La Fédération des Travaux Publics de Lorraine tire la sonnette d’alarme alors que la période électorale liée aux municipales va geler les commandes. Pour certaines entreprises le carnet de commandes est vide au-delà de 5 mois contre 7 habituellement. La Fédération s’inquiète également du manque de stratégie dans la commande publique dont le mode de gestion est trop axé sur les dépenses et moins sur la rentabilité.
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00:18Thierry Ledriche, bonsoir.
00:19Bonsoir Jérôme.
00:20Vous êtes le président de la Fédération des travaux publics de Lorraine et vous avez fait parvenir en rédaction
00:24un communiqué qui s'intitule « À ce rythme, on ne va plus vous ennuyer longtemps ».
00:29Pour quelles raisons ? Vous êtes très inquiet ?
00:32On est particulièrement inquiet dans la profession avec des chiffres qui ne sont absolument pas rassurants,
00:37une baisse des carnets de commandes, des appels d'offres qui représentent deux tiers du chiffre d'affaires des entreprises de la profession
00:44et d'autres indicateurs comme la baisse des effectifs et autres avec un environnement économique qu'on connaît aujourd'hui particulièrement préoccupant.
00:52Si on se compare, c'est-à-dire que ça baisse énormément, que ce soit les carnets de commandes, les appels d'offres, les effectifs
00:58par rapport à l'année dernière ou l'année précédente ?
01:01Sur la période cumulée de janvier à juillet, par rapport à l'année dernière, on est à peu près à 8% de moins,
01:06je dirais, en termes de cas de commande.
01:09Et si on raisonne même sur la moyenne des dix dernières années, on est à moins 20%.
01:12En termes d'effectifs, l'ajustement se fait toujours à travers les intérimaires dans un premier temps.
01:18On est déjà aussi à moins 4%, moins 5% par rapport à l'année dernière, à la même période encumulée sur le début de l'année.
01:24Les effectifs permanents n'ayant pour l'instant réduit que 1%, mais qui sont aussi la continuité d'un mouvement plus général
01:29où sur les quatre dernières années, on a perdu environ 4-5% des effectifs.
01:34Vous êtes un observateur particulièrement privilégié. Quels sont les facteurs, selon vous, qui expliquent cette baisse ?
01:41Il y a trois facteurs essentiels de l'analyse qu'on peut en faire. Le premier, c'est systémique.
01:46C'est en fait les élections municipales qui arrivent tous les 6 ans.
01:49Donc là, vous n'êtes pas surpris ?
01:50Là, on n'est pas surpris. Et c'est le cumul de ces trois effets qui, par contre, est très préoccupant.
01:55Premier élément, on a généralement 10% de perte de chiffre d'affaires, qui, les bonnes années,
02:00est simplement compensée par une hausse des commandes des autres collectivités locales.
02:06Le bloc municipal dont les élections se tiennent l'année prochaine, c'est environ un tiers de notre chiffre d'affaires.
02:10On arrive à le compenser. On le connaît. On sait l'appréhender.
02:14Là-dessus se rajoute la situation économique générale de la France, la géopolitique, l'inquiétude, la colère,
02:22qui masque une vraie vérité. C'est les difficultés économiques dans lesquelles est le pays.
02:25Et aujourd'hui, on a ces éléments, je dirais, de start and stop, de ne plus savoir où on va,
02:31de ne pas savoir si on est dans la bonne direction, qui a un effet donc beaucoup plus conjoncturel,
02:35qui se cumule avec un troisième effet plus idéologique, qui est un petit peu ce manque de stratégie.
02:42Aujourd'hui, si je dois faire une comparaison un petit peu avec la compétition qu'il y a eu quelque temps,
02:48la Gordon Bennett de Montgolfière, en fait, on part d'un endroit où on a une certaine quantité de gaz et de l'est,
02:54et en fonction du changement des vents, on perd, on monte, on descend,
02:57et puis à un moment donné, on n'a plus rien, il faut s'arrêter, il faut se poser.
02:59On est exactement dans la même situation, et les entreprises de TP plaident pour qu'on ait une vraie visibilité,
03:05que les décisions soient sanctuarisées, pour qu'on sache où on peut aller.
03:08On peut travailler, nous ne sommes que des simples exécutants, nous n'avons pas la main sur la décision.
03:12Par contre, il faut nous donner une voie claire.
03:14Vous insistez dans votre communiqué sur le fait que les collectivités n'ont pas véritablement de stratégie,
03:21qu'elles ont plutôt une stratégie de dépense, qu'elles regardent à la dépense,
03:25et non pas à l'investissement, en fait, quand elles lisent une ligne pour faire un investissement,
03:30c'est combien ça va me coûter, et non pas qu'est-ce que je peux en retirer.
03:33Oui, c'est par rapport, je dirais, à un individu qui va faire un calcul lorsqu'il remplace sa chaudière,
03:38lorsqu'il va faire une isolation pour dire, ben voilà, je rembourserai au bout de 5-6 ans.
03:44Cette approche, je dirais, de rentabilité est peu usitée, je dirais, par les collectivités,
03:51avec la notion d'amortissement et tout, c'est quelque chose qu'on a du mal à voir.
03:54Alors que, si je prends un exemple, celui de l'éclairage public,
03:58aujourd'hui, la facture d'électricité, lorsqu'on passe un éclairage public en LED,
04:03est en gros divisé par 4.
04:05L'investissement est remboursé en environ 7 ans.
04:07Donc ça veut dire qu'au bout de 7 ans, après avoir fait l'emprunt,
04:10je dirais, en gardant un même niveau de remboursement,
04:12on a une baisse très significative de l'éclairage public,
04:15et pourtant, il n'y a environ que 50% de l'éclairage public qui, à ce jour, a été rénové.
