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La 5e présidente de la Géorgie était le 13 octobre à Paris pour recevoir son prix.

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00:00D'abord pour vous remercier pour ce prix de la liberté qui me touche beaucoup, qui me touche beaucoup ici à Paris,
00:11de recevoir un prix qui en quelque sorte est attribué non pas à moi uniquement personnellement,
00:21mais qui va directement à toutes les personnes qui aujourd'hui sont en prison, les prisonniers de conscience, les prisonniers politiques,
00:33et chaque jour pratiquement le nombre s'accroît et c'est eux qui ont besoin d'avoir ce soutien moral qui est apporté aujourd'hui à travers ce prix.
00:45Ce prix va aussi à cette société civile qui manifeste maintenant depuis 319 jours sans interruption tous les jours,
00:58ces jeunes, moins jeunes qui sont dans la rue pour témoigner du fait qu'ils tiennent à préserver cette démocratie qui est attaquée,
01:10qu'ils tiennent à préserver cette liberté qui est attaquée et l'indépendance, parce que chez nous, en Géorgie, les trois sont étroitement liés.
01:21Il n'y a pas d'indépendance sans démocratie, il n'y a pas d'indépendance sans liberté et sans la défense des droits de l'homme
01:28et c'est tout ça qui aujourd'hui est attaquée. Vous avez rappelé mon parcours, jamais je n'aurais pensé, au moment où j'ai été élue présidente de la Géorgie,
01:44que je me retrouverai, quelques années plus tard, 7 ans plus tard, en train de représenter la Géorgie à l'extérieur,
01:54de défendre son indépendance, de défendre son cheminement européen, puisque tout ça était sinon encore acquis.
02:04Mais le chemin était tracé, j'étais là pour l'accélérer, pour y aider, et ce chemin a réellement été accéléré.
02:12Et si quelqu'un m'avait dit, voilà, dans quelques années, la Géorgie sera à 180 degrés de l'autre côté,
02:20en train de retomber dans l'indépendance de la Russie, j'aurais dit, mais tout ça, c'est impossible et je n'y crois pas.
02:32Hélas, les choses auxquelles on ne croit pas se produisent parfois, et nous sommes dans cette espèce de tragédie
02:40qui est en train de se dérouler sous nos yeux, où on voit se mettre en place tout le modèle russe,
02:47celui que la Russie a utilisé contre sa propre société civile, de façon très systématique,
02:54mais chez nous, de façon accélérée.
02:56Ce qui s'est passé en Russie pendant 6 ans ou 7 ans s'est passé en Géorgie les 2 ou 3 dernières années,
03:03d'ailleurs, coïncidence ou pas, cela a commencé en même temps que la guerre en Ukraine.
03:10Et cette guerre en Ukraine, qui est une guerre militaire, est devenue en Géorgie une guerre hybride,
03:16qui ne donne pas son nom, mais qui est une guerre qui est menée avec des instruments de la démocratie,
03:23la propagande, la manipulation des élections, la manipulation et progressivement la prise en main de toutes les institutions.
03:35Aujourd'hui, en Géorgie, il n'y a plus aucune institution qui puisse dire qu'elle est indépendante.
03:41Et cela a commencé, évidemment, avec la justice, puisque c'est par là qu'on contrôle davantage, si on veut contrôler.
03:51Donc, méthodiquement, cette prise en main, qui est une capture d'État, qui n'est pas encore acquise,
04:02parce que tant qu'il y aura dans la rue ces personnes qui se battent,
04:07tant que la société civile, qui n'est pas une société civile russe,
04:11continuera à défendre ce qu'elle a acquis si difficilement au cours de ces 30 dernières années,
04:18depuis l'indépendance du pays, ça ne sera pas terminé.
04:23Mais cette capture d'État est en cours, c'est la stratégie hybride de la Russie,
04:29et la Géorgie, comme souvent, comme trop souvent dans son histoire,
04:33est pour la Russie l'endroit où l'on teste, c'est un petit pays,
04:37où l'on teste ce que l'on pourrait faire ailleurs.
04:41Et ce test est en train de se dérouler en Géorgie.
04:45Il a aussi connu des variantes, hier en Moldavie, en Roumanie,
04:51de certains des aspects de ce que nous avons connu,
04:54de ce que nous avons dénoncé, de ce que j'ai dénoncé.
04:58Et quand je l'ai dénoncé, on m'a demandé, on m'a dit,
05:00est-ce que vous avez des preuves de la manipulation électorale,
05:05de la propagande, des attaques cyber ?
05:08Les preuves, une fois qu'on les a, c'est déjà trop tard.
05:12Et c'est quelque chose qui, aujourd'hui, devrait,
05:16bien davantage que ce n'est le cas,
05:19susciter l'intérêt, l'attention et la prudence
05:25de nos partenaires européens,
05:28parce que cette stratégie hybride qui est menée en Géorgie,
05:31qui est testée en Géorgie, elle n'a pas de frontières.
