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Transcription
00:00Et si tôt le braquage révélé, la question de la sécurité du musée se pose.
00:05Comment est-il possible qu'aujourd'hui encore le Louvre puisse être cambriolé ?
00:09On en parle avec vous, Élise Muller, bonsoir.
00:11Vous êtes secrétaire nationale du syndicat Sud Culture et agente d'accueil et de surveillance au musée du Louvre.
00:16Tout d'abord, comment expliquez-vous que le plan des braqueurs est aussi bien fonctionné ?
00:21Elle est où la faille exactement ?
00:24Alors, à ce stade de l'enquête, je n'ai pas d'éléments à apporter plus que ce qu'on a en provenance de la préfecture.
00:34Du côté des personnels, on est dans la sidération, comme tout le monde.
00:39Une sidération qui est quand même teintée d'une très très grande colère,
00:42puisque les personnels du Louvre n'ont eu de cesse d'alerter ces derniers mois et dernières années,
00:48mais plus fortement ces derniers mois encore,
00:50des failles que nous pouvions constater au quotidien dans notre exercice professionnel.
00:55Il y avait manifestement une caméra de vidéosurveillance au-dessus de la fenêtre
00:59par laquelle les cambrioleurs sont entrés.
01:02Est-ce que cette caméra n'est pas censée normalement donner l'alerte ?
01:07Il n'y a pas un agent qui aurait pu voir ces deux personnes s'introduire ?
01:13Alors, on a différents dispositifs de sécurité et de sûreté qui sont mis en place au sein de l'établissement
01:19et à ses abords.
01:21La difficulté aussi, elle est, quand l'action est extrêmement rapide,
01:27il y a une problématique de prévenance.
01:30Il ne s'agit pas juste de filmer, d'enregistrer l'information,
01:33mais d'être en capacité de la transmettre au plus vite
01:35aux agents sur poste qui sont immédiatement concernés.
01:42Il y a un certain nombre d'éléments, très vraisemblablement,
01:45c'est l'enquête de police qui nous permettra d'y voir plus clair sur les dysfonctionnements,
01:49parce que vraisemblablement, il y a eu des soucis.
01:53Mais après, au niveau des équipements techniques, par exemple,
01:59nous avions, et c'est un nous collectif, personnel du Louvre,
02:03nous avions alerté depuis de très nombreux mois
02:05sur toutes les problématiques qu'on pouvait constater dans notre exercice professionnel.
02:10Au niveau de la présence humaine, pour bien comprendre,
02:14est-ce que les agents de surveillance sont formés pour intervenir en cas de braquage
02:18ou bien leur mission, dans ces cas-là, c'est de prévenir les forces de l'ordre ?
02:23La première mission des personnels de sûreté et de sécurité,
02:27c'est de protéger les individus.
02:29On a un certain nombre de dispositifs, évidemment,
02:35que je ne développerai pas là,
02:37puisque le musée du Louvre conserve encore des milliers d'œuvres
02:40qu'il ne faudrait pas mettre en danger en divulguant trop d'éléments.
02:46La première de nos missions, c'est la protection du public.
02:51Ils doivent venir visiter le plus grand musée du monde en toute sécurité,
02:55et notre formation, elle vise en premier lieu à nous en assurer.
03:00Donc évidemment, on doit aussi s'occuper de préserver le bâtiment et les collections,
03:06mais tout ça se fait avec un certain nombre de dispositifs,
03:09chacun son rôle.
03:10Nous ne sommes pas des forces de police,
03:12et donc nous agissons au mieux des situations,
03:17sachant que quand même la situation qui s'est déroulée ce matin
03:21est absolument inédite et effarante.
03:25Et c'est ce qui explique pourquoi il y avait cinq agents du musée,
03:30manifestement, dans cette galerie d'Apollon,
03:33et que malgré tout, les voleurs ont eu le temps de partir avec des bijoux ?
03:40Comme je vous le disais, la priorité, c'est de protéger le public.
03:45Donc les collègues qui étaient sur place,
03:47dans un premier temps, ils ont fait évacuer le public
03:51pour qu'ils ne soient pas mis en danger par ces malfaiteurs.
03:55On n'avait aucune idée.
03:56Il faut bien avoir à l'esprit que les collègues qui étaient sur place
03:59n'avaient aucun élément qui leur permettait de savoir
04:01si les malfaiteurs étaient ou non armés,
04:06quels étaient leurs visées,
04:07et jusqu'où ils pouvaient aller pour dérober les bijoux.
04:10Donc à partir de là, vraiment, la priorité absolue,
04:14c'était de protéger le public.
04:15Et nos collègues ont extrêmement bien réagi,
04:19puisque les visiteurs ont été évacués très rapidement et sans dommage.
04:26Le précédent vol ayant frappé le musée du Louvre
04:28remonte à 1998,
04:30quand une toile du maître français Camille Corot
04:32avait été dérobée en plein jour.
04:34Elle n'a jamais été retrouvée.
04:35Est-ce que la direction avait tiré des leçons à l'époque ?
