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  • il y a 16 minutes
Quel est le coût de la crise politique ? Faut-il s'inquiéter de l'impact de l'instabilité de ces dernières semaines sur notre économie ? François Villeroy de Galhau, le Gouverneur de la Banque de France, est l'invité de RTL Matin pour dévoiler les conclusions de l'enquête mensuelle de conjoncture de la Banque de France.
Regardez L'invité RTL de 7h40 avec Thomas Sotto du 10 octobre 2025.

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Transcription
00:00Thomas Soto, RTL Matin.
00:03L'invité d'RTL Matin c'est François Villeroy de Gallo, le gouverneur de la Banque de France.
00:06Bonjour et bienvenue sur RTL, François Villeroy de Gallo.
00:09Bonjour Thomas Soto.
00:10La Banque de France vient de publier son enquête mensuelle de conjoncture.
00:13Et là je vais vous dire que je suis un peu surpris car j'ai eu l'impression en la lisant que ça n'allait pas si mal.
00:17Comment va notre économie, monsieur le gouverneur ?
00:19Alors je vous apporte ce matin au fond le dernier bulletin de santé de l'économie française.
00:23Les hommes et les femmes de la Banque de France interrogent 8500 entrepreneurs sur le terrain, dans tous les secteurs.
00:29Et si je devais résumer, je crois que le moral n'est pas très bon parce que nous en avons tous assez de ce grand désordre politique.
00:36Mais le physique tient.
00:38Le physique tient.
00:38La réalité de l'économie, grâce au courage des entrepreneurs, grâce au travail de 30 millions de français,
00:46c'est une croissance que nous estimons sur ce trimestre à 0,3%.
00:51Comme au trimestre précédent d'ailleurs.
00:53Et si je regarde un peu, alors nous confirmons du coup notre prévision sur l'ensemble de l'année à 0,7%.
01:00C'est pas brillant, Thomas Soto, c'est pas suffisant.
01:03Mais souvenez-vous, il y a quelques mois, tout le monde craignait la récession.
01:06Si on regarde un peu dans le détail, il y a de la progression dans les services, pour citer des exemples,
01:12notamment les transports ou l'hébergement et les loisirs.
01:14Il y en a aussi un peu moins dans l'industrie, mais ça va toujours bien dans l'aéronautique.
01:20Ça va mieux dans les industries agroalimentaires.
01:22Ça va un peu moins bien ce mois-ci dans le bâtiment, mais ça suit plusieurs mois de hausse.
01:26Donc là, je crois que voilà.
01:27Donc, on est dans une situation où les entrepreneurs maintiennent leur cap, les français sont au travail.
01:34Raison de plus pour résoudre notre problème de déficit et de dette.
01:37Justement, on va y venir, mais ça veut dire que la bouillabaisse politique dans laquelle on patauge n'a pas d'impact sur l'économie ?
01:42Ou peut-être qu'on pourrait faire mieux encore que ces récents ?
01:45On pourrait faire mieux.
01:45Si, si.
01:46Malheureusement, l'incertitude a un vrai impact.
01:49Alors, d'abord, pourquoi ça a un impact ?
01:52Parce que l'incertitude, c'est le contraire de la confiance et donc c'est le premier ennemi de la croissance.
01:57Qu'est-ce qui se passe ?
01:59Les ménages épargnent plus quand ils sont inquiets, donc ils consomment moins.
02:03Les entreprises attendent pour investir.
02:05Et, effet important, nos emprunts nous coûtent nettement plus cher depuis un an et demi.
02:10Alors, il y a un certain consensus pour estimer qu'au total, l'incertitude coûte 0,4 ou 0,5% de croissance.
02:17Ça fait combien en milliards, ça ?
02:18Ah, ça fait 0,1 de croissance, ça fait 3 milliards.
02:23Donc, ça fait pas mal de pouvoir d'achat et non pas en moins.
02:27Il y a un débat ensuite, Thomas Soto, dans ce total de 0,4, 0,5% d'incertitude,
02:33quelle est la part internationale ?
02:35Parce qu'il y a la guerre en Ukraine, malheureusement, il y a la politique de M. Trump,
02:39il y a les pressions de la Chine, il y a Gaza, bon.
02:42Et quelle est la part nationale ?
02:44Parce qu'on observe aussi la remontée du taux d'épargne d'ailleurs.
