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  • il y a 12 heures
Haroun, humoriste, remonte sur scène après deux ans d'absence, pour son nouveau spectacle “Bonjour quand même," à Paris au 13è Art jusqu’au 31 janvier et en tournée en France. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-lundi-10-novembre-2025-6075170

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Transcription
00:00Bonjour Haroun, merci d'être avec nous ce matin sur France Inter, vous êtes l'un des humoristes les plus doués de votre génération,
00:06sale gosse de l'humour pour Télérama, humoriste philosophe pour Le Monde, vous remontez sur scène après deux ans d'absence avec votre nouveau spectacle,
00:13bonjour quand même à Paris jusqu'à fin janvier, puis en tournée dans toute la France, tout est déjà quasiment complet,
00:19moi je suis venu vous voir samedi soir, la salle était pleine, on a beaucoup ri, notamment quand vous parlez de l'actualité, un peu de politique,
00:26beaucoup de l'époque, c'est un tour de force de réussir à faire rire d'une époque que beaucoup de Français trouvent un peu déprimante, Haroun ?
00:34Oui, oui, parce qu'on nous répète tout le temps que ça ne va pas, on va tous dans le mur, etc.
00:39Et puis en plus, le monde change tellement vite que faire rire sur l'actualité, finalement c'est réécrire à chaque fois.
00:45Oui, et ça implique un certain nombre de changements effectivement au jour le jour, vous détestez pourtant cette phrase,
00:50ceux qui disent « on a vraiment besoin de rire en ce moment », pourquoi est-ce que ça vous agace cette phrase ?
00:55Même parce que j'espère qu'on rigolera toujours, quel que soit l'état du monde,
00:58et c'est comme s'il fallait qu'on rie parce que ça va mal, alors qu'il faut rire pour que ça aille mieux.
01:07Moi je pense que quoi qu'il arrive, le rire nous permet toujours d'extérioriser tout ce qui nous angoisse.
01:13Sur les évolutions que vous apportez à votre spectacle compte tenu de l'actualité,
01:17il y a notamment un passage, et d'ailleurs samedi soir vous avez commencé par ça, par le cambriolage au Louvre.
01:22Qu'est-ce qui vous a inspiré en tant qu'humoriste dans ce cambriolage ?
01:26Moi ça m'a fait beaucoup rire parce que je pose la question à la salle, je dis par applaudissement,
01:31qui avait prévu dans dix ans d'aller voir les bijoux de la reine au Louvre ?
01:35Et en plus je joue cette conversation, c'est quelle reine au fait ?
01:38On ne sait plus exactement son nom, etc.
01:40Est-ce que c'est celle à qui on a coupé la tête pour monter la République française ?
01:43C'était une honte pour la France.
01:44Enfin ça me fait rire cette espèce de paradoxe qu'il y a français entre la République française
01:48et l'espèce de...
01:51On est fasciné par la royauté en même temps, donc il y a un paradoxe là-dedans.
01:54Et c'est vrai, d'ailleurs d'autres invités à ce micro l'avaient dit,
01:57notamment Sylvain Tesson disait à peu près la même chose que vous.
01:59Vous avez cette phrase très drôle dans votre spectacle,
02:01où vous vous ironisez sur ceux qui considèrent que le plus grand danger aujourd'hui,
02:04c'est le danger du wokisme.
02:06Sur le thème, si ça c'est le pire, franchement ça devrait aller.
02:09Vous trouvez qu'on en fait trop sur le côté c'était mieux avant ?
02:13Oui, mais en fait n'importe quel sujet est monté comme une chantilly,
02:18parce qu'on en parle, on en reparle, on en reparle,
02:20et on en fait quelque chose de dramatique.
02:22Je pose cette question dans le spectacle aussi,
02:24est-ce que le monde est plus violent qu'avant,
02:25ou est-ce qu'il est mieux dramatisé ?
02:26Mais j'ai l'impression qu'on assiste comme un monde scénarisé,
02:30où chacun a écrit sa petite histoire,
02:33et puis on essaie de la mener jusqu'au bout,
02:35pour qu'on regarde absolument, et ça devient un spectacle général.
02:38Et notamment sur la question de ce qu'on appelle le wokisme ?
02:41Oui, sur cette question-là, en fait, elle est tellement pas claire,
02:45que chacun se représente quelque chose comme une espèce de monstre,
02:48et chacun a son petit monstre,
02:49et selon ce qu'on en pense, on en crée un combat ou pas,
02:53mais au final, le définir déjà c'est difficile,
02:56et je pense que ça n'a pas été assez bien défini,
02:58pour que le débat soit juste et sain.
03:00Sur la politique, Haroun, vous brouillez pas mal les pistes,
03:03alors il y a des moments très drôles sur le capitalisme et ceux qu'ils critiquent,
03:06sur des électeurs RN, je vous cite à un couscous de changer d'avis,
03:10c'est votre expression sur scène,
03:12on entend beaucoup que les humoristes se détourneraient de la politique,
03:15qu'ils préféraient parler de la vie quotidienne.
