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Anne Fulda reçoit Laurence Honnorat pour son livre «Hubert Reeves : Tout n'est pas foutu !» dans #HDLivres

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Transcription
00:00Bienvenue à l'heure des livres, Laurence Honora.
00:03Alors, vous êtes chef d'entreprise, vous enseignez aussi,
00:07notamment à Centrale Supélec, entre autres.
00:09Vous avez créé une chaîne qui participe à la diffusion du savoir scientifique
00:15et vous venez de publier un livre qui s'appelle Hubert Reeves,
00:18Tout n'est pas foutu, un livre qui est paru aux éditions Télémac.
00:21Donc, un livre consacré à cet homme, cet astrophysicien
00:25que tout le monde a connu, une grande figure de la vulgarisation scientifique
00:31qui est décédée en 2023.
00:34Alors, première question, on a envie de vous demander pourquoi.
00:37Pourquoi avez-vous décidé d'écrire ce livre et de le consacrer à cette personnalité ?
00:43Alors, j'ai mis longtemps avant de me décider, j'ai mis pratiquement une année.
00:46Je me suis dit, mais quelle légitimité je peux bien avoir à écrire ce livre
00:50si Hubert avait pu décider à qui il aurait confié la plume,
00:53quelle aurait été cette personne ?
00:55Et au bout d'un moment, je me suis aperçue que cette question, finalement,
00:57était relativement stupide et que plus de personnes écrivaient, mieux c'était
01:01et que la voix d'Hubert était une voix, comme son œuvre, complètement polyphonique
01:05et que c'était bien de transmettre, de faire une sorte de prolongement de cette œuvre,
01:10de la mettre à disposition du plus grand nombre de personnes possible.
01:14Alors, oui, vous parlez d'une œuvre polyphonique.
01:17Vous écrivez, racontez Hubert Reeves, c'est entrer dans un monde
01:19où la science dialogue avec la poésie et la philosophie.
01:22Alors, en quoi ? Qu'est-ce que vous voulez dire par là, quand vous dites ça ?
01:26Hubert parlait de science de façon jamais complexe.
01:30Son idée, c'était que tout le monde puisse comprendre cette science
01:33et donc, il utilisait des mots tout à fait accessibles.
01:37Et pour arriver à amener ces mots, il mêlait poésie, il mêlait philosophie.
01:40Il avait cette vue qui n'était pas une vue dure de la science,
01:45mais une vue ronde, une vue enrobée, une vue qui faisait qu'on avait envie de l'écouter,
01:50qu'on était complètement captivé par son histoire.
01:53Et voilà pourquoi cette œuvre est polyphonique et voilà pourquoi elle se tourne vers le grand public
01:58et arrive à avoir un impact aussi fort.
02:00Alors, on a envie de savoir comment vous, vous en êtes venu à connaître Hubert Reeves ?
02:05Alors, c'est une histoire qui date il y a longtemps, ça fait je crois 23 ans.
02:09Ma fille Estelle avait 8 ans et je l'avais conduite à la Cité des sciences et de l'industrie à Paris
02:14où justement, Hubert Reeves donnait une conférence.
02:16Et nous attendions, nous prenons un petit déjeuner sur le pouce
02:19lorsqu'Estelle a aperçu au fond d'un couloir Hubert.
02:22Elle a couru, impossible de la rattraper, de la retenir.
02:25Et une conversation de plusieurs minutes, très très longue,
02:28les journalistes attendaient à démarrer entre Hubert qui s'était mis à genoux
02:32et Estelle qui était complètement fascinée par ce personnage.
02:35Donc, je suis allée au bout d'un moment récupérer Estelle
02:37et la conversation a démarré à ce moment-là et elle a duré une vingtaine d'années.
02:42Oui, donc en fait, vous diriez quoi ? Vous avez une relation amicale ?
02:46Tout à fait. J'ai eu la chance d'aller le filmer à beaucoup de ses conférences,
02:49de le photographier.
02:50J'ai eu la chance d'avoir beaucoup de discussions avec lui
02:53où il avait beaucoup de plaisir à me demander ce que je pensais
02:56d'une nouvelle conférence qu'il était en train de préparer,
02:59d'un ouvrage qu'il était en train d'écrire.
