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  • il y a 2 jours
Dans cette interview diffusée le 27 septembre 2018 sur TV5 Monde, Jean-Claude Camus, producteur historique de Johnny Hallyday, revient sur ses souvenirs marquants avec l’idole des jeunes, ses relations avec Michel Sardou ainsi que ses succès et ses échecs. Un témoignage intime et éclairant sur plusieurs décennies de carrière.

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Musique
Transcription
00:00– Bonjour Jean-Claude Cabu. – Bonjour.
00:09– Vous n'étiez pas né pour ça, pourtant vous en avez vu votre vie avec Johnny, Michel Sardou,
00:13Alidé et tant d'autres, tout le show business ou presse.
00:16Vous le racontez dans un livre incroyable, chez Plon, qui fait un carton.
00:19Je voudrais d'abord vous demander que vous avez une amitié depuis 30 ans avec Johnny.
00:22– En plus. – Plus que 30 ans.
00:23Il y a une véritable inquiétude aujourd'hui pour Johnny.
00:26Vous avez des nouvelles ?
00:27– Écoutez, je n'ai pas son bulletin médical,
00:31mais j'ai passé un 29 octobre avec lui le lendemain de mon anniversaire.
00:36Ils m'ont fait un anniversaire surprise à Barla Coquette.
00:40J'ai trouvé bien, il se soigne, il l'a dit, il est malade, il se soigne, il se bat.
00:45Mais je peux vous dire que j'ai entendu aussi 7 ou 8 chansons de son prochain album.
00:50La voix est toujours là, il n'y a pas de problème.
00:52– C'est un phénix, il renaît toujours de ses cendres Johnny.
00:55– C'est un battant, c'est un gagnant. Il est au-dessus de tout le monde.
00:59– Oui. Il aime les challenges, il aime quand c'est dur, difficile, il est habitué à ça.
01:03– Il a toujours été habitué, depuis l'âge de 16 ans et demi.
01:06– Oui. C'est ce Johnny-là que vous avez toujours connu et aimé, finalement ?
01:11– À Johnny, c'est un vieux, enfin, c'était un vieux couple.
01:18Ça dépassait vraiment, et ça dépasse.
01:22Enfin, maintenant, je ne suis plus dans la profession,
01:24mais ça dépasse vraiment les relations professionnelles.
01:28C'est famille, c'est vraiment famille.
01:31Juste un exemple, entre autres, Sardou en a fait autant d'ailleurs.
01:34Il faut le faire pour un artiste, se lever matin de bonheur
01:37pour aller à 150 kilomètres de Paris à l'enterrement de mon papa,
01:41ça vous donne l'attachement qu'on avait entre nous.
01:44– Oui. Il y a eu pourtant une rupture.
01:46Vous dites que vous avez pleuré quand vous avez reçu un jour
01:50un coup de fil de Laetitia Lidé, qui vous a passé sans mari.
01:54– Et que j'ai retrouvé le soir même.
01:56Je ne l'avais pas vu depuis 6 ans.
01:58Je ne l'avais pas vu depuis 6 ans, Johnny, depuis qu'il était parti.
02:00Donc, parce qu'il avait eu un gros besoin que je ne pouvais pas moi satisfaire.
02:06Mais c'est vrai, quand on s'est retrouvé à Bruxelles, au Palais XII,
02:09qu'on s'est retrouvé dans la loge et que je vois mon jeudi
02:12qui me dit « je suis tellement content de te voir ».
02:14Et moi, j'ai fondu, j'étais…
02:17Je retrouvais un peu mon petit frère, j'allais dire.
02:21– Oui, quelle aventure incroyable.
02:23Vous l'avez croisé la première fois.
02:25Vous racontez évidemment dans ce livre, on va en parler de tous les autres artistes.
02:27Mais un jour, vous le croisez, vous travaillez avec Dick Rivers,
02:30la bande du Golfe Drouot, et vous vous dites
02:33« ah, le type qui va travailler avec ce type-là, avec lui, il va devenir un roi ».
02:38– J'étais un visionnaire, j'étais un visionnaire, c'est vrai.
02:42J'en ai rêvé pendant 10 ans, parce qu'il y avait en effet
02:44Dick Rivers de Chasseauvage, Eddie Mitchell, les Chaussettes Noires,
02:47les Vautours, Vic Lorenz, etc.
02:48Et puis il y avait ce grand blond que j'allais voir sur scène, etc.
02:53Et j'ai tout de suite vu que c'était quelqu'un qui était au-dessus de tout,
03:01qui dépassait tout le monde.
03:02C'est le patron, c'est vraiment le patron dans le métier.
03:05– Oui, c'est le boss.
03:06Vous allez travailler ensuite, vous faites des concerts énormes.
03:09On va reparler, Bob Marley, Supertramp.
