- il y a 11 heures
Yann Arthus-Bertrand, photographe, réalisateur et président de la fondation GoodPlanet, et Hervé Le Bras, historien et démographe, pour "France, un album de famille" (Actes Sud).
Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-du-week-end
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00:00Grand entretien ce matin avec Marion Lourdes, nous avons le bonheur de recevoir deux invités.
00:05Un immense photographe militant écologiste, il a montré comme jamais la terre vue du ciel.
00:12Il a photographié, filmé la nature et nous montre depuis quelques années les visages humains.
00:18Président de la fondation Good Planet, il est accompagné d'un de nos grands intellectuels,
00:23démographe, historien, directeur d'études à l'école des hautes études en sciences sociales
00:27et à l'Institut National d'Études Démographiques.
00:30Ensemble, il publie la France, un album de famille, un livre de photos accompagné de textes qui racontent notre pays.
00:38Mille photos, l'objet est magnifique, imposant des visages, des métiers, des passions, des familles, des trajectoires.
00:46C'est publié aux éditions Actes Sud.
00:49Yann Arthus Bertrand, Hervé Lebrasse, bonjour.
00:52Bonjour.
00:52Et bienvenue, les auditeurs pourront dialoguer avec vous, vous faire part de leur vision de la France,
00:59de leur album de famille, leurs albums de famille au 01 45 24 7000 ou sur l'application Radio France.
01:07Mais partons de ce livre, de ce livre qui vous a réunis.
01:11Ce n'est pas la première fois que vous avez travaillé ensemble,
01:14vous nous aviez déjà collaboré à l'époque de la terre vue du ciel.
01:17La France, un album de famille, c'est le titre de ce livre de photos, c'est l'anti-archipel français.
01:27C'est l'anti-fourquet que vous avez produit.
01:30Ça vous fait sourire tous les deux, mais est-ce que ça décrit assez bien le projet ?
01:33Hervé Lebrasse.
01:34Oui, tout à fait, puisque l'archipel était de montrer une France brésillée et éclatée.
01:40Alors qu'au contraire, on a voulu montrer que la France est faite d'énormément de liens.
01:47Vous les avez cités, de liens familiaux, de liens avec des associations qui sont très nombreuses, de solidarité.
01:54La France, c'est un peu comme un... c'est la verre à moitié vide, à moitié plein.
01:59Et à moitié vide, c'est Fourquet. J'aime bien Fourquet, j'ai fait des livres avec lui.
02:03Mais nous, c'est le verre à moitié plein.
02:07Et ça ressemble à Yann Arthus Bertrand, parce que même quand vous filmiez la Terre pour alerter sur les dangers du réchauffement climatique ou de la pollution,
02:16vous filmiez la beauté, Yann Arthus Bertrand.
02:19Et là, on voit des gens qui sourient.
02:21C'est assez extraordinaire et plutôt rare.
02:23Mille photos de personnes qui sourient, quels que soient leurs métiers, leurs conditions, leur âge.
02:30C'est formidablement réjouissant.
02:33Vous leur avez demandé de sourire ?
02:34Bien sûr.
02:34On a créé une espèce de bulle.
02:38Vous savez, on a fait 60 studios à travers la France.
02:40Et on avait une bulle où les gens avaient le droit de s'aimer.
02:42C'est-à-dire qu'on demandait aux gens de venir avec les gens qu'ils aimaient, avec leurs collègues de travail, avec leurs amis, avec leurs chiens, leurs familles.
02:49Et ça a créé une espèce d'ambiance absolument inouïe.
02:52Tout le monde s'en...
02:53Bien sûr, on prenait des groupes tous les quarts d'heure.
02:56Il y avait des dizaines ou des centaines de personnes dans le studio.
02:59Et ça rigolait, ça chantait.
03:01Je n'arrivais plus à travailler tellement les gens parlaient.
03:03Les gens se retrouvaient.
03:05Et plus ça va...
03:07C'est vrai que j'ai photographié le plus beau paysage du monde.
03:09Mais je prends beaucoup, beaucoup plus de plaisir à photographier des gens.
03:12Les visages m'intéressent beaucoup plus.
03:1330 000 photos pour en retenir un millier ?
03:16On a fait 30 000 français et on n'a pas mis assez.
