle est
00:51:34comment dire ça
00:51:36elle est
00:51:36elle est sensible
00:51:38mais elle vous fait pas
00:51:39mal
00:51:40j'aurais beau arrêter
00:51:41d'en parler
00:51:42et je pense que
00:51:42c'est mon besoin
00:51:43au fond d'arrêter d'en parler
00:51:44un jour
00:51:44je pense que je vais arrêter
00:51:47et c'est l'idée aussi
00:51:48après tout ça
00:51:48même à ce moment là
00:51:51je pourrais pas dire
00:51:52que ce sera derrière moi
00:51:52la psy elle dit
00:51:53que c'est chronique
00:51:54maintenant
00:51:54c'est toute la vie
00:51:55il y en a certains
00:51:57eux ils vont
00:51:58je veux dire
00:51:59ils vont traîner ça
00:52:00jusqu'au bout
00:52:01parce qu'ils ont été
00:52:03gravement blessés
00:52:04gravement touchés
00:52:06gravement handicapés
00:52:07gravement défigurés
00:52:09pour certains
00:52:10voir que d'autres
00:52:13ont réussi à se reconstruire
00:52:15ça les enfonçait
00:52:16encore plus
00:52:17parce qu'ils n'arrivaient pas
00:52:18il y a des gens
00:52:20qu'il faut pas oublier non plus
00:52:21des gens qui avaient survécu
00:52:22et qui sont partis
00:52:24il y a eu
00:52:26voilà
00:52:28plusieurs personnes
00:52:29il y en a
00:52:30qui me tient à coeur
00:52:31c'est Fred
00:52:32parce que je bossais avec lui
00:52:33encore quelques semaines
00:52:34avant
00:52:35qu'il se paraisse
00:52:37Fred
00:52:38il a sorti des BD
00:52:39sur le Bataclan
00:52:40il a écrit beaucoup
00:52:42il a fait des rencontres
00:52:43avec des élèves
00:52:43il était investi
00:52:45vraiment c'était quelqu'un
00:52:45qui avait saisi
00:52:46comme moi
00:52:47à bras le corps
00:52:48son traumatisme
00:52:48et ce qui lui était arrivé
00:52:49le 13 novembre
00:52:49Fred il s'est suicidé
00:52:50il y a un an et demi
00:52:51parce qu'il en pouvait plus
00:52:52en fait
00:52:52dix ans après
00:52:54il y a toujours des victimes
00:52:54qui souffrent
00:52:55il y a toujours des familles
00:52:56de victimes qui font encore
00:52:57le deuil
00:52:57de la perte
00:52:58d'un individu aimé
00:53:00une V
00:53:01une petite fille
00:53:01à qui on arrachait
00:53:02la maman du jour au lendemain
00:53:03comme ça par balle
00:53:05pour l'éducation
00:53:06c'est pas
00:53:07c'est pas le top
00:53:08et il y a des choses
00:53:10qu'elle aurait eu
00:53:10de sa maman
00:53:11c'est une certitude
00:53:13qu'elle a pas eu avec moi
00:53:14voilà
00:53:14dans des moments de déprime
00:53:16j'ai pu me dire
00:53:16tiens si j'ai une télécommande
00:53:17et que j'appuie sur le bouton
00:53:18peut-être que c'est mieux
00:53:20s'il y en a qu'un qui reste
00:53:21que ce soit pas moi
00:53:22que celui et sa mère
00:53:24qui soient là
00:53:25mais bon
00:53:25tout ça c'est ridicule
00:53:26ça sert à rien
00:53:27c'est stupide
00:53:27mais le fait d'avoir
00:53:30une fille
00:53:31qui a pas eu sa maman
00:53:32ouais
00:53:32malheureusement
00:53:33je le vois
00:53:34aujourd'hui
00:53:36le plus dur pour moi
00:53:37c'est vraiment
00:53:40je sais pas comment expliquer
00:53:44mais de pas réussir
00:53:46à mettre ma soeur
00:53:48au centre
00:53:48de mon deuil
