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00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Bellemare, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11L'été, on rencontre fréquemment de jeunes américaines en voyage.
00:15Elles sillonnent l'Europe, l'Afrique, en autostop le plus souvent, et le Moyen-Orient quand la situation le permet.
00:23Elles n'ont pas beaucoup d'argent, mais elles veulent tout voir.
00:26La tour Eiffel, Notre-Dame, les pyramides, le rocher de Gibraltar, dans l'ordre ou dans le désordre, et à n'importe quelle condition.
00:33Au bout de trois mois, de six mois, de douze peut-être, leur beau voyage effectué, elles rentrent sagement aux Etats-Unis et reprennent leur travail de dactylos, de standardistes ou de fonctionnaires.
00:44Les existences, comme les automobiles, les maisons, les cuisines ou les menus aux Etats-Unis sont standards.
00:49Aussi, toutes ces jeunes vagabondes revenus au Bercail, considérant qu'elles ont eu leur part de rêve,
00:57passent au stade suivant l'attente de la rencontre de l'homme qui aura le courage de les épouser.
01:05Plus rares sont celles qui confondent les deux étapes, celle du vagabondage et celle de la recherche de l'âme sœur.
01:13Celle-là court de grands risques, à mélanger l'aventure des voyages et l'aventure sexuelle ou sentimentale.
01:20Elle court de si grands risques qu'on retrouve très souvent leur dossier à l'Interpol.
01:26C'est ce qui est arrivé à la jeune Elisabeth Benton, dont l'aventure réellement extraordinaire nous est comptée aujourd'hui par Jacques-Antoine.
01:33Il y a 53 ans, c'est-à-dire avant la création de l'Interpol,
01:37rechercher une jeune fille comme Elisabeth Benton à travers le monde aurait posé un problème insoluble.
01:42Mais en 1959, lorsque la disparition de la jeune fille fut signalée,
01:47Interpol interrogea immédiatement les 112 pays membres qui tous fournirent une réponse quasiment immédiate.
01:55Le dossier extraordinaire d'Elisabeth Benton est étouvé.
01:59Elisabeth Benton, 22 ans, grande, blonde, très jolie, ne manque pas de conversation puisqu'elle est universitaire.
02:27Lorsque le désir de voir le vieux continent la saisit,
02:31elle quitte l'université, prend un emploi qu'elle n'aime guère dans une firme publicitaire de Boston,
02:36s'astreint pendant un an à des horaires très stricts,
02:40sans le moindre absentéisme, pour économiser les 1000 dollars nécessaires au voyage.
02:451000 dollars même en 1959,
02:47cela ne permet tout de même pas de visiter l'Europe et l'Afrique.
02:50Aussi, dès qu'elle débarque sur le vieux continent,
02:53Elisabeth Benton, qui ne fait pas d'autostop,
02:56achète un vieux scooter avec lequel elle franchit d'abord les Alpes pour visiter l'Italie,
03:03puis l'Autriche,
03:05puis elle revient à Paris via l'Allemagne.
03:07Tour Eiffel,
03:09Notre-Dame,
03:10Sacré-Cœur,
03:11Louvre,
03:13et la voilà repartie vers le sud.
03:14Elle écrit à ses parents,
03:16M. et Mme Edouard P. Benton,
03:20d'Ogdensbourg,
03:21dans l'état de New York,
03:22une carte postale du Maroc,
03:23puis, plus tard,
03:25une autre,
03:26indiquant qu'elle a regagné le sud de la France.
03:30Ils sont inquiets, bien sûr,
03:31mais, après tout,
03:33Elisabeth est majeure,
03:34et tellement d'autres Américaines font actuellement les mêmes voyages que pourraient-ils lui arriver.
03:37Elles risquent certainement moins de se faire assassiner sur les routes d'Europe
03:42qu'en se promenant seule deux nuits,
03:44dans les quartiers chauds de New York,
03:46comme Harlem ou le Bronx.
03:49Un ami d'Elisabeth
03:50reçoit une lettre
03:52dans laquelle
03:53elle promet de donner bientôt son adresse.
03:57Voici le texte.
03:59« Je t'enverrai ma nouvelle adresse
04:01dès que je connaîtrai ma prochaine étape.
04:04J'ai abandonné mon scooter au singe de Gibraltar
04:07et je m'embarque demain sur un yacht pour Casablanca.
04:11Mais nous n'y resterons pas assez longtemps pour que tu m'y écrives.
