00:00Sud Radio, ça va mieux en le disant, Jean Dorido.
00:06Mon cher Jean Dorido, bonjour.
00:07Bonjour mon cher Maxime, bonjour à tous.
00:09Comment allez-vous ce matin ?
00:10Écoutez, ça va, merveille !
00:11Mais oui, vous me faites l'insolence d'arriver avec une magnifique chemise, le cou à l'air,
00:15alors que moi j'ai l'impression déjà d'avoir le bonnet et l'écharpe.
00:17Je compatis de tout mon cœur Maxime, sincèrement.
00:19C'est très sympathique.
00:21Pour votre chronique du jour, le jugement concernant l'ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, est tombé ce jeudi.
00:28On l'a souvent dit, condamné à 5 ans, le tribunal, la route connue, coupable d'association de malfaiteurs.
00:33Mais pour vous qui vous intéressez à toutes ces questions de biais, notamment cognitifs,
00:36vous posez une question ce matin, est-ce que les décisions prises par les juges sont toujours rationnelles ?
00:41Eh bien oui mon cher Maxime, effectivement, excellente question, et vous l'avez annoncé excellemment bien.
00:48La réponse est non, puisque précisément vous avez prononcé ces fameux mots presque magiques,
00:54biais cognitifs qui ont été théorisés par un immense psychologue qui nous a quittés l'an dernier,
00:59M. Daniel Kahneman, qui avait reçu le prix Nobel d'économie en 2002 pour ses travaux, justement, sur ces fameux biais.
01:05Qu'est-ce que c'est exactement les biais cognitifs ?
01:08Eh bien ce sont des erreurs que le cerveau commet systématiquement et dont il n'a pas conscience.
01:14Typiquement, le biais de disponibilité, par exemple, eh bien pousse une personne à surestimer la probabilité qu'un événement arrive,
01:20simplement parce que cet événement est facilement disponible dans sa mémoire.
01:25Lorsque des psychologues, par exemple, demandent à des sujets expérimentaux s'il y a davantage de morts par leucémie ou par chute accidentelle,
01:31eh bien les sujets répondent de d'emblée la leucémie, alors qu'en réalité ce sont les chutes accidentelles qui font le plus de morts.
01:37Donc on comprend bien le principe des biais cognitifs, mais quel rapport avec les juges, notamment, qui ont condamné l'ancien président de la République ?
01:44Eh bien le rapport, mon cher Maxime, c'est que le cerveau des juges, eh bien il n'est pas immunisé contre ces biais.
01:50Les précédentes affaires à propos de Nicolas Sarkozy ont pu rendre justement ce jugement-ci plus sévère.
01:56Peut-être aussi ont-ils été piégés par un autre biais, celui de généralisation abusive,
02:01qui consiste à tirer des conclusions générales à partir de cas isolés en l'espèce.
02:05La généralisation peut porter sur les hommes politiques, dont certains ont effectivement été reconnus coupables de délit.
02:12François de Villon pour l'emploi fictif de son épouse Pénélope, Jérôme Cahuzac pour fraude fiscale,
02:17encore Patrick Balkany pour blanchiment de fraude fiscale.
02:19Le cerveau peut avoir tendance à généraliser ces cas isolés à travers une formule du genre
02:24« les politiques sont malhonnêtes », vous l'avez rappelé à votre invité précédent,
02:28et ça, ça peut créer un a priori négatif qui va biaiser précisément le jugement.
02:33Donc on voit à quel point, en effet, le jugement a pu être biaisé par ce que vous nous expliquez,
02:37mais est-ce qu'il y a d'autres biais cognitifs un peu du même genre, avec les mêmes conséquences ?
02:41Alors oui, il y a énormément de biais cognitifs, mon cher Maxime, vous faites bien poser la question.
02:45Il y en a qui sont même encore plus difficiles à identifier, typiquement, l'effet de cadrage.
02:50L'effet de cadrage, c'est l'influence de la façon dont les choses sont présentées.
02:53Qu'un chirurgien dit à son patient « il y a 95% de chances que l'opération se déroule sans aucun problème »,
02:59ou qu'ils lui disent « il y a 5% de risque que l'opération vous laisse de lourdes séquelles ».
03:03L'effet, bien sûr, ne sera pas le même, pourtant les deux propositions disent la même chose.
03:07En ce qui concerne l'ancien chef de l'État,
03:09le traitement médiatique des différentes affaires dans lesquelles il est impliqué
03:12a peut-être pu avoir un impact.
03:15Écoutez, par exemple, un court extrait d'une vidéo publiée par vos confrères de France 24.
03:19Le procès des financements libyens de la campagne de Nicolas Sarkozy,
03:23c'est celui d'un pacte présumé entre un futur président de la République et un dictateur sanguinaire.
03:30Ah oui.
03:31C'est-à-dire qu'effectivement...
03:33C'est une façon de voir les choses.
03:34Il y a quand même le mot pacte, le mot dictateur sanguinaire,
03:38la musique qui en rajoute une couche, si j'ose dire.
03:43Évidemment, sortir des biais cognitifs, c'est très très difficile.
03:46Pour autant, il serait bon, par exemple,
03:51que les juges, dans leur formation, soient initiés précisément à l'existence de ces biais
03:57parce que ça les aiderait à mieux les prendre en compte et à mieux s'en méfier.
04:00Et ça ferait œuvre clairement de prévention.
04:02Merci beaucoup, mon cher Jean Dorido, d'avoir été avec nous ce matin.
04:04Il y a de la magie en vous.
04:05C'est le titre de votre dernier livre publié chez Duneau.
04:08Et à la semaine prochaine, avec grand plaisir.
Écris le tout premier commentaire