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Les paramilitaires des Forces de soutien de rapide ont commis des massacres dans la ville d'El-Fasher au Soudan dans le silence assourdissant de la communauté internationale. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20/l-invite-de-8h20-du-we-du-samedi-01-novembre-2025-4075360
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00:00Et un grand entretien ce matin que nous avons voulu consacrer à un drame, un conflit, une catastrophe humanitaire qui se déroule en ce moment même au Soudan et dans un silence assourdissant.
00:13Il était important de s'y arrêter ce matin pour en comprendre les enjeux, pour essayer de comprendre comment peuvent se produire ces exécutions, ces pendaisons, ces tortures, ces safaris humains, ces viols qui ravagent le Soudan.
00:28Comment se comprend cette origine du conflit ? Chers auditeurs, pour nous interroger, poser vos questions au 01 45 24 7000 ou sur l'application Radio-Français, plusieurs invités dans le studio 511 de France Inter, Roland Marchal, bonjour.
00:46Bonjour.
00:47Vous êtes chercheur à Sciences Po Paris, spécialiste de l'Afrique de l'Est et notamment du Soudan, Pierre Aski de France Inter, je ne vous présente pas.
00:54Bonjour Pierre, vous connaissez bien le Soudan, vous y étiez déjà en 1985 au moment de la famine et d'un premier coup d'Etat.
01:02Ahmad Gamal, bonjour.
01:04Bonjour.
01:04Vous êtes réfugié soudanais en France, fondateur du média Sudfa, vous êtes journaliste et réalisateur et vous allez nous aider à comprendre ce qui se passe dans votre pays.
01:16Et nous serons dans un moment en ligne avec la directrice de Solidarité Internationale qui est dans le sud-ouest du Soudan, Caroline Bouvard.
01:27Mais partons d'abord de ce qui se joue sur place de cette guerre civile qui a commencé au moins en 2023, qui oppose l'armée et ce qu'on appelle les forces de soutien rapide.
01:39Avec une armée dirigée par Abdel Fattah el-Bourhan qui est régulièrement accusé de crime contre la population civile, avec les forces de soutien rapide qui sont dirigées par celui qu'on nomme Emedi,
01:51qui est l'homme le plus riche du pays grâce aux mines d'or qu'il contrôle.
01:55Qu'est-ce qui se joue autour de cette ville d'El-Facher qui se situe au nord du Darfour, cette région du Soudan, grande comme la France, qui est tombée aux mains de ces forces de soutien rapide ?
02:09À quoi est-ce qu'on assiste Roland Marshall lorsque l'on regarde le Soudan aujourd'hui ?
02:15Écoutez, on assiste d'abord à une transition contre une dictature qui a duré 30 ans, avec certaines connivences internationales fortes, notamment du côté occidental et du côté chinois,
02:27et à l'échec de cette transition civile et au retour des militaires.
02:32On assiste aussi à une lutte qui est basée sur des conflits qu'on n'a pas réglés.
02:40On a eu, en France comme ailleurs, dans le monde occidental, notamment aux Etats-Unis, des hommes politiques qui ont écrasé une larme dans les années 2000 sur le génocide en cours,
02:51promettant que jamais plus, cette fois-ci, on allait vraiment s'intéresser au problème, le régler sur le fond.
02:56On n'a rien fait. On a fait tellement peu de choses.
02:59On s'est contenté d'une approche extrêmement réduite au niveau humanitaire.
03:04Et puis, on a donné le dossier au Qatar, qui n'a pas fait plus.
03:08Et puis, on a oublié. Et donc, ce conflit ressurgit depuis quelques années.
03:13Ce n'est pas nouveau, ce qui se passe aujourd'hui à El Facher.
03:16La bataille d'El Facher elle-même a duré plus de 16 mois.
03:19Donc, il a fallu quand même être à la fois sourd et aveugle pendant très longtemps pour ne pas se rendre compte de ce qui était en train de se passer.
03:25Il y a quand même deux camps de réfugiés.