03:11Et c'est un jour, en coulisse de Supertramp,
03:13Johnny vient vous voir et vous dit « j'ai envie de travailler avec toi ».
03:16– Oui, en fait, puisque mon métier n'existait pas.
03:20Ce n'était que des associations qui organisaient les spectacles.
03:23Donc quand les artistes arrivaient sur place, c'était des bénévoles,
03:26c'était un peu tout et n'importe quoi.
03:28Et moi, je me suis mis à acheter des spectacles en province,
03:31sous chapiteau la plupart du temps, puisqu'il n'y avait pas de salles pratiquement.
03:35Et quand Johnny, entre autres, ou Michel Sardou, arrivait,
03:41vers 18h, 17h, 18h, c'est comment ce soir ?
03:45En bord et en vacances, c'est qu'il y a bu.
03:47Et ça s'est répété comme ça, X fois.
03:49Donc j'ai dû faire avec Johnny, sans doute,
03:52plus de trentaines de galas en province que j'avais achetées.
03:55Donc on se connaissait vraiment bien.
03:57Tellement bien qu'au 6e ou au 7e, je me rappellerai toujours,
04:01c'était à Châteauroux sous chapiteau.
04:03Après le spectacle, il est minuit.
04:06Il doit rentrer sur Paris, mais moi aussi d'ailleurs, en voiture.
04:10Il vient m'embrasser.
04:11Au revoir, merci, c'était bien.
04:12Il prend mes lunettes de vue et il s'en va.
04:13J'avais des lunettes de vue à l'époque.
04:15Voilà, ça c'est Johnny.
04:17Et en effet, quand il est arrivé pour voir Super Trump,
04:20en coulisses, il me prend à part.
04:23Il faut savoir que Johnny est un très réservé,
04:26je dirais même un grand timide en fait.
04:28C'est difficile à croire, mais c'est vrai.
04:31Et il me prend à part.
04:32Il me dit, tu sais que j'ai viré toute mon équipe,
04:35producteur, musicien, etc.
04:37J'ai entendu, Johnny, je suis au courant.
04:42Tu accepterais de t'occuper de moi ?
04:45Mais attendez, Johnny Hallyday me demandant à moi,
04:47qui ne suis personne à l'époque,
04:50est-ce que tu accepterais de t'occuper de moi ?
04:53C'était une déflagration dans ma tête.
04:55Inutile de vous dire que je ne me suis pas fait prier.
04:57On n'a pas fait du cinéma.
04:59Je vais réfléchir.
05:00Et là, tout a vraiment commencé pour moi.
05:05C'est incroyable.
05:06C'est pour ça que je dis toujours,
05:07parce qu'on me pose de temps en temps la question,
05:09vous la poserez peut-être, mais je ne vais plus vous devance.
05:11Mais sans vous, est-ce que Johnny aurait fait la même carrière ?
05:14Mais évidemment, mais évidemment.
05:16Ce qui est certain, c'est que moi, je n'aurais pas fait la même.
05:18Oui, c'est sûr.
05:20Mais il n'aurait peut-être pas fait la tour Eiffel.
05:23Incroyable souvenir.
05:24Vous lui faites faire les plus grands concerts.
05:27Je veux dire, l'imagination.
05:28On est de fous avec Johnny et ce que Johnny aimait complètement
05:37dans ma façon de travailler, il le disait partout.
05:40Ce qui est bien avec Jean-Claude, il ne me dit jamais non.
05:43Et c'est vrai que, des fois, je trichais un peu.
05:46Je disais pas en face, je faisais un petit peu le tour.
05:48Si une fois, je lui ai vraiment dit non,
05:50quand il m'a dit, la prochaine fois, le Stade de France,
05:54je veux arriver en hélicoptère.
05:55Je lui dis ça, écoute, alors tu n'y penses même pas une seconde.
05:58C'est impossible, on n'aura jamais les autorisations.
06:01Enfin bref, il a harcelé.
06:05Michel Brucaire le raconte d'ailleurs dans son spectacle.
06:09Il a harcelé à 3h du matin.
06:10Allô Michel, qu'est-ce que tu fais ?
06:12Je dors.
06:13Tu dors toujours.
06:15Enfin bref, c'est très dur.
06:17Je veux mon hélicoptère.
06:18Eh bien, il a eu son hélicoptère.
06:21Et quand il arrive au Parc des Princes, par la foule, par le public,
06:26que vous croisez Jack Lang ensuite en coulisses,
06:28il lui dit...
06:29On s'entend.
06:29On s'entend de ça.
06:29Il lui dit, mais qui a eu cette idée folle de me faire arriver par le public ?
06:34Et il se tourne vers vous et il dit, c'est ce con.
06:36Bah oui.
06:36En parlant de vous.
06:37Oui, absolument.