02:46Nous estimons à la Banque de France que l'incertitude nationale nous coûte au moins 0,2 points de croissance.
02:53Donc, ça nous coûte cher quand même.
02:54Ça nous coûte, je vais le dire d'ailleurs positivement dans l'autre sens,
02:57si on pouvait ramener la confiance des ménages, y compris en réduisant les déficits,
03:02si on diminuait le taux d'épargne des ménages de 1%,
03:04et aujourd'hui à 18%, si on revenait à 17% où on était en 2023,
03:09ça, ça nous rapporterait 0,4 points de croissance supplémentaire.
03:12Donc, vous voyez que c'est quand même un vrai levier, la confiance, pour booster la croissance.
03:17Mais je vous entends, et je me dis qu'on n'est pas au bord de la faillite.
03:20Quand le patron du MEDEF, Patrick Martin, dit que le décrochage économique est enclenché,
03:24vous n'êtes pas complètement d'accord avec ça ?
03:25Ah, je crois que 0,7% de croissance, ça ne suffit pas.
03:29Si on se compare, je vais prendre l'ensemble de l'Europe,
03:32parce que la croissance insuffisante, c'est un problème européen.
03:35Si on se compare aux Etats-Unis, a fortiori à la Chine ou aux grandes économies émergentes,
03:39on n'y est pas.
03:40On est faible.
03:40Donc, il faut des réformes fortes, c'est le rapport déposé par M. Draghi l'année dernière
03:46pour muscler l'Europe.
03:48M. Trump, on en pense ce qu'on veut, et je crois qu'il y a beaucoup à critiquer sur ses politiques,
03:53mais il y a une volonté pour l'Amérique.
03:56Regardez la Chine qui est extrêmement offensive.
03:58Il faut que l'Europe compte sur ses propres forces.
04:00Je veux vous dire, Thomas Soto, je crois que c'est une raison de plus
04:03pour qu'on s'occupe sérieusement de notre problème de dette.
04:05Mais justement, on y vient.
04:05Non, non, mais permettez-moi d'insister là-dessus.
04:08Vous avez raison.
04:08Dans ce monde chahuté incertain, on a besoin d'une Europe forte.
04:12D'accord.
04:12Or, la France, traditionnellement, c'est la locomotive de l'Europe.
04:15Et aujourd'hui ?
04:16Aujourd'hui, c'est le wagon de queue.
04:17Le wagon de queue, carrément.
04:18On aurait besoin, au moment où on aurait besoin de la France pour tirer le train,
04:21il ne faut pas qu'on s'installe dans la position du wagon de queue.
04:24Alors justement, la lutte contre la dette, elle va passer par un budget.
04:26Un projet de budget qui doit arriver lundi à l'Assemblée nationale pour 2026.
04:30Déjà, pour commencer, respecter le calendrier pour le budget, c'est important pour vous ?
04:33Ou vous dites, oh là là, on n'est pas un ou deux mois près ?
04:36Je crois que ce serait beaucoup mieux d'avoir un budget avant...
04:38Et c'est fondamental ?
04:39Le contenu du budget est encore plus important.
04:43On va en parler.
04:44Mais s'il n'y a pas de budget, il faut prendre ce qu'on appelle une loi spéciale...
04:48Ça nous coûte très cher ?
04:49D'abord, ça fait plus de déficit.
04:53Et puis, ça veut dire aussi que les crédits ne sont pas au bon endroit.
04:55Parce que vous reconduisez simplement les crédits de l'année précédente.
04:58Je vais prendre l'exemple de la défense.
04:59On sait qu'il faut dépenser plus sur la défense.
05:01Il faudra faire des économies ailleurs.
05:03Donc, la loi spéciale, c'est un espèce de minimum, mais qui représente un non-choix.
05:08Ça n'est pas une solution durable.
05:10Alors, il faut qu'on parle du contenu, bien sûr, et il faut qu'on continue à réduire les déficits.
05:15Et bien, justement, les déficits...
05:17Sébastien Lecornu, avant-hier à la télévision, disait...
05:19Bon, on n'est plus vraiment sur un projet qui vise 4-7 de déficit, mais autour de 5.
05:23Ça changerait vraiment beaucoup de choses ou pas ?
05:25Alors, je crois qu'il faut regarder simplement, on part de 5,4% de déficit cette année.
