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  • il y a 2 jours
Paris, 1928. La journaliste Maryse Choisy décide d'infiltrer le monde de la prostitution parisienne. De femme de chambre en maison close aux bals du milieu, en passant par danseuse dans un bar lesbien, elle rend visibles les prostituées et leur difficile condition. Elle tire de cette enquête un livre qui sera un immense succès et qu'elle conclut en demandant, presque vingt ans en avance, la fermeture des maisons closes. Entre documents d'époque rarissimes, archives improbables et scènes rejouées par Nine d'Urso et Jeanne Balibar, ce film fait revivre le reportage d'avant-garde de cette journaliste provocatrice dans le Paris souvent fantasmé des Années Folles.

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Transcription
00:00Musique
00:30Maryse choisit, je tiens dans mes mains, un livre rare, introuvable aujourd'hui,
00:49qui fut pourtant un énorme succès de librairie à sa sortie en 1928.
00:54Un succès maudit.
00:56C'est vrai, il fut considéré à l'époque comme un reportage scandaleux le plus hardi qu'une femme de lettres ait jamais osé vivre et écrire.
01:06Est-ce votre avis aujourd'hui ?
01:09Je voulais simplement montrer la prostitution de l'intérieur.
01:14Le célèbre reporter Albert Londres l'avait bien fait du point de vue des macros et des clients.
01:19Moi, je me proposais de le faire du point de vue des filles.
01:22Dans la conclusion, vous appeliez déjà à la fermeture des maisons closes, presque vingt ans avant leur interdiction.
01:29Mais comment cette conviction s'était-elle forgée en vous ?
01:34Vous prenez les choses par la fin, cher monsieur.
01:38Ce livre a peut-être été très en avance sur son temps, il n'en est pas moins le fruit d'une époque.
01:43L'époque que l'histoire a baptisée, les années folles.
01:47Pour tous les trésors de Rothschild et de Rockefeller réunis, je n'eusse voulu être jeune à Paris à une époque autre que 1925.
01:59Personne aujourd'hui ne soupçonne la joie de vivre qui planait alors.
02:12Fini les guerres.
02:1314-18, elle adhère des d'air.
02:16Il ne semblait pas possible qu'il y en eût une autre.
02:18L'avenir était à nous, qu'en 1925, on n'eût pas le sou.
02:28Qu'importe, nous avions l'estomac vide et la tête pleine de rêves.
02:32J'étais libre.
02:42J'avais planté mon mari à Londres pour m'installer à Paris et devenir écrivain.
02:48Je venais de publier mon premier livre, presque, un quasi-roman sur un Maharaja amoureux de la Joconde.
02:55Hélas, ce n'était pas cela qui allait me nourrir.
03:06Naturellement, je me tournais vers le journalisme.
03:13Sauf qu'en 1925, toutes les places dans les rédactions étaient prises par des hommes.
03:19Pour entrer dans un journal, il fallait faire son apprentissage dans la rubrique des chiens écrasés.
03:28Et pour être digne des chiens écrasés, il fallait être un garçon.
03:36J'ai donc couillonné la discrimination sexuelle du journalisme avec un peu d'imagination.
03:42A l'automne 1927, j'ai convaincu le patron de l'Intransigeant de m'envoyer couvrir les vendanges, déguisées en vendangeuses.
03:57Et c'est comme ça, presque par hasard, que j'ai inventé le reportage en immersion.
04:03On m'en redemanda.
04:14En six mois, je fus tour à tour grôme, mannequin, ouvrière et même d'onteuse de fauves.
04:25Les articles se vendaient si bien qu'un éditeur qui avait du flair, Fernand Aubier, me lança un défi.
04:35Et pourquoi pas le plus vieux métier du monde ?
04:38J'acceptais avec un culot d'aventurière.
04:43Dès le lendemain, je signais pour un mois chez les filles.
04:47Un livre de 256 pages à rendre
04:51dans un mois.
05:17Janvier 1928
05:31Pour mon premier chapitre,
05:35le cœur battant,
05:36je me hasardais au promenoir,
05:39en plein Paris,
05:40grimé en filles.
05:47Les copines me regardent avec deux grains de défiance.
06:05Je rajuste ma fourrure.
06:07Je cambre mes hanches, mes pieds, ma nuque.
06:11Il paraît que les vrais grues ne se donnent pas tant de peine.
06:14On voit bien que vous êtes nouvelle dans le métier,
06:18constate l'une d'elles.
06:22Je suis très vexée.
06:23Ça doit se voir.
06:25Une autre me console.
06:27Ne vous faites pas de billes, mon petit.
06:29J'ai connu des neuves
06:30qui faisaient jusqu'à dix hommes par soirée
06:32pour montrer qu'elles en savaient aussi long que nous.
06:35C'est beau, la jeunesse.
06:41Parmi les filles de la rue,
06:42certaines sont officiellement inscrites
06:44sur les registres de la préfecture de police.
06:47D'autres sont clandestines.
06:53Ma voisine de droite veut me prouver qu'elle est officielle.
06:56Elle me sort sa carte.
07:00La carte,
07:01c'est ce qui permet aux filles
07:03d'exercer légalement leur métier.
07:06C'est un livret
07:07indiquant leur identité,
07:09leur statut sanitaire
07:12et
07:13la longue liste
07:15de leurs obligations.
