00:00Oui, en France, on a troqué les convictions contre les calculs.
00:03Résultat, on gouverne à la boussole du renoncement.
00:06La semaine l'a encore prouvé avec ce spectacle affligeant
00:08d'une classe politique prête à toutes les compromissions pour sauver ses sièges.
00:12Sébastien Lecornu propose de suspendre sa propre réforme des retraites,
00:16la seule promesse structurante du second quinquennat d'Emmanuel Macron.
00:19Le parti socialiste, lui, joue les béquilles d'un pouvoir qu'il pourfend le matin
00:23et qu'il sauve le soir.
00:24Quant à la droite, cette droite la plus bête du monde,
00:26elle refuse de censurer un exécutif qu'elle éreinte à longueur de journée
00:30et qui s'apprête pourtant à ponctionner encore davantage les Français.
00:34Le tout, évidemment, au nom de la sacro-sainte stabilité.
00:37On se félicite de dialoguer, on appelle compromis,
00:40ce qui n'est qu'un calcul de survie.
00:42Le gouvernement ne réforme plus, il temporise, il cherche à durer.
00:45L'opposition ne s'oppose plus, elle se tait, elle ruse, elle attend.
00:49Droite et gauche rejouent l'UMPS, mais cette fois pour offrir un sursis à Emmanuel Macron.
00:53Et au milieu, les Français regardent ce théâtre d'ombre
00:56où plus personne n'ose dire ce qu'il pense,
00:59de peur de le payer dans les urnes.
01:00La politique, jadis affaire de conviction, est devenue gestion de la peur,
01:04peur de froisser, peur de perdre, peur d'assumer.
01:07Et le résultat est là, un pays à l'arrêt, en pleine crise de conviction,
01:10dirigé non plus par des hommes d'État,
01:12mais par des gestionnaires de leur propre peur.
01:14Mais Jules, vous nous dites que ces renoncements, ils ne sont pas récents.
01:17Non, ils ne sont absolument pas récents.
01:19Le renoncement ne date absolument pas d'hier.
01:21Il s'est inscrit au fil du temps comme une seconde nature politique française.
01:25Tout commence en 2005.
01:26Les Français votent non au traité constitutionnel européen.
01:2955% de non dans les urnes.
01:32Un message limpide.
01:33Et trois ans plus tard, le traité de Lisbonne reprend presque mot pour mot le même texte,
01:37adopté cette fois par le Parlement, sans repasser par le peuple.
01:40Ce jour-là, la France et les Français ont compris qu'un vote pouvait être annulé proprement
01:44au nom de la construction européenne.
01:46Mais le glissement avait déjà commencé bien avant avec Maastricht depuis l'euro.
01:51La France a accepté de céder ses frontières et de déléguer sa souveraineté monétaire.
01:55Depuis, elle ne décide plus de sa politique migratoire, plus de sa politique économique.
02:00Elle la négocie et Schengen n'a fait qu'enfoncer le clou.
02:03Chaque étape fut présentée comme un projet et un progrès européen.
02:06C'était en réalité une abdication déguisée, une lente cession de souveraineté au nom du rêve communautaire.
02:11Et à l'intérieur même du pays, le pouvoir politique s'est encore effrité.
02:15Le Conseil constitutionnel, pour n'en citer qu'un exemple, est devenu un contre-gouvernement permanent.
02:20Il censure, il oriente, il corrige le politique en quelques décennies.
02:23La France a abandonné ses leviers essentiels, sa monnaie, ses frontières, ses budgets et ses lois.
02:28À force de déléguer, elle s'est donc désarmée.
02:31Et quand tout le monde décide à notre place, plus personne n'est responsable.
02:34Voilà le vrai renoncement, c'est la démission de la souveraineté.
02:37Et vous, Jules, vous y voyez une forme de mépris du peuple.
02:40Oui, derrière ce renoncement permanent, il y a une conviction plus profonde.
02:44C'est la peur du peuple.
02:45C'est devenu une idéologie à part entière, ce qu'on pourrait appeler la populophobie.
02:50Cette idée que le peuple serait trop émotif, trop impulsif, trop dangereux pour être consulté.
02:55Alors on évite tout, plus de référendum, plus de dissolution, plus de prise de risque.
02:59Les dirigeants français gouvernent contre la colère, mais jamais avec le pays.
03:03La démocratie d'alors n'est plus qu'un débat, c'est une mise en scène.
03:07On décide sans le peuple, puis on prétend parler en son nom.
03:10Et les mêmes qui dénoncent le populisme, vous savez, fabriquent eux-mêmes les conditions de sa montée.
03:15À force de bafouer le vote, ils nourrissent la colère des Français.
03:18À force de redouter le peuple, ils en font un fantôme vengeur.
03:21Les chiffres le confirment.
03:22Selon le baron de maître annuel, Savipoff, de 2025, seuls 23% des Français font confiance au président, 27% au Premier ministre et seulement 24% à l'Assemblée nationale.
03:33C'est un effondrement moral avant d'être un effondrement politique.
03:37La populophobie, c'est la version mondaine, vous savez, du mépris social.
03:41Elle dit le peuple ne comprend pas, donc on ne lui parle pas.
03:44Mais c'est l'inverse en réalité.
03:45Ce sont nos dirigeants qui ne comprennent plus le peuple.
03:48Ils renforcent, ils tergiversent, ils renoncent, ils se cachent derrière les institutions pour ne plus assumer leur choix.
03:54Et quand le pouvoir n'écoute plus, il finit toujours par tomber de haut, non pas par la haine du peuple, mais par son indifférence.
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