Passer au playerPasser au contenu principal

Catégorie

Personnes
Transcription
00:00Le cinéma, c'est plus un art, c'est un produit comme les autres.
00:02Allez, viens, on parle.
00:03C'est presque devenu un réflexe.
00:05Tu sors d'un film et tout de suite tu vas sur TikTok ou Insta
00:08pour voir ce que tes influenceurs préférés en ont pensé
00:11et tu cherches des avis.
00:12Ou plutôt, tu cherches à conforter le tien.
00:14T'as pas réellement envie d'une critique, tu veux qu'on te rassure.
00:17Et à la moindre dissonance, on part tout de suite sur les attaques personnelles.
00:20T'es aigri, t'es prétentieux, il comprend rien, il aime rien.
00:23Et dans le pire des cas, du harcèlement complètement injustifié.
00:26N'oubliez jamais une chose, un passionné,
00:27ou du moins un connaisseur dans un domaine
00:30combat toujours avec des arguments et des faits.
00:32Pas avec des réactions émotionnelles et épidermiques.
00:35C'est toujours bon à rappeler, il y en a beaucoup qui l'oublient.
00:37Le climat émotionnel a tué la confrontation d'idées.
00:39Et il a remplacé l'analyse par le confort.
00:41On va attaquer tout de suite avec un exemple.
00:43En 2023, Le Monde a révélé que Disney avait soigneusement sélectionné
00:46les influenceurs qui étaient invités à l'avant-première de The Marvels.
00:49Tout ça en écartant un bon nombre de journalistes et de critiques professionnelles.
00:53L'objectif, c'est de favoriser la bonne réception du film sur les réseaux.
00:57Vous pouvez aller voir l'article
00:58« L'influence à la place de la critique »
01:00en date du 9 novembre 2023, sur le site Le Monde.
01:03Vous n'allez pas galérer à le trouver.
01:04Même logique chez Netflix.
01:05Pour The Guardian, plusieurs créateurs témoignent anonymement
01:08du brief que Netflix leur avait envoyé.
01:10En demandant pas de critique négative,
01:12un focus sur l'expérience de visionnage
01:14et non pas sur le film,
01:15et avant tout rester story-friendly.
01:17La critique n'est plus ce qu'elle était, un contre-pouvoir.
01:20Maintenant, c'est devenu un canal d'adhésion.
01:22Je vais citer un extrait d'une étude de l'agence Cold Square,
01:24Influence Factory, qui dit
01:25« Les influenceurs sont des médias sous contrat,
01:27en aucun cas des critiques. »
01:29Dans ce contexte, un créateur qui se veut honnête
01:31a le choix entre exister et résister.
01:33Et les studios, les distributeurs et les agences de pub
01:36savent exactement à qui tendre le micro.
01:38Le but, c'est ni de créer une chasse aux sorcières,
01:40ni de créer du harcèlement.
01:41C'est juste de poser un sujet sur la table
01:43et qu'on en parle tous ensemble.
01:45Certains influenceurs précisent quand ils sont invités.
01:47Certains refusent évidemment des deals
01:49et vont à contre-courant de la hype.
01:51Mais c'est rarement ceux qu'on met en avant.
01:52L'algorithme, lui, valorise le consensus,
01:54pas la divergence.
01:55Ça veut dire qu'il va pousser
01:57beaucoup de contenus qui vont dans le même sens.
02:00C'est aussi pour ça qu'on a l'impression
02:02des fois d'avoir une hype qui est surexagérée
02:04ou alors un film qui se fait bâcher par tout le monde.
02:06Comme le rappelle l'essayiste Mathieu Pott Bonneville
02:08dans son livre « La démocratie des crédules »,
02:10le doute est malvenu dans un système de viralité.
02:13Il ralentit le flux.
02:15Et justement, c'est ce que les studios
02:16et les distributeurs et les agences de pub ne veulent pas.
02:18ralentir le flux.
02:20Les contenus doivent être de plus en plus cadencés,
02:22de plus en plus tranchés
02:23et de plus en plus dithyrambiques.
02:26Alors qu'à l'inverse, pour développer sa pensée,
02:28ce dont on a besoin, c'est de ralentir le flux.
02:30C'est d'avoir des vidéos plus longues
02:32où on peut détailler un réel point de vue,
02:34une réelle pensée.
02:35Et peut-être que c'est juste moi
02:36qui suis devenu un peu réac.
02:38Mais en tout cas, j'ai vraiment la sensation
02:39qu'on se trompe de chemin.
02:41Le vrai problème, il est dans l'œil du spectateur.
02:43Parce qu'à la limite, nous, créateurs de contenus,
02:45on les connaît les rouages de tout ça.
02:47Mais le spectateur, qui lui, est mal informé,
02:50a l'impression de recevoir une information
02:51qui est complètement véridique.
02:53Ce qui n'est pas le cas.
02:54Parce qu'elle est toujours orientée
02:55par d'autres contraintes.
02:56Alors évidemment, il y a des créateurs
02:58qui sont indépendants.
02:59Et je cherche pas à mettre tout le monde
03:01dans le même panier.