07:19Elles ont interdiction de racoler
07:21avant l'allumage des réverbères,
07:23ne doivent pas porter de vêtements
07:27aux couleurs éclatantes
07:28et n'ont pas le droit
07:32de provoquer les passants
07:33à haute voix.
07:34Un collégien maigre et rose
07:44arrive sur le promenoir.
07:46Il est pour moi.
07:50Je me mets en position.
07:52Il fait dix pas vers moi.
07:55Madame,
07:56si je l'avais rencontré dans le monde,
08:00je l'aurais trouvé très bien.
08:01Mais la rue n'est pas le monde.
08:04« Tu as de beaux yeux ? »
08:09murmure-t-il.
08:12Je cherche mes copines du regard.
08:14Elles sont occupées.
08:21Mon collégien devient un mufle.
08:24Alors quoi ?
08:25Tu ne veux pas ?
08:26Combien te faut-il ?
08:27Un louis ?
08:28Deux louis ?
08:28Trois louis ?
08:29Dis le prix.
08:30Je panique et je saute
08:35dans le premier taxi venu
08:37sans avoir eu le temps
08:38de dire au revoir
08:38à mes nouvelles copines.
08:43Pauvre fille de la rue
08:44qui risque à tout moment
08:45de se faire embarquer
08:46par la brigade des mœurs.
08:56Direction le dépôt
08:57qu'est de l'horloge.
09:01C'est ici qu'elles sont contrôlées
09:03et interrogées.
09:06Celles qui ne sont pas en règle
09:08filent tout droit à Saint-Lazare
09:10la prison pour femmes.
09:11On y accueille près de 15 000 détenus
09:19par an.
09:20S'y côtoient des petites délinquantes,
09:22des criminels,
09:23des prostituées illégales
09:24ou malades.
09:32Dans les années 20,
09:33la syphilis et les autres maladies
09:35vénériennes font encore
09:37des ravages.
09:38Pour les filles qui ont la chance
09:43de sortir de Saint-Lazare,
09:45il n'y a pas beaucoup de choix.
09:48Elles peuvent retourner à la rue
09:49ou entrer dans une maison close.
09:55Et vous vous êtes donc infiltrée
09:58dans une de ces maisons close.
10:00Oui, c'est d'ailleurs la chose
10:02la plus difficile que j'ai eu à faire
10:04pour ce reportage.
10:06La rue est ouverte à tout le monde,
10:07personne ne pouvait m'empêcher d'y aller.
10:09Mais le clac,
10:11la maison close,
10:12c'était le cercle le plus fermé de Paris.
10:15À l'époque, on trouvait normal
10:16pour les hommes
10:17d'aller au bordel.
10:18Mais une femme,
10:20si elle ne faisait pas partie du personnel,
10:22elle n'y entrait pas comme ça.
10:23Il a donc fallu que je trouve une idée
10:25de toute urgence.
10:27Et croyez-le ou pas,
10:29elle me vint d'un flic.
10:34Au restaurant ce jour-là,
10:36vint s'asseoir à la table d'à côté
10:37un fonctionnaire du ministère de l'Intérieur.
10:45J'étais en train d'expliquer à un ami
10:47que je ne savais pas comment infiltrer
10:49une maison close.
10:50Le fonctionnaire avait tout entendu.
10:53L'idée qu'une universitaire,
10:56une snob,
10:57veuille entrer dans un bordel,
10:59l'amusa follement,
11:01il me sortit
11:01le guide rose,
11:05interdit au grand public.
11:07Le répertoire le plus complet,
11:09le plus exact,
11:10de tous les lieux subversifs du pays.
11:12A Paris, en 1928,
11:18on compte pas loin de 200 maisons officielles,
11:21du claque le plus misérable
11:23à l'établissement le plus luxueux.
11:25Les belles japonaises,
11:28aux belles poules,
11:31chez Edmond,
11:33la grotte des hirondelles,
11:36le one-two-two,
11:39le haut du panier,
11:41le chabanet.
11:41De Londres à Belgrade,
11:47de New York à Tombouctou,
11:49on rêve aux chabanets.
11:51Ce n'est pas juste une maison close.
11:54C'est un monument historique.
11:56Les majestés qui s'ennuient à Paris
12:05y sont amenées par le chef du protocole.
12:08Sur le programme officiel,
12:09cela s'appelle
12:10« Visite au président du Sénat ».
12:17Le roi Édouard VII
12:19y avait même sa chambre.
12:22Spécialement équipé
12:23de son fauteuil d'amour
12:24à deux étages
12:25permettant de multiplier
12:26les positions
12:27et les partenaires.
12:37En plus de l'annuaire,
12:39le guide rose
12:40est truffé de publicités
12:41destinées aux tenanciers
12:44des maisons closes.
12:47Le préservatif de Select
12:48est une des meilleures marques
12:50et se recommande
12:51par sa qualité irréprochable.
12:55« Si vous désirez du personnel sérieux,
12:58adressez-vous au grand bureau
12:59de placement de la Porte Saint-Martin,
13:02gérant, gouvernante, ménage,
13:05femme de chambre. »
13:08« Eureka ! »
13:09« Et si je m'engageais
13:11comme femme de chambre ? »
13:13« Les soubrettes,
13:14ça voit tout ? »
13:15L'agence, très sérieuse,
13:26se trouve dans un immeuble
13:28pas sérieux du tout
13:30à quelques mètres des boulevards.
