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  • il y a 5 semaines
Télématin reçoit Bruno Cautrès, politologue et chercheur au CEVIPOF.

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Transcription
00:00L'heure de parler maintenant de cette décision historique.
00:03Nicolas Sarkozy condamné hier à 5 ans de prison pour association de malfaiteurs dans l'affaire du financement libyen.
00:10Bonjour Bruno Cotteres.
00:11Bonjour.
00:12Merci d'être avec nous ce matin.
00:13Vous êtes politologue, chercheur au Cevipof.
00:16Quand vous avez entendu ce verdict hier, votre première pensée,
00:20tremblement de terre politique où signe finalement que la justice fonctionne normalement ?
00:25C'est vrai qu'on a vu des images inouïes hier.
00:27C'est la première fois qu'un chef de l'État, en tout cas sous la 5e et 4e république,
00:32se retrouve effectivement condamné avec une peine d'emprisonnement
00:36qui attend Nicolas Sarkozy assez rapidement.
00:39On a déjà eu des personnalités politiques condamnées en justice.
00:42On a même déjà eu un ancien chef de l'État, Jacques Chirac,
00:45qui avait été condamné pour des faits de détournement de fonds publics.
00:48Et là c'est vrai qu'on a vu une image spectaculaire
00:50qui était à la fois un ancien chef de l'État qui va aller en prison
00:55et qui en plus, il a été le garant de nos institutions.
00:59Il défie la justice en disant qu'au fond, il est victime d'un complot des juges contre lui.
01:03Donc c'est vrai que la première impression que j'ai eue, c'était une impression un peu de sidération.
01:07Mais c'est vrai que sur comment les institutions fonctionnent,
01:11c'est plutôt sain et assez bien de voir que la justice dans un autre pays,
01:14elle est vraiment la même pour tout le monde.
01:16Est-ce qu'honnêtement, vous vous attendiez à une telle décision ?
01:18Est-ce que c'était prévisible pour le spécialiste que vous êtes ?
01:21Oui, on voyait que les taux se resserraient puisque le parquet avait requis 7 ans d'emprisonnement
01:26contre Nicolas Sarkozy.
01:27On imagine que quand le parquet national financier s'attelle à un dossier,
01:32il étudiait à fond le dossier.
01:34Donc on s'attendait quand même à ce que l'ancien chef de l'État soit condamné.
01:38Par contre, c'est vrai que c'est cette histoire d'exécution provisoire
01:41qui était peut-être moins attendue de la part des spécialistes avec qui j'en ai parlé.
01:45Est-ce qu'on peut dire que cette condamnation marque un tournant
01:47dans la lutte contre la corruption politique en France ?
01:50C'est vraiment ça qui est intéressant.
01:52Je pense qu'effectivement, c'est un signe, un symbole, un signal.
01:56Une étape ?
01:56Oui, une étape, qu'il y a quelque chose qui est en train de se passer.
01:59Il faut bien voir que cette décision d'hier, le choc qu'elle a provoqué,
02:03ça s'inscrit dans un contexte un peu plus large d'une vie politique
02:06qui multiplie les signaux de fatigue, de dysfonctionnement.
02:10On voit qu'il y a beaucoup de questions qui se posent sur notre vie politique.
02:13Et en même temps, on a un vrai signal.
02:16Effectivement, la lutte contre la corruption a fait beaucoup de progrès dans notre pays
02:19au cours des 20 ou 30 dernières années.
02:22Elle reste un gros sujet.
02:23J'ai été regarder notamment les données de l'Agence française anticorruption
02:27qui a été créée il y a une petite dizaine d'années
02:29et qui, elle, dit que les atteintes à la probité qu'elle répertorie.
02:34On a eu une augmentation de 50% entre 2016 et aujourd'hui.
02:37Des jugements ou des...
02:39Des faits, des faits qui sont portés à sa connaissance.
02:42Donc, on voit qu'il y a un sujet toujours pour notre vie politique
02:44qui est de lutter plus efficacement malgré les importants progrès
02:48qui ont été faits contre les phénomènes d'atteinte à la probité, de corruption
02:53et qui font que la France, dans les classements mondiaux
02:55de qualité de nos institutions, de qualité de la démocratie,
02:58ce qu'on appelle, nous, les universitaires, la qualité de la démocratie,
03:02on ne joue pas en première division, la France.
