00:00Notre invité ce matin, Simon Colbox, c'est un chef restaurateur étoilé, star de la télé aussi, dans les émissions Top Chef et Master Chef.
00:07Il est également le président de l'UMI, le syndicat des hôteliers et restaurateurs.
00:11Bonjour Thierry Marx, merci d'être là avec nous en studio.
00:14Vous êtes à Perpignan pour le congrès annuel de l'UMI.
00:17C'est à partir d'aujourd'hui jusqu'à mercredi au palais des congrès de Perpignan.
00:21Plusieurs centaines de personnes y sont attendues, ce congrès pourrait évidemment parler des difficultés de l'hôtellerie-restauration.
00:26Et il y en a, vous le disiez récemment Thierry Marx, tous les jours 25 restaurants fermes.
00:32Ça semble énorme, ça fait 750 restaurants tous les mois.
00:36Exactement, c'est le chiffre officiel, c'est vérifié par les tribunaux de commerce et la Banque de France.
00:42Est-ce qu'il y en a autant qui ouvrent ?
00:44Alors il y en a un peu moins qui ouvrent, mais le problème, ce qui ouvre, c'est pas un problème, c'est comme ça,
00:48c'est plutôt une industrialisation de la cuisine, ce sont des concepts, plus rien à voir avec le fait maison.
00:53Et c'est ça que j'évoque souvent la dégastronomisation de la France.
00:56Est-ce que c'est nouveau ? Non, ça fait 40 ans qu'on ne fait pas très attention à ces métiers du fait maison,
01:02finalement, de l'artisanat, et qu'on les laisse mourir au détriment d'installations de choses
01:08qui, elles, ne sont pas à défendre l'artisanat français.
01:11Alors pourquoi ces fermetures, en fait ? Qu'est-ce qui cloche ?
01:13Pourquoi est-ce que les artisans français n'y arrivent pas ?
01:17C'est les charges. Vous savez, que ce soit une cuisine, que ce soit le monde du bâtiment, n'importe quelle industrie,
01:25c'est le coût des charges. Donc les charges pèsent beaucoup sur ces petites entreprises.
01:30Finalement, il leur reste peu de choses. Je vous donne un exemple. Un plat à 22 euros, vous voyez,
01:34vous trouvez ça à peu près dans tous vos restaurants, 22 euros. Il reste 40 centimes au restaurateur.
01:3940 centimes ?
01:4140 centimes, oui. Si j'enlève toutes les charges, énergie, coût matière, salaire, etc., etc.,
01:48il lui reste 40 centimes. Donc il ne s'en sort pas. Et pour peu qu'il fasse du fait maison,
01:52c'est quand il fait du fait maison qu'il ne lui reste que 40 centimes,
01:54finalement, il jette l'éponge par rapport à ceux qui ne font pas du fait maison,
01:58qui n'ont pas cette protection, finalement, ce besoin de protection.
02:01Et finalement, les marges de ceux qui font bien, finalement, ne sont pas respectées.
02:08Est-ce que Thierry Marx vous parlait des charges ? Mais la TVA, elle a été baissée à 10 %,
02:11c'était Jacques Chirac, ça fait quelques années. Déjà, l'État a été là pour accompagner les restaurateurs.
02:14Mais je suis d'accord, mais c'est la même chose pour le fast-food,
02:18qui, eux, ont une TVA à 5,5 à emporter. C'est assez discriminant, même,
02:23par rapport à ceux qui faisaient du fait maison. N'oubliez pas que vous vivez dans un pays
02:27où 8 % de son PIB est produit par le tourisme. Donc, qu'est-ce qu'on vient chercher
02:33quand on vient visiter la France ? Un relief, un littoral, et puis une gastronomie.
02:38Et quand cette gastronomie s'oxyde depuis de nombreuses années,
02:42où le rapport qui a été pris n'est plus au rendez-vous,
02:44eh bien, finalement, on voit bien cette année, d'ailleurs, les chiffres sont là,
02:49vous êtes en troisième, voire en quatrième position des pays de l'Europe fréquentés.
02:53Derrière l'Espagne, notamment, qui marche très fort.
02:56Donc, quand vous regardez les charges d'un restaurant en Italie ou en Espagne,
03:00elles sont deux fois moins importantes que celles en France.
03:02Alors, ces fermetures, notamment, elles peuvent intervenir dans les zones rurales.