04:17Si j'ai toujours le pied marin,
04:19le capitaine m'emmènera peut-être jusqu'à Tahiti
04:22et enfin en Orient.
04:24« Je réalise mon rêve,
04:27je t'embrasse. »
04:28Fin de la lettre.
04:31Un autre ami, elle écrit une version légèrement différente du même projet.
04:35Voici le texte.
04:35« C'est un peu insensé de ma part d'avoir accepté de faire pratiquement le tour du monde
04:40avec un homme que je ne connais que depuis 24 heures.
04:42Mais tant pis, nous levons l'encre demain matin.
04:46J'ai déjà visité le Maroc, c'était merveilleux.
04:49Nous y retournons et après, ce sera Tahiti, j'espère.
04:56À bientôt. »
04:57Fin de la lettre.
05:00À ses parents, Elisabeth indique simplement
05:02qu'elle ne roule plus en scooter
05:04et qu'elle s'est engagée comme premier maître sur un yacht.
05:09Rien de plus.
05:10Il ne reste aux malheureux parents
05:13qui a partagé le lot de bien d'autres
05:15attendre.
05:17Mais ils ont un point de repère.
05:19Le 25 novembre,
05:21jour où les États-Unis célèbrent
05:23le Thanksgiving,
05:25une de leurs fêtes nationales.
05:27Celle-ci a surtout un caractère religieux
05:29et jamais Elisabeth n'a manqué,
05:32où qu'elle soit,
05:33d'envoyer une carte à ses parents à cette occasion.
05:35Mais cette fois, et pour la première fois,
05:38elle n'écrit pas.
05:40Aussi, le 1er décembre suivant,
05:41au comble de l'angoisse,
05:42le père d'Elisabeth alerte,
05:44non pas le poste de police locale,
05:46mais son congressman,
05:48c'est-à-dire,
05:50c'est comme s'il a hérté en France,
05:51son député.
05:52Et le député,
05:53ainsi qu'il l'avait promis lors des élections,
05:55une fois n'est pas coutume,
05:56s'occupe très sérieusement
05:57de ses électeurs.
05:59En moins de 24 heures,
06:00il a fait les démarches nécessaires,
06:02non seulement auprès du FBI,
06:03mais également auprès du département d'État,
06:05Washington,
06:06l'équivalent de notre ministère des Affaires étrangères.
06:08Et il a même demandé à des amis européens
06:10d'alerter leur propre police.
06:13Cette dernière démarche est inutile,
06:15puisque chaque fois que le FBI
06:17se trouve confronté à une affaire internationale,
06:20il transmet les renseignements nécessaires
06:21à Interpol.
06:24C'est alors que les enquêteurs
06:26sont avertis par James Davis,
06:29l'un des camarades d'Elisabeth,
06:31qu'il vient de recevoir une nouvelle lettre.
06:34Celle-ci est arrivée avec un retard inexplicable,
06:37puisqu'elle est datée du 14 octobre.
06:40Elle a été postée à Casablanca.
06:42Voici le texte de cette lettre
06:44que les enquêteurs étudient avec soin.
06:47« Je pense, » écrit Elisabeth,
06:51« je pense me rendre à Las Palmas
06:54où tu pourrais m'écrire.
06:57Fais-le tout de suite,
07:00bien qu'il n'est pas impossible
07:01que j'y passe le reste de mes jours.
07:04Je dois en effet quitter le yacht
07:06et je ne sais vraiment pas quoi faire.
07:11Peut-être trouverai-je un autre bateau.
07:13De toute manière, voici l'adresse.
07:17Elisabeth Benton,
07:18au bon soin du yacht club de Las Palmas,
07:21Grande Canarias,
07:23Islas Canarias,
07:25baisé, Elisabeth.
07:29Il y a un postscriptum.
07:31Le voici.
07:33C'est merveilleux de naviguer
07:34et cela vaut largement le,
07:37ici un mot illisible,
07:39d'être un autre mot illisible.
07:43Mais au coin gauche,
07:45en bas de la lettre,
07:47il y a un tout petit mot,
07:50un petit mot angoissant,
07:53« help »,
07:54ce qui signifie en anglais
07:56« au secours ».
07:59Dès lors, les enquêteurs se demandent
08:03si Elisabeth n'a pas écrit cette lettre
08:05sous surveillance.
08:06Elle aurait profité d'un moment
08:08d'inattention de son ou de ses gardiens
08:09pour ajouter le petit mot « help »
08:13qui constituerait un SOS.