06:38Absolument, oui, oui.
06:39Oui, j'ai eu cette idée.
06:42Vous savez, on partageait, on était une petite équipe, etc.
06:44Et le grand souci de Johnny a toujours été,
06:51il était ça de mon échevalier, il dit mon garçon,
06:54quand tu fais un spectacle, tu dois soigner ton entrée,
06:57ta sortie au milieu, tu fais ce que tu veux.
06:59Et Johnny, son obsession, c'était toujours comment je rentre,
07:02comment je rentrais.
07:03Donc, j'avais vu cette idée folle.
07:07Et je lui ai vendu ça quand on lui a présenté la maquette.
07:11Et mon équipe, alors quand je lui ai dit,
07:14il me dit, j'arrive-vous.
07:15Bah là, il a regardé, tout le monde l'avait fait,
07:20c'était bien, il n'est jamais revenu en arrière.
07:22Pour raconter son signe, vous êtes presque sa nounou.
07:26Vous lui faites des piqûres quand il a perdu sa voix.
07:29Des fois, il ne veut pas aller sur scène
07:31parce qu'il fait des petits caprices,
07:32il s'allonge sur le canapé.
07:34Il vous dit, si tu n'es pas content,
07:35tu n'as qu'à y aller, toi, sur scène.
07:36Non, oui, oui, c'était,
07:38il y a déjà bien longtemps, déjà.
07:42Il n'avait pas une montre pour rentrer en scène, c'est vrai.
07:46Et oui, c'est vrai, je me vois encore à Bercy,
07:49à une époque,
07:51le spectacle qui devait commencer à 8h30,
07:53à 9h15, il n'était toujours pas sur scène.
07:56J'entrais une fois, deux fois dans la loge,
07:58la troisième fois, je lui ai dit,
07:59mais Johnny, il faut y aller.
08:01Eh bien, écoute, vas-y, toi, commence.
08:04Mais c'est Johnny, c'est…
08:06De toute façon, je pourrais faire trois tomes sur Johnny.
08:09Oui, vous dites, à propos de tous les artistes,
08:12vous dites, si moi, le producteur, c'est 20% des 100%,
08:15quand il a les applaudissements du public
08:17à la fin des spectacles,
08:18il y a 20% de ces applaudissements qui sont un peu pour moi.
08:21C'est vrai que je ressens cette émotion
08:23quand je vois que le public…
08:26J'ai toujours dit que je n'étais pas un artistique.
08:29Moi, je dis, j'étais public, le crémier,
08:31pour ne pas dire la crémière du quartier.
08:35Et si un spectacle que je concevais
08:40ou que je participais à la conception me plaisait,
08:45j'étais à peu près certain qu'il plairait au public.
08:48Et vous, c'est…
08:50Oui, je suis public, moi.
08:52Et bon, j'aime les belles choses,
08:53j'aime le grandiose, j'aime le fantastique.
08:56Et on a…
08:56J'ai toujours essayé de faire ça pendant toute ma carrière, quoi.
08:59Ce qui est incroyable, c'est que ça commence
09:00dans un petit village.
09:02Finalement, les rêves d'un gamin qui voit un jour…
09:04Dans l'heure…
09:04Oui, un spectacle sur la place
09:07et qui se dit, tiens, un jour,
09:09c'est ça que je veux faire plus tard.
09:12Eh oui, eh oui, j'allais…
09:14On hébergeait un comédien du théâtre Montanari
09:16qui était célèbre en Normandie à l'époque,
09:18qui s'installait pour deux ou trois mois dans une ville.
09:20Il était chassé souvent au bout de deux mois
09:22parce que les habitants préféraient faire crédit
09:25chez le boucher, le charcutier et le boulanger
09:27pour avoir des places, pour acheter des places,
09:29pour aller au théâtre.
09:30Donc au moment, ça fatiguait.
09:32C'est un petit pays quand même.
09:33À l'époque, il y avait 2000, 2200 habitants.
09:35Et on logeait donc…
09:36Ils étaient en caravane
09:37et nous, on logeait un comédien chez nous
09:39parce que…
09:39Et juste en face du théâtre,
09:40il y avait la rue à traverser.
09:42Donc, j'ai sympathisé avec lui.
09:44Après, il m'emmenait au théâtre.
09:46Après, j'ai même fait des petites figurations,
09:48des petits rôles, des choses et tout.
09:50Et je crois que c'est là que ça a germé dans ma tête.
09:55J'ai dit, je vais faire du spectacle, moi.
09:57– C'est ça.
09:58– C'était pas…
10:00C'est pas aussi…
10:01Ça n'a pas été le coup de foudre.
10:03C'est pas aussi probant.
10:05Mais c'est là que ça a commencé à germer.
10:08Et puis, je suis parti au service militaire.
