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Anne Fulda reçoit Anne de Guigné pour son livre «Tout l'or du monde» dans #HDLivres
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00:00Bienvenue à l'heure des livres Anne de Guignet, on est ravis de vous recevoir.
00:04Alors vous êtes grand reporter au Figaro, vous vous occupez d'économie,
00:08vous avez déjà écrit deux essais qui ont été remarqués l'un et l'autre.
00:13Le premier c'était le capitalisme woke, le deuxième ils se sont si souvent trompés.
00:18Et là vous venez de publier tout l'heure du monde, un livre qui est publié aux presses de la cité
00:23et un livre qui est assez passionnant je dois dire,
00:26et un angle qui est très intéressant qu'on n'avait pas souvent vu,
00:30qui retrace finalement l'histoire de l'économie à travers le regard des écrivains
00:34et depuis les débuts de l'histoire jusqu'à aujourd'hui.
00:41Alors c'est vrai que c'est une ambition assez originale, comment vous est venue cette idée ?
00:45Parce que vous êtes à la fois passionnée par l'économie et la littérature, l'amour des livres,
00:49qu'est-ce qui vous a mis sur ce chemin ?
00:52Mais oui c'est vrai qu'en fait au départ oui c'est vraiment un goût personnel,
00:55j'aime beaucoup l'économie, c'est pour ça que je suis journaliste économique,
00:59et puis les romans j'ai toujours beaucoup lu,
01:02et c'est vrai que je trouve, moi j'aime l'économie comme science humaine,
01:06vraiment dans sa dimension sociale et historique.
01:09Les tableaux de chiffres c'est intéressant pour comprendre à un moment donné,
01:11mais vous voyez le PIB du troisième trimestre c'est quand même pas, c'est un peu sec.
01:15Et je trouve dans les romans c'est vraiment là où on voit le mieux,
01:17toute cette dimension sociale,
01:19et notamment ce qui vraiment je trouve fascinant,
01:21c'est les grands romans du 19ème siècle,
01:24de voir ses écrivains qui se demandent est-ce que la vie va changer tout simplement,
01:27et je trouve leur regard vraiment passionnant.
01:30Alors ce qui est étonnant c'est que vous remontez à loin,
01:33à l'Iliade, à la Bible aussi.
01:35Je suis même jusqu'à la Bible.
01:37Alors bon, à l'époque d'ailleurs c'est intéressant,
01:40vous vous rappelez une classification qu'a faite Brodel,
01:42où la notion d'économie n'arrive pas tout de suite là,
01:46il est plutôt question de travail, de vie matérielle, de...
01:51Subdistance tout simplement, subsistance.
01:53La Bible, l'économie dans la Bible grosso modo,
01:56c'est des bergers qui essayent de faire croître leurs troupeaux,
01:59et puis éventuellement vous savez vous avez les histoires de Joseph qui est vendu,
02:02qui est vendu des pièces d'argent,
02:04et ce qui est très fascinant,
02:05donc la Bible, on dit que c'est écrit, la Genèse en tout cas le texte que j'ai pris,
02:09ce serait le 14ème siècle avant Jésus-Christ,
02:11l'Iliade et l'Odyssée c'est un peu après,
02:13et là vous voyez que la monnaie a disparu,
02:15dans la Bible il y a beaucoup d'histoires de monnaie,
02:16où vous payez, voilà, ils vendent leurs frères pour des pièces,
02:19dans l'Iliade et l'Odyssée il n'y a plus que du troc par exemple,
02:22et ça les écrivains, pardon, les historiens le démontrent,
02:24il y a eu un moment donné dans l'histoire de la Méditerranée,
02:26où la monnaie a disparu, puis elle est revenue,
02:29il y a eu 2-3 siècles,
02:30ce qui correspond au moment de l'écriture de l'Iliade et l'Odyssée,
02:33où vous n'avez plus de monnaie,
02:34donc ça vous le voyez,
02:35et puis après c'est fascinant,
02:36vous voyez les finances publiques,
02:37Oui, c'est ça, il est question de finances publiques,
02:40c'est ce que vous évoquez.