03:05Et là, ça peut être encore plus dramatique, si j'ose dire, qu'en ville,
03:08puisque, parfois, le bistrot, le restaurant, c'est le seul commerce qui peut rester ouvert.
03:12Ce sera l'une des thématiques que vous allez aborder, là, lors de votre congrès de l'UMI.
03:16On en parle aussi, nous, ce matin, sur ICI Roussillon,
03:18avec un reportage dans un petit bistrot, dans une petite commune à Yoraux, près de Serré.
03:22Qu'est-ce que vous, président de l'UMI, vous demandez pour défendre,
03:25pour protéger ces bistrots,
03:27qui sont, parfois, la seule commerce du village,
03:30qui sont l'âme, parfois, de toutes petites communes ?
03:32Ce qu'il faut se rappeler, c'est de nos anciens.
03:35Qu'est-ce que c'était que ces bistrots ?
03:36Finalement, c'était un lieu multidimensionnel,
03:38on pourrait presque dire un tiers-lieu.
03:40On y trouvait de l'épicerie, on y trouvait le téléphone, à l'époque.
03:43C'est le cas aujourd'hui ?
03:44Oui, bien sûr. On trouvait un débit de tabac.
03:48On trouvait un bureau de poste, aussi, parfois.
03:49Un bureau de poste.
03:50Donc, aujourd'hui, ce qu'on essaie de redynamiser,
03:52et on le fait dans certaines régions,
03:54et on va continuer à multiplier les expériences,
03:56avec les buralistes, avec la poste,
03:59avec tous les acteurs de l'alimentation,
04:02pour redynamiser un lieu
04:03qui serait pris en charge, évidemment,
04:05par des personnes qui seraient des chefs d'entreprise,
04:07pas un agent de la mairie, pas un agent municipal.
04:10Un chef d'entreprise, ou une chef d'entreprise,
04:12qui vient et qui gagne sa vie avec ce type de lieu.
04:14Donc, nous travaillons sérieusement,
04:16parce que ce lien social, dans une population
04:18qui vieillit, est extrêmement important.
04:20Mais ça veut dire qu'il faudrait des charges encore inférieures
04:22pour des restaurants, des bistrots en zone rurale, par exemple ?
04:25C'est une piste, ça ?
04:26Ce qu'il faut profiter de ces municipales
04:28et d'interroger, un, nos futurs maires,
04:31nos députés, nos sénateurs,
04:34sur une loi sur le fait maison.
04:37Protéger ceux qui font bien,
04:38ceux qui protègent votre agriculture,
04:40ceux qui transforment les produits,
04:43et ceux-là doivent être protégés
04:44avec une TVA inférieure.
04:46Et vous voulez donc une loi,
04:48effectivement, pour défendre le fait maison,
04:49vous voulez aussi une loi
04:50pour défendre l'appellation restaurant.
04:52Vous, voir restaurant et McDonald's dans la même phrase,
04:55ça vous donne des boutons ?
04:56Mais moi, ça me donne des boutons.
04:58Oui, je ne vais pas aller jusque-là.
05:00Ce qui m'ennuie, c'est qu'on ne respecte pas le mot restaurant
05:03et artisan-restaurateur.
05:05Donc, si vous ne respectez pas ça,
05:06finalement, c'est la porte ouverte
05:08à tout le monde s'appelle restaurant,
05:09y compris certaines supérettes
05:11qui réchauffent des plats cuisinés,
05:14dont ils sont gelés, bien souvent,
05:16et qui mettent ça en avant
05:17avec une petite terrasse.
05:19Ça télescope le restaurateur,
05:21mais aussi aux restaurateurs
05:23qui font du fait maison,
05:24de pouvoir faire du fait maison
05:25dans de bonnes conditions.
05:27Sourcing des produits,
05:28sourcer des produits chez nos agriculteurs,
05:30des produits français,
05:31transformer sur place.
05:32Il nous reste une minute, Thierry Marx,
05:33et il y a une thématique
05:34que je voudrais aborder avec vous,
05:35ce sont les difficultés de recrutement.
05:37Depuis le Covid,
05:38dans le secteur de la restauration,
05:39dans l'hôtellerie aussi,
05:40c'est très compliqué,
05:41on manque de bras.
05:43Comment c'est possible ?
05:44Pourquoi est-ce qu'on n'arrive pas
05:45à retrouver des saisonniers,
05:47des salariés dans ces secteurs ?
05:48Alors d'abord,
05:49il faut prendre les choses à part.