10:09J'ai carrément monté un bureau d'organisation de spectacle
10:12dans les bureaux de l'armée.
10:14Enfin bref.
10:14Et puis, les choses se sont faites au fur et à mesure.
10:16– Ça va être…
10:16Alors, on le disait, les chefs sauvages, Dickie Verse.
10:19Vous allez lancer des tournées.
10:20On se disait, Gene Vincent, Bibap Lula, qui fait des tournées.
10:24Ça ne marche pas.
10:25Vous vous ruinez.
10:26Vous vous êtes plusieurs fois ruiné, d'ailleurs, dans votre carrière.
10:28– On a…
10:30Oui, oui, plusieurs fois.
10:32Et surtout que j'avais un vilain défaut.
10:37D'après le contrôleur fiscal qui était venu me contrôler,
10:41c'est que pour moi, déposer un bilan, c'était infamant.
10:43Des…
10:44Comment dire ?
10:47Des fondisseurs, des gens, etc., et tout, qui m'avaient fait confiance.
10:49J'avais déposé le bilan, pas les payer.
10:51Pour moi, c'était…
10:52Mon père m'a toujours dit, dans la vie, mon garçon,
10:54où il n'y a pas de parole, il n'y a pas d'homme.
10:55Bien.
10:56Et donc, bah oui, j'ai même vendu une superbe maison à Saint-Tropez.
11:01Voilà.
11:02Mais je n'ai pas de regrets.
11:04Je suis content.
11:05Je suis content.
11:06Je n'ai jamais planté personne.
11:07Oui.
11:08J'avais tellement la confiance des gens.
11:11Je pouvais me permettre de faire le champ de Marx, par exemple, à la Tour Eiffel.
11:15C'est quand même un budget de 2 millions, 2 millions et demi d'euros.
11:18Et tout, sans même verser un incompte aux fournisseurs.
11:22C'est incroyable.
11:23Et vous, tout ça a été sur parole.
11:25Alors, on pourrait raconter, parce que ce livre fourmille d'anecdotes.
11:27Ah bah, prenez pour ça.
11:28Vous allez travailler avec des…
11:30Évidemment, on va parler de Michel Sardou dans un instant.
11:33Vous travaillez aussi avec Linda de Souza.
11:34Alors là, elle va vous faire toucher le fond, là, au niveau fricain.
11:37– Ah oui, fric et moralement aussi, parce que c'est très, très dur de voir quelqu'un
11:42s'aboter pareillement à une entreprise, à un spectacle, ce pauvre Jean-Pierre Casselle,
11:49qui a été extraordinaire avec moi, qui a disparu, qui a son âme.
11:53Mais heureusement, il était là, il m'a aidé.
11:55On en parle encore beaucoup avec Anne, avec sa femme.
11:59Ce qu'elle nous a fait subir, c'est pas croyable.
12:02On est dans un domaine de fou, quoi.
12:04– Oui, Gérard Lenormand, vous êtes celui qui le fait signer dans sa première grande
12:08maison de disques, il commence à avoir du succès, et puis il vous lâche tout de suite.
12:11Puis vous le retrouvez alors qu'il vous a trahi.
12:13Vingt ans plus tard, il n'est plus grand-chose, et vous, vous êtes devenu très important.
12:17Ça ne se passe pas bien, vous lui dites.
12:19– Oui, enfin, j'en suis… je le raconte, mais je n'en suis pas très fier,
12:24parce que mes colères étaient légendaires à l'époque.
12:27Et c'est vrai que… bah oui, je fais ça, je fais chez CPS,
12:31il n'y avait pas de maison de disques, etc., et tout.
12:33Le premier titre qui sort, il, et pour me remercier, il va de signer chez Jacques Marouani.
12:37Parce que je n'étais toujours personne, je me faisais mes petits balles, moi, bon.
12:41Vingt ans après, bon, Jean-Claude, oh, c'est tellement bien de te voir, etc.,
12:45et tout, il faut qu'on se voit, il faut qu'on fasse des choses ensemble.
12:47Voilà, là, ça a été… je suis parti en plein restaurant, mais dans une colère,
12:53et je suis sorti ce que je mets dans mon livre.
12:57Je ne suis pas fier de le raconter là, maintenant, mais c'était pas gentil non plus.
13:01– Oui. – Comment, bah tant que t'es un as, tu viens me voir, etc., et tout.
13:06Casse-toi !
13:06– Oui, c'est un peu violent.
13:08– C'est tout juste si je lui avais pas mis une soupière de soupe sur la tête.
13:12– Il y a des moments extraordinaires, Michel Sardou, parlons-en,
13:14vous travaillez, comme Johnny, vous faites une carrière extraordinaire avec Michel Sardou.
13:18Il y a des moments où vous dites, il est tout seul, il est en coulisse,
13:21il se regarde dans la glace, il dit, je suis un vieux con, hein.