02:41Thucydide.
02:41Voilà, c'est ça, c'est incroyable.
02:43C'est très amusant,
02:44Thucydide c'est amusant.
02:46Oui, Thucydide, parlez-nous de Thucydide,
02:48et en quoi il est précurseur finalement,
02:51de ce qui va apparaître des années,
02:53des années, voire des siècles plus tard,
02:55comme les politiques publiques pour livrer la dette.
02:59On pourra lire aujourd'hui,
02:59Thucydide il raconte notamment,
03:01c'est la guerre du Péloponnèse,
03:02et notamment il est très impressionné par la figure de Péricles,
03:06qui va être le premier à comprendre
03:09qu'on remporte une guerre,
03:12pas uniquement parce qu'on est le plus fort,
03:13mais que les finances publiques comptent,
03:15que la puissance s'appuie sur l'économie,
03:17et donc qu'il faut avoir un trésor,
03:19ne pas tout dépenser immédiatement.
03:21Dès qu'on a de l'argent dans un État,
03:22une cité, il ne faut pas immédiatement le dépenser,
03:25garder un peu pour les jours plus difficiles,
03:27et il met en place,
03:28il change vraiment les mentalités à Athènes.
03:30Et c'est fascinant,
03:30et en effet on se dit qu'aujourd'hui,
03:31on pourrait le relire.
03:32Oui, il faudrait l'offrir à tout le monde.
03:34Ce qui est assez intéressant,
03:38ce qui ressort,
03:39c'est que finalement,
03:39contrairement à ce que l'on pourrait croire,
03:41notamment si on pense à des grands écrivains français
03:44du 19ème siècle,
03:46tous les écrivains n'ont pas du tout un regard critique,
03:50très critique,
03:51sur ce qui devient le capitalisme en fait.
03:54Parce qu'on pense très souvent à Zola,
03:55à cause de Germinal,
03:57mais aussi qui a décrit de façon très précise,
03:59très intéressante,
04:00dans l'argent, dans la curée,
04:01des livres comme ça,
04:03les ressorts économiques de l'époque.
04:06Néanmoins, vous dites que par exemple,
04:07Zola du Bonheur des Dames
04:09n'est pas dans la critique.
04:12Non, mais vous savez,
04:12Octave Mouret,
04:13qui est le patron du Bonheur des Dames,
04:15il tient un personnage franchement plutôt sympathique,
04:18un petit peu léger,
04:19mais qui est dans la vie.
04:22Il veut en permanence accroître son magasin,
04:24ce n'est pas du coup pour gagner plus d'argent,
04:25ce n'est pas le profit qui le fait se lever le matin,
04:28qui fait qu'il ne dort pas,
04:29qu'il ne pense qu'à grandir.
04:30C'est vraiment une espèce d'amour de la vie,
04:33de grandir,
04:33l'innovation.
04:34Et d'ailleurs,
04:35Zola,
04:35dans le Bonheur des Dames,
04:37les personnages un peu antipathiques,
04:39fermés,
04:40voire méchants,
04:41ce sont plutôt les propriétaires de petits magasins autour,
04:45tout est sombre chez eux.
04:47Et Denise,
04:47l'héroïne qui va tomber amoureuse d'Octave Mouret,
04:50elle est attirée par justement l'innovation,
04:52la lumière,
04:52elle n'est pas attirée par l'argent,
04:54mais elle est attirée par cet élan vital.
04:56Et d'ailleurs,
04:57Zola,
04:57le progrès tout simplement.
04:58Et Zola,
04:59c'était le fils d'un Saint-Simonien,
05:00un ingénieur Saint-Simonien.
05:02Et donc,
05:02il a perdu son père qu'il avait 7 ans,
05:04donc l'influence est petite,
05:05mais quand même,
05:06il a grandi dans une famille
05:07où on croyait au progrès,
05:09il y avait une admiration pour l'industrie,
05:11une admiration en disant,
05:12le monde va changer,
05:13ça ira mieux.