03:01Et on a lié vraiment une relation d'amitié relativement forte
03:05qui, au départ, était professionnelle, qui a continué de l'être
03:08parce que jusqu'au dernier moment, j'ai continué de filmer,
03:11de capter tout ce qu'il pouvait avoir à dire pour nous,
03:15qui était très précieux.
03:16Mais voilà, c'est une relation qui mêle tout ça
03:18et en tout cas qui était très forte, vraiment.
03:22Alors, on disait au début, ça a été un grand vulgarisateur scientifique,
03:26mais quel a été son apport à la science ?
03:31Est-ce que... avec des mots simples pour que tout le monde...
03:35Oui, tout à fait, tout à fait.
03:36Quand on parle d'Hubert, on se dit « Hubert vulgarise la science »,
03:39mais souvent, on oublie.
03:41Hubert a une thèse, il a fait une thèse à l'université de Cornell aux Etats-Unis,
03:46très très sérieuse, sur les réactions thermonucléaires.
03:50Sa spécialité, c'est de travailler sur la nucléosynthèse,
03:53les éléments légers et comment ça s'est passé
03:55aux tout premiers instants de l'univers après le Big Bang.
03:58Et Hubert a apporté des contributions scientifiques de très grande importance
04:02pour arriver à mieux sentir, mieux comprendre ce qui s'est passé.
04:06C'est vraiment pas anecdotique.
04:09Son directeur de thèse, Edwin Salpeter,
04:11c'était quand même une figure de la science,
04:14lui-même ayant été élève de...
04:16Comment s'appelle-t-il ? Je ne sais plus.
04:19Bon, de Hanspeth.
04:21Donc vraiment, c'est une longue histoire.
04:23Et Hubert est porteur d'un savoir qu'il a ensuite prolongé
04:26parce qu'il a eu des étudiants de renom, dont Jean O'Douze,
04:30avec qui ils ont contribué à faire avancer la science.
04:33Alors, il ne fait pas partie de ceux qui ont une vision noire de l'avenir.
04:38D'ailleurs, le titre « Tout n'est pas foutu » est lié à ça,
04:42ce qui est une singularité aujourd'hui.
04:45Oui.
04:45Il n'est plus, mais...
04:47Oui.
04:47Hubert disait, et c'est le titre d'un de ses ouvrages,
04:50« Là où croit le péril, croit aussi ce qui sauve ».
04:52Hubert pensait que l'intelligence humaine était vraiment fantastique,
04:56mais elle était aussi son propre ennemi,
05:00parce qu'elle était arrivée à être suffisamment forte
05:02pour fabriquer la bombe nucléaire.
05:04Donc cette intelligence pouvait le détruire aussi.
05:08Et il se disait qu'elle pouvait le détruire,
05:10mais elle pouvait aussi le sauver,
05:12et qu'on ne pouvait pas aller au-delà,
05:13et qu'à un moment, on allait arrêter de scier la branche
05:16sur laquelle on était assise,
05:17et que notre intelligence allait aller au-delà.
05:19Il n'y a pas de plan B, il n'y a pas d'autre planète,
05:22donc on ne peut pas saccager notre planète indéfiniment.
05:26Alors, vous vous attachez aussi à raconter sa vie,
05:29à vous parler de son enfance,
05:31donc il est né au Québec,
05:34il a vécu dans un univers où la nature était présente,
05:39où son père a eu un rôle aussi assez important,
05:43lui faire découvrir des ciels étoilés.
05:45C'est une enfance qui l'a marquée ?
05:50Une enfance très heureuse, extrêmement heureuse,
05:52qui l'a beaucoup marquée.
05:54Sa grand-mère, Charlotte Tourangeau,
05:56qui était une conteuse hors pair,
05:58il était pratiquement jaloux d'elle,
06:00il voulait l'imiter tellement il l'admirait,
06:02donc ça l'a beaucoup marquée.
06:04Et puis le soir, dans la maison de Bellevue,
06:06qui était une maison familiale,
06:08tournée vers les archipels de l'île de la Paix,
06:11cette maison, elle est rassemblée tous,
06:13amis, famille,
06:14et le soir, à la tombée de la nuit,
06:17la maman d'Hubert, Manon, disait
06:18« Venez, venez voir le ciel, c'est si beau ! »
06:22Et tout petit, il était dans cette atmosphère
06:25où effectivement, avec son papa aussi,
06:26il allait regarder le ciel.