13:24– Jean-Claude, dis-moi que je suis un vieux con.
13:26– Ouais, ça, c'est Michel.
13:28Michel, c'est un grand solitaire, c'est un angoissé,
13:32bon, il a fait une carrière merveilleuse,
13:35mais c'est un numéro qui est réglé avec lui,
13:39quand on était en tournée,
13:41bon, il y a un bureau à côté de sa loge,
13:46bon, je venais le voir, je passais dix minutes avec lui,
13:48on parlait et tout, je repartais.
13:50– Un quart d'heure après, Jean-Claude, j'entendais dans le couloir,
13:54c'est pas la peine que tu viennes me voir,
13:56je me suis dit, c'est pour rester dans ton bureau,
13:58je suis tout seul et tout,
13:59puis l'État, dans sa glace,
14:01il dit, dis-moi, je suis un vieux con.
14:03Non, mais te rends compte ?
14:04– Ben non, Michel, c'est le temps qui passe,
14:06mais t'es pas un vieux con,
14:07mais c'était le même numéro tous les jours.
14:10– Oui, mais des colères, homéliques !
14:13– En trois temps, tout le monde.
14:13– Oui, ça dure plusieurs jours.
14:15– Non, pas plusieurs jours, mais en trois temps.
14:19C'est-à-dire que, si je prends l'exemple dont je parle dans le livre,
14:23qui est au théâtre du gymnase,
14:25où il est avec Marianne Chazelle,
14:30pendant la pièce, Michel est très, très sensible
14:34à tout ce qui se passe quand il est en scène.
14:36Et au théâtre, encore plus,
14:39il y a une porte qui s'ouvre en grand fond,
14:41on l'aurait de lumière, etc.
14:43Il sort, il est ivre de rage,
14:46il faut virer tout le monde, etc.
14:47Bon, il s'en va.
14:51Mais je sais qu'à un quart d'heure,
14:53ou une demi-heure après,
14:54le téléphone va sonner.
14:55C'est la deuxième couche,
14:57et puis le lendemain matin,
14:59la plupart du temps,
15:00c'est toujours pas passé.
15:01Et le lendemain matin,
15:02troisième couche.
15:04Alors après, le chic de Michel,
15:06quand même,
15:07c'est que quand il sait qu'il a été allé trop loin,
15:10il s'est excusé,
15:12je me rappelle au gymnase,
15:15il rentre le lendemain de cette...
15:18J'étais en train de manger un petit sandwich
15:20dans mon bureau,
15:21avec Anne-Marie,
15:23il regarde pour Jean-Claude,
15:24viens,
15:25et puis paf,
15:25on est dans les bras l'un de l'autre,
15:26et puis c'est reparti.
15:27– Oui, c'est magnifique.
15:28Vous dites,
15:29il est plus sauvage que Johnny.
15:31– Ah oui, oui,
15:31Michel,
15:32les gens qui ne connaissent pas,
15:33ils n'ont pas envie de lui tamer dans le dos.
15:34– Oui.
15:35– C'est...
15:36Il a...
15:37– Il a une...
15:39– Il a une...
15:39– Il a une...
15:39– Il a une...
15:39– Il a une photo,
15:39on a du mal à avoir...
15:40– Il a une relation panique avec le public.
15:43– Non, c'est pas une...
15:44Non, non, c'est pas une réaction de panique,
15:46mais il n'est pas forcément liant.
15:52C'est vrai que quand on est en tournée,
15:54l'orchestre est toujours en train de jouer,
15:57que lui, il est déjà dans la voiture pour partir.
15:59Voilà, c'est...
16:00un peu sauvage, on va dire,
16:02un peu solitaire.
16:03– Oui.
16:04– Il va y avoir une rupture
16:05et puis une réconciliation, là aussi.
16:07C'est ça, la vie ?
16:08– C'est ça, la vie, oui, absolument.
16:10– On se retrouve...
16:11Mais alors, il y a des ruptures pénibles.
16:13Évidemment, on pense à Gilbert Coulier.
16:14Vous avez travaillé avec lui longtemps
16:16et puis un jour, il va...
16:17– Il va.
16:18– Oui.
16:18– Permettez-moi de vous rectifier,
16:19il a travaillé avec moi.
16:21– Oui, c'est ça.
16:22– Oui, j'ai quand même sorti d'une imprimerie
16:24où il était ouvrier impriminaire.
16:25– On va dire, c'est votre beau-frère.
16:26– C'est mon beau-frère.
16:27– Il épouse votre sœur.
16:28Et son métier, il n'était pas du tout ça.
16:30– Ah ben, pas du tout.
16:32Et j'ai vu que quand on faisait les balles,
16:33il venait nous retrouver autour de Rouen,
16:35il déchirait un peu les tickets, etc.
