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  • il y a 1 jour
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mardi 18 novembre 2025, l'historien, auteur et vidéaste Yann Bouvier. L'ouvrage qu'il a dirigé, "France Fictions - Histoire des idées reçues de l'histoire de France", est sorti le 25 septembre.

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Transcription
00:00Bonjour Yann Bouvier.
00:01Bonjour Elodie.
00:02Vous êtes pour beaucoup ce prof d'histoire et de géopolitique au lycée que beaucoup auraient aimé avoir,
00:07soucieux de transmettre, d'intéresser ses élèves en leur racontant l'histoire d'une façon à la fois ludique et passionnée.
00:12Le tout en restant précis et rigoureux. Je crois que ça c'est quelque chose qui vraiment est ancré en vous.
00:17C'est avec vos vidéos et en tant que Yann tout court que l'on peut aussi retrouver depuis 2019 sur TikTok
00:22que vous vous êtes fait connaître et que vous êtes entré dans les foyers français.
00:25C'est une vidéo dans laquelle vous parlez d'histoire et avec lesquelles vous aimez déconstruire les idées reçues
00:30pour mieux lutter contre les faussaires de l'histoire et dire qu'ils sont devenus de plus en plus nombreux.
00:34C'est un euphémisme. Au total vous avez 1 300 000 abonnés, c'est ça ?
00:39Toute plateforme confondue effectivement avec YouTube notamment.
00:42Après Microcosme, L'Histoire de France à taille humaine sorti en 2023.
00:46Vous venez de publier France Fiction, Histoire des idées reçues de l'Histoire de France.
00:52C'est sorti chez Perrin First Edition.
00:54Vous rêviez d'un ouvrage qui remet presque l'église au centre du village
00:57et qui en respecte chaque vrai bâtisseur sur l'échelle de l'Histoire.
01:01Et donc vous avez décidé d'affronter nos idées reçues, de revenir sur ces fables, ces récits
01:05ancrés ici ou là dans notre conscience ou inconscience, collectif, souvent contrefait dès le Moyen-Âge.
01:13Avec cette écriture finalement qui en dit long, l'écriture historique.
01:17Ce livre Yann que vous avez dirigé, dans lequel vous avez su mettre à contribution 25 historiens et historiennes,
01:22de renom ne permet-il pas de mettre le doigt là où ça fait mal, finalement ?
01:27Oui, en bonne partie.
01:28Et ne serait-ce que d'ailleurs relativement à la discipline historique elle-même.
01:31C'est-à-dire que quand on lit tous ces chapitres les uns à la suite des autres,
01:35on réalise que pendant très longtemps, l'écriture historique a été inféodée au pouvoir,
01:40que l'écriture historique a servi à affirmer des légitimités
01:44ou alors à délégitimer des pouvoirs antérieurs quand il y a eu, par exemple, des transmissions
01:50suite à des coups d'État, par exemple, de pouvoir.
01:55Donc oui, ça nous rappelle ça.
01:56Et ça nous rappelle que l'écriture historique et que la discipline historique n'est pas à l'abri
02:00de retomber dans une forme de contrôle politique.
02:04Et il y a actuellement des signaux faibles, pas tant en France, mais en tous les cas,
02:08outre-Atlantique et dans certains pays européens qui tendent à montrer que des dirigeants
02:12aimeraient bien que l'écriture historique serve leur agenda
02:16et non pas serve la compréhension complexe, fine, mais accessible du passé.
02:21Cet ouvrage, il ne part pas, ne part-il pas finalement, Yann, d'une inquiétude finalement
02:27sur le fait que l'histoire, elle est manipulée par certains grands de ce monde,
02:33toujours souvent très liés au pouvoir,
02:35refaire l'histoire finalement pour se dédouaner,
02:39pour minimiser ses responsabilités.
02:42Et donc, est-ce que ce n'est pas un cri du cœur en disant
02:45reprenez votre consommation de l'information,
02:48votre consommation de l'histoire en main et votre liberté de penser ?