03:19Les gens qui ne sont pas dans le livre, on a laissé une page blanche dans le livre où les gens vont pouvoir coller la photo.
03:23Pour compléter l'album de famille.
03:25Pour se mettre dedans, Hervé Lebrasse, vous qui êtes habitué aux chiffres, à la rigueur scientifique,
03:31vous dites que ces photos, c'est un recensement sensible.
03:34Elles sont vraiment représentatives ? On n'a oublié personne là ?
03:37On a essayé de n'oublier personne.
03:39Vous savez qu'on a travaillé carrément en prenant les listes de métiers de l'INSEE qui sont très détaillées.
03:47Et bien sûr, il y a 5 000 métiers, donc on n'allait pas tous les mettre.
03:52Mais c'est surtout le rôle des légendes et des textes, c'est d'élargir.
03:58C'est-à-dire de dire, voilà, vous avez une photo qui représente à un moment donné, à un instant donné,
04:03tel type de personne, tel type de métier.
04:06Mais ces métiers-là sont, en France, quelle est leur histoire ?
04:10Comment ils se transforment ? Quel est leur avenir ?
04:12Donc la légende devait les insérer dans l'ensemble de la vie de la France.
04:17Et de ce point de vue-là, transformer ce qui était plutôt un fait divers
04:22qui allait dans des tas de directions, parce qu'une photo de Yann va dans énormément de directions.
04:28Et tout d'un coup, on ciblait avec la légende sur ce que ça représentait dans le paysage français.
04:33Yann Arthus-Bertrand, ce qui est intéressant, c'est de raconter aussi ce dispositif.
04:36Donc vous avez baladé votre studio dans 60 endroits différents en France, avec cette espèce de bâche.
04:42Tout le monde pose devant une espèce de bâche ocre.
04:44Mais la bâche, c'est le début de la photographie.
04:46Il y a un adart travaillé sur une bâche.
04:48C'est une des premières photos du bouquin.
04:49Ça fait un fond neutre, en fait, c'est ça ?
04:50Oui, exactement.
04:51Hier, on m'a fait une remarque sur le bouquin qui m'a fait beaucoup plaisir.
04:55Il m'a dit que c'est un livre qui fait du bien.
04:57Et ça, j'aime ça.
04:57C'est un livre qui te fait sourire toi-même.
04:59On vous l'a dit tout à l'heure aussi.
05:00Oui, oui.
05:01Et donc, ça me remplit de joie.
05:04Quand on est photographe, on est toujours obsédé de finir un travail.
05:08Et un photographe, c'est quelqu'un qui n'a souvent pas la chance de travailler très longtemps sur un projet.
05:12On a commencé ce travail dans les années 90, où le journal de L'Express m'a demandé photographier des Français,
05:17du président de la République à un SDF, et j'avais adoré ce travail.
05:21Avec ma fidèle assistante, Françoise, avec qui je travaille depuis une trentaine d'années,
05:25on a voulu vraiment continuer ce travail.
05:28Il y a trois ans, on s'est mis...
05:30Donc, c'est aussi une France sociale.
05:33Les familles recomposées, ça a complètement changé aujourd'hui.
05:37Il y a une évolution incroyable.
05:39Et par rapport, justement, à ce projet des années 90,
05:42ce qui est assez fascinant, c'est que vous vous sentez vraiment à votre place de photographe documentariste.
05:50Et c'est très réussi.
05:52Vous écrivez que vous avez ressenti en vous ce sentiment naturel d'empathie qu'on a tous en nous dès la naissance.
05:58C'est un peu nunuche, mais j'assume complètement.
06:02Oui, enviissant.
06:03J'aime de plus en plus les gens.
06:05C'est très simple.
06:06J'essaie de ne pas me mettre en colère.
06:08Dieu sait qu'on est un écolo.
06:10On est souvent en colère.
06:11Et aujourd'hui, j'essaie d'accepter.
06:13Mais il y a plus d'émotions dans un visage que dans un paysage ?
06:16Bien plus, tellement.
06:18Bien plus ?
06:18Tellement plus.
06:19Hervé Lebrasse, comment est-ce que vous travaillez avec Yann-Arthus Bertrand ?
06:23D'un côté, il y a la singularité des visages et de l'autre.
06:26Il y a l'homme des chiffres, des datas, celui qui travaille sur les grandes transformations sociales,
06:32sur la mobilité, sur l'éducation.