00:53:50en fait c'est tellement
00:53:51un effet boule de neige
00:53:52que j'ai tendance
00:53:53à voir l'événement
00:53:54comme un tout
00:53:55et du coup
00:53:56des fois
00:53:57j'aimerais plus
00:53:58penser à elle
00:53:59et rien qu'à elle
00:54:00tout est dur
00:54:02tout est dur
00:54:04il n'y a pas de
00:54:06je pense que le truc
00:54:13si il y a un truc
00:54:14plus compliqué
00:54:14c'est ma culpabilité
00:54:16c'est quelque chose
00:54:18c'est vraiment un truc
00:54:19contre lequel je travaille
00:54:19tous les jours
00:54:20tous les jours
00:54:21tous les jours
00:54:21tous les jours
00:54:21tous les jours je me dis
00:54:23ne t'en veux pas
00:54:23ne t'en veux pas
00:54:24ne t'en veux pas
00:54:25t'aurais rien pu faire
00:54:25t'aurais rien pu faire
00:54:26t'aurais rien pu faire
00:54:27c'est un poison
00:54:28ça c'est le truc
00:54:30le plus compliqué
00:54:31mais
00:54:31à côté de ça
00:54:33il y a plein de choses
00:54:34moi je regrette
00:54:35mes soirs au bar
00:54:36où je servais des coups
00:54:38et je souriais
00:54:39j'étais content
00:54:40je parlais trois langues
00:54:40en un soir
00:54:41et je rigolais
00:54:43et puis la vie
00:54:44était ce qu'elle était
00:54:45quoi
00:54:45il n'y a pas de nivelage
00:54:49en fait
00:54:49il y a des choses
00:54:50qui sont peut-être
00:54:50plus ancrées
00:54:51dans ce que je suis vraiment
00:54:52et la culpabilité
00:54:52c'est compliqué
00:54:53Estelle
00:54:56elle était très proche
00:54:58de sa famille
00:54:59de son conjoint
00:55:01de ses amis
00:55:02elle était passionnée
00:55:03de musique
00:55:04évidemment
00:55:05de concerts
00:55:05mais d'une force
00:55:07et elle aimait aussi
00:55:08beaucoup la mer
00:55:09et notre Bretagne
00:55:10on est tous un petit peu
00:55:11chauvins en Bretagne
00:55:12donc
00:55:12elle manquait pas
00:55:14à la règle
00:55:14la dernière fois
00:55:15que j'ai vu ma soeur
00:55:16avant d'aller aux Etats-Unis
00:55:17c'était pour
00:55:19pardon
00:55:25c'était pour m'amener
00:55:27à l'aéroport
00:55:28en fait je suis partie
00:55:36en août
00:55:372015
00:55:39et ma soeur
00:55:41elle vivait sur Paris
00:55:42à l'époque
00:55:42donc du coup
00:55:43c'est elle qui m'a amenée
00:55:45à l'aéroport
00:55:46prendre mon avion
00:55:47pour six mois
00:55:47et j'étais très contente
00:55:51d'avoir un soutien
00:55:52familial
00:55:52et la personne
00:55:54de qui j'étais
00:55:54la plus proche
00:55:55pour cette étape
00:55:57parce que moi
00:55:57je suis très famille aussi
00:55:58et c'était difficile
00:56:00de partir
00:56:01à des milliers de kilomètres
00:56:02pour six mois
00:56:03c'était la première fois
00:56:04que je partais aussi longtemps
00:56:05à l'étranger
00:56:05et toute seule
00:56:06donc j'étais hyper contente
00:56:09de l'avoir avec moi
00:56:10et on s'est dit au revoir
00:56:12dans chaque petit recoin
00:56:13du strapontin
00:56:14de l'aéroport
00:56:15je me retournais
00:56:16pour lui faire coucou
00:56:17et aller rester
00:56:18jusqu'à ce qu'elle puisse
00:56:19me voir
00:56:19donc c'est la dernière fois
