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  • il y a 6 semaines

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00:00L'édito politique sur Europe 1 avec Le Figaro, bonjour Alexis Brézell.
00:03Bonjour Dimitri, bonjour à tous.
00:05Instabilité, marchandage, impuissance, le spectacle depuis quelques temps de notre vie politique
00:09conduit un grand nombre d'analystes, de commentateurs, d'acteurs de la vie publique aussi
00:13à faire un parallèle avec la Quatrième République.
00:16Est-ce que vous partagez cette analyse, Alexis ?
00:18Permettez-moi, Dimitri, de vous répondre par une citation.
00:22Alors, elle est un peu longue, mais je crois qu'elle en vaut la peine.
00:25J'ouvre les guillemets.
00:25Comment le peuple supporte-t-il encore l'espèce de ballet dansé autour de l'Elysée
00:32sur le thème de la crise et qui excite la risée du monde ?
00:36Oui, le destin du monde est suspendu à cette chorégraphie élyséenne,
00:42à ce quadrille dansé par des bourgeois de la biche qui s'appellent Président,
00:47se congratulent, se ménagent, se haïssent.
00:51La crise est là, comme une grosse citrouille pas mûre,
00:56et l'univers doit attendre qu'elle ait mûri.
00:59D'où les tours de pistes pour rien, les consultations,
01:02non bien sûr en vue d'une politique, mais d'un accord sur une formule,
01:07la recherche de l'équivoque béni qui permettra à des adversaires irréductibles
01:12de feindre de s'entendre dans les mots et de former une équipe
01:16dont l'unique pensée commune sera qu'il est tout de même bel et bon d'être ministre,
01:21mais où dès le premier jour, chacun tirera à U et à Dia.
01:26Fin de citation.
01:27Waouh.
01:28Ce texte est incroyable, on le jurait qu'il a été écrit hier soir,
01:31et pourtant il est tiré du bloc-notes de François Mauriac,
01:34à la date du 23 avril 1958,
01:39trois semaines avant le début de la crise
01:41qui allait conduire au pouvoir le général de Gaulle,
01:44à une époque où Mauriac était à l'Express peu de temps avant de revenir au Figaro.
01:48Qu'est-ce que nous dit ce texte ?
01:49D'abord, qu'en ce temps-là, on savait écrire
01:51« La crise est là comme une grosse citrouille pas mûre », c'est génial.
01:56Ensuite, il nous dit évidemment que la similitude entre la quatrième finissante
02:01et les moments peu glorieux que nous vivons est absolument saisissante.
02:04Tout le monde le voit, tout le monde le dit, je n'insisterai pas.
02:07Mais j'ajouterai que ce parallèle, il ne faut pas le pousser trop loin,
02:11parce qu'au fond il est sans doute un peu injuste.
02:14Et quand je dis injuste, ne vous y trompez pas Dimitri,
02:17je veux dire injuste pour la quatrième république.
02:19Pour la quatrième république, vous pouvez peut-être être un peu loin le goût du paradoxe là.
02:22Non, je ne crois pas.
02:23La légende gaullienne n'a pas toujours résisté à la tentation de repeindre en noir
02:28tout ce qui précédait l'avènement du grand homme.
02:30Mais en vérité, le bilan économique notamment de la quatrième république
02:34est loin d'être nul.
02:35La reconstruction de l'après-guerre, le redémarrage de la production industrielle,
02:39le SMIG, la troisième semaine de congés payée, le baby-boom, bien sûr,
02:42tout ça c'est la quatrième, la moitié des Trente Glorieuses, c'est la quatrième.
02:47Et puis surtout, il faut le dire, la situation économique de la France
02:50est nettement plus grave aujourd'hui qu'en 1958.
02:53Le déficit budgétaire à l'époque, c'était 4,7%.
02:56On a fait 5,8% cette année.
03:00Quant à l'endettement, 31% du PIB en 1957.
03:04107% aujourd'hui.
03:06Et à l'époque, Pierre Mendès France expliquait,
03:08les comptes en désordre sont la marque des nations qui s'abandonnent.
03:11Mais que dirait-il aujourd'hui ?
03:14Quant à la fameuse instabilité politique.
03:16Je vous rappelle que la durée moyenne d'un gouvernement sous la quatrième, c'était 7 mois.
03:20Nous en avons épuisé 5 en 2 ans.
03:22Mais c'est pire !
03:23Vous voulez dire, Alexis, que la crise institutionnelle que nous traversons,
03:26elle est plus profonde que celle qui a provoqué la fin de la quatrième ?
03:29Je ne crois pas, Dimitri, que l'on puisse vraiment parler de crise institutionnelle.
03:34Les institutions, c'est vrai que nous nous sommes donnés beaucoup de mal pour les affaiblir.
03:38Depuis l'instauration du quinquennat jusqu'à cette dissolution sans rime ni raison.
03:41Mais elles tiennent, les institutions.
03:43C'est même la seule chose qui tienne.
03:44Presque trop bien, d'ailleurs.
03:46Elles sont devenues comme un exosquelette, une carapace,
03:49qui fait que le régime reste debout,
03:51alors qu'à l'intérieur, tout se défait, se délite, se liquéfie.
03:55Si c'est la quatrième, alors c'est la quatrième en pire.
03:59Vous avez aimé la citrouille pas assez mûre de Moriac.
04:03Votre exosquelette qui se liquéfie de l'intérieur me sont à l'esprit, Alexis Brézé.
04:08Votre édito politique sur Europe 1.
04:09Merci beaucoup, Alexis. Bon week-end.
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