03:27Plus d'un million de personnes qui ont subi des bombardements, ont subi une violence, les viols,
03:35et ont dû fuir sans que réellement il y ait de mobilisation internationale.
03:40Aussi, des déclarations, bien entendu, de tout le monde, parce que quand même on est respectable.
03:45Mais rien sur le fond.
03:46Alors, on va retourner justement à El Facher pour essayer de comprendre ce qui se passe.
03:50Pierre, dans un instant, on va parler des ingérences internationales et du rôle de puissances étrangères dans ce conflit
03:57qu'on peut dire oublié ou en tout cas très largement invisibilisé.
04:01Mais Ahmad Gamal, Nathaniel Raymond, qui est directeur d'un laboratoire de recherche humanitaire de l'université américaine de Yale,
04:09disait que ça lui faisait penser à ce qui se joue aujourd'hui au nord du Darfur, au Soudan, dans votre pays,
04:15aux premières heures du génocide au Rwanda.
04:17Est-ce que cette comparaison a un sens pour vous aujourd'hui ?
04:24Je pense que c'est une comparaison qui est tout juste.
04:27Même j'allais dire que ce qui s'est passé au Soudan, c'est encore pire.
04:32Et pour faire un peu la chronologie de la génocide au Soudan qui a débuté dans les années 2000,
04:40et notamment avec le commencement de la rébellion dans la région de Darfur,
04:44le régime d'Omar al-Bashir a formé de ce qu'on appelle aujourd'hui les forces de soutien rapide.
04:51Le précédent dictateur.
04:52Le précédent dictateur.
04:53Mais à l'origine, il s'appelle le Jinjavit.
04:56Et il s'agit d'un groupe de milices composées de Soudanais, mais aussi de mercenaires étrangers,
05:02a pour l'objectif de faire étendre le fou de la révolution.
05:09Et ce qui s'est passé en fait dans les régions de Darfur,
05:12où il y a des villages qui ont été brûlés, il y a du génocide, il y a du nettoyage ethnique.
05:18Selon des rapports officiels qui sont sortis de Nations Unies,
05:23on parle de 3 millions de personnes qui sont morts dans le début des années 2000.
05:29Et depuis le début de cette guerre, ce n'est pas le premier massacre.
05:35Ce qui s'est passé dans les villes de Fajir, on a assisté bien avant le massacre de la ville de Jilena,
05:40où il y a 15 000 personnes qui sont morts juste en l'espace d'une semaine.
05:46Et aussi ce qui s'est passé dans les villes de Nialla,
05:49on parle d'au moins 5 personnes aussi qui ont été massacrées et tuées.
05:53Donc voilà, ce qui s'est passé aujourd'hui dans les villes de Fajir, il n'est pas inédite.
05:57C'est juste la continuité du massacre, en fait, qu'on l'assiste depuis il y a des décennies.
06:03Pierre ?
06:05Il faut quand même se replacer dans le contexte, c'est-à-dire qu'il y a eu effectivement la chute de cette dictature.
06:11D'Omar El-Bachir ?
06:12Oui, d'Omar El-Bachir, dans une révolution qui a soulevé beaucoup d'espoir.
06:17Le Soudan, c'est un pays qui avait une société civile très structurée.
06:21On a vu en 2018-2019 cet espoir incroyable avec des foules considérables.
06:27La jeunesse dans la rue.
06:29Le rôle des femmes.
06:31Il y avait cette icône qu'on a beaucoup célébrée à l'étranger, cette chanteuse, etc.
06:36Et lorsque il y a eu le coup d'état militaire contre cette transition dirigée par un homme qui était un haut fonctionnaire,
06:45qui venait du FMI, un économiste respecté, etc.
06:48On a laissé faire.
06:50Et c'est là que le verre de la violence a été réintroduit dans ce pays,
06:58après cette parenthèse enchantée qui a été assez sanglante.
07:02Il y a eu beaucoup de répression aussi pendant cette période.
07:04Mais il y a eu quand même une période d'espoir.
07:07Et cet espoir, il a été ruiné.
07:09Et c'est là que les ingérences étrangères commencent à venir de manière considérable.
