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  • il y a 2 jours
"On nous a dit qu'on ne retrouverait jamais la personne qu'on a connu", témoigne Elsa, dont le petit frère a été diagnostiqué d'un trouble bipolaire il y a quinze ans. Proche aidante, elle raconte comment la maladie a fait irruption sa vie, bouleversant son quotidien et les liens au sein de sa famille.

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Transcription
00:00On nous annonce effectivement un trouble polaire de type 2
00:02qu'on ne retrouvera plus jamais la personne qu'on a connue.
00:05C'est une maladie qui sera là avec mon frère tout au long de sa vie.
00:09On a le droit de dire là j'ai besoin d'un temps pour moi,
00:12ça ne fait pas nous des mauvais aidants ou des mauvaises aidantes.
00:15Je suis Elsa, je suis proche aidante de mon frère depuis 15 ans.
00:20J'ai grandi dans une famille soudée, une enfance heureuse,
00:23jusqu'à l'âge adulte même parce que la maladie de mon frère s'est déclarée
00:27alors qu'il avait une vingtaine d'années.
00:28Mais avant ça, il n'y avait pas de prémices particuliers.
00:31Cette maladie s'est déclenchée durant les études de mon frère.
00:35Ça a débuté par ce qu'on appelle des idées délirantes,
00:39c'est-à-dire fixées sur un sujet qui revient en permanence
00:43et qui ne correspond pas par exemple aux standards de sa vie habituelle.
00:48On pourrait apparenter ça à ce moment-là, au tout début,
00:51à du développement personnel.
00:53C'est génial, il est plutôt réservé, il était en train de s'ouvrir.
00:56Et à la suite de ça, il s'est mis à de moins en moins dormir,
00:59jusqu'à plus du tout dormir la nuit, avec un cerveau qui tourne en permanence,
01:04se mettre au sport aussi.
01:06Donc là, physiquement, il a complètement séché,
01:08donc même l'enveloppe corporelle a été modifiée à ce moment-là.
01:11Et on se retrouve avec quelqu'un d'autre,
01:13mais aussi bien au niveau des idées qu'au niveau de la posture,
01:17du regard et de la voix.
01:18Donc c'est quelque chose d'extrêmement inquiétant quand on est proche,
01:21parce qu'on voit l'individu se transformer totalement.
01:26Et puis, soyons clairs, l'idée de « est-il en train de devenir fou ? »
01:31nous traverse l'esprit.
01:32Et ça, ça nous fait peur parce que c'est quelqu'un qu'on aime.
01:34Et à la suite de ça, il y a eu des conduits dangereuses.
01:37Quand on en arrive là, c'est qu'il y a un problème psychiatrique.
01:40Et donc, aux bonnes nouvelles, il y a une prise en charge.
01:43Mais la difficulté, c'est d'accepter cette prise en charge,
01:46parce que c'est douloureux d'extraire un membre de sa famille,
01:49parce que c'est douloureux de se dire
01:51« par la contrainte d'une hospitalisation, je lui viens en aide ».
01:55À ce moment-là, je suis enceinte de ma fille
01:57et mes parents me le cachent
02:00parce qu'ils estiment qu'il faut me protéger de cette nouvelle.
02:05Mais moi, je sens qu'il y a quelque chose d'étrange.
02:07Je l'ai appelée dès l'après-midi.
02:10Et là, effectivement, ça a été un choc
02:11parce qu'au téléphone, sous l'effet des médicaments
02:13pour pouvoir lui venir en aide,
02:16j'avais une toute autre personne.
02:18Donc là, pour moi, émotionnellement,
02:19ça a été un effondrement, une grande tristesse
02:22de savoir ce qu'il était lui en train de vivre,
02:25loin de nous.
02:26On se sent coupable.
02:29On nous présente le diagnostic de façon assez brutale
02:33et on nous annonce effectivement un trouble polaire de type 2
02:36qu'on ne retrouvera plus jamais la personne qu'on a connue,
02:39qu'elle sera toujours malade,
02:44qu'elle sera dans l'incapacité de s'assumer seule,
02:47qu'elle n'aura pas de vie au sens large,
02:49professionnelle, sociale, sportive,
02:52qu'on ne connaîtra pas la paternité, etc.
02:54Ils ne font pas forcément ce qu'on appelle la pédagogie
02:57pour expliquer ce que c'est.
02:58Donc, il faut aller chercher soi-même sur la maladie.
03:01Qu'est-ce que c'est ?
03:02Mais aussi, comment nous adapter notre comportement,
03:05comment aider, comment soutenir
03:07et comment se préserver en tant qu'aidant,
03:10ne pas soi-même s'écrouler.
03:12Moi, je ne me suis pas du tout rendu compte
03:13que j'étais dans cette position d'aidante.
03:15À ce moment-là, j'ai 27 ans,
03:18je suis enceinte de ma fille
03:19et j'ai un emploi, je vis ma vie,
03:23j'ai un rythme installé au sein de ma famille.
03:25Et du coup, ça vient bouleverser aussi un peu ça
03:28parce qu'il faut se réorganiser.
03:29On modifie aussi ses relations aux autres,
03:32ma relation avec mes parents,
03:34parce que moi, je ne suis pas malade.
03:36Donc, du coup, je me mets plutôt au second plan.
03:40Je vais plutôt prendre une place de fille aidante
03:43et plus de fille seule.
03:45Donc, ça veut dire faire des concessions,
03:47ça veut dire adapter son comportement.
03:50Et en fait, c'est très difficile
03:51parce qu'il y a des discours parfois
03:52qui sont tenus dans des temps de crise.
03:54C'est hyper douloureux.
03:55Et après, il faut reconstruire ce lien à chaque fois
03:58et c'est très éprouvant pour la famille.
04:01Donc, c'est hyper important de pouvoir dire
04:03à un moment donné, là, je ne peux pas
04:05et moi, j'ai besoin de soutien.
04:06Parce que si on tombe, on abandonne
04:08la personne qui, elle, est malade.
04:10Je n'ai plus du tout la même posture
04:11aujourd'hui qu'il y a 15 ans.
04:15On peut vivre et on peut vivre bien
04:16avec un trouble bipolaire.
04:20Ce n'est pas du tout une fatalité.
04:21Ça ne va pas forcément déchirer les nerfs familiaux.
04:24Ça peut au contraire les resserrer
04:26dans la mesure où chacun trouve sa place
04:29dans le soutien.
04:29J'ai vu à quel point ça a été utile pour moi
04:31d'être soutenue.
04:32Donc, il y a vraiment des moyens
04:33d'avoir de l'information, de la ressource.
04:36En tant qu'aidant, on a le droit au répit aussi.
04:38Ça ne fait pas nous des mauvais aidants
04:40ou des mauvais aidantes.
04:41Et préserver cet équilibre
04:43entre soi et l'autre, celui qu'on aide.
04:46C'est ça qu'il faut continuer
04:47de construire au quotidien.
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