06:35Comment est-ce que vous vous complétez l'un l'autre ?
06:37On a un peu travaillé, et c'était au fond le but aussi, chacun de son côté.
06:45C'est-à-dire qu'une fois que j'avais les photos de Yann, à ce moment-là, j'essayais sur une large documentation,
06:54justement de montrer, comme je l'ai dit tout à l'heure, ce que ça représentait en France.
06:58Et puis, de la même manière que Yann fait une photo avec un dispositif où il y a, on vient d'en parler, l'arrière-fond.
07:06Alors, décrivez-le justement, parce qu'on la voit, cette photo somptueuse de Nadar, avec donc ce fond ocre foncé.
07:15Et puis, un personnage.
07:16Une vache, énorme vache et un personnage.
07:18Mais la vache, elle signifie ce que fait la personne.
07:21Oui, c'est un fermier.
07:23Si c'était un menuisier, il venait avec un maillet ou une scie.
07:28Donc, on avait ce dispositif.
07:30Et de la même manière, pour ma légende, j'avais un dispositif.
07:33C'est-à-dire, il fallait que je parte de ce cas particulier, que je le généralise,
07:38et puis que j'en tire une petite philosophie, une petite morale, comme on disait autrefois en une phrase.
07:42Je le disais tout le temps, parle-moi d'amour.
07:44Elle me dit, mais l'amour, il n'y a pas de chiffre.
07:45Il n'y a pas de chiffre sur l'amour.
07:46On ne va pas savoir comment il y a de gens qui sont amoureux.
07:48Parle-moi d'amour.
07:49C'est souvent notre discussion.
07:51Non, mais il peut vous dire en revanche, combien il y a de centenaires en France.
07:55Voilà.
07:55Non, mais c'est intéressant.
07:57Il y en a combien ?
07:57Il y en a un peu moins de 15 000.
07:59Un peu moins de 15 000.
08:0130 000 centenaires.
08:03Non, on n'est pas d'accord.
08:04Écoutons la science.
08:05Écoutons la science d'abord.
08:06Et surtout, il y en avait seulement quelques centaines en 1850.
08:10C'est ça la différence.
08:12Ce qui est très fort aussi, c'est que vous avez photographié des métiers.
08:15Vous avez photographié des familles.
08:16Absolument tous les métiers.
08:17Et vous avez même photographié de ceux qui n'en ont pas.
08:20Et ça, c'est important aussi de s'arrêter là-dessus, sur cette dimension-là.
08:23Vous avez photographié des chômeurs.
08:25Vous avez photographié un exploitant agricole qui n'arrive pas à trouver de ferme à travailler.
08:31Et malgré ça, vous avez essayé de leur donner un visage, j'allais dire souriant.
08:36C'est l'anti-Richard Avedon qui avait fait ce travail sur les Américains des années 80.
08:42Mais il y a des photographes, des grands photographes, qui me disaient
08:45« Moi, je n'aime pas photographier des gens qui sourient.
08:47Et moi, je n'aime que photographier des gens qui sourient. »
08:49C'est ça.
08:51Et c'est aussi un livre pour l'orientation professionnelle.
08:54On a fait tous les métiers qu'il y a en France.
08:55C'est absolument extraordinaire.
08:56Mais quand même, vous n'avez pas dû les forcer un peu.
08:58Parce que par exemple, il y a des assistantes sociales scolaires qui ont leur banderole assistante sociale en colère.
09:04Et en même temps, elles sourient.
09:06Elles sourient parce qu'elles sont contentes d'être ensemble et de montrer ce qu'elles font.
09:09Elles sont fières de montrer leur combat.
09:11Association.
09:12Il y a 20 millions de gens qui sont bénévoles en France.
09:15Donc 5 millions travaillent toutes les semaines bénévolement.
09:18Moi, je voulais mettre en avant ces gens-là.
09:20Et c'est pour ça qu'il y a beaucoup de groupes.
09:21Il y a beaucoup de gens ensemble.
09:23Ensemble, on est heureux.
09:25Et les gens se prennent par la main, par le bras, sans brasse.
09:28C'est important, ça, de le montrer.
09:29Hervé Lebrasse, vous réagissiez à ces assistantes sociales ?
09:32Oui, parce qu'il fallait aussi montrer qu'il y a aussi des à-côtés qui ne sont pas forcément réjouissants.