00:56:21que je l'ai vue
00:56:22c'était un beau moment
00:56:24un soutien
00:56:26vous savez ma fille
00:56:28elle est toujours là
00:56:29les signes
00:56:30pour moi c'est important
00:56:31donc le signe
00:56:32ma fille
00:56:32c'est la coccinelle
00:56:34parce que mon mari
00:56:35Jean-François
00:56:35l'appelait ma coccinelle
00:56:37la coccinelle
00:56:38nous rappelle
00:56:39c'est sa messagère
00:56:41il y a eu des situations
00:56:43où la coccinelle arrivait
00:56:47donc en mois de décembre
00:56:49un mois de décembre
00:56:51sur un verre de champagne
00:56:53voir la coccinelle
00:56:54qui arrive là
00:56:55je veux bien
00:56:56voilà
00:56:57c'était pour me dire
00:56:58maman calme-toi
00:56:59je suis là
00:57:01peu de temps après
00:57:02les attentats
00:57:03donc moi je suis né au Chili
00:57:04j'ai vraiment envie
00:57:05de retourner au Chili
00:57:06voir mes proches déjà
00:57:07et aussi je rêve
00:57:09de faire un trek
00:57:09en Patagonie
00:57:10sauf que ça n'a pas été du tout
00:57:11j'ai été pris de crise d'angoisse
00:57:14à répétition
00:57:15une fois que je suis arrivé
00:57:16et donc j'ai abandonné
00:57:17ce voyage
00:57:17que je me sentais sali
00:57:19par l'attentat
00:57:19je me sentais coupable
00:57:20d'en sortir
00:57:22etc
00:57:22et je me dis
00:57:23ouais en plus
00:57:23t'es incapable de faire ça
00:57:24et la chance que j'ai
00:57:26c'est d'avoir des amis
00:57:27qui m'aiment
00:57:27et qui en fait
00:57:28m'ont offert
00:57:29ce voyage retour
00:57:30que j'ai pu faire en 2022
00:57:31et que j'ai réussi en fait
00:57:34et ça a été
00:57:35ce voyage là
00:57:36pour moi il est significatif
00:57:38et je sens que là-bas
00:57:39je laisse des choses
00:57:39j'ai réouvert
00:57:40la belle équipe
00:57:42j'ai reconstruit
00:57:44de A à Z
00:57:45j'ai tout détruit
00:57:45après ce qui s'est passé
00:57:47c'est un bel endroit
00:57:48il fait qu'il soit aussi beau
00:57:49un minimum
00:57:49voilà
00:57:50donc j'ai mis un bar
00:57:51qui va à l'extérieur
00:57:51je ne suis pas dans la provocation
00:57:53c'est de dire juste
00:57:53c'est un lieu de vie
00:57:54ça restera un lieu de vie
00:57:55toute ma vie
00:57:56et ce sera
00:57:57jamais autre chose
00:57:58la meilleure réponse
00:57:59à ceux qui nous ont fait ça
00:58:01c'est de dire
00:58:01attendez
00:58:01oui oui
00:58:02on va peut-être avoir
00:58:03maintenant vivre
00:58:03avec des cicatrices
00:58:04sur la gueule
00:58:04mais ça ne va pas
00:58:05nous empêcher
00:58:06de sourire
00:58:06et de vivre
00:58:07et on ne va pas changer
00:58:08nous notre boulot
00:58:09c'est d'être là
00:58:10pour les gens
00:58:11pour porter secours
00:58:12quoi qu'il se passe
00:58:13nous on est là
00:58:14pour faire face
00:58:15on fait partie
00:58:16sinon on ne fait pas le boulot
00:58:18sinon on n'y va pas
00:58:19ils ont gagné
00:58:20donc moi j'ai
00:58:22maintenant tout le temps
00:58:23sur moi
00:58:23au moins
00:58:24un mini kit
00:58:25et puis
00:58:26quand je pars ailleurs
00:58:29j'ai ça
00:58:30on a tout ce qu'il faut
00:58:31pour traiter les blessures