13:32J'arrive dans une petite cour
13:49pleine d'odeurs
13:50et de poussières.
13:52L'entretien commence.
13:55« Voilà, madame,
13:55je voudrais une place
13:56de femme de chambre
13:57dans une maison de rendez-vous. »
14:01« Qu'est-ce que vous désirez
14:02comme salaire ? »
14:05« Je n'en ai pas
14:06la moindre idée. »
14:09« Comment seriez-vous
14:10avec 450 francs par mois ? »
14:13« J'aurais commencé
14:14avec n'importe quoi,
14:15d'autant plus que je n'ai
14:16aucune intention de finir. »
14:19« C'est que c'est très difficile
14:24à trouver une place
14:25dans une maison de rendez-vous,
14:27objecte la dame en noir. »
14:30« J'avais prévu cette réplique. »
14:33À l'odeur de mes 50 francs,
14:35la dame trouve immédiatement
14:36une possibilité
14:37de me placer
14:38dès le lendemain
14:38comme femme de chambre
14:39dans une maison de rendez-vous.
14:49Ces maisons ont beau être
14:50partout dans la ville,
14:53rien ne doit les distinguer
14:55des autres immeubles.
15:01Un seul indice
15:02pour les plus anciennes.
15:05Le numéro de la rue
15:06légèrement plus gros
15:08que les autres.
15:09me voilà à l'adresse
15:17indiquée par l'agence.
15:20Pour la première fois
15:21de ma vie,
15:22je vais entrer
15:23dans une maison close.
15:25J'ai l'impression
15:47de tomber
15:48sur la lune.
15:49Dans la maison,
15:56on ne trouve que des femmes
15:57nues
15:58ou
15:58semi-habillées.
16:00Chacune ici
16:15incarne un type
16:16de fantasme
16:17des hommes.
16:23Il y a Julie,
16:25la fausse mineure.
16:26Elle est batignolaise.
16:28Elle a un demi-mètre
16:29de squelette
16:30et un kilomètre
16:31d'insolence.
16:32Cela fait 15 ans
16:33qu'elle a 15 ans.
16:34Les vieux messieurs
16:35l'adorent.
16:40Mimi,
16:40la négresse,
16:41est là pour satisfaire
16:42les clients
16:42en quête d'exotisme.
16:45Une maison de société
16:46ne saurait se concevoir
16:47sans négresse,
16:49surtout depuis
16:49que Joséphine Baker
16:50l'a remise à la mode.
16:54Et puis Manon,
16:56qui se fait passer
16:56pour une comtesse espagnole.
16:58Lorsqu'un client
16:59paye 100 francs
17:00pour être aimé
17:00d'une comtesse espagnole,
17:02il serait navré
17:03que la comédie
17:04fut mal jouée.
17:05Manon joue
17:06très bien la comédie.
17:10Beaucoup d'entre elles
17:11sont des mères abandonnées,
17:13des filles seules,
17:15des veuves,
17:16que la prostitution
17:17a conquise.
17:18Leur corps ne leur appartient
17:25plus,
17:26il appartient
17:27à la maison.
17:30Elles vivent cloîtrées,
17:32offertes à des inconnus
17:33qu'elles ne choisissent pas.
17:39Face à ces femmes,
17:41je me sens très bête,
17:43très honteuse.
17:45Je ne suis qu'une intellectuelle
17:48de 27 ans
17:49et j'ai une soudaine envie
17:50de brûler mes diplômes
17:51tellement je me sens ignorante.
17:53Ici, je me fais appeler
18:08Marthe.
18:09Tout est nouveau pour moi.
18:14Heureusement,
18:15Henriette, la sous-maîtresse,
18:17est là pour nous donner
18:18des ordres.
18:19C'est elle qui organise
18:20la vie de la maison.
18:22Un drame mortuaire
18:23dans l'enveloppe
18:23de l'orteil au menton.
18:27Devant le client,
18:28elle sourit commercialement.
18:30Elle sourit aux royalistes
18:32comme aux communistes.
18:36La sous-maîtresse
18:37connaît les préférences
18:38de tous les présidents
18:39du conseil,
18:41le pouls des élections,
18:43les secrets d'alcove.
18:45Pour les flics,
18:46c'est une mine d'or.
18:47En plus du ménage,
18:52Henriette m'a chargé
18:53d'ouvrir la porte au client.
18:57Ding, ding, dong.
19:02J'ouvre en tremblant.
19:04Le monsieur devant moi
19:05porte son mariage
19:06à l'annulaire.
19:07« Euh, bonjour monsieur. »
19:13Il a le trac.
19:14J'ai plus le trac que lui.
19:17Il est pressé.
19:18Je le laisse entrer.
19:19Alors a lieu
19:26le rite mystérieux du choix.
19:31Ce monsieur,
19:32déjà moins timide,
19:34se trouve soudain entouré
19:35d'une douzaine de filles nues
19:36qui font les belles
19:37comme des soldats à la revue.
19:43Il est tout à son bonheur,
19:45choisi,
19:46l'esprit tranquille.