07:15et qu'on a fermé les yeux à un moment, il faut bien le dire, de détérioration complète du multilatéralisme
07:23et de toute la gestion internationale des conflits.
07:26C'est le moment où Poutine lance sa guerre en Ukraine.
07:29C'est l'année suivante, on a Gaza.
07:33Donc on est dans une période où la gestion collective des conflits dans le monde s'écroule.
07:38Mais on a aujourd'hui des ingérences qui sont flagrantes.
07:41On a ces deux généraux, enfin ces deux chefs militaires.
07:45Le chef d'état-major Al-Bourhan qui est à Khartoum.
07:50Et Héméti.
07:50Qui est le président légal du pays pour le dire rapidement.
07:53Oui, légal c'est un grand mot mais en tout cas en place.
07:56Et le dirigeant des...
07:57De ces forces de soutien rapide, Héméti qui est un chef de guerre,
08:02qui était déjà accusé de génocide dans les années 2000 et 2010.
08:07Et on a les Émirats Arabes Unis qui soutiennent Héméti,
08:12qui lui fournissent des armes, qui lui fournissent des mercenaires colombiens.
08:16C'est ahurissant.
08:17C'est ahurissant.
08:18Expliquez-nous pourquoi d'ailleurs ?
08:20Que viennent faire les Émirats Arabes Unis dans cette région du monde,
08:24dans ce pays qui est l'un des plus grands du pays africain,
08:28qui compte 46 millions d'habitants,
08:30qui fait plus de trois fois la superficie de la France.
08:33Et que viennent faire des mercenaires colombiens
08:36aux côtés de trompes armées ?
08:39Il faut remonter à la guerre au Yémen.
08:40Vous vous souvenez que les Émirats et l'Arabie Saoudite
08:43avaient lancé une guerre contre le Yémen,
08:45contre les Houthis au Yémen.
08:47Et Héméti, ce chef de guerre soudanais,
08:51avait fourni des mercenaires pour se battre à la place des Émirats
08:57dans cette guerre au Yémen.
08:59Et c'est un retour de service que lui rendent aujourd'hui les Émirats
09:06en lui fournissant des drones chinois, des armes légères, etc.
09:11Et de l'autre côté, on a l'Égypte qui soutient le général Al-Bourhan.
09:16Et donc on a cette guerre qui a pris une dimension régionale
09:20sans qu'on puisse faire quoi que ce soit,
09:22sans que personne n'ose dire aux Émirats qu'il faut arrêter cette ingérence,
09:27ou à l'Égypte, parce qu'il y a des enjeux beaucoup plus larges
09:30et qu'on ferme les yeux sur le Soudan pour permettre la poursuite.
09:34Roland Marshall, dis-nous à comprendre ces enjeux.
09:36Oui, non, écoutez, il est quand même d'abord important de souligner
09:40que du côté du général Bourhan et des forces armées soudanaises,
09:45il y a d'autres acteurs.
09:46Il y a l'Iran, il y a la Russie, il y a l'Arabie saoudite
09:50qui a un rôle, disons, plus ambigu, mais quand même qui est là derrière.
09:56Il y a le Qatar, il y a la Turquie.
09:58Donc on voit un peu, disons, un certain nombre de pays
10:01qui avaient des relations très bonnes avec l'ancien régime,
10:05qui veulent garder la main, comme le Qatar.
10:10On a des pays comme l'Arabie saoudite qui ont changé,
10:13mais qui ont des lignes rouges concernant la participation des islamistes
10:17au nouveau pouvoir, mais qui en même temps sont très inquiets
10:20de voir les ambitions émiraties dans la mer rouge
10:23et qui du coup jouent des cartes particulières.
10:26On a la Russie qui veut avoir une base sur la mer rouge
10:29et qui fait tout pour l'avoir, que ce soit aujourd'hui avec Bourhan
10:34et peut-être demain avec Emeti, si le cours de la guerre s'inversait.