00:58:32les plus graves
00:58:32et depuis une dizaine d'années
00:58:34je me bats
00:58:35pour que ce matériel-là
00:58:36on puisse le mettre à disposition
00:58:37dans les lieux publics
00:58:38le fait de mettre
00:58:39ces trousses à disposition
00:58:40dans les pharmacies
00:58:41permettrait à n'importe quel
00:58:43soignant du quartier
00:58:44s'il se passe quelque chose
00:58:45de grave
00:58:46d'aller récupérer du matériel
00:58:47et de pouvoir agir tout de suite
00:58:49ça m'a endurci
00:58:50peut-être
00:58:51pour certains côtés
00:58:53ça m'a humanisé
00:58:55pour d'autres
00:58:56un peu plus
00:58:57je tiens encore plus
00:58:58à la vie
00:58:59et puis encore plus
00:59:00que la vie
00:59:00à la liberté
00:59:01maintenant
00:59:03après avoir vécu ça
00:59:06j'essaie encore
00:59:07de continuer
00:59:08d'avancer
00:59:08étape par étape
00:59:10prendre les choses
00:59:11assez positivement
00:59:13même si je suis suivie
00:59:14j'ai un quotidien
00:59:16assez banal
00:59:17assez classique
00:59:18et je continue
00:59:19étape par étape
00:59:21d'avancer
00:59:23même si forcément
00:59:24il y a des périodes
00:59:24comme chaque année
00:59:26au mois d'octobre-novembre
00:59:27où c'est beaucoup plus difficile
00:59:29ma fille a un très joli
00:59:30grain de voix
00:59:30peut-être même
00:59:32le grain de voix
00:59:33de sa vie
00:59:33de son parcours
00:59:34elle aimerait être chanteuse
00:59:35je crois que c'est quelque chose
00:59:36qui la botterait
00:59:37vraiment et pleinement
00:59:38si elle pouvait développer ça
00:59:39je serais le plus heureux
00:59:40des papas
00:59:41en disant
00:59:42la société a avancé
00:59:43on a fait ce qu'on a pu
00:59:45avec ceux qui sont
00:59:46restés
00:59:46enfin ceux qui sont vivants
00:59:47ceux qui y sont restés
00:59:48on les honore
00:59:49on les commémore
00:59:50chaque année
00:59:50on a un musée mémorial
00:59:53qu'on espère
00:59:54qu'il va paraître aussi
00:59:55il y a eu des décisions
00:59:57de justice
00:59:57qui sont tombées
00:59:58qui ont été lourdes
00:59:59et en même temps
01:00:00lourdes de sens
01:00:00et nécessaires
01:00:01il y a quand même
01:00:03cette volonté collective
01:00:05qu'on passe à autre chose
01:00:05mais non
01:00:07nous
01:00:07je pense que là
01:00:09on est en train
01:00:09de fermer un chapitre
01:00:10je me suis marie
01:00:11en juin 2025
01:00:13à Concarneau
01:00:15à Nevey
01:00:16même exactement
01:00:17dans le Finistère
01:00:18et c'était
01:00:20une super journée
01:00:21un super week-end
01:00:22c'était très beau
01:00:23et j'étais entourée
01:00:25de toutes les personnes
01:00:26que j'aime
01:00:26et bien sûr
01:00:28de mon conjoint
01:00:29que j'ai rencontré
01:00:30en 2018
01:00:31et franchement
01:00:33c'était un super moment
01:00:34et ma soeur
01:00:35elle m'accompagnait
01:00:36par la pensée
01:00:37et voilà
01:00:39on a mis un petit mot
01:00:39pour elle aussi
01:00:40ce jour-là
01:00:40et on l'oublie pas
01:00:42et on a mis un petit mot
01:01:12et on a mis un petit mot
01:01:52...
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