08:16Cette fois,
08:17c'est à Interpol de jouer.
08:19Toutes les polices du bassin méditerranéen
08:21et de la côte occidentale d'Afrique
08:22se lancent à la recherche du yacht
08:24dont malheureusement Elisabeth
08:27n'a donné le nom dans aucune de ses lettres.
08:30Très vite,
08:30des rapports parviennent
08:32de la côte sud d'Espagne,
08:33de Gibraltar,
08:33de Tangier et de Casablanca.
08:36Tous mentionnent des scènes
08:38survenues en public
08:39entre une Américaine
08:40dont le signalement est assez proche
08:42de celui d'Elisabeth
08:43et une jeune Anglaise.
08:45D'après ces rapports,
08:46il semblerait que la jeune Américaine,
08:48donc peut-être Elisabeth,
08:49aurait supplanté la jeune Anglaise
08:51auprès du propriétaire d'un yacht
08:53et serait partie avec lui
08:55à la place de sa rivale.
08:58L'enquête est si bien menée
08:59qu'Interpol finit par obtenir
09:01le témoignage d'un Américain
09:02vivant en Norvège
09:03qui avait passé quelques jours
09:05sur son bateau
09:06à Marais dans le port de Casablanca
09:08au mois d'octobre.
09:09Ce témoin déclare
09:10avoir remarqué sur le quai
09:11une jeune fille
09:13qui ressemblait beaucoup à Elisabeth.
09:15Il la remarquait tout simplement
09:16parce qu'elle était très jolie.
09:17Un yachtman l'avait interpellée
09:19alors qu'il observait la jeune fille.
09:22Jolie, hein ?
09:23Oui, très jolie.
09:25Vous n'allez pas vers Tangier
09:26ou Gibraltar ?
09:28Non, pourquoi ?
09:30Parce que vous m'en auriez débarrassé.
09:32Non, je suis obligé
09:33de retourner en Norvège.
09:34Croyez bien que je le regrette.
09:36Je l'aurais emmené avec plaisir.
09:38On voit que vous ne la connaissez pas.
09:40Je l'ai embarqué à Gibraltar.
09:42Je le regrette déjà.
09:44Et pourquoi ?
09:45Oh, il n'y a rien à en tirer.
09:47Vous voyez ce que je veux dire ?
09:48Et avec ça,
09:49encombrante, intellectuelle,
09:51enfin, tout pour plaît.
09:55La conversation en était restée là.
09:56Mais le témoin se souvient
09:58avoir rencontré le yachtman
10:00le lendemain
10:01et il lui avait dit
10:02que la jeune fille
10:03avait trouvé le moyen
10:04de retourner à Tangier.
10:06Malheureusement,
10:07le témoin ne connaît pas
10:08le nom du yachtman
10:09ni celui de son bateau.
10:13C'est alors qu'a lieu
10:13le premier rebondissement important
10:15dans ce dossier extraordinaire.
10:16Évidemment,
10:16la police de Tangier
10:17charge un enquêteur
10:19de rechercher Elisabeth.
10:21Cet enquêteur est un policier
10:23de 40 ans
10:24qui en a vu de toutes les couleurs
10:25car la ville internationale
10:26de Tangier
10:27est à cette époque
10:28le repère de trafiquants
10:29de toutes sortes.
10:31Ce policier
10:31a même été très grièvement blessé
10:34dans une fameuse affaire
10:35de contrebande de cigarettes.
10:36Je crois d'ailleurs
10:37qu'il s'agissait
10:37de l'affaire du combinatis
10:39de yacht
10:39qui fut poursuivi
10:41à travers la Méditerranée
10:42canonné et raisonné.
10:44Depuis,
10:44ce policier,
10:45héros dans notre histoire,
10:46tire la jambe
10:47et se voit confier
10:48des affaires
10:48qui ne requièrent pas
10:49d'efforts physiques.
10:50C'est un homme petit
10:51qui ne paie pas de mine,
10:53le cheveu rare
10:53et bien connu
10:54pour son mutisme
10:55puisque ses collègues
10:56l'appellent
10:57le silencieux.
10:59Or,
10:59quelques heures seulement
11:00après qu'on lui ait confié
11:01cette affaire,
11:02le silencieux
11:03est appelé
11:04dans un poste de police
11:05de la ville internationale.
11:06Nous sommes
11:07le 13 décembre 1959.
11:10Il est 11h du matin.