09:40Ils ne devaient pas du tout être dominants.
09:42Il ne fallait surtout pas qu'ils soient dominants.
09:44Mais il ne fallait pas non plus qu'ils soient oubliés, bien sûr.
09:47Je reviens à mon verre à moitié vide.
09:51Il fallait un peu monter du vide quand même.
09:54Ne pas dire, voilà, tout est bien, Madame la Marquise.
09:56Un exemple, il y a une photo qui m'a profondément touché.
10:00C'est la mère d'un garçon qui est atteint d'une leucémie,
10:03qui vous a demandé si vous pouviez prendre la photo de tous ceux qui l'avaient.
10:07Là, pour le coup, c'est un album de famille, au sens où il y a le personnel soignant, les amis, le pilote.
10:13C'est la mère des petits garçons.
10:15C'est la mère des petits garçons qui a organisé la photo.
10:19Beaucoup de ces photos, c'est eux, c'est des gens qu'en choisissaient.
10:22Du coup, j'aimerais bien venir avec.
10:23Donc, ce petit garçon crie merci.
10:26Il y a quand même 60 personnes.
10:28C'est émouvant, rien que d'en parler, tu vois.
10:30Je me souviens de cette photo très bien où tous les gens sont autour de lui,
10:33qui l'ont aidé pendant sa leucémie.
10:35En grand, il lève les bras au ciel, il dit merci.
10:38C'est cette France-là que j'ai envie de montrer.
10:39C'est la France qui donne, qui partage, qui aime.
10:42Et Dieu sait qu'on est tous touchés par ça.
10:44Il y a quelque chose que les gens ne savent pas forcément,
10:47mais vous êtes hyper mnésique, Anne-Arthus Bertrand.
10:50Vous avez une mémoire visuelle absolument colossale.
10:53Vous vous souvenez de toutes les photos que vous prenez.
10:57Comment est-ce que vous, vous regardez cet album ?
10:59Est-ce qu'il y a une photo qui vous marque davantage que les autres ?
11:03Et même question, Hervé Lebrasse.
11:05Il y a une photo qui m'a beaucoup marqué.
11:07C'est une maman qui me demande
11:10est-ce que je peux essayer de venir avec mon enfant autiste ?
11:12Et je lui dis, mais bien sûr, oui, mais c'est compliqué.
11:15Ça risque d'être long.
11:15Je lui dis, mais bien sûr, venez.
11:17Et elle vient avec cette adolescente.
11:20Ça dure une heure environ avant qu'il puisse monter sur la bâche.
11:23Il avait peur d'y aller, pousser des cris.
11:25Et alors, ils ont fait la photo.
11:27On y arrive.
11:28Elle est tellement heureuse.
11:30C'est comme pour avoir une photo de son fils
11:32qui a réussi à venir dans ses bras.
11:34On était tous là, en train de pleurer.
11:35Regardez cette photo.
11:36C'est ce petit moment magique de la photo.
11:38À quoi elle ressemble, cette photo, si vous pouviez la décrire ?
11:42L'amour, le bonheur.
11:43Le bonheur d'une mère
11:45pour un enfant qui n'est pas comme les autres
11:48et qu'elle aime incroyablement.
11:50Et comment est-ce qu'on capte ça quand on est photographe ?
11:52C'est tellement facile.
11:53Oui, mais vous êtes si près.
11:54On n'a qu'à appuyer sur le bouton.
11:56Celle-là, c'est facile.
11:56Quand les gens sont heureux.
11:58Vous savez, tous ces gens, ils sont beaux
12:00parce qu'ils sont beaux eux-mêmes.
12:01C'est eux qui se rendent beaux tout seuls.
12:05Moi, je ne fais rien.
12:06Je ne suis qu'à appuyer sur le bouton.
12:07On est qu'en témoin.
12:09Hervé Lebrasse, la photo.
12:11Une photo, je dirais, qui m'a intéressé
12:14par son sens profondément.
12:16Elle a l'air anecdotique.
12:17C'était une assemblée de personnes
12:19habillées comme au Moyen-Âge.
12:21Ça s'appelait la Confrérie de la Bête Noire.
12:23Alors la Bête Noire, c'était le sanglier.
12:26Et puis j'ai fouillé, cherché
12:28quelle était cette confrérie.