06:28Et pour la nature,
06:30il y avait le père Louis-Marie,
06:32botaniste, ami de la famille,
06:34et même un peu plus qu'ami de sa maman,
06:37de Manon,
06:38quand elle était jeune.
06:39Et ce botaniste lui a vraiment fait découvrir,
06:42loupes à la main,
06:43toutes les petites fleurs dans le jardin,
06:46et également les arbres.
06:47Il lui a donné un véritable amour pour la nature.
06:49Alors comment lui est venue sa vocation de choisir les sciences,
06:53donc la magie, comme il l'écrit ?
06:56Parce que ce n'était pas sa vocation initiale.
06:58Alors c'est compliqué.
06:59Madeleine Caron, sa cousine préférée,
07:02qui est de 7 ans sa cadette,
07:05explique bien que lorsqu'ils allaient se diriger
07:08vers le baccalauréat,
07:10elle pensait qu'il ferait de la philosophie,
07:12tant il écoutait de la musique,
07:13tant il lisait Paul-Éluard et d'autres ensemble.
07:16Et finalement, il a choisi les sciences,
07:19ce qui l'a un peu étonné,
07:20en dépit du fait qu'elle l'avait déjà vue construire un télescope,
07:23et qu'ils observaient le ciel,
07:24elle a quand même été un peu étonnée.
07:26Et pourquoi ?
07:26En fait, Hubert était très moyen en classe,
07:29sauf en mathématiques où il excellait.
07:31Il avait le choix entre la biologie et les mathématiques, la physique,
07:36et il s'est dit,
07:37l'astronomie c'est quand même un domaine
07:38où les mathématiques sont plus belles.
07:41Alors allons dans ce sens,
07:42mais il aurait tout à fait pu devenir botaniste.
07:44Il adorait autant le ciel que la terre.
07:47C'était un amoureux de la vie en fait.
07:50En tout cas, vous en parlez très bien.
07:52Et qu'est-ce que vous retiendriez de lui ?
07:53Qu'est-ce que vous aimeriez qu'on retienne de lui ?
07:56Alors, c'est le dernier chapitre de mon livre qui est titré
08:00« L'avenir est toujours surprenant ».
08:02En fait, l'homme est fait pour écrire une histoire.
08:05Et c'est ce qu'Hubert montre dans ses lignes.
08:07L'univers crée une histoire, avance, lui-même en a une,
08:11et nous, ses habitants, nous avons une histoire sur Terre.
08:14Et il ne faut pas penser que cette histoire est déjà écrite.
08:17On est tous là, on a tous notre pierre à mettre à l'édifice.
08:20Et l'histoire de l'univers, c'est la somme des histoires que nous,
08:23on va être en mesure de produire.
08:24Donc, quand Hubert dit « L'avenir est toujours surprenant »,
08:27ça sous-entend qu'il aime bien emprunter ses mots à Yasmina Reza.
08:33Oui, à Yasmina Reza, merci.
08:35Agiter la vie.
08:36Et vraiment, agiter la vie, c'est la composante nécessaire, indispensable pour avancer.
08:42Et il ajoute un paramètre que j'aime beaucoup, c'est le hasard.
08:45Le hasard entre en scène.
08:48Et on n'en tient pas compte.
08:49On pense que le hasard, c'est la coïncidence, c'est juste comme ça.
08:52Non, le hasard est une composante essentielle.
08:54Et il est là bien plus souvent que l'on peut imaginer.
08:57Donc, je retiendrai d'Hubert que « L'avenir n'est pas écrit ».
09:00Il est toujours surprenant.
09:01Et dans ses traces, on est surpris.
09:03Et donc, « Tout n'est pas foutu » ?
09:04Tout n'est pas foutu.
09:05Comme le titre de votre livre, que je vous conseille de lire,
09:10parce que vous y parlez passionnément d'un homme qui a été très passionné aussi,
09:13Hubert Reeves.
09:15C'est publié aux éditions Télémac.
09:16Merci beaucoup, Laurence Nora.
09:18Merci à vous.
09:18Sous-titrage Société Radio-Canada
09:22Sous-titrage Société Radio-Canada
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