10:38Et donc il faut être effectivement très conscient du fait
10:44qu'il y a un effondrement, et pas seulement au Soudan,
10:49mais dans le camp de l'Afrique, d'un certain nombre de régulations internationales
10:52largement liées à l'affaiblissement de l'influence occidentale,
10:58au fait que les Chinois qui sont un acteur prédominant ne veulent pas jouer ce rôle,
11:03et puis des puissances moyennes, les émirats financières,
11:09les Russes militaires et les Turcs militaires jouent des cartes
11:13parce qu'il y a des zones d'influence à déterminer.
11:15Alors dans un instant on va rejoindre Caroline Bouvard qui est donc au Soudan,
11:20mais j'aimerais qu'on s'arrête sur ce moment important
11:23qui est la chute d'une ville et les massacres d'El Fasher,
11:27El Fasher au Soudan avec un bilan humain absolument catastrophique.
11:32Il y a même des images satellites qui montrent l'étendue des massacres
11:36commises par les forces de soutien rapide depuis la prise de la ville.
11:41On est à l'ouest du pays, le nombre de victimes ne cesse de s'alourdir
11:46de manière absolument dramatique.
11:49Amad Gamal, quelles sont les nouvelles que vous, vous avez du terrain,
11:53de ce qui se joue là-bas ?
11:55Les nouvelles sont très peaux parce que la connexion,
12:00où il n'y a plus d'internet depuis quelques jours,
12:04à l'ensemble de la population qui a été dans l'évide d'El Fasher,
12:08au moment où les forces de soutien rapide attaquaient la ville,
12:13ont été tuées.
12:15La dernière déclaration de l'épargne de coordination du comité de résistance,
12:20la seule organisation qui nous informe de ce qui se passe sur le terrain,
12:25parle que tous les patients qui ont été dans l'hôpital de El Fasher
12:30ont été massacrés et tués.
12:33Il n'y a plus personne aujourd'hui dans la ville.
12:35On dit que les combattants ont bombardé le dernier hôpital de la ville,
12:39ils sont entrés dans une maternité et ils ont exécuté les patients,
12:42le personnel médical, plus de 450 personnes.
12:46Tout à fait, tout à fait.
12:47Mais aussi dans le même bilan, ils parlent de viols collectifs
12:52qui ont été commis juste à côté de la ville de El Fasher,
12:56au moment où il y a des déplacés qui ont été en train de partir.
13:00Donc voilà, aujourd'hui, le bilan, c'est très très très difficile.
13:04Moi-même, je suis l'originaire de cette ville.
13:07J'arrive plus à joindre tous mes proches, en fait,
13:10qui sont restés coincés et assigés dans les villes.
13:14Et la seule organisation qui nous informe aujourd'hui,
13:17c'est le comité de résistance,
13:19par la déclaration qui, eux-mêmes, en fait,
13:21ils n'arrivent pas à s'informer de ce qui se passe sur place.
13:25Bonjour Caroline Bouvard.
13:28Bonjour.
13:29Merci infiniment d'être avec nous sur France Inter ce matin.
13:32Vous êtes en ce moment à Tawila, au Soudan.
13:35C'est une ville qui est à 60 kilomètres à l'ouest d'El Fasher
13:38et dont nous parlait Hamad il y a un instant.
13:41C'est une zone, cette ville de Tawila,
13:46qui permet d'accueillir les personnes qui cherchent à fuir,
13:49qui cherchent à fuir pour se mettre en sécurité.
13:52Décrivez-nous la situation sur place.
13:54C'est absolument sidérant.
13:56Il y a à peu près 800 000 déplacés à Tawila,
14:00la ville où vous êtes,
14:01et que vous essayez tant bien que mal d'aider.
14:04Alors oui, en effet.
14:06Il y a une estimation entre 750 et 800 000 personnes déplacées
14:10qui sont sur cette petite ville de Tawila.
14:12Alors, ils ne sont pas tous arrivés là ces 20 jours.
14:16Tawila est effectivement une zone considérée
14:19comme sécurisée pour les personnes de la région
14:22parce qu'elle fait partie d'une zone neutre,
14:24en fait, au sein du conflit,
14:26qui est tenue par un groupe,
14:28le SLA de Louaïd,
14:31qui a pour le moment réussi à garder sa neutralité
14:33entre les FASR et les forces régulières.