11:18Les récits extraordinaires
11:19de Pierre Bellemare
11:20un podcast européen.
11:22Dès qu'il entre
11:23dans le poste de police,
11:24le silencieux
11:25est mis en présence
11:25d'un berger
11:26qui vient de découvrir
11:28dans la forêt
11:28qui longe
11:29la banlieue de la ville
11:30un sac de jute.
11:34Dès qu'il a perçu le sac,
11:35le berger a compris
11:36qu'il contenait un cadavre.
11:39« Comment l'avez-vous compris ? »
11:40demande le silencieux.
11:41« On devinait le corps,
11:43même à 10 mètres ! »
11:44explique le berger.
11:46« Alors comme ça ne bougeait pas,
11:49j'ai ouvert le sac,
11:49voilà,
11:50c'est tout. »
11:52Bien entendu,
11:53le silencieux
11:53demande à voir le corps.
11:56Le visage
11:57de la jeune fille
11:57est méconnaissable,
12:00probablement déformée
12:01à coups de poing.
12:03Ce n'est qu'ensuite
12:03qu'elle a été étranglée
12:04ainsi que le détermine
12:06n'autopsie.
12:08Elle est vêtue
12:09d'un sweater
12:09de jersey gris,
12:11d'une jupe
12:12et d'un chemisier brun
12:13qui porte la marque
12:14d'une grande firme américaine.
12:17Toute identification
12:18paraît impossible,
12:19mais le silencieux
12:20ne manque pas
12:21d'imagination.
12:23Il habille un mannequin
12:24avec les vêtements
12:25de la victime
12:26et le fait placer
12:28dans la vitrine
12:28d'un grand magasin
12:29de Tanger.
12:30Puis,
12:31par radio,
12:32il invite la population
12:33à venir le voir.
12:35Les personnes,
12:36qui reconnaîtront
12:37cette silhouette blonde
12:38vêtue de gris
12:39et de brun,
12:40devront se mettre
12:41en rapport
12:42avec lui.
12:44Le jour même,
12:45le directeur
12:46d'un grand hôtel
12:47de la ville internationale
12:48demande à voir
12:48le silencieux.
12:50Je crois,
12:51dit-il,
12:52qu'il s'agit
12:52d'une de mes clientes.
12:54Elle est partie
12:54sans payer sa note.
12:57Son passeport
12:58était établi
12:59au nom
12:59d'Elisabeth Benton.
13:03Décidément,
13:04l'enquête
13:04du silencieux
13:05démarre bien.
13:07Il se rend
13:08immédiatement
13:08à l'hôtel
13:09et commence
13:10à interroger
13:11les clients
13:11pour se renseigner
13:12sur les habitudes
13:13d'Elisabeth.
13:14Elle,
13:15s'exclame
13:16un touriste américain
13:17où elle était prête
13:18à faire n'importe quoi
13:19pour vivre
13:19une grande aventure.
13:21Chose curieuse,
13:22une autre touriste
13:23américaine déclare,
13:24elle,
13:25impossible d'en parler,
13:27elle était renfermée,
13:28timide,
13:29secrète.
13:29Tout ceci
13:32ne permettant pas
13:34une identification
13:34définitive,
13:35le silencieux
13:36essaie d'obtenir
13:36du FBI
13:37les empreintes
13:38d'Elisabeth.
13:39Hélas,
13:40les empreintes
13:41de la jeune fille
13:41ne figurent pas
13:42dans les archives.
13:44Finalement,
13:45le silencieux
13:45finit par mettre
13:47la main
13:47sur deux américaines
13:48qui ont rencontré
13:50Elisabeth.
13:51Les deux jeunes femmes
13:52qui sont venues
13:53à Tangier
13:53pour quelques jours
13:54et ont finalement décidé
13:55d'y rester trois mois
13:56sont deux horribles
13:57de pain à bêche.
13:59Acceptez-vous,
13:59demande le silencieux,
14:00de venir reconnaître
14:01le cadavre
14:01de la jeune fille.
14:03Elle se regarde,
14:04se concerte
14:05et demande
14:05« Où ça ? »
14:07« À la morgue,
14:08répond le silencieux. »
14:10Comme les deux jeunes femmes
14:10se regardent à nouveau
14:11et paraissent hésiter,
14:13le silencieux leur rappelle
14:14qu'il s'agit de rendre service
14:15non seulement à la police
14:16mais aux parents de la victime,
14:18qu'il n'y en a que
14:18pour quelques instants,
14:19etc., etc.