03:19Vous, ça ne vous effraie pas d'y aller sur la politique,
03:21même si c'est des sujets qui sont plus abrasifs ?
03:23Moi, ça ne me ferait pas,
03:25parce que j'aimerais bien réussir à parler d'un fond politique
03:29et pas de la politique politicienne.
03:30Comme je l'ai dit tout à l'heure,
03:31ça change tellement vite que si je commence à m'attaquer
03:33à vraiment l'actualité politique,
03:35je vais devoir réécrire tout le temps, ça va être embêtant.
03:37En revanche, avoir une réflexion politique de fond,
03:39ça, ça m'intéresse beaucoup.
03:41C'est ce que j'essaie de faire un petit peu,
03:43mais je pense que ça nous manque d'avoir un humour
03:46qui nous aide à penser.
03:49Mais comment est-ce que vous expliquez cette frilosité
03:51qu'ont certains humoristes ?
03:53D'ailleurs, j'ai vu sur Instagram,
03:54vous vous moquiez de ces débuts de sketch
03:56qui commencent par...
03:58Enfin, de ces humoristes qui sont obsédés
04:00par la description de la vie quotidienne
04:01pour ne pas parler des grands sujets.
04:02Comment est-ce que vous expliquez cette frilosité ?
04:04Il y a plusieurs choses.
04:06D'abord, est-ce qu'eux-mêmes s'y intéressent ou pas ?
04:08C'est une vraie question.
04:09Il y a peut-être des gens qui s'en intéressent
04:11et je peux les comprendre tout à fait.
04:12Et deuxième chose, c'est que poster ça sur les réseaux sociaux,
04:17ça veut dire devoir assumer l'idée,
04:19ça veut dire devoir la défendre,
04:20parce qu'on peut se faire attaquer de toutes parts
04:21dès qu'on partage quelque chose
04:22et il y a des gens qui prennent les choses très au sérieux,
04:24qui commandent très au sérieux.
04:26Et vous, vous êtes prêt à prendre ce risque ?
04:27Oui, parce que j'assume tout ce que je dis,
04:29mais surtout parce que j'essaie d'avoir une réflexion de fond
04:32et non pas de prendre un côté particulier,
04:35parce que prendre un côté,
04:36ça veut dire dire aux gens ce qu'il faut penser.
04:38Moi, ce n'est pas ça qui m'intéresse.
04:39Ce qui m'intéresse, c'est de poser des questions
04:40pour qu'ils pensent par eux-mêmes.
04:42Vous avez un humour très provoque, Haroun,
04:44je disais ce que disait Talarama,
04:45sale gosse de l'humour.
04:47Vous jouez en permanence avec les limites
04:49de ce qu'on peut dire ou ne pas dire.
04:51Il y a un moment très drôle dans le spectacle
04:53où il est question d'un accent.
04:56Là encore, je ne suis pas à spoiler
04:57pour que ceux qui nous écoutent aillent le voir,
04:59mais où vous prévenez la salle
05:01que vous allez faire un accent.
05:02Il y a une sorte de rire libérateur.
05:04Est-ce qu'il y a des moments où vous vous dites
05:05« Là, ça va trop loin ».
05:06Comment est-ce que vous jaugez cette limite ?
05:08Jusqu'où vous pouvez aller pour faire rire ?
05:10Moi, je ne peux que essayer de préjuger de la limite.
05:14Après, c'est le public qui décide.
05:16C'est à moi et à mes collègues
05:18d'aller voir où sont les limites.
05:20C'est à nous d'explorer,
05:22de défricher un peu avec la machette,
05:24d'aller voir s'il y a des choses
05:26qui sont interdites ou pas derrière les arbres.
05:28Il y a des choses interdites aujourd'hui.
05:30Est-ce que c'est vrai qu'on rit moins
05:31et que c'est plus difficile de faire rire aujourd'hui
05:33que ça l'était il y a 10 ans, 20, 30 ans ?
05:35Non, je n'y crois pas.
05:36Je pense que juste les sujets changent
05:38en fonction des influences,
05:39en fonction de cette actualité,
05:41en fonction de si un sujet est trop chaud ou pas.
05:45Parce que si je parle de la guerre à Gaza,
05:47juste au moment où ça pète,
05:49peut-être qu'il y a en effet des frilosités.
05:52Il faut laisser des temps,
05:53il faut laisser aussi l'analyse se faire,
05:55il faut laisser les penseurs amener des idées.
05:58Il y a des moments
05:59où on n'est plus enclin à se vexer que d'autres,
06:01mais c'est surtout aussi...