14:36Et donc, les populations du nord d'Arfour
14:39affluent à Tawila depuis déjà un certain temps.
14:42On a plus de 200 000 personnes qui étaient arrivées
14:43entre fin 2024 et début 2025.
14:46Et surtout, on a plus de 500 000 personnes
14:49qui sont arrivées à partir du mois d'avril dernier.
14:53Plus de 500 000 personnes depuis le mois d'avril dernier ?
14:57Plus d'un demi-million de personnes, tout à fait,
14:59depuis le mois d'avril dernier,
15:01qui sont arrivées sur cette zone,
15:03soit de Zamzam, soit de El Fashe.
15:06Par contre, actuellement,
15:08et c'est ce qui nous inquiète,
15:09on voit finalement très peu de personnes venir.
15:12Les chiffres officiels disaient
15:14qu'il restait environ 250 000 personnes à El Fashe.
15:19Mais à ce jour, sur les dernières semaines,
15:22nous n'avons pu accueillir qu'environ 5 000, 6 000 personnes
15:24qui ont réussi à venir jusqu'ici.
15:26Donc, on est très inquiets de savoir
15:27où est la population d'El Fashe aujourd'hui.
15:31Oui, puisqu'il est question de massacre,
15:33il est question de safari humain,
15:35c'est-à-dire qu'on assassine,
15:38il y a des atrocités qui sont commises
15:39contre les civils qui essayent de fuir
15:42la ville d'Amad qui est avec nous en plateau
15:45et qui cherchent à tout prix
15:48à quitter ces lieux de violence.
15:51Quel est l'appel que vous lancez aujourd'hui, Caroline ?
15:55Aujourd'hui, il y a deux choses essentielles.
15:58C'est premièrement, il faut que nous puissions
15:59avoir accès à ces populations.
16:01Donc, on sait que un certain nombre de personnes,
16:03aujourd'hui, au vu des nouvelles qu'on a
16:05de différents villages au nord de Tawila,
16:08il y a à peu près 10 ou 15 000 personnes au moins
16:10qui sont coincées sur les routes et dans ces petits villages.
16:13Mais on ne peut pas y accéder et elles ne peuvent pas bouger
16:16parce que les routes ne sont pas sécurisées.
16:19Donc, on a d'abord besoin d'une sécurisation de ces routes
16:21pour accéder à ces personnes,
16:22potentiellement accéder à El Fasher également dans la foulée.
16:26Et puis, parallèlement à ça,
16:27on a besoin de plus de soutien
16:29des différents gouvernements internationaux
16:32pour négocier diplomatiquement une issue à ce conflit
16:36et apporter plus d'aide humanitaire
16:38puisqu'aujourd'hui, le niveau d'aide humanitaire à Tawila
16:40est très largement en dessous de ce qui est nécessaire
16:43considérant le nombre de personnes qui sont présentes ici.
16:46Merci infiniment, Caroline Bouvard,
16:48d'avoir été avec nous en direct depuis le Soudan
16:51et bon courage à vous et à vos équipes.
16:54Question que je vous pose à tous les trois, messieurs.
16:56Pourquoi est-ce que cette guerre a été invisibilisée ?
17:00Ahmad Gamal, c'est quelque chose qui vous touche profondément.
17:03Vous ne comprenez pas qu'on en parle si peu ?
17:06C'est vrai que c'est une question qu'on pose beaucoup
17:10en tant que Soudanais,
17:11au point même en question sur notre valeur,
17:14en tout cas en tant que de trauma.
17:15En fait, notre vie compte comme les vies des autres.
17:20Mais en tout cas, de ce qu'on observe depuis ici,
17:22je pense qu'il y a cette croyance
17:24que le Soudan c'est un pays où il y a une guerre depuis toujours
17:28alors que ce n'est pas le cas.
17:30Le Soudan c'est un pays qui est révolutionnaire,
17:33qui a connu trois révolutions
17:34et cette dernière révolution a fait rêver le Soudanais
17:38faire une transition démocratique.
