00:00Bienvenue à l'heure des livres, Eleonora Galasso.
00:03On est ravis de vous recevoir.
00:05Alors, on vous avait déjà vu à la télévision, sur scène,
00:10notamment dans un seul en scène, seul sur scène, qui s'appelait Dévorante,
00:15aussi sur la scène du théâtre Antoine, dans le bourgeois gentilhomme.
00:19Et là, vous venez de publier votre premier roman, qui s'appelle La vie selon Zoé,
00:23un livre qui est paru chez Michel Laffont et qu'on dévore d'une traite jusqu'au dédouement.
00:28Alors, déjà, on a envie de vous demander pourquoi la nécessité ?
00:33Est-ce que c'était nécessité d'écrire ce premier roman ? Comment cela vous est venu ?
00:38Vous savez, Anne, si vous aviez rencontré Zoé, vous auriez écrit ses livres aussi,
00:43parce que c'était un personnage hors pair, absolument excessif, flamboyant et donc romanesque.
00:51Alors, dès la première phrase, vous grillez ma question d'après,
00:56qui était effectivement, c'est la narratrice qui s'appelle Eleonora, comme vous,
01:00et on sent qu'il y a quand même une inspiration autobiographique, ce que vous semblez confirmer.
01:05Effectivement, je n'ai pas eu beaucoup de fantaisies sur les prénoms.
01:08Il y a une inspiration autobiographique, certes, parce que c'est l'histoire d'une amitié que j'ai véritablement vécue
01:18avec une femme qui s'appelait Zoé.
01:22Zoé, étymologiquement, en grec, signifie la vie.
01:26Et donc, c'est une promenade autour de l'énigme du choix amical et du pourquoi on se retrouve à aller jusqu'au bout de certaines histoires
01:40avec des personnes qui, à la base, nous paraissent plutôt très différentes de nous, improbables, excessives, inconditionnelles, très dangereuses.
01:55Qu'est-ce que cela raconte de nous quand on reste jusqu'au bout ?
01:59Oui, parce que c'est une drôle d'amitié qui les lit toutes les deux.
02:03Parce que, alors, Zoé, pour poser un peu le décor, en fait, lorsqu'on la découvre, elle a 45 ans,
02:11elle est belle, elle réussit dans sa vie professionnelle, elle réussit...
02:13Enfin, tout semble lui sourire, mais elle apprend qu'elle a un cancer très grave, difficilement soignable, a priori.
02:22Et elle décide de le combattre, mais un peu à sa manière, un peu loufoque et baroque.
02:29Et Eleonora, vous, Eleonora, l'accompagne dans ce cheminement.
02:35D'ailleurs, le livre est construit comme une forme de compte à rebours.
02:40Alors, effectivement, d'être à côté, parce qu'on apprend assez vite dans le livre que, a priori, l'issue est connue, qu'il y a peu de chances qu'elle s'en sorte.
02:53Ce genre d'accompagnement, ça laisse des traces à jamais.
02:57Effectivement, l'issue du livre, elle est affirmée depuis les prologues du livre.
03:03Zoé va mourir.
03:05Mais là, n'est pas la question.
03:07La rencontre est de l'ordre de la déflagration entre ces deux femmes qui se rencontrent dans une soirée parisienne.
03:16L'une est donc italienne.
03:17Elle arrive à Paris, elle n'a peut-être pas trop encore les codes de ces parisianismes où il ne faut jamais être trop enthousiaste.
03:28Il faut toujours être un peu au-delà de soi-même.
03:33Et effectivement, la narratrice se retrouve donc dans ces small talk parisiens où sa chaleur italienne n'est pas toujours vraiment la bienvenue.
03:49Et cette femme arrive dans sa vie et, comme une déflagration, l'amène dans une dimension où règne uniquement la beauté,
03:59la quête d'une forme de volupté du quotidien et l'amitié absolue.
04:05Une forme d'absolu.
04:06Oui, enfin, d'ailleurs, on vous dit une amitié absolue, mais une forme d'absolu en général, d'ailleurs, de façon générale, la quête de Zoé.
04:13Et ces regards désabusés que cette femme avait sur la vie, cet esprit de finesse auquel, effectivement, la petite touriste italienne qui était arrivée à Paris
04:25était sous les charmes totales, font que cette femme ne vivait pas des demi-mesures.
04:33Elle recherchait toujours une forme de collision.
04:35C'était peut-être un être bovariste parce que soit elle obtenait ce qu'elle pensait être la vérité même,
04:45soit elle détruisait tout ce qui était autour d'elle.
04:48Donc, tout cela a été bien amusant jusqu'au moment de la bascule, c'est-à-dire les moments où cette femme découvre d'être rongée par une maladie qui va s'emparer d'elle.