05:13Donc,
05:13on le voit dans le Bonheur des Dames,
05:15et je crois que dans la biographie de Zola,
05:16après,
05:16il a été dans les mines,
05:18et là,
05:18il a découvert vraiment
05:19l'horreur des conditions de travail,
05:21et c'est là où il va vraiment changer
05:22son décapitalisme.
05:23Alors,
05:23ce qui est intéressant,
05:24c'est que vous relevez que Balzac,
05:27le grand Balzac,
05:28qui a si bien décrit
05:29les ressorts de la cupidité
05:30dans certains romans,
05:32a lui-même été entrepreneur.
05:34Oui,
05:34Balzac,
05:34c'est très amusant.
05:35C'est drôle, ça.
05:36Il avait un train de vie incroyable.
05:39Il écrivait,
05:40c'est que de temps en temps,
05:41il prenait,
05:42c'est vraiment un génial,
05:43il prenait 2-3 semaines,
05:44nuit et jour,
05:45il écrivait,
05:46hop,
05:46il sortait un roman,
05:47puis le reste du temps,
05:47il sortait absolument tout le temps.
05:49Donc,
05:49une ville mondaine très forte,
05:50beaucoup de femmes,
05:52donc beaucoup de dépenses
05:53pour Balzac.
05:55Il voulait à tout prix s'enrichir,
05:56ces romans ne suffisaient pas
05:57pour son train de vie.
05:58Donc,
05:59il a eu des projets
05:59tout à fait loufoques,
06:01des ananas près de Paris,
06:02des roses bleues.
06:03Il n'arrêtait pas d'entreprendre,
06:05mais lui aussi,
06:05c'est un peu,
06:06évidemment,
06:06c'est pour gagner de l'argent,
06:07mais c'est aussi
06:07ce désir de création,
06:10de trouver autre chose,
06:11d'aller plus loin.
06:12Et c'est assez beau.
06:13Donc,
06:13il décrit très bien le capitalisme
06:15parce qu'il connaît
06:16personnellement les ressorts.
06:18Et puis,
06:19il l'étudie
06:19sur sa propre personnalité,
06:22l'aspect un peu corrosif
06:22de l'argent,
06:23le fait de chercher
06:24en permanence de l'argent,
06:25de couler sous les dettes,
06:27c'était vraiment sa vie à lui.
06:28C'était sa vie.
06:29Un autre écrivain
06:31connaît très bien
06:31aussi la réalité économique,
06:33et ça transparait
06:34dans les Boudinbrock,
06:35c'est Thomas Mann,
06:36qui lui vient d'une famille,
06:38d'une culture de marchands.
06:41Lui,
06:41c'est le fils,
06:42c'est l'héritier
06:42d'une grande famille de la Hanse,
06:44de marchands de Lubeck.
06:45Et ce qui est intéressant,
06:46c'est que les Boudinbrock,
06:47le livre est sorti
06:48trois ans
06:49avant l'éthique
06:50du capitalisme
06:50de Max Weber.
06:52Et en fait,
06:52il décrit vraiment
06:52parfaitement
06:53dans les Boudinbrock
06:54cet esprit protestant
06:56de la lignée.
06:57Et on est loin
06:58du capitalisme individualiste,
07:01esprit de jouissance,
07:02pas du tout.
07:02Vraiment,
07:03vous êtes dans une lignée,
07:04tout le monde est solidaire,
07:05vous devez reprendre,
07:06il y a vraiment un devoir,
07:08il y a un devoir
07:08de reprendre la vie,
07:10un esprit familial
07:11très fort,
07:12beaucoup de devoirs.
07:14Il y a une des filles
07:15à un moment donné
07:15qui ne veut pas épouser
07:16un marchand
07:17qui lui semble
07:18juste pas très séduisant.
07:20Le père lui dit,
07:20écoute,
07:21c'est ton devoir,
07:21dans la famille,
07:22les filles se marient
07:23et être des marchands,
07:24ce sera très bien
07:24pour la firme,
07:25donc tu y vas.