05:31En 2025, c'est un tout premier progrès parce qu'on a un peu réduit, heureusement.
05:35L'objectif, c'est 3% en 2029.
05:38Ça, c'est un engagement qu'on a pris vis-à-vis de l'Europe.
05:40Je peux vous dire, j'en rencontre beaucoup mes collègues européens,
05:42toute l'Europe nous regarde aujourd'hui.
05:44Et puis, les investisseurs qui, sinon, peuvent nous sanctionner sur les marchés.
05:48Mais il y a une autre raison.
05:49C'est que 3% en 2029, c'est ça qui nous permet, enfin, de stabiliser le poids de la dette
05:54par rapport à la taille de notre économie.
05:56Parce qu'au-dessus de 3%, la dette augmente quoi qu'on fasse.
05:58Exactement.
05:58Alors que si on est en dessous de 3%, on commence, comme l'ont fait tous nos voisins,
06:03tous nos voisins, à réduire le poids de la dette.
06:07Alors ensuite, on va faire un calcul très simple.
06:09Nous avons 4 ans pour diminuer le déficit, donc de 2,4%.
06:13Eh bien, il faut faire la première année le quart de ce chemin.
06:17Il faut réduire d'au moins 0,6%.
06:19Donc, je crois qu'il serait souhaitable que le déficit ne dépasse pas 4,8% en 2026.
06:244,8% en déficit, dernier seuil acceptable pour vous.
06:27Quel est le meilleur moyen de faire rentrer de l'argent dans les caisses ?
06:29Est-ce que c'est l'impôt ?
06:31Est-ce qu'il est trop inégalitaire, l'impôt ?
06:33Est-ce qu'il faut taxer les riches ?
06:34Qu'est-ce que vous en pensez de ça ?
06:35Alors, il y a un grand débat, Thomas Soto,
06:38pour ceux qui disent qu'il faut agir du côté de la maîtrise des dépenses,
06:41et puis ceux qui disent qu'il faut augmenter les impôts.
06:43Moi, je vais vous dire quelque chose avec un grand pragmatisme.
06:45Et il est temps de faire des compromis.
06:47Moi, je suis, comme beaucoup de Français, j'en ai assez de ce grand gâchis.
06:52La France a des atouts économiques, on l'a dit tout à l'heure.
06:55Il y a des solutions budgétaires.
06:57Je ne dis pas qu'elles sont faciles, mais elles sont possibles.
07:00Alors, il faut les deux sur les dépenses et les impôts.
07:04Mais il ne les faut pas dans les mêmes proportions.
07:06Je crois qu'il faut d'abord agir via les dépenses.
07:08Moi, je dis au moins pour les trois quarts de la solution.
07:10Pourquoi ?
07:11Pas pour des raisons politiques ou logiques,
07:13mais pour des raisons pratiques.
07:15Vous regardez notre problème, comparé à nos voisins européens,
07:19c'est que nous avons à peu près le même modèle social qu'eux,
07:22mais il nous coûte beaucoup plus cher.
07:24Notre écart total de dépenses, Thomas Soto,
07:27c'est plus de 9 points de PIB.
07:309% du PIB, si je convertis en milliards,
07:33ça fait 270 milliards d'euros.
07:35On ne va pas être trop technique,
07:36mais vous dites trois quarts de l'économie sur les dépenses de l'État,
07:38un quart sur les impôts.
07:39Mais n'oublions pas les dépenses,
07:41pour préciser sur les dépenses,
07:43il s'agit de les stabiliser après inflation.
07:47Donc, ce n'est pas faire reculer les dépenses,
07:49ce n'est pas l'austérité.
07:50Non, mais j'insiste un peu sur ce point,
07:51parce que le débat vient très vite sur l'impôt,
07:53on peut en parler,
07:55mais le cœur de la solution,
07:56c'est les dépenses et ce n'est pas l'austérité.
07:58Est-ce qu'il faut faire davantage payer les riches
07:59ou est-ce que c'est un faux débat ?
08:00Alors, je crois que les mesures fiscales
08:03peuvent agir à titre complémentaire,
08:05mais il faut des mesures ciblées et exceptionnelles.
08:08Vous savez, il n'y a pas d'impôt magique
08:10que paieraient juste les autres,
08:11qui n'auraient aucun effet négatif sur l'économie
08:13et qui résoudraient notre problème.