14:21Dans la petite salle
14:22de la morgue de Tangier,
14:24lorsqu'on amène
14:24sur une civière roulante
14:26le cadavre
14:27recouvert d'un drap,
14:29le silencieux explique
14:31« Si vous ne pouvez pas
14:33reconnaître les traits
14:33du visage
14:34qui sont très déformés,
14:36essayez de reconnaître
14:37les cheveux,
14:38les oreilles,
14:39la couleur des yeux.
14:40Je soulèverai,
14:41il n'a pas le temps
14:42d'aller plus loin. »
14:44Les deux jeunes femmes
14:45l'interrompent.
14:46« Pourquoi les traits
14:47sont déformés ? »
14:49« Parce qu'elle a reçu
14:50des coups de poing, »
14:52explique le silencieux.
14:54Et il va vers la civière
14:55pour soulever le drap.
14:56« Mais nous ne voulons
14:57pas voir ça ! »
14:58hurlent les jeunes femmes.
15:00Le silencieux,
15:00qui avait déjà
15:01soulevé le drap,
15:01leur fait signe
15:02d'approcher.
15:02« Ah non, non, non, non,
15:03nous ne voulons pas
15:04voir ça ! »
15:05Le silencieux leur explique
15:06alors que c'est leur devoir
15:07que les parents
15:08de la jeune fille
15:09attendent aux États-Unis
15:10leur déclaration
15:11pour être enfin renseignées
15:12sur le sort de leur fille.
15:14Mais rien n'y fait.
15:15gloussant des froids,
15:17poussant des cris
15:17d'indignation,
15:19les jeunes femmes
15:19s'en fient.
15:21Le silencieux
15:22fait faire des photos
15:23du cadavre
15:23et vient le lendemain
15:24les trouver à l'hôtel.
15:25Elle refuse de coopérer
15:27et lorsque le silencieux
15:28leur met de force
15:28les photos sous le nez,
15:30elle ferme les yeux.
15:32Comme il n'existe
15:33aucun règlement
15:33pouvant les contraindre,
15:35le silencieux
15:36est obligé d'abandonner.
15:38Alors il se rabat
15:39pour l'identification
15:41sur une boucle d'oreille
15:42qu'il a trouvée
15:43dans la chambre
15:44qu'Elisabeth aurait occupée
15:45dans l'hôtel
15:45et après laquelle
15:47est restée accrochée
15:48un cheveu.
15:50Il le compare
15:51avec ceux du cadavre,
15:53ce cheveu,
15:54mais il ne correspond pas.
15:55D'ailleurs,
15:57il n'est même pas certain
15:57que la boucle d'oreille
15:59trouvée sous le lit
16:00est réellement appartenue
16:01à Elisabeth.
16:03Enfin, le silencieux
16:04finit par obtenir
16:04un témoignage curieux
16:05du barman de l'hôtel.
16:08« Ça se passait un soir, »
16:09déclare le barman.
16:10« Il n'y avait presque personne
16:11dans la salle.
16:13Mais j'avais remarqué
16:13tout de même
16:14un client de l'hôtel
16:15parce qu'il était très roux.
16:17Je l'avais déjà vu
16:17plusieurs fois.
16:18Il s'appelle William Moore.
16:20Il était dans un coin isolé
16:21et il lisait le journal.
16:23Brusquement,
16:24j'ai observé
16:25qu'il était en train
16:26de défaire lentement
16:27sa ceinture.
16:29Puis,
16:30qu'il prenait
16:31la pointe
16:31de la boucle
16:32entre ses doigts
16:33et cachait
16:35ses deux mains
16:36sous la table.
16:38Alors,
16:38comme j'étais intrigué,
16:39je me suis approché de lui
16:40sans avoir l'air de rien.
16:42Et j'ai vu des gouttes
16:43de sang tomber
16:44sur le sol.
16:46Alors là,
16:46j'ai crié,
16:47« Mais qu'est-ce que vous faites ? »
16:49Il venait de se percer
16:50une veine du poignet.
16:53Évidemment,
16:53je lui ai fait boire un coup,
16:54je lui ai dit que
16:55rien ne méritait
16:56qu'on se suicide
16:57et finalement,
16:58il a accepté
16:59de se faire soigner.
17:01Cela se passe
17:02et quel jour ?
17:02Demande le silencieux.
17:05Le 14 décembre.
17:08Le silencieux
17:09se fait apporter
17:09le journal du 14 décembre.