06:03Je n'ai pas envie de me moquer
06:05des sensibilités de chacun,
06:06j'ai envie de me moquer de la façon
06:07de traiter un sujet par la société,
06:09par les puissants.
06:10si je me moque des convictions des gens,
06:15forcément, à un moment,
06:16je vais me confronter à eux,
06:17mais ce n'est pas tellement ça qui m'intéresse.
06:18Parce que se moquer de la conviction de quelqu'un,
06:20ça veut dire quelque part le mépriser.
06:22Alors que moi, en tant que bouffon du roi,
06:24je dois me mettre en dessous,
06:25je dois être celui qui ne comprend pas,
06:26qui est un peu bête,
06:27et qui va rendre absurde un sujet.
06:30Vous évoquez il y a quelques instants
06:31la situation à Gaza.
06:33C'est vrai que vous parlez du Proche-Orient.
06:34Vous vous moquez des antisémites,
06:37de ceux qui assimilent les Juifs
06:40à la politique du gouvernement israélien.
06:42Quand on est artiste comme vous
06:43et qu'on voit ce qui s'est passé jeudi soir
06:45à la Philharmonie de Paris
06:46où un concert de l'Orchestre Philharmonique d'Israël
06:48a été perturbé par des fumigènes,
06:50des affrontements après des appels au boycott,
06:52qu'est-ce qu'on se dit ?
06:54Est-ce que vous avez été choqué par ces images ?
06:57Je suis très peu choqué en ce moment
06:59par tout ce qui se passe en fait.
07:00Il y a peu de choses qui me choquent
07:02et moi j'ai tendance à croire
07:05et à dire que s'il y a une colère
07:06ça veut dire qu'il y a des gens
07:07qui ne sont pas écoutés.
07:08Donc on aurait dû désamorcer une colère
07:11avant même qu'il y ait des violences.
07:13Et je pense que s'il y a une violence
07:14qui s'exprime,
07:15ça veut dire qu'à un moment
07:16il y a un dialogue qui a été rompu.
07:19Mais c'est une colère qui justifie
07:20dans une salle de spectacle
07:21et là encore vous jouez régulièrement,
07:23c'est un sanctuaire une salle de spectacle
07:25même s'il y a des causes
07:26qui peuvent être portées ?
07:28Il n'y a plus de sanctuaire aujourd'hui pour moi.
07:30Et le problème c'est que
07:32c'est marrant parce que je lisais
07:34à Bourdieu encore hier soir
07:35il y a une violence sourde
07:37qui monte parce que le dialogue
07:39n'est plus le bon,
07:42n'est plus entendu.
07:45On s'oppose au lieu de réfléchir ensemble.
07:47Et pour moi,
07:49s'il y a des violences qui s'expriment
07:50c'est parce que déjà,
07:52même avant,
07:52il y a des choses qui ne sont pas assez bien faites
07:55pour qu'on puisse chacun exprimer nos idées
07:58et ne pas tomber dans ce truc-là.
08:00Moi, en effet,
08:02l'expression artistique
08:03et le fait de faire taire
08:04l'expression artistique,
08:05c'est un vrai problème.
08:06Et c'est là où les artistes aussi
08:07ont une grande responsabilité.
08:09Et concernant l'orchestre philharmonique,
08:11en tout cas,
08:12je pense que...
08:13Moi, je n'ai pas bien suivi
08:15exactement ce qui s'est passé
08:16et qui sont ces gens-là, etc.
08:17Donc, je me garde...
08:19L'orchestre philharmonique d'Israël
08:20qui jouait,
08:21qui a été interrompu
08:22par des gens qui considéraient
08:23que c'était assimilé directement
08:24au gouvernement d'Israël.
08:24Oui, mais ce que j'aimerais,
08:27c'est que l'orchestre philharmonique d'Israël
08:29puisse avoir un dialogue aussi avec eux
08:30parce qu'il faut faire se rencontrer les gens
08:32pour que, justement,
08:32ça ne se reproduise plus.
08:33Merci beaucoup, Haroun,
08:34d'avoir été avec nous ce matin
08:35sur France Inter.
08:36Je rappelle votre spectacle.
08:37Bonjour quand même !
08:38À Paris, au théâtre 13ème art
08:39jusqu'au 31 janvier
08:40puis en tournée dans toute la France.
08:41Je termine rapidement
08:42dans votre spectacle.
08:42que vous terminez en disant
08:43que maintenant,
08:43même les rappeurs sont invités
08:44dans la matinale de France Inter
08:45entre La Météo et Jordan Bardella.
08:48Là, vous pourrez dire
08:48que vous avez été entre
08:49Patrick Cohen et Bertrand Chamorre.
08:52Vous pourrez rajouter ça
08:53à votre spectacle.
08:53Je suis presque un rappeur, alors.
08:54Merci beaucoup, Haroun.
08:55Et merci, Benjamin Duhamel,
08:577h59 sur Inter.
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