05:35À la différence de l'agression militaire
05:38que nous avons connue au cours des derniers siècles,
05:42et en particulier en 2008,
05:44que l'Ukraine a connue en 2014 puis en 2022,
05:48ça s'est réservé, comme on le voit aujourd'hui avec les drones,
05:52aux pays qui sont limitrophes d'Estonie, la Pologne,
05:57mais la stratégie hybride, celle qui vise à infiltrer les populations
06:04par la propagande, à générer de la déstabilisation
06:09et ensuite à manipuler les élections,
06:12ça, c'est quelque chose qui peut être appliqué
06:15n'importe où, en Europe ou ailleurs.
06:18Et là-dessus, l'Europe, pour le moment, n'a pas de réponse.
06:25L'Europe regarde et aujourd'hui,
06:32et fort heureusement, c'est quelque chose qui est attendu depuis longtemps,
06:35fort heureusement, l'Europe pense à se réarmer,
06:39pense à comment soutenir l'agression militaire russe
06:44et comment aider l'Ukraine plus directement, plus efficacement.
06:49Mais pendant ce temps-là,
06:50elle oublie de mener la deuxième bataille
06:53qui est déjà commencée,
06:54qui est déjà commencée par un chef de la Russie
06:59qui n'est pas un chef militaire,
07:01qui est en ancien, il n'y a jamais d'ancien,
07:04chef du KGB.
07:05Donc pour lui, c'est beaucoup plus naturel,
07:08cette stratégie hybride,
07:10c'est quelque chose qu'il connaît,
07:11que ses services connaissent,
07:13et dans lequel il se sent parfaitement à l'aise.
07:17Et l'Europe est en train de perdre
07:19la domination qu'elle avait dans toutes les années précédentes,
07:24s'agissant de ce qu'on appelle la soft power,
07:28au profit de la Russie.
07:29Ça aussi, on ne l'aurait jamais imaginé.
07:32Depuis la fin de l'Union soviétique,
07:34on pensait que la propagande soviétique s'était terminée,
07:37que ça ne fonctionnerait plus jamais.
07:39Et en revanche, l'Union européenne, l'Europe,
07:44a connu tous ses grands succès
07:46par cette soft power,
07:48par l'attraction qu'elle exerçait.
07:51Et on voit les choses tout d'un coup s'inverser.
07:54Donc le moment est un moment grave.
07:56C'est le moment pour une politique de l'Union européenne,
08:01qui ne soit pas uniquement une politique de défense
08:05et de défense militaire,
08:06qui, je le répète, est indispensable.
08:09Et sous mon autre casquette ancienne,
08:13j'avais beaucoup milité pour cette politique de sécurité
08:17et de défense européenne.
08:18Donc je n'en suis que très heureuse
08:21de l'avoir enfin commencé à se développer.
08:25Mais ce ne doit pas signifier que l'Europe arrête
08:28d'avoir une politique extérieure,
08:31une politique énoncée.
08:32Et je dois ici regretter très vivement
08:35et publiquement que l'Union européenne,
08:37s'agissant de la Géorgie,
08:38ce pays auquel on a accordé le statut de candidat
08:42si récemment,
08:44il n'y a pas de politique énoncée.
08:47Il y a de temps en temps
08:48quelques communiqués qui déplorent
08:52telle ou telle arrestation,
08:54telle ou telle violence,
08:55tel ou tel excès d'un régime
08:57qui ressemble de plus en plus
08:59à l'autoritarisme russe,
09:01mais pas de politique élaborée,
09:04pas de politique annoncée,
09:05des sanctions qu'on n'arrive pas à mettre en œuvre
09:08à cause, dit-on, d'un seul pays,
09:11la Hongrie, pour ne pas la nommer.
09:14Mais ce n'est pas tout.
09:16La politique, ce n'est pas seulement les sanctions,
09:19ce n'est pas seulement quelques condamnations
09:21ici ou là,
09:22c'est l'expression de comment est-ce que
09:25l'Union européenne, l'Europe,
09:28compte se défendre
09:29contre cette nouvelle guerre hybride,
09:32comment est-ce qu'elle compte
09:33conserver ce qui est son futur stratégique,
09:37puisque notre futur, c'est l'Europe,
09:39et nous n'avons pas d'autres,
09:41mais l'Europe, son futur stratégique,
09:43c'est aussi la mer Noire, le Caucase,
09:47et l'ouverture sur l'Asie centrale,
09:50où sont tous ces minerais chers au président Trump,
09:55par exemple.
09:57Donc, nous avons là un vrai défi,
09:59qui est un défi pour nous,
10:00et une tragédie pour nous,
10:02mais un vrai défi pour l'Europe,
10:04que l'Europe doit rapidement relever,
10:07parce que ce qui arrive chez nous
10:09peut arriver demain chez vous.
10:11Merci.
10:12Merci.
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