04:18Et on peut faire la même réflexion sur l'eau, par exemple.
04:2420% de l'eau part dans le sol.
04:27Il faut bien comprendre qu'il y a un taux de fuite énorme.
04:29Dans certaines communes, ça monte à 50%.
04:31Ça veut bien dire que, quelque part, quand quelqu'un reçoit un mètre cube,
04:34il en paye pratiquement deux, le coût.
04:36Et donc, aujourd'hui, des fois, on focalise sur des sujets,
04:40mais là, on a un milliard de mètres cubes d'eau
04:42qui n'attendent qu'à une rénovation,
04:44et on ne voit pas cette rénovation.
04:46Parce que, quand on regarde la cadence des travaux
04:48en matière d'assainissement, en matière d'adduction d'eau potable,
04:51il faut environ, au rythme actuel, 200-300 ans pour renouveler un réseau,
04:56dont la durée de vie des matériaux est limitée à 50 ans.
04:59Alors, je rappelle, Thierry Ledriche,
05:00que vous êtes le président de la Fédération des travaux publics de Lorraine.
05:02Vous militez pourquoi ce communiqué de presse un peu alarmiste ?
05:07C'est destiné à quoi ?
05:08À faire prendre conscience de celles et ceux qui nous gouvernent
05:11à tous les niveaux, à toutes les strates ?
05:13Alors, c'était à la fois un petit côté humoristique pour désacraliser,
05:16en disant que bientôt, on n'allait pas nous voir,
05:18non pas parce que, je dirais, on le décidait,
05:21mais parce qu'on n'avait plus d'activité,
05:22et parce que souvent, les gens se plaignent,
05:24ils nous voient comme un empêcheur de tourner en rond,
05:27alors qu'on est essentiel dans le quotidien.
05:28Vous parlez des travaux, généralement, en été.
05:30Des travaux, en été, et tout ça.
05:31Alors qu'on est essentiel.
05:32Je veux dire, chaque fois qu'on ouvre un robinet,
05:33chaque fois qu'on allume une lampe,
05:35ce sont les travaux publics derrière.
05:37On est essentiel.
05:38On sert à toutes les activités, à tous les secteurs.
05:41Et aujourd'hui, on ne sait plus comment investir.
05:44Et on a cette peur qui est chez les Français,
05:47qui, aujourd'hui, ont peur...
05:49Enfin, placent énormément d'argent,
05:50ils ne savent pas où ils vont.
05:52De la même manière, les collectivités, aujourd'hui,
05:55alors qu'elles ont des ratios qui ne sont pas très inquiétants,
05:57ne savent plus trop dans quelle direction aller également.
05:59Et de ce fait, les entreprises sont dans la même situation.
06:03Elles ne veulent plus investir.
06:04On est en retard d'investissement.
06:06Et donc, tout ça, qu'est-ce que part ?
06:07C'est du retard de prix.
06:09C'est un peu comme une humoragiste qui est perdue et perdue.
06:11On ne reviendra plus dessus.
06:13Et c'est un manque de valeur dont tout le monde va pâtir.
06:16Est-ce qu'il y a des inquiétudes particulières
06:18pour les entreprises de TP Lorraine ?
06:19En Lorraine, oui.
06:21Et l'inquiétude, c'est vraiment...
06:22On va avoir une négociation, dans peu de temps,
06:24de ce qu'on appelle les DETR,
06:25c'est-à-dire la partie qui va être versée,
06:28je dirais, aux différentes communes
06:30pour réaliser des travaux et par le département.
06:32On a peur qu'il y ait des coupes budgétaires.
06:34De la même manière, on entend un peu partout
06:36que budgétaires, rétrécissement.
06:37Et là-dessus, en plus, il y a les changements,
06:40je dirais, de législation.
06:42On a parlé, ce n'est pas dans la région,
06:43mais l'autoroute à 69,
06:45où les travaux ont été arrêtés,
06:46recommencés, ça coûte de l'argent.
06:48Chez nous, on voit un petit peu à 31 bis,
06:50dont on attend des essaisants de savoir
06:52quand est-ce qu'elle va être, enfin, lancée, cette autoroute.
06:54Justement, je vous pose la question,
06:55puisque vous êtes quand même aux premières loges.
06:57Quand on entend travaux publics,
06:59évidemment, autoroutes et travaux publics,
07:00normalement, ça fait bon ménage.
07:02Où en est-on de cette autoroute à 31 bis ?
07:04Alors, cette autoroute, dont le débat a été relancé
07:06il y a plus de 10 ans maintenant, en 2015,
07:08on est dans la phase d'attente
07:11d'une déclaration d'utilité publique,
07:12qui nécessite une enquête d'utilité publique.
07:15Avec la proximité des élections et tout,
07:17malheureusement, je pense qu'elle ne sera pas lancée
07:19avant l'été prochain.
07:21Et donc, on pourrait espérer avoir enfin
07:22un document courant en 2027
07:25qui permettrait de lancer ensuite
07:28appel d'offres et tout ça.
07:29Mais c'est vrai qu'on regardera en finale,
07:31on verra qu'on aura mis environ 15 ans
07:33pour régler le problème administratif.
07:36Et nous, entreprise,
07:37on construira en moins de 5 ans.
07:39Merci, Thierry Ledriche.
07:41Vous êtes, je le rappelle,
07:42le président de la Fédération des TEP,
07:44et travaux publics de Lorraine.
07:46Merci d'être passé dans mon job et moi.
07:48L'information continue sur Moselle TV.
07:50La rubrique éco en partenariat avec la semaine.
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