12:30Elle avait été fondée, je crois,
12:31à l'Hôtel des Postes de Chaumont
12:33en 1992.
12:36Ou 1995.
12:37On croit que c'est un truc très ancien.
12:39Oui, mais du coup, que signifiait-elle ?
12:41Et c'est ça qui était intéressant.
12:42C'était un moyen de rapprocher
12:45des retraités qui sont maintenant assez aisés,
12:48qui s'installaient dans la région.
12:50Et puis la bourgeoisie locale
12:52qui avait un peu besoin de s'ouvrir.
12:54Donc c'était normal que ça se passe
12:55à ce moment-là.
12:56Parce que c'est un moment où les retraités
12:58sont plus aisés qu'autrefois.
12:59Et où aussi, il y a une certaine déprime
13:02dans cette France du côté
13:04de la Haute-Marne, de Chaumont.
13:05Et à l'autre extrémité du spectre,
13:07il y a ces enfants, cette classe,
13:09cette école de la Courneuve.
13:10On dirait presque une photo de classe
13:11avec des enfants qui tiennent
13:13leur dessin.
13:14Il y en a Arthus Bertrand.
13:14En fait, c'est intéressant
13:15que ce soit la Courneuve
13:16parce que c'est là
13:17où il y a la proportion d'enfants
13:19la plus importante
13:20nés de deux parents immigrés.
13:22Vous, vous dites intégration.
13:23ce n'est pas un gros mot
13:24et ça se voit dans votre livre.
13:25Oui, mais c'est vraiment
13:26dans une France mélangée.
13:28C'est inouï,
13:28le nombre de familles qu'on a fait
13:29avec énormément de racisées.
13:31Ça m'a touché profondément.
13:33J'ai vraiment l'impression
13:34qu'on est un pays formidable.
13:36La façon dont on accueille les gens.
13:38C'est un peu concombre dire ça.
13:39Mais à un moment,
13:40tu regardes le bouquin,
13:41tu dis putain,
13:42je suis fier d'être français.
13:43On est vraiment un pays d'accueil inouï.
13:45C'est la première photo.
13:46C'est celle qui ouvre le livre d'ailleurs.
13:48Est-ce que vous pouvez la décrire ?
13:49C'est une photo que j'ai faite
13:53une jeune fille dans un magasin Attaque
13:55qui maintenant devient Euromarché
13:56avec sa grand-mère
13:57qui est habillée en...
14:00Ça doit être une berbère, je pense.
14:02Et je sais que quand elle est rentrée chez elle,
14:05son père lui a foutu une raclée
14:06parce qu'elle a fait cette photo
14:07sans demander l'autorisation.
14:09Donc c'est une photo qui me touche beaucoup.
14:10Et cette photo, elle est...
14:11Je la connais bien.
14:12Je connais bien cette jeune fille aussi
14:13qu'on reconnaît maintenant
14:14qui a des enfants.
14:15Elle est intemporelle.
14:16On est en pleine Fashion Week à Paris
14:18et il y a aussi un hommage rendu
14:20à ceux qui travaillent dans la mode,
14:22les couturiers.
14:23Il y a également ceux qui sont
14:25dans la haute couture.
14:27Et c'est assez frappant
14:28puisque c'est sans doute
14:29le film préféré de Marion Lourdes.
14:33Cherbourg.
14:33Pas celui-là, presque.
14:34Le parapluie de Cherbourg.
14:36On y est presque.
14:36Décrivez cette photo, Hervé Le Brasse.
14:39On voit les parapluies multicolores
14:42comme d'ailleurs dans le film.
14:44Mais surtout, on voit que
14:46l'industrie du parapluie existe toujours.
14:49que les Français, ça perd des très beaux parapluies.
14:51Et c'est une boîte qui a du mal à vivre
14:53parce que ces parapluies français
14:54sont beaucoup plus chères.
14:55Un mot sur l'intégration
14:57parce que c'est très important
14:58parce que presque toujours, justement,
15:01les statistiques sont assez individualistes.
15:03Dans un recensement,
15:04c'est individu par individu.
15:06Là, ce que montre le livre,
15:07c'est du lien social.
15:08Et du coup, on voit que
15:10la population d'origine étrangère,
15:12qu'elle soit française maintenant ou non,
15:14est intégrée.
15:15Elle travaille avec les Français.