17:41Donc voilà, je pense que l'idée que le Soudan
17:43c'est un pays où il y a une guerre depuis toujours,
17:45c'est une idée de normaliser cette guerre
17:48et pour dire qu'il ne faut pas s'inquiéter
17:50parce qu'il se battrait depuis toujours pour rien.
17:53Alors que cette guerre, qu'on est en train de l'assister au Soudan,
17:58il ne s'agit pas d'une guerre du Soudanais,
18:00c'est une guerre par la procuration.
18:02Et on l'a entendu d'ailleurs dans l'explication de Roland Marchal et Pierre Aski.
18:07Un mot Pierre sur l'invisibilisation de cette guerre, comment l'expliquer ?
18:10Je pense qu'il faut quand même voir qu'il y a deux autres conflits majeurs en même temps,
18:16l'Ukraine et le Proche-Orient,
18:18et que ces conflits ont pris le dessus en termes de visibilité,
18:22en termes aussi de rapport avec l'Occident
18:25et donc avec les médias dans nos pays.
18:27C'est un peu le triste sort du Soudan,
18:30c'est qu'il n'y a pas de journalistes sur place,
18:32il n'y a plus de journalistes sur place.
18:33Il y en avait beaucoup au moment de la Révolution à Khartoum.
18:36On avait des images de Khartoum tous les jours
18:38et ça a été un mouvement qui a été très suivi dans la presse occidentale.
18:44Et la réalisatrice Inmedeb avait fait un film absolument formidable
18:47sur la jeunesse soudanaise qui se révoltait.
18:49Qui est sorti il n'y a pas très longtemps.
18:51Mais on est aujourd'hui dans cette incapacité de couvrir sur place
18:55et les conflits du Proche-Orient et d'Ukraine ont pris le dessus.
18:59Avec cette dimension aussi supplémentaire,
19:01c'est l'effondrement du droit international.
19:03Et quand le droit s'écroule ailleurs,
19:06vous ne pouvez pas espérer qu'il soit respecté aussi plus au Darfour.
19:10Quelle est la bonne grille de lecture Roland Marshall ?
19:12Et c'est malheureusement la fin de ce grand entretien.
19:14Mais la bonne grille de lecture, on dit que c'est un conflit ethnique.
19:17Certains disent que c'est un conflit religieux
19:19avec des musulmans qui s'en prennent à des chrétiens.
19:22Il y a des nombres de lectures totalement contradictoires.
19:27Alors qu'au fond, est-ce que c'est un conflit
19:29qui a les ressorts du pouvoir et de l'argent
19:32comme la plupart des conflits dans le monde ?
19:35Écoutez, comme beaucoup de conflits qui se sont passés au Soudan,
19:38ils posent des questions à court terme et à long terme.
19:41À court terme, c'est une transition qui s'est mal passée.
19:44J'ai essayé d'expliquer.
19:45À long terme, c'est effectivement une certaine structure de l'État,
19:49de la façon dont l'État soudanais est né et comment il fonctionne.
19:52qui produit des périphéries avec des gens qui sont notamment au Darfour
19:56dans des statuts inférieurs en termes de citoyenneté
19:59et qui cherchent des moyens au Darfour et ailleurs de se révolter.
20:04Et souvent, ça passe par les armes.
20:06Donc, c'est toute la complexité de cette crise
20:08qui est à la fois une crise extrêmement soudanaise,
20:11mais qui est aussi une crise qui peut durer
20:13et s'est militarisée à un niveau peu commun
20:16grâce à des États.
20:18L'Égypte, les Émirats arabes unis sont deux exemples,
20:22mais comme j'en ai cité d'autres,
20:23qui jouent un rôle extrêmement important
20:25dans le système d'alliance occidentale à l'heure actuelle.
20:28Merci en tout cas infiniment à tous les trois
20:30d'avoir donné quelques clés de lecture
20:32pour essayer de comprendre ce qui se joue au Soudan.
20:36Bonne journée, messieurs.
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