05:00Et c'est quelque chose d'inexorable.
05:04Vis-à-vis de l'inexorable, les étapes du deuil sont pour l'accompagnante et pour la malade complètement différentes.
05:11Mais il y a toujours des parallèles qui se font.
05:16Ces deux femmes essayent de se rencontrer dans la souffrance et dans la volonté d'une forme d'acceptation.
05:27Mais elles ne se retrouvent vraiment jamais.
05:30Et donc, quand nous sommes aux premières loges de quelqu'un qui est en souffrance,
05:34on devient les boucs émissaires de cette personne presque malgré nous.
05:38et il se forme une sorte d'emprise, peut-être non préméditée.
05:45Parce qu'on passe beaucoup de temps avec quelqu'un qui va mourir.
05:49Et par opposition, celui qui accompagne est dans la vie.
05:54Et c'est d'autant plus complexe que dans le livre, celle qui accompagne est enceinte, tombe enceinte.
06:00Donc, elle symbolise de manière insolente la vie.
06:04Absolument.
06:04La vie qui continue, la vie qui reprend.
06:06La narratrice est dans la vie alors que Zoé porte la mort.
06:11Et ça, c'est quelque chose qui va déclencher chez elle un déni furibond
06:16qui fait que l'accompagnante s'est dit
06:20« C'est très bien, c'est très chouette de donner, d'être la personne qui donne, la personne généreuse.
06:26Mais qu'est-ce qu'il nous reste quand on donne tout ? Est-ce que je ne suis pas en train d'abdiquer à moi-même pour donner à mon ami ? »
06:34Oui, c'est ça.
06:35Et ce qui est intéressant, c'est qu'en filigrane, ce n'est pas un livre sur l'accompagnement d'un malade.
06:39Mais un petit peu quand même en filigrane.
06:42C'est-à-dire que combien ce rôle qui est compliqué, dont on en a parlé il n'y a pas longtemps, il y a eu la journée des aidants.
06:49C'est complexe.
06:51Ce n'est pas tout d'un bloc.
06:53C'est-à-dire que quelqu'un qui accompagne une autre personne qui est malade, qui souffre, peut aussi avoir des moments de révolte, de colère.
07:01Elle n'est pas toujours dans l'empathie, elle n'est pas toujours dans la générosité absolue.
07:07Effectivement, il y a des moments totalement non orthodoxes, des conflits intérieurs profonds qui sont éprouvés par la narratrice,
07:14qui, à des moments, elle n'en peut plus.
07:17Elle en arrive jusqu'à désirer que son amie meure à un moment, lorsque, quelques mois avant sa mort,
07:23elle décide de décorer tout son appartement et d'appeler des journalistes pour le faire photografer.
07:31Et la narratrice, à un moment, en fait, elle n'a plus les moyens et les instruments.
07:36Elle dit, mais tu sais quoi, en fait, moi, j'en peux plus.
07:39Quand est-ce que ça se termine, tout ça ?
07:41Et tout cela est effectivement pas très joli à ressentir, mais il fallait le dire.
07:47Parce que c'est tout à fait normal.
07:49Oui, c'est humain, finalement.
07:50C'est humain, mais c'est difficile.
07:51Il fallait le dire comme vous le faites, d'ailleurs, très bien.
07:56Mais c'est quelque chose qui a longtemps été difficilement admis.
07:59Là, les personnes qui accompagnent des malades le disent un peu plus qu'avant.
08:05Mais c'est compliqué d'expliquer qu'on passe par des phases paradoxales, ambivalentes, en fait.
08:11C'est ça que vous expliquez très bien.
08:13Mais c'est aussi, quand même, avant tout, le roman d'une amitié un peu folle,
08:18un peu baroque entre Zoé et la narratrice.
08:22L'amitié est quelque chose de très, très sérieux dans la vie.
08:26C'est un pacte définitif.
08:28On ne choisit pas notre famille.
08:30Les relations sentimentales peuvent être assez nombreuses dans une vie, finalement,
08:37surtout dans la société où nous sommes.
08:38L'amitié peut jaillir tel un coup de foudre.
08:42Et elle dure vraiment jusqu'au bout.
08:45Et c'est aussi improbable que la relation sentimentale.
08:51C'est-à-dire, elle ne se choisit pas vraiment.
08:53Ce n'est pas le résultat d'un calcul.
08:56Donc, ce qui nous arrive avec la personne aimée comme amie
09:00est de l'ordre de l'aventure et de la péripétie totale.
09:05Et donc, pourquoi s'épargner ?
09:08En tout cas, jolie conclusion.
09:11En tout cas, vraiment, je vous conseille de lire ce livre,
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