19:47On lui promet
19:49qu'il n'y a pas de syphilis ici,
19:51que les filles se lavent
19:52et qu'elles passent
19:53au contrôle sanitaire
19:55une fois par semaine.
20:06Le bordel fait partie
20:08du quotidien de ces messieurs.
20:12Tous les types d'hommes
20:13fréquentent les maisons.
20:16Les jeunes,
20:17les moins jeunes,
20:21les flics,
20:24les pères de famille,
20:27les cheminots,
20:30les banquiers,
20:33lui,
20:35lui,
20:37lui,
20:37et même lui.
20:39Les clients
20:45des maisons closes
20:46se classent en deux catégories
20:47et quelques déviations.
20:51Il y a d'abord
20:52le monsieur mystère,
20:53c'est un mauvais client.
20:55Il cherche le mystère,
20:57il va dans tous les claques,
20:58il ne revient dans aucun.
20:59un excellent client au contraire,
21:06c'est le monsieur chronomètre,
21:09c'est un fidèle,
21:10un habitué,
21:11le fonctionnaire de l'amour.
21:12C'est un bon spécimen
21:16de français moyen.
21:17Il va à la messe
21:18tous les dimanches,
21:19au bordel,
21:20une fois par semaine
21:21et à confesse
21:22immédiatement après.
21:27Sa plus grande préoccupation ?
21:29Ne pas être écrasé
21:36par un taxi
21:36entre le claque
21:38et le confesseur.
21:43Je rentre enfin
21:44dans mon studio,
21:46perdu dans le minable
21:47treizième arrondissement,
21:49dans un immeuble
21:50qu'habitent quelques écrivains.
21:54Comme chaque soir,
21:56je me félicite
21:57de mon divorce.
21:59Personne pour me distraire
22:03ni pour me presser
22:05d'aller me coucher.
22:15Chapitre 2
22:16Aujourd'hui,
22:18j'ai servi
22:1820 champagnes,
22:20fait 6 lits,
22:21préparé 6 bains,
22:23répandu à 50 coups
22:25de sonnette.
22:26Le monsieur porte
22:27son mariage à l'annulaire
22:28et dans les plis de sa bouche
22:29sur le cerveau
22:30des tracanes
22:31ou à l'annulaire.
22:31Il y a la lutte
22:32à Julien,
22:33demi-mètre de sonnette
22:34et un kilomètre de sonnette.
22:36Il ne revient dans aucun.
22:39Au moment de me démaquiller,
22:42il ne me reste plus
22:43qu'une heure à dormir.
22:46À ceux qui me posent
22:48cette question idiote,
22:49pourquoi écrivez-vous
22:50ce livre ?
22:51Je réponds,
22:53on écrit un livre
22:55parce qu'on ne peut pas
22:56ne pas l'écrire.
23:05Enfant,
23:06on m'avait fait croire
23:07que les prostituées
23:08étaient de diaboliques personnes.
23:10plus l'on me disait
23:13de ne pas les regarder,
23:16plus je devenais bigle
23:17à force de les regarder,
23:21sans les regarder,
23:24tout en les regardant.
23:29N'est-ce pas là,
23:30dans cette interdite enfance,
23:32que s'est noué mon désir
23:34d'approcher ces femmes ?
23:44Déguisée en femmes de chambre,
23:46enfin,
23:46je peux les regarder vivre.
23:50Je suis frappée
23:51par leur solidarité.
23:56Entre elles,
23:57les filles partagent tout.
24:00Leurs clients,
24:02leurs nuits,
24:02leurs secrets
24:04et souvent leurs lits.
24:10Mais moi,
24:11je suis plus bas
24:12dans la hiérarchie.
24:13Pour elles,
24:14je ne suis que la boniche
24:15qui lave les souillures.
24:18Elles sont les favorites
24:19des clients
24:20et elles font
24:21les souillures.
24:26Les filles de la maison
24:27ne me parlent
24:28qu'à distance.
24:32Sauf,
24:32quand elles ont besoin
24:34de moi.
24:36Zing !
24:38C'est d'aider la dame
24:40qui n'a jamais
24:40assez de champagne.
24:42Elle s'impatiente
24:43et m'impatiente.
24:45s'impatiente.
25:00Ah,
25:00elle n'a plus
25:01tellement besoin
25:02de champagne.
25:02c'est d'aider la dame.
25:25Voilà Julie
25:26avec son client.
25:27être courtisane
25:32c'est servir
25:32l'amour
25:33à des vieux messieurs
25:33qui n'ont pas de poils
25:34sur le crâne,
25:36beaucoup de poils
25:36sur le dos.
25:37Pauvre Julie.
25:40C'est Carmen.
25:46Si j'étais homme,
25:52c'est elle
25:52que je choisirais
25:53sans marchander.
25:55Carmen est une belle créature
26:05de chair
26:05et de muscles.
26:07Rien de trop
26:08ou de trop peu.
26:10Elle est la seule
26:11qui demeure ici
26:12parce qu'elle veut
26:12y demeurer.
26:14Les autres filles
26:15ont subi
26:15leur destinée.
26:17Elle,
26:18la sculptée
26:18de ses propres mains.
26:19Je ne suis pas
26:31la première
26:32à espionner ici.