07:26Et donc lui,
07:27il connaît très bien,
07:28évidemment,
07:28il connaît très bien
07:29ses mécanismes
07:30et il n'a pas
07:31de jugement moral.
07:33Vous savez,
07:33Thomas Mann,
07:34c'est le grand écrivain
07:34de l'agonie,
07:35on pense tout ça
07:36à la mort à Venise.
07:36il écrit ce livre
07:39à 22 ans,
07:39c'est fascinant,
07:40c'est vraiment
07:40un livre génial
07:41et en fait,
07:42c'est sa première réflexion
07:43sur l'agonie d'une firme
07:44et ça va le lancer
07:45et c'est étonnant,
07:46c'est par le business
07:46qu'il va commencer
07:47à lancer ce travail.
07:49Donc on voit
07:49que pour lui,
07:50l'économie est un pan
07:51de développement de la vie.
07:53Alors,
07:54concernant les écrivains
07:55contemporains,
07:56notamment français,
07:59alors là,
07:59pour le coup,
07:59on a un regard
08:00quand même assez noir,
08:01que ce soit du côté
08:02d'Huelbeck,
08:03de Nicolas Mathieu
08:05qui décrivent une France
08:06victime de la désindustrialisation,
08:10du chômage,
08:13mais là,
08:14on n'a pas le côté réjouissant.
08:17Oui,
08:17on aime moins ce côté
08:19développement personnel,
08:21épanouissement dans la création
08:22dont c'est sûr
08:23qu'on le voit
08:23beaucoup moins
08:24chez les romans contemporains.
08:26Il faut reconnaître
08:27qu'aujourd'hui,
08:28le contexte,
08:29c'est quand même difficile.
08:30On a la révolution numérique
08:33qui commence tout juste
08:35et évidemment vertigineuse.
08:36On se demande
08:36où cela va nous mener.
08:39Michel Wolbeck,
08:39c'est la solitude,
08:41le libéralisme
08:42qui amène la dislocation
08:43de toutes les solidarités
08:44traditionnelles,
08:45la solitude de l'homme moderne.
08:47Il y a une part de vrai.
08:47Il y a aussi
08:48sur l'écologie,
08:49évidemment.
08:50Mais donc,
08:51évidemment,
08:52nous sommes dans un...
08:52Il faut quand même se dire
08:53qu'il y a beaucoup de raisons
08:54toujours d'espérer,
08:55mais bon,
08:55quand même la situation
08:56est aujourd'hui assez vertigineuse.
08:59Mais c'est vrai,
08:59ce qui est intéressant,
09:01c'est qu'il y a eu un changement,
09:02je pense,
09:03de paradigme.
09:05Aujourd'hui,
09:05vraiment,
09:05on a tendance
09:06à penser un peu
09:07que les conditions matérielles,
09:09ce fameux matérialisme
09:10est vraiment lié
09:11aux conditions matérielles.
09:13Et à mon sens,
09:13c'est un peu nier
09:14simplement la capacité de chacun
09:16de faire des choix.
09:17Et moi,
09:17je ne crois pas
09:17qu'on est complètement mené
09:20par les conditions matérielles
09:21qui nous entourent.
09:22Mais c'est vrai que c'est un peu
09:22le message que renvoient
09:23les écrivains aujourd'hui.
09:25En tout cas,
09:26vraiment,
09:26je vous conseille ce livre
09:26parce que c'est vraiment passionnant.
09:28C'est un angle extrêmement original.
09:30Je n'ai jamais vu
09:31de livres de la sorte.
09:33Ça s'appelle
09:33Tout l'heure du monde.
09:34C'est paru aux presse de la Cité.
09:37Merci beaucoup,
09:38Anne de Guilherme.
09:38Merci, Anne.
09:39Merci, Anne.
09:39Merci, Anne.
09:39Sous-titrage Société Radio-Canada
09:42Sous-titrage Société Radio-Canada
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