05:51C'est vrai qu'il manque 200 000 postes
05:53dans notre profession.
05:55Chaque année,
05:56il manque 200 000 postes.
05:56Et on connaît bien la problématique
05:57ici, en pays catalan.
05:58Bien sûr,
05:59mais on a des problèmes de mobilité
06:00et on a des problèmes de logement.
06:03Tout ça ne concourt pas
06:04à faciliter les recrutements.
06:06Quand vous ne pouvez pas loger
06:07vos saisonniers,
06:08quand les gens ne peuvent pas
06:10se loger à un tarif intéressant,
06:12c'est extrêmement compliqué.
06:14Mais si on regarde les choses
06:16dans le détail,
06:17ce n'est pas simplement
06:18l'industrie de l'hôtellerie,
06:19restauration et les métiers du tourisme.
06:21C'est toutes les industries
06:22qui aujourd'hui peinent à recruter.
06:24Le monde du médical,
06:25le monde du bâtiment,
06:26le monde de différentes industries
06:28ont du mal à recruter.
06:29Donc il faut s'interroger
06:30sur le problématique,
06:31problématique de formation,
06:32des formations de meilleure qualité,
06:34plus rapide,
06:35pour ramener des personnes
06:36plus tôt dans le monde
06:37de l'entreprise
06:38et de les aider
06:38à la montée en compétences.
06:40Et puis,
06:40travaillons sur la grille des salaires,
06:42ce que nous avons fait
06:43dans nos métiers.
06:44On a travaillé sur la grille des salaires.
06:45Et ça n'a pas suffi, visiblement.
06:46Ça n'a pas suffi.
06:47Vous avez raison,
06:48mais il y a toujours un problème
06:49entre le salaire net
06:50et le salaire brut.
06:51Quand vous donnez à quelqu'un
06:52qui sort de l'école
06:522000 euros,
06:54il lui reste 1400 euros,
06:55et vous,
06:56ça vous a coûté 3500 euros.
06:57Donc à un moment donné,
06:58ça ne fonctionne plus.
06:59Ce système ne fonctionne plus.
07:01L'apprentissage aussi
07:02est une vraie table problématique.
07:04Vous dites intégrer les gens
07:05le plus tôt possible.
07:06L'apprentissage,
07:07il y a d'importantes coupes budgétaires
07:08qui sont envisagées aujourd'hui
07:09par l'État dans l'apprentissage.
07:10Ce qui nous inquiète beaucoup
07:11parce que les coupes budgétaires
07:13elles sont avérées.
07:15Ce qui nous inquiète,
07:16c'est de voir aussi
07:17la suppression des 500 euros
07:19pour le permis de conduire.
07:20Vous avez parlé de mobilité,
07:21vous avez parlé de logement.
07:23Nous, à Lumi,
07:24nous avons fait en sorte...
07:24Les signaux ne sont pas bons.
07:25Non, non.
07:25Nous avons fait en sorte à Lumi
07:27que la grille des apprentis,
07:28la grille des salaires des apprentis
07:29soit augmentée.
07:31Elle est faite.
07:31On est le seul syndicat
07:32à avoir porté cela.
07:33C'est fait.
07:34Donc on souffre un petit peu moins
07:35du manque d'apprentis
07:36dans nos métiers.
07:37Mais ça ne va pas durer
07:38parce que si on supprime
07:39cette prime au permis de conduire,
07:41s'il n'y a pas une aide
07:42au logement accru,
07:44effectivement,
07:44ça va peser
07:45sur le recrutement
07:46de nos apprentis.
07:47Merci beaucoup Thierry Marx.
07:48Merci à vous.
07:48C'est notre invité ce matin.
07:50Vous êtes le président de Lumi,
07:51c'est le syndicat
07:51des hôteliers et des restaurateurs.
07:52Je précise que vous connaissez
07:53très bien notre département.
07:54Vous avez été militaire
07:55dans une autre vie
07:56et vous êtes passé
07:57par le premier de choc
07:58notamment du côté de Mont-Louis.
07:59Oui, j'ai eu la chance
07:59de faire les 80 ans du SNEC.
08:01C'était de voir les anciens.
08:03C'était formidable.
08:04Merci beaucoup Thierry Marx.
08:05Bon congrès.
08:06C'est jusqu'à mercredi
08:07au Palais des Congrès de Perpignan.
08:08Merci.
08:09Bonne journée.