26:36De plus en plus
26:37de maisons
26:38installent des systèmes
26:39permettant aux voyeurs
26:40d'observer
26:41les scènes vécues
26:42de l'autre côté
26:43par des clients
26:44qui, eux,
26:45ne se doutent
26:46de rien.
26:49Mais le tour
26:55de la maison
26:55ne serait pas
26:56complet
26:57sans
26:58la chambre
27:00des tortures.
27:03Aucune maison
27:04n'est vraiment
27:05de premier ordre
27:06sans la chambre
27:07des tortures.
27:09On y flagelle
27:10quelquefois
27:10des messieurs
27:11très importants.
27:12Plus ils sont importants,
27:14plus ils aiment
27:15l'humiliation.
27:17Un sénateur puissant
27:18plusieurs fois
27:19ministres
27:20vient trois fois
27:21par semaine
27:22pour y être corrigé.
27:24Ils se mettent
27:24à quatre pattes,
27:26aboient comme
27:26un jeune chien
27:27et fouettent
27:29le cocher.
27:30Le cocher,
27:32en l'occurrence,
27:33est souvent
27:33carmène.
27:42Déjà,
27:42deux semaines
27:43ont passé
27:43depuis le défi
27:44que m'a lancé
27:45Fernand Aubier,
27:46mon éditeur.
27:47Je suis tellement
27:50absorbée
27:50par mon enquête
27:51que j'en ai oublié
27:52toute distraction.
27:54La solitude
27:55commence à me peser.
28:01La seule personne
28:02de ma vie ordinaire
28:03que je croise encore,
28:04c'est ma concierge,
28:06mais elle ne met pas
28:07d'un grand soutien.
28:10Vous ne serez jamais célèbre,
28:11vous ne pouvez pas écrire.
28:12« Pourquoi donc ? »
28:16« Vous ne buvez pas.
28:18Verlaine, lui,
28:18se saoulait la gueule. »
28:22Il me faut d'urgence
28:23une autre confidente.
28:26Je pense à mon amie Yuki,
28:28la femme la plus libre
28:29de Paris,
28:30épouse et muse
28:31du peintre Fujita,
28:32une des reines
28:33de Montparnasse.
28:34Je l'avais connue
28:38en fréquentant
28:38la bande
28:39des artistes surréalistes,
28:41ceux qui faisaient
28:42le bouillonnement culturel
28:43du Paris
28:43des années 20.
28:49Après avoir lu
28:50quelques pages
28:50de mon manuscrit,
28:52la très belle Yuki
28:53me regarde
28:55en souriant.
28:55Les maisons closes
28:58sont pour les enfants
28:59de cœur,
29:00Maryse.
29:01Le vrai milieu,
29:03c'est beaucoup
29:03plus dangereux.
29:05Frottez-vous donc
29:06au vrai macro,
29:08au marchand de viande.
29:10Vous les trouverez
29:11tous les lundis
29:11au fameux bal
29:13du Sporting Palace.
29:15Mais attention là-bas,
29:16ne vous présentez
29:17ni comme journaliste
29:18ni comme femme de chambre.
29:20Il faudra vous faire
29:21passer pour une fille.
29:22Je cherche les macros.
29:48Yuki m'a expliqué
29:49qu'aucune courtisane
29:51n'existe
29:51sans son soutien.
29:52Il est un soutien.
29:56Il la surveille,
29:58la protège,
30:00habite avec elle,
30:01la cogne souvent,
30:03couche avec elle
30:04et il vit à son crochet.
30:17Tous ici
30:18ont des airs
30:19très comme il faut.
30:20J'ai peine à croire
30:22que ce soit là
30:22des macros,
30:23mais il paraît
30:24que les vrais macros
30:25ont toujours
30:26cet air
30:27très comme il faut.
30:28et le face
30:35L'un d'eux,
30:35l'un d'eux,
30:35très élégant,
30:37m'invite à danser.
30:46Au début de la danse,
30:48je n'en tire rien
30:49hormis la banale information
30:51que j'ai de beaux yeux.
30:59Que faites-vous dans la vie ?
31:01me demande-t-il soudain.
31:04Je travaille ?
31:07Quel genre de travail ?
31:10Mon Dieu, faudra-t-il préciser ?
31:21Je travaille, monsieur, au...
31:27au 20 rue Georges-Bizet.
31:30Mon information a ramené chez mon danseur la confiance.
31:34Ouf !
31:36Vous gagnez beaucoup dans cette maison-là ?
31:39Euh... ça dépend.
31:41Je ne suis pas très contente.
31:44Eh bien, je vous ferai entrer dans une maison
31:46où vous gagnerez davantage.
31:51Vous avez l'air sérieuse.
31:58Vous ne vous saoulez pas.
31:59Vous avez de l'éducation
32:00et de très beaux yeux.
32:03Il ne vous manque que l'homme qui vous poussera.
32:06Vous habiterez chez moi.
32:07Ça vous fera toujours économiser les frais de loyer.
32:10Venez dès ce soir.
32:15Comment gagner du temps ?
32:17Je vais lui dire que je dois réfléchir.
32:21Il me faut une réponse tout de suite.
32:23Vous me plaisez, mais si vous ne voulez pas,
32:24il faudra que je m'occupe immédiatement d'une autre affaire.
32:27Ce serait dommage.
32:30Dans son regard, il y a le propriétaire.
