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  • il y a 5 semaines
Télématin reçoit Jérémy Roubin, secrétaire général de l'agence française de lutte contre le dopage.

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00:00Imaginez une compétition sportive type JO dans laquelle tous les participants seraient chargés avec la bénédiction des organisateurs.
00:08Ça paraît impensable et pourtant ces jeux des dopés, comme on les appelle, auront bien lieu en mai prochain à Las Vegas.
00:15Bonjour Jérémy Rubin, merci d'être avec nous ce matin, vous êtes secrétaire générale de l'agence française de lutte anti-dopage.
00:21J'imagine que vous êtes tombé de l'armoire, non, quand vous avez appris l'existence de cette compétition ?
00:24Effectivement, ça fait quelques mois que ça a été annoncé, pendant un temps on a cru que ça ne se ferait pas.
00:28Maintenant, les organisateurs ont un vrai sens de la communication bien rodée, ils essaient de débaucher dans chaque pays des sportifs et ils annoncent cette compétition qui se précise de mois en mois.
00:38Alors, ils sont assez prudents puisqu'ils se gardent bien d'imposer le dopage aux concurrents, naturellement, mais ils disent simplement que pour la première fois, sans doute, le dopage est ouvertement autorisé.
00:47Sauf certaines substances qui sont interdites sur le territoire américain.
00:50Mais en tout cas, ça autorise des substances pour parler assez concrètement, comme l'EPO, les stéréoids anabolisants par exemple, qui sont assez bien connus.
00:56Et donc, effectivement, c'est une première, c'est une rupture totale par rapport à ce qu'on avait connu jusqu'à maintenant.
01:00Il y avait un consensus sur l'idée que le dopage devait être hors du sport.
01:04Et pour la première fois, il y a des organisateurs de, je n'ose pas dire d'une compétition, plutôt d'un spectacle sportif qui disent que c'est possible.
01:11Justement, à l'initiative de ce projet, il y a un entrepreneur australien, accompagné de mécènes fortunés.
01:17Il veut montrer que la médecine peut soigner et améliorer les performances.
01:20On n'est plus dans le domaine du sport, on est dans le domaine quoi ? De la science, là ?
01:23Alors effectivement, ce n'est pas du tout un accident, c'est un hands game, ces fameux jeux améliorés, comme ils sont appelés par les organisateurs.
01:29C'est vraiment l'expression d'un projet politique, économique, poussé par des entrepreneurs,
01:34qui disent finalement, de manière très positive, il faut aller au bout des limites humaines,
01:38il faut aller au bout des performances et sans doute qu'on en tirera des progrès, des innovations pour la médecine.
01:42Donc c'est une présentation très avantageuse de l'événement, en essayant de l'autre côté de minimiser les risques,
01:47en expliquant qu'il y aurait une surveillance médicale, on pourra en reparler,
01:50pour essayer justement de rendre acceptable l'événement.
01:52Donc ce n'est pas du tout du hasard, c'est vraiment un esprit totalement nouveau, un contre-modèle.
01:58D'ailleurs, le même fondateur de ces jeux dit que le mouvement sportif traditionnel est disqualifié,
02:03que le CIO est hypocrite et corrompu.
02:05Donc c'est véritablement proposer un contre-modèle en disant que ce sont des valeurs différentes
02:09et au fond, il faut enlever toutes les formes de règles, de régulation,
02:12parce que ça freine l'innovation et la recherche et la science, et donc c'est un projet très global.
02:16Mais alors cela dit, au-delà du fait que c'est totalement amoral,
02:19d'un point de vue juste purement scientifique, est-ce que c'est intéressant de tester les limites du corps,
02:25de voir jusqu'où l'humain peut aller, même en étant aidé par des substances ?
02:31J'allais dire que c'est l'argument de vente en quelque sorte de ces promoteurs.
02:35Mais vous, est-ce que c'est quelque chose malgré tout qui scientifiquement peut vous interpeller ou vous intéresser ?
02:41Comme objet d'étude.
02:42Pas particulièrement comme objet d'étude, parce qu'en réalité, l'idée, elle est ancienne.
02:47Au fond, ce qu'on nous propose aujourd'hui comme quelque chose de tout à fait nouveau,
02:50c'est un peu l'histoire du dopage, c'est-à-dire qu'on utilise des substances qui existent,
02:54notamment des substances thérapeutiques, et on les détourne de leur usage premier.
02:56Et à chaque fois, on essaie de minimiser, soit pour les sportifs, pour essayer de les inciter à le faire,
03:02soit pour rendre acceptable le projet, les risques que ça représente.
03:05J'ai envie de dire, faisons peut-être le pari qu'il n'y aura aucun risque pour les quelques sportifs,
03:10la poignée de sportifs, dix aujourd'hui qui sont annoncés, pour ce type de compétition.
03:14Mais quelle image on donne à tous ceux qui vont voir éventuellement ce type de performance,
03:20entre guillemets, artificielle, et qui, eux, évidemment, ne bénéficieront pas du tout
03:23de l'accompagnement médical qu'on met en avant pendant cette compétition.