02:52Oui, c'est en partie ça.
02:54Alors comme on l'a dit tout à l'heure, l'écriture historique a longtemps été un féodé au puissant.
02:57Ce qui change aujourd'hui, c'est que les attaques viennent justement de l'extérieur de l'État
03:01au moment où l'histoire a acquis son autonomie académique.
03:05On a des acteurs non étatiques, des personnes qui aspirent à obtenir le pouvoir,
03:09qui jettent le discrédit sur les historiennes et les historiens,
03:12qui les accusent même d'être à l'origine d'une sorte de délitement de la nation,
03:16avec parfois des relents de complotisme,
03:18c'est-à-dire qu'on fantasme l'idée qu'il y aurait une doxa des historiens
03:21qui s'entendraient pour déconstruire ce qui fait nation,
03:25alors que les historiens, très franchement, sont souvent en désaccord les uns avec les autres.
03:29Donc l'objectif, en fait, à travers ce livre, qui est accessible,
03:33c'est de donner à voir le travail des historiennes et des historiens,
03:37montrer que nous donnons aux lecteurs, aux lectrices,
03:39les moyens de vérifier nos assertions par des notes de bas de page,
03:43montrer aussi, et ça c'est très important,
03:45que les historiens fondent la validité de leur travail
03:52sur la relecture entre pairs.
03:54Nous sommes ouverts, et même plus que ça,
03:56à la critique de celles et ceux qui partagent les mêmes domaines de spécialité.
04:00Chaque chapitre de l'ouvrage a été relu par un autre spécialiste,
04:02validé scientifiquement, ça a été l'objet de discussions, de débats.
04:06Or, bien souvent, les pseudo-historiens sont des gens qui vont discréditer les historiens
04:10pour mieux refuser que leur travail soit évalué.
04:14Et ça, c'est un red flag.
04:17Est-ce que la transparence n'est pas une clé de voûte ?
04:19Si, bien sûr.
04:20Et là, on rebondit sur la question que vous m'avez posée tout à l'heure.
04:23C'est-à-dire qu'on ne parle pas d'objectivité,
04:26mais on va parler par contre, effectivement, de transparence.
04:28Les spécialistes se livrent au jugement du lectorat d'autres spécialistes.
04:37Ça fait partie du jeu.
04:39Et le fait qu'ils soient attaqués par des personnes
04:41qui refusent que leurs affirmations soient évaluées par des spécialistes
04:45pose un grave problème démocratique
04:47parce qu'en brouillant notre rapport au passé,
04:49c'est notre capacité à exercer notre citoyenneté
04:52de manière raisonnée qui est menacée.
04:56Cet ouvrage, c'est une invitation à la curiosité aussi.
04:59À la curiosité, à la nuance.
05:00Parce que vous verrez que les chapitres ne proposent pas
05:03des déconstructions de ces idées reçues.
05:05L'objectif, c'est justement...
05:06On part à chaque fois des idées reçues, par contre.
05:08C'est vraiment le but du jeu, c'est de partir des idées reçues.
05:09On part des idées reçues, on montre sur quelle part de réelle
05:12elles s'appuient, qu'est-ce qui est fantasmé
05:14et surtout comment elles sont nées.
05:16On les historicise.
05:17L'idée, ce n'est pas d'arriver dans une position verticale de sachant
05:20en disant « voilà ce que vous devez savoir »,
05:22mais c'est d'expliquer que ces idées reçues ont un cheminement,
05:25on sait d'où elles viennent et on sait quels intérêts elles ont servis.
05:28Cela dit, il y a un adage qui ressort
05:30quand on parcourt l'intégralité de cet ouvrage,
05:32c'est qu'au royaume des aveugles, le savoir est donc quand même
05:35une arme dramatique.
05:39C'est-à-dire ?
05:40C'est-à-dire que certains connaissent, ont des connaissances
05:44et ceux qui n'en ont pas se font finalement complètement manipuler
05:47par certaines personnes.