32:33Dans son monde, les femmes ne lui résistent pas.
32:40Malgré ses façons enveloppantes,
32:41il a quelque chose de brutal.
32:44Capable de tuer.
32:45Ça, j'en suis sûre.
32:46Mes amis m'avaient pourtant prévenu.
32:51Faites attention, Maryse,
32:52quand vous fréquentez le milieu.
32:54Un de ces jours,
32:55vous serez assassinés.
33:01Pour ne pas froisser mon macro,
33:04j'accepte un rendez-vous ce soir à minuit.
33:07Évidemment, je n'irai jamais.
33:08À tout à l'heure, ma petite reine.
33:13Je ferai de toi la courtisane la plus cotée de France.
33:18Hélas, c'est bien ma veine.
33:20Pourquoi faut-il que le métier
33:22où l'on me garantit d'arriver au sommet de la gloire
33:25soit le seul pour lequel je ne me sens aucun goût ?
33:29Après ma soirée au sporting,
33:46la maison close me parut bien tranquille.
33:54Les filles de la maison sont toutes
33:56de petites bourgeoises très sages au repos.
34:04Elles cousent elles-mêmes les épaulettes de leur chemise,
34:08ne disent jamais merde,
34:11ne lisent pas les auteurs défendus,
34:14ne complotent pas contre la République,
34:18détestent les bolcheviques.
34:20De même que nous jouons à la grue
34:24à nos heures perdues,
34:26ainsi les vraies grues
34:27sont-elles de petites oies blanches
34:29en dehors des ateliers d'amour.
34:34C'est une séance de
34:36« Qui romancie ? »
34:38ma passion secrète,
34:39qui me le fit comprendre.
34:41Rien de tel qu'une main
34:42pour connaître les secrets des gens.
34:44J'ai commencé par lire
34:48celle de Julie.
34:50Ligne du destin,
34:52brisée.
34:56Ligne de cœur,
34:58riche, généreuse
34:59et sentimentale.
35:03Elle me parle de son amie,
35:05costaud,
35:06primitif comme le premier homme.
35:08Elle jure qu'elle lui est très fidèle.
35:10Le client, ça ne compte pas, évidemment.
35:14Tour à tour,
35:16les autres filles
35:17me présentent leurs mains.
35:20Est-ce que je me marierais ?
35:22Est-ce que j'aurais des enfants ?
35:25Est-ce que je me retirerais
35:27bientôt des affaires ?
35:29Est-ce que je serais riche ?
35:32Est-ce que mon amie
35:34m'aimera toujours ?
35:39L'amour et les affaires,
35:42les deux grandes,
35:43les deux seules préoccupations
35:45de tous les mondes.
35:47Aimer
35:48Sincèrement de mon cartandre
35:53Celui qui pourrait me comprendre
35:57Est-ce qu'il le fallait me défendre ?
36:02Aimer
36:04Ah, je veux vivement qu'il vienne
36:08Celui qui comprendra la peine
36:12De mon homme de Parisien
36:16Un après-midi, Julie est arrivée rougissante,
36:24flageolante, émue
36:26après le départ de son client.
36:28Quel malheur !
36:30Quel malheur !
36:32Quoi, Julie ?
36:36Votre client vous aurait-il à moitié assommée ?
36:38Si ce n'était que ça !
36:45Auriez-vous attrapé la vérole ?
36:47Si ce n'était que ça !
36:50Ne vous aurait-on pas payé ?
36:57C'est bien pire.
37:04Mais dites !
37:06Ce sacré cochon de client
37:08Est arrivé à me faire jouir.
37:10C'est la première fois que ça m'arrive.
37:16Jamais je n'oserais regarder mon amie en face ce soir.
37:33J'aurais aimé consoler Julie comme une amie
37:36Mais les sentiments n'ont pas leur place dans une enquête.
37:41Quand le sentiment s'en mêle,
37:49C'est qu'il est temps d'aller voir ailleurs.
38:02Adieu, Julie.
38:02Un jour, tu sauras que je t'ai menti.
38:10Je ne suis qu'une journaliste
38:11En immersion clandestine
38:13Avec un manuscrit à rendre
38:17Et un éditeur aux trousses.
38:19Ma chère Maryse, où en est votre livre ?
38:29Avez-vous vraiment fait le tour
38:31Des lieux de plaisir et de débouches ?
38:36Je sais ce qu'il attend de moi.
38:38Il veut que j'explore
38:39Toutes les facettes de la prostitution.
38:42Ce soir, j'ai rendez-vous avec le pigal coquin
38:48Et avant-gardiste des années folles.
38:52À moi le temple de Lesbos.
38:55Juste pour une nuit.
38:56À cette époque, les boîtes de nuit
39:11Comme le fétiche
39:13Ou le monocle
39:14Etait les seuls endroits de Paris
39:16Où les femmes pouvaient danser entre elles
39:18Et s'embrasser librement
39:20Sans crainte d'être jugées.