17:12C'est celui
17:12qui relate
17:13la découverte
17:14du cadavre
17:14d'Elisabeth
17:15par le berger.
17:19Le silencieux
17:20finit par retrouver
17:21William Moore
17:22dans un hôpital de Tanger
17:23où il est soigné
17:23car la blessure
17:24qu'il s'est faite
17:25a provoqué
17:26le tétanos.
17:28Moore refuse de parler
17:29mais lorsqu'il sort
17:29de l'hôpital,
17:31le silencieux
17:31l'interroge
17:32pendant trois jours
17:33sans interruption.
17:35Non seulement
17:35le jeune homme refuse
17:36d'expliquer
17:37les raisons de son geste
17:38mais le silencieux
17:39doit se rendre à l'évidence
17:40qu'il n'a jamais été vu
17:42en compagnie d'Elisabeth.
17:43Jamais,
17:43jamais,
17:44jamais.
17:44Dans ces conditions,
17:46il doit évidemment
17:46le relâcher.
17:48Mais nous retrouverons
17:49un peu plus tard
17:50William Moore,
17:50chers amis,
17:51bien qu'il n'ait pas
17:52tué en effet Elisabeth,
17:53vous allez comprendre
17:54pourquoi.
17:56En effet,
17:57le silencieux a une idée.
17:59Il fait transmettre
18:00les empreintes
18:00des dents
18:01d'Elisabeth Benton
18:02à Interpol.
18:03Par empreinte,
18:04nous entendons
18:04le diagramme dentaire
18:06qui est toujours établi
18:07par un dentiste
18:08lorsqu'il intervient.
18:10L'université de Syracuse
18:12où Elisabeth a étudié
18:14fournit les renseignements
18:15nécessaires
18:16pour qu'on puisse
18:16retrouver son dentiste.
18:18Et enfin,
18:19l'on peut comparer
18:19les deux empreintes.
18:23La jeune fille
18:24dont le cadavre
18:25a été découvert
18:26à Tanger
18:26n'est pas
18:29Elisabeth Benton.
18:34Comme vous le voyez,
18:35chers amis,
18:35il s'agit bien
18:35d'un dossier extraordinaire.
18:37Mais loin de se désespérer,
18:40le silencieux s'acharne.
18:42Et peu de temps après,
18:43il reçoit la déclaration
18:44d'un employé
18:45de la bibliothèque américaine
18:46de Tanger.
18:47« Voilà, » dit celui-ci,
18:48« il y a quelque temps,
18:50une jeune américaine
18:51est venue emprunter
18:51plusieurs livres chez nous
18:52et elle ne me les a jamais rendus.
18:55J'ai été les réclamer
18:56à son hôtel
18:57où l'on m'a répondu
18:58qu'elle était partie
18:59sans emporter ses bagages.
19:01Dans ces conditions,
19:03je crains
19:03qu'il ne lui soit arrivé
19:05quelque chose. »
19:06Comment s'appelle-t-elle ?
19:08« Elle s'appelle
19:08Barbara Hélène Muller. »
19:11Et le bibliothécaire
19:12décrit la jeune Barbara
19:13et le silencieux
19:14croit entendre
19:15décrire Elisabeth.
19:16« C'est exactement
19:17le même type
19:17de jeune fille,
19:18grande, mince, blonde,
19:19vêtue simplement
19:20d'à peu près
19:21les mêmes sweaters,
19:22marchant le même
19:23chewing-gum,
19:24trimballant les mêmes bagages. »
19:27L'enquête du silencieux
19:28établit que Barbara
19:28avait 19 ans,
19:31qu'elle était la fille
19:31de M. et Mme
19:32Henri Muller
19:33de New York
19:34et qu'elle était arrivée
19:35au Maroc
19:36via les Açores.
19:37Il découvre alors
19:38que les pistes
19:39de Barbara
19:39et d'Elisabeth
19:40se sont croisées
19:41à deux reprises,
19:43d'où les multiples
19:44confusions.
19:44à Gibraltar d'abord,
19:46puis à Tangier.
19:47Elles se sont
19:48probablement connues,
19:50ont probablement
19:51échangé quelques paroles,
19:52mais elles ne se sont
19:53pas liées d'amitié.
19:55Elles avaient d'ailleurs
19:55un caractère
19:56diamétralement opposé.
19:57Autant Elisabeth
19:58était décontractée,
20:00volubile,
20:01autant Barbara
20:02était renfermée,
20:03timide et secrète.