08:14Ça, ça n'existe pas.
08:16Ciblé, c'est qu'il ne faut pas toucher
08:17ni aux classes moyennes, ni aux entrepreneurs.
08:20Ça serait pénaliser notre économie.
08:22Et exceptionnel, je crois que des mesures
08:23plutôt temporaires,
08:25jusqu'à ce qu'on soit revenu sous les 3% de déficit.
08:27Après, ce n'est pas à la Banque de France de choisir.
08:29Je pense qu'effectivement,
08:31des mesures dans le sens de la justice fiscale
08:34seraient bienvenues.
08:35Si vous étiez au gouvernement, hypothèse...
08:37Je n'y suis pas.
08:38Est-ce que vous suspendiez ?
08:39Je n'y suis pas.
08:39Vous me permettez là-dessus, Thomas Soto.
08:41On m'a parfois posé la question.
08:43A chacun sa mission pour servir son pays.
08:45La mienne est à la Banque de France.
08:47Votre téléphone n'a pas sonné ?
08:49Je ne réponds pas à cette question,
08:50mais je vous ai dit où est ma mission.
08:52Mais si le chef de l'État vous proposait
08:53d'être Premier ministre ou ministre de l'économie,
08:56est-ce que votre sens de l'État
08:57vous porterait à vous poser la question ?
08:59Non, je crois qu'il faut que chacun
09:00puisse servir son pays.
09:02C'est vrai de tous ceux qui travaillent
09:04dans les entreprises dont on parlait tout à l'heure.
09:06Moi, ma mission est à la Banque de France
09:08et je crois qu'avec tous les hommes
09:10et les femmes de la Banque de France,
09:11on fait un travail très utile.
09:12Vous savez que votre nom circule ?
09:13Vous savez que quand Sébastien Lecornu dit
09:14il faut quelqu'un qui n'a pas d'ambition pour 2027,
09:16il faut un vrai technicien,
09:18quelqu'un qui est un spécialiste du budget,
09:19pardon, mais vous cochez les cases.
09:21Non, je crois que j'ai répondu à cette question
09:23sur là où était ma mission
09:24pour servir mon pays.
09:25Moi, je suis comme tous les Français,
09:27j'aime notre pays.
09:29Et j'en ai vraiment assez
09:31de ce gâchis politique.
09:32Il est temps, là aussi je regarde
09:34ce qui se passe chez nos voisins européens,
09:35il est temps de passer des compromis.
09:37Ce n'est pas un mot injurieux
09:39et de faire des coalitions.
09:41Vous savez, il n'y a pas que l'Allemagne
09:42qui a résolu son problème budgétaire.
09:44Il y a les pays du nord de l'Europe,
09:45il y a le Portugal,
09:46il y a même la Grèce,
09:47il y a l'Italie ces jours-ci.
09:49Donc, on devrait y arriver.
09:50En dix secondes,
09:51la réforme des retraites,
09:52est-ce qu'il faut la suspendre,
09:53la décaler ou est-ce que ça vous fait hurler ?
09:55Vraiment rapidement.
09:55Alors, là,
09:56ce n'est pas à la Banque de France
09:57de se prononcer
09:59et c'est un débat difficile.
10:00Pourquoi ?
10:00Parce que d'un côté,
10:01il y a une réalité
10:02qui est qu'il y a déjà
10:03des déficits des retraites
10:04et avec l'allongement
10:05de la durée de vie,
10:06ça va encore se dégrader.
10:07Et puis de l'autre,
10:08il y a des attentes
10:09politiques et sociales fortes
10:11de correction de la réforme de 2023.
10:13Alors, je crois là aussi
10:15qu'il faudrait des compromis.
10:16Je relève juste
10:17que quand on parle de suspension,
10:19le mot que vous avez employé,
10:20ça recouvre des réalités
10:21très différentes.
10:23Je crois qu'on peut avoir
10:23un vrai regret.
10:24C'est l'échec du conclave
10:25des partenaires sociaux
10:26au mois de juin.
10:29Et puis, il y a diverses pistes
10:30sur lesquelles on peut agir.
10:31Je vous renvoie
10:31à la lettre annuelle
10:32de la Banque de France
10:33publiée en juin dernier.
10:34Vous avez la prudence
10:35d'un ministre,
10:35M. Villeroy de Gallo.
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