39:22La patronne du fétiche
39:46Monique Carton
39:47Dite Madame Moon
39:49Avait une douceur de femme
39:51Et une autorité d'homme
39:53J'eus de la chance
39:58Elle m'engagea sur le champ
40:01Le travail consiste à danser entre filles
40:17Pour attiser les rares clients masculins
40:20Car ce sont eux qui paient le champagne
40:22Nous entretenons leurs fantasmes
40:27Et leurs illusions
40:29Après une demi-douzaine de foxtrot
40:35J'essaie de sympathiser avec mes collègues
40:38Elles s'appellent
40:41Elles s'appellent Joe
40:42Petit Louis
40:43Nina la tzigane
40:45Ou Lulu la corse
40:47Selon elles
40:48Le fétiche
40:50Ou le monocle
40:51Sont les endroits du monde
40:52Où l'on trouve le plus de jolies femmes
40:54Au mètre carré
40:55L'alcool aidant
41:04Je me mets à rêver de caresses inédites
41:06Je choisis Nina la tzigane
41:18Le charme slave
41:20La peau avane
41:21Les cheveux fous
41:23Prise de hardiesse
41:29Je lui demande
41:30Tu as une amie ?
41:33Non
41:33Alors on se marie ce soir ?
41:39Si vous voulez
41:41Elle ajoute
41:45Pour toi ce sera seulement 100 francs
41:48Mon désir s'envole aussitôt
41:51Je n'aurai jamais l'âge
41:53Pour l'amour qu'on paye
41:54Chacun ses faiblesses
41:57La mienne c'est de vouloir être aimée
41:58Pour moi-même
41:59Au petit matin
42:06Ma gueule est de bois
42:07Je quitte presque à regret Pigalle
42:11Qui s'éveille
42:12Direction
42:21Les entrailles de Paris
42:23Impossible de reculer
42:25Mon éditeur attend le dernier chapitre de mon livre
42:29Il est temps pour moi
42:31D'entrer
42:33Dans les bas-fonds
42:35Sous le pont noir
42:40Il n'y a pas besoin d'être une poule de luxe
42:45On n'y voit rien
42:46Mais rien du tout
42:48La clientèle se laisse monter le coup
42:51Naturellement c'est là-dessous qu'on s'embusque
42:55Quand ça ne prend plus sur le boulevard Rochechois
42:58Et c'est pourquoi
43:00Sous le pont noir
43:02Les sans-business ont toujours un espoir
43:05Pour ne pas me laisser seule
43:10Mon confrère René a proposé de m'accompagner
43:13Déguisé en marlou
43:15Dans la vie ordinaire
43:19René est un journaliste snob
43:22Correct
43:23Et très chic
43:24De nous rendre ensemble dans les Coupe-Gorges de Paris
43:28Nous nous sentons une âme neuve
43:31Et impropre
43:33Nous atterrissons rue des Vertus
43:49C'est un club en sous-sol
43:56Sale
43:58Le claque des petites bourses
44:00De ceux qui ne peuvent pas aller ailleurs
44:02Des ouvriers
44:04Des vieillards
44:06Ou des étudiants
44:08Venus s'encanailler
44:09Ça sent les aisselles qui pleurent
44:15Et les chaussettes qui s'évaporent
44:17Devant l'étalage des chers crus
44:24Être la seule femme en toilette de ville
44:26Me donne un sentiment de malaise
44:28Il me semble que c'est moi
44:30Qui suis inconvenante
44:32René, lui, trouve que ces dames
44:41Ne sont pas suffisamment sales
44:42Il regrette les punaises de Louis XIV
44:45Et les maîtresses d'Henri IV
44:47Mais
44:48René n'aime pas rester seule trop longtemps
44:52La femme, assure-t-il, c'est sa vocation
44:57Il m'abandonne rapidement
44:59Ici, les filles n'ont le droit d'aller dormir
45:09Pour tenir qu'après le départ du dernier ivrogue
45:11Pour tenir, elles n'ont pas d'autre choix que de boire
45:23Et boire encore
45:26Je parviens à me faire trois copines
45:32La blonde, candide
45:34La rousse pour tous
45:36Et la brune au sein gras
45:39Louise est dansante de bras
45:43Charles est tonante de jambes
45:44Avec une langue à tous les usages
45:46Et des seins solides
45:48Un beau brun de filles
45:49Hermine a tous les culots
45:54Elle fut trois mois au chabanet
45:56Mais on la renvoya pour incorrection de langage
45:59Si vous croyez, mes biches, que je vais aller mesquinter le trou duc
46:04Pour que la patronne ait 30 francs et moi 20
46:06Pas si bête
46:07Tous les 50 pour Bibi
46:09Et puis Suzanne
46:12Des joues de sein doux
46:15Des yeux humides
46:16Un coup beurré
46:17Et 27 ans
46:18Suzanne, c'est le triomphe du mou et du gras
46:22Ces filles ont des idées médicales bien arrêtées
46:31Qui surprendraient sans doute
46:33Ces messieurs du ministère de la santé publique
46:36Parmi les fléaux qui désolent l'humanité
46:41Il en est un particulièrement redoutable
46:44Celui que constituent les maladies vénériennes
46:47Dont les deux principales sont
46:49La syphilis et la blénoragie
46:51Vous les connaissez sans doute de nom
46:53Mais vous ignorez peut-être
46:55La diversité de leurs manifestations
46:58Le caractère sournois de leur évolution
47:00L'étendue de leur avage
47:03Mes copines n'ont sans doute pas été prévenues