16:36et tout.
16:37Bon, puis je l'aimais beaucoup,
16:39il avait l'air vraiment d'intéresser.
16:40Un bon jour, j'ai dit,
16:41viens, viens travailler avec moi.
16:43Et je l'ai associé à 30% à mes affaires.
16:47– Alors, il était ouvrier imprimeur.
16:48– Ouvrier imprimeur, oui, à Rouen.
16:50– Oui.
16:51– Et donc, il m'a trahi deux fois, oui.
16:54– Alors, un jour, il va partir avec tout le monde.
16:55Il amène tous les artistes.
16:56Il va même finir par vous piquer Johnny.
16:58– Non, Johnny, non.
17:00Mais il pensait avoir piqué Sardou, en tout cas.
17:03Le problème, c'est que moi,
17:04je m'occupais de toute la gestion de la maison,
17:06de Johnny Hallyday.
17:08J'allais dire du lobbying dans le métier, etc.
17:11Et lui, je l'avais mis sur les tournées.
17:14C'est lui qui s'occupait, qui partait en tournée,
17:15qui vivait donc tous les jours avec les artistes.
17:17Ça n'a pas été si facile que ça,
17:18parce qu'au départ, par exemple, Michel Sardou,
17:20vous savez, les gens, c'est une relation très stricte.
17:26Et Michel, tu es gentil, ton bon frère,
17:28mais ce n'est pas avec ton bon frère,
17:29j'ai signé, c'est avec toi.
17:30Je lui dis, Michel, je ne peux pas toujours être là.
17:32Bref, tout ça.
17:33Et après, il s'y sympathisait.
17:34Et donc, lui d'office, il s'est dit, je pars,
17:36on l'envène tout, tout en ayant déclaré
17:38dans une assemblée générale des syndicats.
17:41Je dois tout à Jean-Claude, sans lui, je ne serai rien.
17:43Je ne veux pas qu'il soit l'hérité.
17:43– Terrible, c'est des trahisons terribles.
17:45– Oui, vous êtes fâchés avec vos deux sœurs ?
17:49– Oui, vous êtes fâchés, même en procès.
17:52– Il y a eu, oui, oui, c'est terrible.
17:58Tous ces gens qu'on a installés
18:00qui n'ont pas la reconnaissance du ventre.
18:02– Oui, mais vous dites finalement, ma famille,
18:05ma grande famille, pas évidemment de tous ceux qui vous touchent,
18:08parce qu'il y en a beaucoup, c'est les artistes,
18:10c'est quoi, c'est le public, c'est quoi ?
18:13– Oui, j'ai mon équipe rapprochée, bien sûr,
18:18Nithiango, mon successeur, mon directeur de théâtre,
18:20Jean-Robert Charrier, un petit génie que j'ai trouvé, etc.
18:26Mais oui, j'ai eu une vie, oui, une vie familiale avec mes artistes,
18:32même le public, le public de Johnny surtout.
18:35J'étais à la Coupe Davis pendant trois jours, à Lille,
18:39vous ne pouvez pas savoir le nombre de fans de Johnny
18:41qui sont venus à l'hôtel pour que je leur signe des choses,
18:44pour que je leur signe le livre, enfin, pour ça, etc.
18:47Mais le public de Johnny m'assimilait complètement à lui.
18:52Je ne pouvais pas aller dans la salle quand Johnny chantait,
18:55ou aller chanter, parce que sinon, c'est Jean-Claude, Jean-Claude, Jean-Claude.
18:58– Oui, oui, d'ailleurs, il y a des moments où vous racontez
18:59qu'ils vous souhaitent votre anniversaire,
19:01le public, avoir un grand concert de Johnny,
19:03c'était des moments extrêmement forts.
19:04– Le 14 juillet 2009, quel moment extraordinaire,
19:09quel moment extraordinaire, c'est que j'étais là avec Mettaki Walkie,
19:12on m'appelle sur scène, Éric Jean-Jean qui était là,
19:14avant l'arrivée de Johnny,
19:16« Jean-Claude Camus, on appelle Jean-Claude Camus »,
19:18je dis, « Qu'est-ce qui se passe ? »
19:19Je monte, et là, c'était Lydie Pradal,
19:24mon collaboriste du jour, qui avait retrouvé une affiche,
19:27le 14 juillet 1959,
19:28c'était mon premier spectacle de variété à conches, dans l'heure,
19:31et tout, et il dit, « Voilà, aujourd'hui, tout ça avait été fomenté,
19:35évidemment, par Dean Tiango, par mon successeur,
19:39et comment dirais-je, qui monte avec moi en ce moment,
19:42parce qu'on n'est pas tout à fait parti,
19:44il y a Bodyguard qui arrive le 4 février au Palais des Sports,
19:47énorme comédie musicale,
19:51et donc j'ai l'échangeant, il dit, « Voilà, aujourd'hui,
19:53on fête les 50 ans de carrière de Jean-Claude,
19:55on a tous chanté bon anniversaire. »
19:56Vous imaginez, 700, 800 000 personnes devant, dans l'état où je suis sorti,
20:01enfin, c'était incroyable.