03:04On est quelque part autour de la 20e ou 25e position mondiale.
03:07Mais est-ce que les partis politiques ont pris la mesure
03:10de ce que vous venez de nous dire ?
03:11Parce qu'hier, quand même, la plupart des déclarations
03:14du parti politique de Nicolas Sarkozy,
03:16les Républicains étaient tous derrière l'ancien chef.
03:19Oui, il faut faire la part des choses.
03:21C'est-à-dire qu'il y a effectivement une expression, on va dire,
03:22affectueuse ou affective par rapport à l'ancien chef de l'État,
03:27devenant de sa famille politique.
03:29Ils n'ont pas tué le père, quand même.
03:30Voilà. Alors, c'est peut-être un petit peu ça aussi
03:32qui est en train de se... un peu de jeu.
03:34Vous savez, il y a quelques années, il y a deux journalistes
03:36qui avait écrit un livre à propos de Nicolas Sarkozy.
03:38Il l'appelait le parrain.
03:40C'est un mot qui résonne aujourd'hui avec beaucoup de force.
03:43Mais ça voulait dire que Nicolas Sarkozy,
03:45bien qu'officiellement retiré de la politique depuis 2016,
03:48qu'il avait perdu la primaire de son parti,
03:50il continuait à œuvrer dans l'ombre,
03:52à être manœuvrier, au fond,
03:55à être un personnage clé de la vie politique à droite.
03:58C'est peut-être ça qui est en train de se jouer aussi.
03:59Ça, ça va changer ?
04:00Sans aucun doute, du regard de...
04:02Il va être moins consulté ?
04:03Sans doute un peu moins consulté.
04:05Déjà, il sera en prison pour quelques temps.
04:09Donc, sans doute moins consulté.
04:10Et ça symbolise peut-être aussi que pour la droite,
04:13peut-être que la page Nicolas Sarkozy
04:15est en train de se tourner.
04:16Alors, ceci étant, Nicolas Sarkozy va faire appel.
04:19Il devra quand même aller en prison.
04:21C'est le principe de l'exécution provisoire.
04:23Est-ce qu'il y a tout de même une autre échappatoire
04:26pour Nicolas Sarkozy ?
04:29À part la grâce ?
04:31Certains à droite commençaient hier effectivement à dire
04:34qu'il va falloir qu'Emmanuel Macron use de son droit de grâce.
04:39C'est vrai que c'est une prérogative du président de la République,
04:42mais qui est une sorte de survivance monarchique.
04:44C'est crédible, ça ?
04:45Je ne vois pas du tout le chef de l'État d'aujourd'hui.
04:48Dans le contexte d'aujourd'hui,
04:49avec des Français qui regardent la vie politique
04:51comme totalement dysfonctionnante aujourd'hui,
04:54avec la perspective de déficit public qui inquiète tout le monde,
04:57je ne vois pas Emmanuel Macron envoyant à la France un message
05:02qui est qu'au fond, on est condamné lourdement.
05:04Et si on est un ancien chef de l'État, on est gracié
05:07parce que tout un chacun pourrait dire « et moi ? »
05:09Et moi, j'ai été aussi condamné en justice.
05:11Pourquoi je ne suis pas gracié à ce moment-là ?
05:13En tout cas, un président de la République qui comparaîtrait en appel
05:15avec des menottes, ça serait du jamais vu en France ?
05:18Oui, du jamais vu et des images.
05:20J'imagine que lorsque le chef de l'État va être en justice
05:24pour son procès en appel, j'imagine qu'on va sans doute
05:27ménager les images qui vont être produites,
05:29parce que c'est vrai que pour le pays,
05:31voir notre ancien chef de l'État menotté,
05:34c'est une image qui est effectivement assez terrible.
05:36Merci Bruno Cotteres pour votre éclairage sur ce séisme
05:41qui concerne notre vie politique et judiciaire.
05:44Je rappelle que vous êtes politologue et chercheur au Cevipof.
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