47:08Des recommandations du ministère de la santé
47:10Suzanne me raconte
47:15Un flic ne me disait pas plus tard qu'hier
47:17Qu'une fille malade avait contaminé des centaines de personnes
47:20On ne se contamine pas si facilement
47:23Quand vous avez le sang plus fort
47:24Vous ne l'attrapez pas
47:25Hermine n'est pas tout à fait de cet avis
47:28Tout dépend de votre prédisposition
47:31Il faut connaître les signes
47:33De l'hérédité syphilitique
47:35Vous par exemple
47:37S'adresse-t-elle à moi
47:38Le grain noir sur votre joue
47:40Est un signe irréfutable
47:42D'hérédité syphilitique
47:44Je proteste
47:46Mais il est faux
47:47Mon grain noir
47:49Archi faux
47:50Je le dessine tous les matins au rimel
47:52Bah bah bah
47:54J'ai pas dit ça pour vous vexer
47:56Ça arrive à des gens très bien
47:58Suzanne ajoute
48:00De toute façon c'est pas si grave un bobo au sexe
48:03Et la patronne nous le maquille d'un coup de pinceau
48:05Hop
48:06Ils y voient que dalle au contrôle sanitaire
48:08Assez parlé
48:16L'une après l'autre
48:17Elle se lève
48:18Et monte avec des inconnus
48:20Dans des chambres
48:21Où courent les cafards
48:23Juste au-dessus du bar
48:25Dans certaines maisons d'abattage
48:32Elles font des dizaines et des dizaines de passes par jour
48:35Cinq francs la passe
48:38Et pas le temps de se rhabiller entre deux clients
48:41Soudain j'ai une folle envie de pleurer
48:47Quand je pense qu'il y a quelques milliers d'années
48:53On imaginait que la prostitution était sacrée
48:56Que les prostituées de Babylone
48:59Ou les étahires grecs
49:01Vénéraient tant la grande déesse
49:05Qu'elles aimaient le prochain anonyme
49:09Jusqu'à se donner à lui
49:10Fût-il laid ou lépreux
49:14Aucune légende ne me fera croire
49:20Qu'il est acceptable de transformer des femmes
49:22En machines à plaisir
49:24Arrivé au dernier chapitre de ce livre
49:29Je suis désormais convaincue
49:31Qu'il n'y a qu'une seule façon d'agir
49:33Il faut supprimer les bordels
49:37C'est une habitude périmée
49:41Le livre sortit en juin 1928
49:48Les milliers d'exemplaires du prudent Aubier
49:52Partirent en moins de temps qu'il ne faut pour le dire
49:55Certains critiques ne furent pas tendres
49:59Le lutétien écrivit
50:01Le livre de Mme Maryse choisi et répugnant
50:05Tout spécialement cochon
50:07D'une inconscience stupéfiante
50:10Il y aurait un bien joli reportage à faire
50:13Un mois chez les femmes de lettres
50:15Chez celles qui osent signer de tels ouvrages
50:18Les potins de Paris surenchéris
50:22On sait que si elles s'y mettent, les femmes
50:26Nous ne parlons que des femmes écrivains
50:28Sont plus terribles que les hommes
50:30C'est aussi que Mme Maryse choisi
50:33Veut avoir de l'esprit
50:34C'est parfois bien pénible
50:37Comment avez-vous vécu cette notoriété soudaine
50:44Et toutes ces attaques ?
50:47Plutôt mal
50:48Certes, il y a une sorte de plaisir aristocratique à déplaire
50:52Mais beaucoup m'avaient comprise de travers
50:54Et ont réduit mon livre à de la pornographie
50:58Est-ce pour cela qu'en 1939
51:01Vous faites brutalement retirer votre livre des librairies ?
51:05Oh, en 1939, c'en était bien fini
51:09Tes années folles
51:10Nous sentions la prochaine guerre arriver
51:12Cela nous plongeait dans l'angoisse
51:15Il était temps de songer à son salut
51:17Je me suis convertie au catholicisme
51:21Et dans la folie du Christ
51:25Que connaissent tous les nouveaux convertis
51:27J'ai cherché quel sacrifice offrir
51:30Je n'avais que mes livres
51:31Alors j'ai retiré du commerce tous mes succès de librairie
51:34Et à commencer par le premier
51:36Et pourtant, chère Maryse Choisy
51:38Ce livre disparu n'en finit pas de nous faire parler
51:41Certains livres ont été créés très vite
51:53Et pourtant, ils vous suivent toute votre vie
51:57Ce ne sont pas les livres que l'on préfère
52:01Mais voilà, comme des étoiles mortes
52:06Ils continuent de vous éclairer
52:08On ne trouve un mi-noir mieux que folie
52:22On ne trouve un mi-noir mieux que folie
52:35Du moins on me le dit
52:37Et ce compliment m'aura pris
52:39Il paraît que j'ai un petit accent
52:44S'en tireront les poublants
52:46Dibout d'un regard carisant
52:48J'ai l'air de voir la vie en rose
52:53Mais mon cœur rêve d'autre chose
52:58Aimer sincèrement de mon cœur tendre
53:05Celui qui pourrait me comprendre
53:09Et s'il le fallait me défendre
53:13Aimer
53:15Ah, je veux vivement qu'il vienne
53:19Celui qui comprendra la peine
53:24De mon homme de Parisienne
53:30Aimer
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