20:03– Ce qui est inimaginable, c'est que vous êtes, vous,
20:06c'est-à-dire que quand Johnny sort, des nuits entières,
20:09vous ne participez pas à ça, mais finalement, vous avez constaté…
20:12– J'avais fait la fête avec Johnny, j'avais fait la fête,
20:13c'est ce qui m'a sans doute préservé,
20:16parce que même si Johnny, alors il était terrible quand même,
20:19parce que même si Johnny, de temps en temps,
20:21ne buvait pas que trois verres, on va dire,
20:24s'il voyait quelqu'un autour de lui, de proche et tout,
20:30tu te rends compte, dans l'état qu'il met, celui-là ?
20:33Non, mais tu te rends compte ?
20:34Mais qu'est-ce qu'il boit ?
20:36– Alors, quand tu voulais être tranquille,
20:40mon Johnny, le soir, en tournée,
20:42qu'il savait que lui, il allait faire la fête et tout,
20:45pendant le repas,
20:46« Oh là là, t'es fatigué, mon Jean-Claude, t'es fatigué. »
20:49« Tout à l'heure, t'inquiète pas, je ne serai pas tout seul, va te coucher. »
20:53Et là, il avait quartier libre.
20:55– Finalement, votre rôle, c'était, je disais, vous étiez un peu une nounou,
20:58mais c'est aussi de protéger les artistes.
21:00Alors, vous disiez de l'entourage, les profiteurs, les flatteurs.
21:04– Ça, il y en a dans le métier, je peux vous dire.
21:06Des plateurs, des courtisans, des trucs.
21:10Ils sont redoutables.
21:12Ils sont redoutables, des choses qu'ils peuvent faire.
21:15Puis un artiste est très influençable, il écoute beaucoup, vous savez.
21:19C'est des gens très sensibles, etc.
21:22Je suis arrivé dans une ville où il y avait, je ne sais pas,
21:25six ou sept mille spectateurs,
21:27et puis un bout de cours qui est arrivé et tout.
21:29Ben dis donc, on ne sait pas comment on a trouvé,
21:32qu'on a su que tu avais un spectacle aujourd'hui ici.
21:35Parce que, disons, la publicité, il n'y en a pas eu.
21:37Tout ça, on a l'air de dire, ton producteur ne fait pas son boulot.
21:40Alors là, j'ai explosé.
21:41J'ai dit, ben oui, heureusement qu'il y en a sept mille, eux,
21:44qui l'ont su, voyez-vous.
21:45Ils n'ont pas eu de problème pour venir.
21:46Mais ils sont, c'est terrible, les courtisans, les profiteurs,
21:50les profiteurs, les faux amis.
21:52– C'est incroyable, l'aventure continue, vous parliez.
21:54D'abord, les prochains spectacles, il y a le théâtre,
21:55on pourrait parler de Mimi Maty, de Linn Renaud,
21:57que vous aimez tellement.
21:58C'est ça, finalement.
22:00Votre bonheur d'enfant, il est toujours là, finalement,
22:02dans les lumières d'une salle qui s'allume ?
22:06– J'ai toujours, et tant que j'aurai ça,
22:09j'ai toujours les émotions.
22:11Là, je vois Tartuff, en ce moment, au théâtre de la Porte Saint-Martin,
22:13avec Michel Faux et Michel Bouquet.
22:15Michel Bouquet, je dis toujours que c'est mon maître,
22:17j'ai une passion pour cet homme incroyable et tout.
22:21Bon, ben, encore dernièrement, il y a un mois,
22:24le soir de la première, on était tous les deux
22:26dans les bras l'un de l'autre, en larmes.
22:28J'ai des émotions, moi.
22:30Une fin de spectacle, c'est quand vous venez de le créer
22:34ou quand vous avez participé à la création.
22:37Et tant que j'aurai ces émotions-là,
22:39je serai un petit peu toujours sur la route, on va dire.
22:41– Oui, je rends une seconde sur Johnny,
22:43parce que ça, vous parliez de l'émotion de l'anniversaire.
22:46C'est aussi une certaine tendresse qui vous lie.
22:48Par exemple, Johnny, ce livre est très tendre pour Johnny.
22:52C'est de la tendresse, je l'aime, je ne sais pas
22:55quel est le qualificatif qu'il faut prendre,
22:58mais Johnny, je l'aime, c'est toute ma vie.
23:02Vous vous rendez compte, c'est plus de 35 ans.