20:04Depuis son départ
20:05de New York,
20:05Barbara avait envoyé
20:06deux lettres
20:07à ses parents.
20:08La première était
20:08partie des Açores
20:09et la seconde datait
20:10de la mi-novembre
20:11de Tangier.
20:12C'était les lettres
20:13banales d'une touriste
20:14qui décrit ses voyages,
20:16confie ses impressions
20:16devant tel ou tel paysage.
20:18Mais nulle part,
20:19Barbara ne parlait
20:20de sa vie privée
20:21à Tangier.
20:23Les plans de la jeune femme
20:24étaient cependant
20:24très audacieux.
20:25Elle confia
20:26à des amis
20:26qu'elle envisageait
20:27de traverser le Sahara
20:28en voiture
20:29et annonçait son intention
20:31de pousser
20:32jusqu'au Soudan.
20:33Elle avait constamment
20:34soif de nouveauté.
20:35Le fait qu'à l'époque
20:36l'Algérie
20:36se trouvait en pleine guerre
20:38ne paraissait pas
20:38l'émouvoir
20:39puisqu'elle avait demandé
20:40à deux Marocains
20:40possédant une automobile
20:41de lui faire franchir
20:43la frontière en fraude.
20:44En retour,
20:45elle offrait
20:45de payer pour l'essence.
20:48Inutile de vous dire,
20:48chers amis,
20:49que le silencieux
20:49a immédiatement repris
20:51son enquête
20:51en direction
20:52du jeune William Moore.
20:54Or,
20:54si personne
20:55n'a jamais vu
20:56ce jeune homme
20:57avec Elisabeth,
20:58par contre,
20:59on l'a souvent rencontré
21:00en compagnie de Barbara.
21:01Le silencieux
21:02fait alors une perquisition
21:03en règle
21:04dans la chambre
21:05il y découvre
21:07de la lingerie féminine
21:08et un carnet
21:09de chèques de voyage
21:10appartenant à Barbara
21:11et il y en a
21:12pour 630 dollars.
21:15William Moore
21:16passe cette fois
21:16aux aveux.
21:18C'était une garce,
21:19écrit-il.
21:20Elle venait à peine
21:20de me céder
21:21qu'elle m'annonçait
21:22déjà son départ
21:23pour visiter l'Afrique du Sud
21:24en compagnie
21:25d'un jeune Australien.
21:26Alors,
21:26fou de colère,
21:26j'ai d'abord frappé,
21:27frappé,
21:28puis,
21:28comme elle criait,
21:30j'ai porté mes mains
21:31autour de son cou.
21:32Je ne me rappelle plus
21:33ce qui s'est passé ensuite.
21:35Tout ce que je sais,
21:36c'est que j'ai placé
21:36le cadavre dans un sac
21:37et que je l'ai déposé
21:39dans la forêt.
21:41Le silencieux
21:42ne croit pas totalement
21:43à cette version.
21:43Il pense que le vol
21:44est le seul mobile du crime.
21:47Mais sa tâche est accomplie
21:48en ce qui concerne
21:49l'affaire Barbara Mulet.
21:50Pendant qu'il poursuit
21:52son enquête sur Elisabeth,
21:54Moore est incarcéré
21:55en janvier 1960.
21:58Il va s'évader
21:58au bout de 13 mois
21:59en compagnie
21:59de 8 autres prisonniers.
22:01Ceux-ci
22:01seront repris
22:03presque aussitôt
22:03et Moore,
22:0553 heures après,
22:07il était en train
22:07de manger
22:07des oranges et du pain
22:08sur un terrain vague
22:09non loin du consulat
22:11de Grande-Bretagne.
22:12Un an plus tard,
22:13s'ouvre le procès
22:14de Moore.
22:16Moore surprendra
22:16tout le monde
22:17en répondant
22:18aux questions
22:19en français
22:19ayant étudié
22:20à fond notre langue
22:21en prison.
22:23Selon la loi marocaine,
22:24l'assassinat
22:25avec préméditation
22:26entraîne automatiquement
22:27la peine de mort,
22:27c'est-à-dire
22:28le peloton d'exécution.
22:30Les jurés
22:31se montreront
22:32compréhensifs.
22:33Selon eux,
22:34le geste du jeune homme
22:35n'était pas prémédité.
22:37Moore sera condamné
22:38à la prison
22:39à perpétuité.
