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  • il y a 20 heures
Préface avec Benoît Hopquin, "Le soldat perdu de Jeanne Bonheur"

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Transcription
00:00...
00:00Bienvenue sur Préface, votre rendez-vous avec l'actualité du livre.
00:18Et nous recevons aujourd'hui Benoît Aupquin.
00:20Bonjour Benoît.
00:20Bonjour.
00:21Merci d'avoir accepté notre invitation.
00:23Je rappelle que vous êtes journaliste, journaliste pour le journal Le Monde.
00:26Vous avez déjà publié des essais, notamment dans l'univers historique, mais des essais.
00:32Et puis là, voici ce qui est votre premier roman, l'écriture romanesque.
00:36Vous titillez, vous avez concrétisé ce souhait avec Le Soldat perdu de Jeanne Bonheur aux éditions du Seuil et cette belle couverture.
00:43Ce qui est important de préciser, c'est que dès les premières pages, vous dédiez ce livre à vos deux grands-pères
00:48parce qu'effectivement, vous allez nous parler de la Première Guerre mondiale.
00:51Comment est cette envie d'écrire sur cette période de l'histoire ?
00:55En fait, c'est né d'un silence, comme beaucoup de gens, le silence de mes grands-pères qui n'ont jamais raconté leur histoire.
01:03Et donc, moi, j'ai eu envie d'essayer de me mettre à leur place et de raconter cette histoire.
01:08Dans les années 50, un de mes grands-pères est parti avec deux autres copains du régiment.
01:15Ils avaient une voiture, ils sont montés dans la voiture, ils sont partis à Verdun.
01:18Ils sont restés trois jours à Verdun, ils sont revenus et n'ont jamais parlé.
01:23Et je me suis dit, qu'est-ce qu'ils ont pu faire là-bas ?
01:25Et donc, ça a été le point de départ de mon livre.
01:27Je me suis dit, comment ces gens vivent avec leur silence ?
01:30Comment ils arrivent à se souvenir et à baigner dans ce silence ?
01:35Et donc, du coup, je me suis dit, je vais essayer de raconter ce voyage.
01:40Et après, j'ai introduit un personnage féminin, parce que souvent, quand on raconte cette guerre-là,
01:46on en reste uniquement des personnages masculins.
01:48Et je trouvais intéressant d'introduire un personnage féminin, c'est-à-dire d'introduire une jeune fille
01:53qui n'a pas connu son père, puisque son père est mort à la guerre.
01:56Ce qui veut dire que le roman s'ouvre, la guerre est déjà terminée.
02:00Et il y avait ses trois copains, il y avait Anselm, Clovis et Léonce.
02:04Tous les trois sont partis, deux seulement sont revenus.
02:07Et quelques années plus tard, on retrouve les deux survivants qui sont là, dans leur champ.
02:11Et puis, il y a cette jeune fille, Jeanne, qui est pleine de questions sur pourquoi mon père, lui, n'est pas revenu.
02:19Ce qui va être l'occasion d'une quête et d'un nouveau voyage à Troyes.
02:22Alors, dans quel état d'esprit étiez-vous lors de l'écriture de ce livre,
02:25justement pour essayer de coller au plus près de ce qu'avait pu être la réalité de ces hommes partis au front
02:31et revenus ensuite, en laissant peut-être des copains sur le champ de bataille ?
02:35Dans le cas de mon travail de journaliste, j'avais rencontré les derniers poilus
02:38qui m'avaient un peu raconté leur quotidien.
02:40J'avais beaucoup lu sur cette période qui me fascine, évidemment.
02:44Et du coup, j'ai essayé de coller au plus près quand même de la réalité.
02:48Je suis allé à Craone, où se situe une partie de cette histoire.
02:51Et donc, j'ai essayé de m'imprégner un petit peu de tout ça.
02:55Et je trouvais intéressant que ce soit une jeune femme, finalement, qui vive ça.
03:01C'était un petit peu une originalité par rapport à tout ce qu'on a pu lire sur le sujet.
03:05Que ce soit une jeune femme qui aille sur place et qui vive cette histoire par procuration.
03:10Lorsqu'Anselme et Clovis vont repartir sur les lieux des combats,
03:16avec Jeanne, dans leur bagage, sur les traces de Léonce.
03:20Quelques années ont déjà passé, mais on sent que les régions sont encore meurtries
03:24et que les familles qui ont tenté de renouer avec la vie sont encore dans la douleur.
03:29Il y a d'autres personnages périphériques qui sont aussi très importants.
03:33Vous le dites, vous êtes allé sur les lieux.
03:35Vous vous êtes nourri quoi d'autres romans aussi qui ont été écrits sur ce sujet,
03:38de films, des images ?
03:40Évidemment, évidemment.
03:42J'ai situé ce roman en 1935, ce n'est pas totalement un hasard.
03:451935, c'est au moment où la France arrête les recherches des corps.
03:49Et donc, on laisse les gens, on dit, voilà, ces gens-là, on ne les retrouvera pas, on les laisse là.