15:17Elle vit avec les Français.
15:18Elle s'associe avec les Français.
15:20C'est très important dans la circonstance actuelle.
15:22Mais tout le monde n'a pas cette vision-là.
15:24Justement, il y a dans ce livre aussi
15:26des femmes voilées,
15:28des personnes transgenres,
15:29des familles homoparentales.
15:30Est-ce qu'il n'y a pas un risque de choquer aussi ?
15:32Certains qui n'ont pas cette vision ?
15:33Il y a même plus loin.
15:35Il y a même des prostituées.
15:37Effectivement, en travaillant du sexe.
15:39Ça fait partie de la réalité française.
15:42Et ce n'est pas du tout quelque chose
15:44que nous sommes à même
15:45ou d'apprécier ou de critiquer.
15:47C'est quelque chose qui existe.
15:48Et vous les photographiez toujours
15:50de la même manière.
15:51Et ça, c'est assez important.
15:52Il faut le souligner,
15:53Yann Arthus Bertrand.
15:54Votre œil,
15:55il est le même
15:56selon que vous photographiez
15:58justement la prostituée,
16:00la policière,
16:01la représentante de la haute couture.
16:03Non, mais en l'occurrence,
16:07c'est le même regard empathique,
16:09le même.
16:10Yann, d'ailleurs,
16:11qui vous dit
16:12« Avez-vous l'impression
16:12que les Français vont bien
16:14après ce parcours
16:15à travers la France,
16:16l'un et l'autre ? »
16:17Oui, moi, j'ai photographié.
16:18Le pays du bonheur collectif
16:20et du malheur privé,
16:21c'est une phrase
16:21qu'on vous doit,
16:22Hervé Lebrasse.
16:23C'est l'inverse.
16:24La France du bonheur privé
16:26et du malheur collectif.
16:27Exactement.
16:27C'est ce que j'allais vous répondre.
16:29C'est-à-dire que
16:30quand on interroge les Français
16:31sur des questions,
16:32par exemple,
16:32est-ce que vous appréciez
16:35la famille ?
16:36Vous avez des réponses
16:37qui sont les plus importantes
16:38d'Europe.
16:3997% ou 96% des Français
16:41disent qu'ils apprécient
16:42la famille.
16:43Et puis ensuite,
16:44quand vous leur demandez
16:45quelque chose
16:46sur la vie publique,
16:47sur les services publics,
16:49alors là, tout va mal.
16:50Ils sont parmi les Européens
16:52ceux qui répondent
16:53le plus négativement.
16:55Donc, il y a un vrai paradoxe
16:56en France.
16:57Et c'est bon de rappeler
16:58qu'il y a ce côté
16:59très positif des Français.
17:01Moi, j'ai photographié
17:0330 000 personnes.
17:04Pas un emmerdeur.
17:05Que des gens sympas.
17:06On ne vous croit pas.
17:08Que la main tendue.
17:09Vous comprenez dans les 30 000
17:11où vous vous excluez
17:12à l'artiste Béatran ?
17:13J'espère être vraiment
17:14là-dedans.
17:15Que la main tendue.
17:16Mais le nombre de...
17:18Je ne sais pas,
17:19d'amour.
17:19L'amour que j'ai reçu
17:20en faisant ce travail,
17:21on continue à faire des photos.
17:22C'est inouï.
17:23Ça t'enrichit
17:24pour la vie, ça.
17:25Vous avez dit
17:26que c'était un projet
17:27politique aussi.
17:28Au sens noble.
17:31Sur le vivre ensemble,
17:32bien évidemment.
17:33Aristote définit l'homme
17:34comme un animal politique.
17:36C'est-à-dire,
17:36c'est la vie
17:37d'une personne,
17:38un homme,
17:39c'est quelqu'un
17:39qui est dans la société.
17:41Il est défini
17:41par ses liens sociaux.
17:43Donc, de cette façon-là,
17:45c'est vraiment
17:45un livre politique.
17:46Mais ce n'est pas
17:47un livre partisan.
17:48On sent bien
17:49que tous ces gens
17:50du livre,
17:51qu'ils soient faits en Corse
17:52et qu'ils soient faits à Lille,
17:53sont liés.
17:55Ce livre les relie
17:55tous ensemble
17:56et ça se sent énormément.