22:41Mais pendant ce temps,
22:42que devient
22:43le silencieux
22:44et l'enquête
22:45sur Elisabeth ?
22:46Quelques jours
22:48après l'inculpation
22:48de William Moore,
22:50le silencieux
22:51transmet aux parents
22:52d'Elisabeth
22:52une lettre
22:54d'une madame
22:55Jane Van Blercom
22:57qui a rencontré
22:59Elisabeth
22:59à Gibraltar
23:00en octobre
23:011959.
23:04Cette dame dit
23:05« L'homme
23:07avec lequel
23:08elle s'est embarquée
23:09est un excellent marin
23:11et le yacht
23:13est bien équipé
23:13pour affronter
23:14les pires conditions
23:15atmosphériques. »
23:15Il a cependant,
23:16ajoute la correspondante,
23:17quelques légers défauts
23:19qui pourraient éventuellement
23:20provoquer les avaries.
23:21Cependant,
23:22si pour une raison
23:23ou pour une autre,
23:24le bateau se trouvait
23:25dématé
23:25ou s'il perdait
23:26son gouvernail,
23:27il pourrait continuer
23:27de dériver
23:28ou même rejoindre
23:29un port
23:29avec des voiles
23:30de fortune.
23:31D'ailleurs,
23:32ajoute
23:32madame Blercom,
23:33à l'époque
23:34où Elisabeth
23:35allait traverser
23:35l'Atlantique,
23:36les conditions
23:37atmosphériques
23:38étaient bonnes.
23:39Ils ont dû très bien
23:41s'en tirer
23:41à condition
23:42d'avoir emporté
23:43assez d'eau potable.
23:46Enfin,
23:47au printemps 1960,
23:48le consul
23:49des Etats-Unis
23:50en Martinique
23:50répond à une circulaire
23:51d'Interpol.
23:52Ne vous inquiétez pas
23:53au sujet
23:54de mademoiselle Benton.
23:56Naturellement,
23:57le silencieux
23:58veut en savoir plus.
23:59Alors,
23:59le consul
24:00relate
24:00qu'il a reçu
24:01la visite
24:02du capitaine
24:03d'un cargo hollandais
24:04qui est entré
24:05en communication radio
24:06avec un yacht
24:07à bord duquel
24:08se serait trouvée
24:09Elisabeth.
24:11La prochaine escale
24:12du yacht en question
24:13devait être
24:15Saint-Thomas
24:15dans les îles
24:16de la Vierge.
24:17Alors,
24:17le département
24:18d'État américain
24:18dépêche immédiatement
24:19un courrier
24:20qui arrive malheureusement
24:21trop tard.
24:22Le yacht est déjà
24:23reparti depuis deux jours.
24:26Le consul américain
24:27à la Martinique
24:27reçoit une nouvelle
24:28information
24:29selon laquelle
24:30le yacht
24:31serait ancré
24:32à Antigua
24:33dans les Caraïbes.
24:35Cette fois,
24:35les enquêteurs
24:36veulent faire vite
24:36et un hydravion
24:37des gardes-côtes
24:38s'arrachent à la mer
24:39au large
24:40de Porto Rico.
24:41Mais,
24:41en amérissant
24:42à Antigua,
24:43nouvelle déception,
24:44il ne s'agit pas
24:45du yacht
24:46en question.
24:48Ensuite,
24:49rien de silence.
24:58On n'a plus jamais
25:00entendu parler
25:01d'Elisabeth Benton.
25:05Nous vous laissons,
25:06chers amis,
25:06imaginer la suite
25:07que vous préférez
25:08de l'assassinat sexuel
25:10à la drogue
25:11en passant par
25:12le silence volontaire
25:14pour satisfaire
25:15un amour
25:16désirant vivre caché.
25:17le silence
25:19pour dissimuler
25:20un geste répréhensible
25:21ou simplement
25:23la déchéance,
25:26le naufrage,
25:29l'amnésie,
25:30etc.
25:33Et pourtant,
25:34si l'enquête
25:34est au point mort,
25:35on peut dire
25:35que ce dossier
25:36n'est pas refermé
25:37puisqu'à Tangier,
25:38oui,
25:39à Tangier,
25:39vit un vieux policier
25:40si discret
25:41qu'on l'appelle
25:43le silencieux
25:44et ce vieux policier
25:46donnerait bien
25:48quelques années
25:49du peu
25:49qui lui reste à vivre
25:50pour savoir
25:52ce qu'est devenue
25:53la belle
25:54Elisabeth Benton.
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