23:04Plus de 35 ans de vie, j'allais presque dire commune,
23:08tellement on a vécu beaucoup ensemble, en fait,
23:11sur les routes, partout.
23:14– Il ne dort jamais seul, vous dites d'ailleurs.
23:16Il faut même un musicien n'importe qui dans sa chambre pour dormir.
23:19– Oui, il y a toute une époque, je pense que Johnny a peur de la nuit.
23:28Oui, il a peur de la nuit, et c'est vrai que pendant toute une époque,
23:32le soir, il ne voulait pas rentrer tout seul dans sa chambre.
23:35C'était une espèce d'angoisse qui était là, la peur de la nuit.
23:39C'était assez bizarre.
23:41– Courage aussi, c'est un mot qui lui va bien.
23:44Courage, force.
23:45– Oui, sauf pour une chose où souvent on me dit,
23:50bon Dieu, quel courage tu as eu, le fameux 4 septembre,
23:53c'est la mort dans l'âme au Stade de France,
23:56où il a fallu que je monte sur scène devant 80 000 personnes,
23:58tout le monde me dit, quel courage tu as eu, que nenni.
24:02J'étais d'abord dans un tel état second,
24:04parce qu'on venait de passer deux heures à voir si on arrivait à jouer,
24:08pas à jouer, etc.
24:08– Oui, parce que c'était pleuvé, oui.
24:10– Il parlait des tonnes d'eau.
24:12Et au moment de faire l'annonce, on dit, qui fait l'annonce ?
24:14Je dis, Michel Drucker, il n'y a plus de Michel Drucker, on ne l'a plus trouvé.
24:19Et tout, on me dit, toi.
24:20Et là, je suis parti, mais vous savez…
24:23– Pour dire que le spectacle était annulé, oui.
24:24– Oui, pour annoncer le truc, je me souviens d'une autre chose.
24:27Michel Messegara, mon directeur de scène, qui me tend un micro sur le banc d'un scène,
24:32vous avez préparé quelque chose, Jean-Claude ?
24:34Je dis, non.
24:36Et la Providence a voulu que je sorte les bons mots, c'est venu tout seul.
24:40Mais ce n'était pas du courage.
24:41Ça, c'était pas…
24:42J'ai du courage ailleurs, dans des tas de circonstances,
24:44mais là, ce n'était pas du courage.
24:45– Oui, mais Johnny, il n'en manque pas de courage.
24:47– J'aurais dit, c'est un courage, c'est un courageux, c'est un battant, c'est un gagnant.
24:53En plus, il a tel amour pour son public, il aime tellement la scène.
24:57– Ça le porte, par exemple, le disque qui vient de sortir ?
24:59Ou alors, finalement, la perspective d'enregistrer encore ?
25:03– Ah ben, toujours, toujours la perspective.
25:06Au 25 octobre, Johnny me parlait encore de sa tournée,
25:10de nouvelle tournée, normalement en 2019,
25:12de son nouvel album qui devrait se terminer,
25:15et se fait sortir certainement dans quelques mois.
25:17Oui, Johnny a toujours des projets.
25:20– Oui, c'est vrai, il racontait à quelqu'un que Jerry Lee Lewis
25:24était mort dans chacune des cliniques de Memphis,
25:26et que, finalement, lui, il était allé voir l'au-delà,
25:31près de l'au-delà, et qu'il n'avait pas envie du tout d'y rester.
25:35– Non, mais Johnny, c'est un bon vivant,
25:36il n'a pas du tout envie de s'en aller.
25:38Et puis, nous, on n'a pas du tout envie qu'il nous quitte non plus.
25:41– Oui.
25:43Merci beaucoup, Jean-Claude Camus.
25:44Vraiment, vous pensez encore que vous n'étiez pas né pour ça ?
25:47– Je l'assure, c'était presque une thérapie, j'allais dire, ce livre,
25:53parce que, quand vous êtes dans le bain, tout ce que j'ai fait,
25:56pour moi, c'était tellement normal.
25:59Et c'est, après que ma fille m'ait décidé à faire ce livre,
26:04et tout, je réalise maintenant,
26:08et j'allais dire, je profite maintenant de ce que j'ai fait.
26:12C'est-à-dire, je vois des images, je vois des tas de choses,
26:17et là, je me dis, vraiment, c'est vrai, j'étais vraiment pas né pour ça.
26:21– Merci beaucoup, Jean-Claude Camus.
26:23Pas né pour ça, ma vie avec les stars Johnny, Michel et les autres,
26:27publiés chez Plon, c'est l'autobiographie,
26:29événement du plus grand producteur français de spectacle.
26:32Merci beaucoup, Jean-Claude Camus.
26:33– Merci à vous, merci.
26:34– Sous-titrage ST' 501
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