04:39Est-ce que les choses avaient changé
04:41dans le mode de surveillance après ce vol ?
04:45Oui, bien évidemment.
04:47On a eu une restructuration de toute la surveillance
04:50au musée du Louvre suite à ce vol.
04:55Après, les années passent,
04:57les différentes directions se succèdent
05:00et les arbitrages ne sont plus les mêmes.
05:02C'est-à-dire qu'alors qu'on avait vraiment développé
05:05une politique de sûreté et de sécurité extrêmement forte
05:08au sein du musée du Louvre,
05:11un certain oubli peut-être,
05:14une inconséquence à tout le moins,
05:17a amené progressivement des arbitrages
05:20contraires à ceux de l'intérêt du patrimoine,
05:24que ce soit du bâtiment, du palais
05:28et des collections qu'il abrite.
05:30C'est-à-dire qu'il y a eu effectivement
05:33de grandes modifications suite au vol du Corot,
05:37mais c'était il y a 30 ans maintenant
05:40et très nettement, nous, tout ce qu'on voit
05:44au niveau du musée du Louvre,
05:46c'est que les personnels,
05:48quel que soit leur niveau hiérarchique
05:50de la filière accueil-surveillance,
05:53est extrêmement investi dans ces missions
05:55et fait au mieux, mais il fait au mieux
05:56avec les moyens qu'on lui donne.
05:57Et donc là, après, ça relève du registre
06:00de la priorisation faite par la gouvernance
06:04de l'établissement.
06:05Et on n'a plus la main à ce niveau-là.
06:07Vous l'avez dit, ces derniers mois,
06:09vous aviez alerté justement sur les problèmes
06:11de sécurité, le manque d'agents notamment.
06:13Est-ce que vous pensez qu'à la faveur
06:16de ce triste événement,
06:17des mesures vont être prises
06:19pour justement que vos revendications
06:22soient satisfaites et que le nombre
06:23d'agents de surveillance notamment
06:24soit augmenté ?
06:27Nous l'espérons de tout cœur.
06:30Néanmoins, de ce que nous avons vu
06:31du projet de loi de finances
06:32tel qu'il doit passer au Parlement,
06:35là actuellement, prévoit encore
06:37une réduction monstrueuse
06:40et des moyens alloués à la sphère patrimoine
06:43et des effectifs qui sont dédiés
06:48à faire vivre ce patrimoine
06:50et à le préserver.
06:51Donc là, il y aura un débat parlementaire.
06:54Nous espérons vivement que celui-ci
06:56tiendra compte de la réalité
06:58dans laquelle nous sommes aujourd'hui
07:00et constate que ce n'est pas en supprimant
07:02des effectifs et en baissant les budgets
07:05des musées nationaux que nous préservons
07:07notre patrimoine commun.
07:09Sur le musée du Louvre,
07:10l'accueil et la surveillance a perdu 15%
07:14de ses effectifs en 10 ans,
07:15pratiquement 200 emplois qui ont été détruits
07:18uniquement sur cette filière
07:20puisque ce n'est pas le cas d'autres registres
07:23et il y a réellement un besoin de priorisation.
07:26Peut-être sortir de la mode actuelle
07:30qui est à privilégier l'événementiel,
07:32que ce soit en financement ou en emploi,
07:34et s'occuper au cœur de nos métiers,
07:37préserver et transmettre le patrimoine.
07:39À la suite de ce vol,
07:41il y a eu de très nombreuses réactions.
07:43Le monde entier a couvert cette actualité.
07:46« La honte », disent certains.
07:48Est-ce que c'est également ce que vous avez pensé
07:51lorsque vous avez appris ce vol ?
07:53C'est la honte pour la France ?
07:55Je ne ferai pas de commentaire
08:01sur les errements de certains de nos dirigeants.
08:06Moi, ce qui m'a enveloppée plutôt,
08:09c'est une monstrueuse colère.
08:12Une monstrueuse colère,
08:12parce que les alertes avaient été faites en temps voulu
08:16et que, malgré tout,
08:19les budgets n'ont pas été réfléchis en temps voulu
08:23sur la sécurité des œuvres et du palais.
08:29Très nettement, là, on entendait encore
08:31dans les éléments de langage actuels,
08:33on nous dit que le plan,
08:35le Louvre-Renaissance permettra de rectifier le tir.
08:40On est bien désolés,
08:42mais le grand projet présidentiel,
08:45il est censé aboutir en 2031.
08:48Faire une entrée en 2031,
08:50ce n'est pas ce qui va résoudre
08:51les énormes difficultés
08:52auxquelles nous nous sommes confrontés
08:53aujourd'hui en 2025.
08:55Donc, faire une nouvelle entrée d'accord,
08:56mais qu'est-ce qu'il restera en 2031
08:58si on ne s'est pas occupé prioritairement
09:01de tout ce qui est sûreté, sécurité au Louvre ?
09:03Mystère.
09:04Merci beaucoup Élise Muller
09:06d'être intervenue ce soir
09:08sur l'antenne de France 24.
09:09Sous-titrage Société Radio-Canada
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