05:49C'est aussi, je pense, ce qui explique qu'un aussi grand nombre
05:52de spécialistes par ailleurs reconnus ont bien voulu participer
05:55à France Fiction.
05:57C'est l'idée de descendre entre guillemets dans l'arène
06:01et de créer un lien de confiance, de transparence
06:03entre les spécialistes et puis un lectorat grand public,
06:06même si ce livre parlera aussi à des personnes
06:08qui sont déjà traversées en histoire.
06:12Parce qu'en laissant simplement des intermédiaires s'exprimer,
06:16on court le risque que la déformation prenne le pas.
06:22Il est engagé ce livre, Yann ?
06:24C'est un livre qui n'est pas un livre militant au sens politique,
06:28c'est-à-dire qu'on ne pousse pas un agenda
06:29qui viserait à suivre telle ou telle famille politique,
06:31mais engagé pour le respect du travail des historiennes et des historiens
06:37et contre ces attaques un petit peu faciles et gratuites, encore une fois,
06:41qui viennent de personnes qui attaquent pour mieux se soustraire
06:44à l'évaluation de leurs propres affirmations
06:47qui, bien souvent, sont contrefactuelles et très problématiques.
06:51L'autocritique est donc salvatrice ?
06:53Il faut, bien sûr.
06:54Il faut, et encore une fois, les historiennes et les historiens
06:56passent leur temps à lire les travaux des autres historiennes,
07:00à les évaluer, à faire des comptes rendus
07:01qui sont parfois un petit peu acerbes.
07:04Et puis ça conduit souvent à des réactualisations des travaux
07:07par le biais de rééditions.
07:09Et c'est sain et c'est normal.
07:11On se rend compte à quel point l'histoire, finalement,
07:13nous appartient à toutes et à tous, Yann ?
07:16Elle n'appartient pas à une poignée de personnes.
07:19Au contraire, c'est à nous de nous réapproprier
07:21cette histoire qui est la nôtre.
07:22C'est une des ambitions de ce livre
07:24et c'est ce que j'explique dans le prologue de France Fiction.
07:27L'histoire n'appartient pas aux historiennes et aux historiens.
07:30Par contre, il nous semble qu'il est important
07:32d'aider le plus grand nombre à être capable de discerner,
07:35de distinguer ce qui relève d'un travail transparent,
07:39sérieux, sourcé, d'un texte qui est clairement écrit
07:43pour manipuler et pour jeter le brouillard
07:46sur notre rapport à ce qui nous a précédés.
07:49Vous avez dirigé cet ouvrage,
07:51France Fiction, histoire des idées reçues,
07:52de l'histoire de France.
07:54Est-ce que vous-même, par moment,
07:56vous n'avez pas changé votre fusil d'épaule,
07:59mais vu l'histoire différemment grâce aux échanges
08:02que vous avez pu avoir avec les historiens,
08:03les historiennes qui ont travaillé avec vous ?
08:05Bien sûr, et notamment sur un des chapitres
08:07qui est celui confié à Denis Sturel
08:09sur le bleu-blanc-rouge.
08:10Moi, j'ai très longtemps enseigné
08:11que la symbolique originelle du bleu-blanc-rouge,
08:14c'était Paris bleu et rouge
08:16et le roi le blanc.
08:18Denis Sturel a fait un travail formidable,
08:20c'est même plus qu'un chapitre,
08:21c'est un article qui dévoile
08:22le sens originel des trois couleurs
08:24pour ceux qui les ont adjoints,
08:25en juillet 1789.
08:27Les sources, d'ailleurs, sont à disposition.
08:29On se demande comment,
08:30on n'a pas découvert ça plus tôt.
08:31Et donc, en fait, non,
08:32le blanc en 1789, c'est la France.
08:35Ce n'est pas le roi.
08:36Et donc, la symbolique de l'adjonction
08:38des trois couleurs est différente
08:39de celle que j'ai moi-même apprise à l'école
08:42et que j'ai longtemps enseigné.
08:42Sous-titrage Société Radio-Canada
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