17:57Mais quel effet
17:58vous espérez voir
17:59à Hervé Le Bras
18:00et à Yann Arthus Bertrand
18:00chez les gens
18:01à la lecture de ce livre ?
18:03Chez les gens,
18:03chez les politiques peut-être ?
18:04Les amours.
18:04Parce que ça peut être
18:05un bon guide pour les...
18:06La politique, c'est le contraire.
18:07Il n'y a pas d'amour en politique.
18:08La seule personne
18:10qui a eu du mal
18:10à photographier,
18:11c'est les députés.
18:12Photographier ensemble
18:13cinq députés
18:14de couleurs différentes,
18:15impossibles.
18:16On a essayé pendant
18:17des mois et des mois.
18:17Donc on les a faits
18:18un par un.
18:18C'était un peu dommage.
18:19Et d'ailleurs,
18:20oui, les femmes politiques,
18:22on voit par exemple
18:22Agnès Pannier-Runacher,
18:24elle est seule.
18:25Oui, non, je l'ai fait
18:26en tant que ministre.
18:26Le politique est seule, oui.
18:27Parce que bon,
18:27les ministres de l'écologie,
18:28je les côtoie forcément,
18:29donc je lui ai demandé de venir.
18:31Et puis là,
18:31vous aimeriez faire
18:32une photo du gouvernement,
18:33vous n'y arriveriez pas.
18:34Ce serait impossible, oui.
18:36Il n'y en a pas,
18:36de toute façon.
18:37Pour l'instant, oui.
18:38Mais les démissionnaires,
18:39je le dis en plaisantant,
18:41mais vous photographiez
18:42également les différences
18:44d'âge dans les couples
18:45pour montrer que l'amour
18:47transcende les âges.
18:48Hervé Lebrasse,
18:49est-ce que vous pouvez
18:49nous en parler
18:51puisque c'est une thématique
18:52extrêmement contemporaine ?
18:54Oui, mais surtout,
18:55ce qui est très contemporain,
18:56c'est l'extraordinaire
18:57diversité des familles.
18:59On montre comment
19:01ça a commencé
19:02dans les années 75
19:04et maintenant,
19:05vous avez des photos
19:06de familles recomposées,
19:07vous avez des photos
19:09où je crois une famille
19:11et qu'il y a deux homosexuels
19:13et puis un enfant.
19:15Vous avez une très grande variété
19:17de...
19:18Deux pères et une mère.
19:20Exactement.
19:21Et le gosse a l'air
19:22tellement heureux en plus.
19:24C'était...
19:24L'amour est toujours dans le livre.
19:27Myriam, vous remercie
19:29pour cet élan de fraîcheur
19:30et d'optimisme.
19:32Ça fait du bien
19:32et elle a raison, Myriam.
19:34Plus de positivité
19:36pour faire bouger les choses.
19:38Merci à tous les deux,
19:39en tout cas.
19:40Yann Arthus Bertrand,
19:40Hervé Lebrasse,
19:42grande exposition
19:43de ses photos
19:43dans les salons
19:44de l'hôtel de ville
19:45de Paris
19:46pendant les vacances
19:46de la Toussaint
19:47du 20 octobre
19:48au 2 novembre
19:49et puis elle va ensuite
19:50entamer une grande tournée
19:51en France.
19:52Studio photo
19:52dans la mairie
19:53et donc tous les gens
19:54qui viennent
19:54vont faire partie
19:55du travail des Français.
19:56Vous êtes incapable
19:57d'arrêter un projet finalement.
19:58C'est quelque chose
19:59que vous avez commencé
20:00dans les années 90
20:01et qui se poursuit.
20:02Un documentaire
20:03sur les coulisses
20:04de ce projet sera diffusé
20:06ce mois-ci
20:06sur France 3
20:07et le 5 novembre
20:08on pourra voir au cinéma
20:09votre long métrage
20:10documentaire
20:11France,
20:11une histoire d'amour
20:12décidément
20:13à Yann Arthus Bertrand
20:14réalisé avec
20:15Michael Pitiot.
20:17C'est un film,
20:17un road movie
20:18à travers la France,
20:19à travers les gens
20:19qui font pour les autres
20:20et j'ai adoré
20:21faire ce travail.
20:22Merci infiniment
20:23à tous les deux
20:23et bonne journée.
20:24Bonne journée.
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