03:28Vous évoquiez les participants, il y a un français, le sprinter Mohamedou Fall,
03:32qui est multiple champion de France.
03:34Qu'est-ce qu'il faut faire pour ces sportifs qui vont y participer ?
03:36Est-ce qu'il faut les radier des compétitions conventionnelles ?
03:39Déjà, lorsque Mohamedou Fall a exprimé son intention d'y participer,
03:42c'est vrai que la FLD, au même titre que le mouvement sportif,
03:45le Comité national olympique et sportif français et le ministère en charge des sports,
03:47a rappelé le cadre, les valeurs du sport, mais également les sanctions
03:51auxquelles pouvaient s'exposer, dans certains cas, ceux qui participaient
03:53non seulement à cette compétition, mais également qui allaient utiliser
03:57des protocoles de lopage.
03:59Ça a permis une clarification, puisque M. Fall s'est retiré de la vie sportive,
04:03a fait part de sa retraite sportive, et donc, de lui-même, s'est mis à l'écart.
04:06Il l'a exprimé, il l'a dit.
04:08Il va à cette compétition, qui est une compétition purement privée,
04:10et il sort du mouvement sportif, en quelque sorte.
04:12Il faut dire également, et ça, c'est très important,
04:14qu'une telle compétition, par exemple, en France,
04:18ne pourrait pas avoir lieu, tout simplement parce que,
04:21d'une part, elle pourrait être contrôlée,
04:22puisque nous pouvons contrôler toute compétition sportive,
04:24y compris lorsque l'organisateur ne le souhaite pas,
04:26et deuxièmement, elle serait très certainement interdite,
04:29parce qu'on voit bien qu'on incite à commettre des violations
04:31des règles d'antidopage, ou qu'on incite à commettre
04:33même des infractions, puisque, dans certains cas,
04:35c'est une infraction pénale.
04:36Donc, voilà, c'est un choix qu'un sportif peut faire.
04:39Il le fait, j'allais dire, en son âme et conscience.
04:42Il l'exprime.
04:43Après, on ne peut pas s'étonner que ça provoque également
04:45de la controverse, voire de l'incompréhension
04:46de la part du public sportif, parce que je crois
04:49que c'est un choix qui est clairement très particulier.
04:51Et surtout, il faut bien expliquer ce qu'il implique,
04:53c'est-à-dire se mettre au banc de la communauté sportive.
04:55Cédric Dandville.
04:56Oui, juste dire un mot de la dimension peut-être financière
04:59derrière tout ça, parce qu'on parle de sommes
05:00qui sont totalement astronomiques,
05:03notamment un million de dollars gagnés
05:05par ceux qui battent certains records.
05:06Il y a cet aspect-là aussi derrière.
05:08Absolument.
05:09Et c'est là où, finalement, le projet est assez bien conçu,
05:11entre guillemets, c'est-à-dire que, d'un côté,
05:13on nous présente ça comme une liberté de se doper
05:15pour les sportifs, un nouveau droit, entre guillemets,
05:16pour assortir un progrès même.
05:18Et en même temps, on voit très, très bien
05:19le système qui est mis en place.
05:20C'est les incitations financières très fortes
05:22qui n'ont pas d'équivalent, puisque, par exemple,
05:23les Jeux olympiques et paralympiques ne sont pas conçus
05:25comme des compétitions où on gagne des prix en argent.
05:28C'est l'idéal du sport, le fait de dépasser soi-même,
05:32d'avoir des performances, j'allais dire,
05:33pour la beauté du sport.
05:34Donc, très clairement, on a affaire à des entrepreneurs
05:36qui ont bien compris comment on pouvait attirer des sportifs.
05:39Et vous leur dites quoi, aux sportifs,
05:40peut-être à des Français qui hésitent à accepter ?
05:43Je crois, s'ils voulaient, que c'est assez intéressant
05:45de voir les sportifs qui ont déjà fait part
05:47de leur intention de participer.
05:48À la fois, ils ressortent, finalement,
05:51un discours bien rodé de l'organisateur
05:52pour expliquer tous les aspects positifs qu'on a vus.
05:54Et en même temps, à chaque fois, ils disent
05:55« Oui, mais je ne veux pas que ça soit contre ma santé.
05:56Oui, mais en même temps, je veux bien que ça soit compris
05:58comme quelque chose de positif. »
06:00Non, voilà, non.
06:02En fait, il faut faire son examen de conscience.
06:04Il faut être très clair.
06:05Et surtout, il ne faut pas détourner les mots, à mon avis.
06:06Il faut l'assumer clairement.
06:08Et surtout, il ne faut pas se dire
06:09« Je vais être vu comme quelqu'un
06:11qui a participé à une compétition sportive
06:12qui a fait un vrai record du monde. »
06:14Il faut accepter que c'est totalement biaisé depuis le départ.
06:16Alors, c'est peut-être une expérience pour certains.
06:18Mais il ne faut pas que la curiosité amène une publicité
06:21au-delà de ce que ça mérite.
06:22Parce que très clairement, moi, je pense que c'est demain
06:24une vitrine terrible, notamment pour les jeunes pratiquants de sport.
06:27Merci, Jérémy Robin.
06:28Je vous remercie.
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