03:54Et donc, je situe le roman à ce moment-là, parce que j'estime que c'est intéressant
03:58que Jeanne aille à cet instant-là sur place et que Jeanne, en fait,
04:04je vais le lire, retrouve le corps de son père.
04:07Et donc, après, il y a une autre histoire qui se greffe là-dessus.
04:10Mais je trouvais vraiment intéressant de raconter cette quête des corps.
04:16Aujourd'hui encore à Craone, on sait qu'il y a des milliers, des dizaines de milliers de corps
04:20qui sont là, qui n'intéressent plus personne.
04:23Dans le cadre de mon travail, j'y suis allé récemment et on a trouvé un tunnel
04:27où il y avait encore 200 corps, mais personne ne veut aller les chercher.
04:30Et je trouvais intéressant d'aller travailler comme ça cette quête de la mémoire
04:36et des corps, parce que les deux sont liés.
04:38Il y a une construction de plusieurs chapitres, ici, ailleurs, là-bas, entre autres.
04:44Vous avez donné ces titres à vos chapitres.
04:47Ce qui veut dire qu'on est dans plusieurs temporalités.
04:49À certains moments, vous allez nous raconter la guerre.
04:52On sera sur le champ de bataille.
04:53Et puis après, on sera quelques années plus tard.
04:55Et puis on sera aussi au moment des combats, mais à l'arrière,
04:58lorsque les femmes sont en train de continuer à faire vivre les fermes et les campagnes.
05:02Parce que vous vouliez aussi montrer que la guerre, il y a celle que font les hommes sur le front,
05:05mais que la guerre, elle se poursuit aussi.
05:07Et la participation des femmes pendant cette période-là était importante pour vous.
05:11Je pense que c'est un élément fondamental qui apparaît dans assez peu de textes sur cette guerre.
05:16On en fait une guerre d'hommes, parce qu'évidemment, les morts étaient des hommes,
05:19contrairement à 1939-1945, où évidemment, les femmes ont aussi payé leur écho en termes de vie.
05:25Mais il ne faut pas oublier que toute l'économie de l'époque a tourné grâce aux femmes.
05:30Et ce qui est intéressant, c'est qu'ensuite, dans les années 1920,
05:34les hommes sont revenus et ont voulu faire comme si rien ne s'était passé,
05:38reprendre leur rôle prééminent.
05:41Et c'est aussi le début des mouvements féministes.
05:42Et Jeanne, de cette manière, fait partie de ces femmes
05:46qui ont décidé de refuser ce retour du patriarcat.
05:50Et donc, c'est un personnage qui, à mon sens, est assez féministe avant l'heure.
05:56On l'a dit, vous dédiez ce livre à vos deux grands-pères.
05:58Mais chaque lecteur, chaque lectrice pourra s'approprier cette histoire
06:01parce que nous avons tous, d'une façon ou d'une autre,
06:03des ancêtres qui ont participé à cette Première Guerre mondiale.
06:06Et puis, la force de votre livre, c'est que l'histoire est malheureusement intemporelle
06:10parce qu'elle raconte toutes les guerres,
06:12tous ceux qui partent sur le front, ceux qui reviennent, ceux qui ne reviennent pas,
06:16ceux qui reviennent avec un traumatisme.
06:17Et puis, ces jeunes qui essaient de se construire aussi avec l'absence.
06:22Finalement, histoire intemporelle ?
06:24Oui, c'est-à-dire qu'en fait, c'est une histoire de silence et d'absence.
06:27Et les guerres, c'est quand même essentiellement ça,
06:29une histoire de silence et d'absence.
06:31Je le disais en préambule, vous êtes journaliste,
06:33il y a eu des essais, mais c'est votre premier roman.
06:36Vous faites un premier roman qui vous touche de près, familialement.
06:39Mais l'envie de l'écriture romanesque est bien là maintenant.
06:42On va continuer à vous retrouver dans cet univers ?
06:45Oui, c'est-à-dire qu'en fait, pendant 35 ans, j'ai travaillé pour Le Monde.
06:49J'ai fait des articles.
06:50Et à un moment, il y a le mur du réel qui est là.
06:54C'est-à-dire qu'on ne peut pas...
06:55Le silence des gens, on ne peut pas aller au-delà.
07:00Journalistiquement, on ne peut pas aller au-delà de ce silence.
07:02Le roman permet d'aller au-delà de ce silence,
07:04de le transpercer et de laisser l'imagination aller plus loin.
07:08Ce qui est interdit dans le journalisme.
07:11Voilà un livre très réussi.
07:13Un livre qui raconte la Première Guerre mondiale.
07:15Mais un livre qui raconte aussi toutes les guerres.
07:18Qui raconte la famille.
07:19Qui raconte aussi les silences.
07:21Quand c'est trop lourd à porter.
07:22Puis qu'à un moment, il y a ce déclic.
07:24Et que la parole se fait à nouveau jour.
07:26Ça s'appelle Le soldat perdu de Jeanne Bonheur.
07:29C'est votre premier roman.
07:30Benoît Hopkin, vous êtes publié aux éditions du Seuil.
07:32Merci beaucoup.
07:33Merci.
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