03:02Je pense juste que notre rôle
03:03en tant que créateur de contenus,
03:04c'est autant d'informer le public
03:06que de se battre auprès des distributeurs
03:08et des agences de pub
03:09pour garder notre indépendance
03:11et notre raisonnement.
03:12Selon une étude médiamétrique de 2022,
03:1575% des 15-25 ans
03:17découvrent un film sur TikTok ou Insta.
03:19Et ça doit être bien pire en 2025.
03:21Et qu'est-ce qu'on voit sur TikTok ?
03:22Des reels très bien montés,
03:23très bien cadencés,
03:24des pensées nettes, précises, tranchées
03:26et des avis qui parfois sont extrêmes.
03:29Soit c'est le meilleur film de l'année,
03:31soit c'est une merde.
03:31Mais on n'a pas le temps
03:32de développer une pensée
03:34sur une minute ou une minute trente.
03:35C'est pas possible.
03:36Et même si ça l'était,
03:38ce serait mettre de côté
03:39une grande partie de ce qu'est le cinéma.
03:41On se retrouve dans une boucle d'émotions
03:43et pas dans la construction
03:44d'une pensée critique.
03:45Etienne Auger,
03:46qui est un chercheur en culture visuelle,
03:48dit ça.
03:49La critique est devenue
03:50un accessoire marketing,
03:51un outil d'enthousiasme,
03:52pas de discernement.
03:53Et le problème ne vient pas
03:54de TikTok ou d'Insta,
03:55ce serait trop facile de mettre ça
03:57sous le coup de l'algorithme.
03:58C'est ce que nous on en a fait,
04:00les règles du jeu qu'on a acceptées
04:01et comment on décide de jouer.
04:03La vérité, c'est que si autant de créateurs
04:05cèdent à cette façon de fonctionner,
04:08c'est aussi parce que le public
04:09d'un certain côté veut voir ça.
04:10Des messages lisses,
04:12des avis faciles
04:13et des notes de 9 sur 10
04:14toutes les semaines
04:15accompagnées de masterclass,
04:16chef d'oeuvre
04:17ou 0 sur 10
04:18en mode c'est le pire film
04:19de l'histoire du cinéma.
04:21J'ai l'impression que le public
04:22ne cherche plus à réfléchir
04:23mais il veut simplement ressentir.
04:25Et que du coup,
04:26en tant que créateur,
04:27on s'inscrit dans la boucle de visionnage,
04:29comme si on était
04:30la scène post-générique d'un film.
04:32Le spectateur va venir voir
04:34nos critiques ou notre contenu
04:35après avoir vu le film,
04:37comme pour se conforter
04:38dans l'idée
04:38que soit il a bien compris le film,
04:41soit il a bien ressenti
04:42les bonnes choses.
04:42Alors évidemment,
04:43les studios font leurs calculs
04:45et les influenceurs
04:46font leurs choix.
04:47Pendant longtemps,
04:47le cinéma faisait débat.
04:48On y cherchait un oeil,
04:50un regard,
04:50un message.
04:51Aujourd'hui,
04:51on parle d'un film
04:52comme d'un nouveau burger au menu.
04:54Ou alors,
04:55on va réussir à trouver des messages
04:56dans des films
04:57qui n'en sont pas tellement porteurs.
04:59Ou alors,
04:59qu'ils l'exploitent
05:00de façon tellement superficielle
05:01que le cœur du film
05:02ne réside pas là.
05:03On consomme les films
05:04comme on scrolle sur un feed.
05:06On zappe,
05:07on like,
05:07on oublie.
05:08Dans la Dialétique de la Raison
05:09qui date de 1947,
05:11on pouvait déjà lire ça.
05:12L'industrie culturelle
05:13transforme les œuvres
05:14en biens interchangeables,
05:16destinées à divertir,
05:17sans déranger.
05:18Et on pourrait dire
05:19que le langage
05:20a suivi en conséquence.
05:21Maintenant,
05:21quand on parle d'un film,
05:23on peut dire
05:23qu'on a été hypé,
05:24que le film est rafraîchissant,
05:26pétillant,
05:27addictif.
05:27J'ai l'impression
05:28qu'on parle d'un soda.
05:30Est-ce qu'on est dans
05:30un spot de pub coca
05:31ou dans une critique ciné ?
05:33Dans la Culture comme capitale
05:34de 2022,
05:35la sociologue
05:36Nathalie Enich
05:37rappelle que la valeur
05:38de l'art disparaît
05:39dès qu'il y a
05:40une donnée de performance.
05:41Autrement dit,
05:41le seul critère devient
05:43est-ce que ça buzz ?
05:44Peu importe le fond,
05:45peu importe la mise en scène,
05:46peu importe le jeu,
05:47peu importe le message.
05:48L'œuvre en est réduit
05:49à un objet social.
05:51Il ne s'agit plus tellement
05:52de faire ressentir
05:52ou réfléchir,
05:53il s'agit de vendre
05:54une image,
05:55un lifestyle.
05:55Et si tu critiques cette logique,
05:57on te répond
05:57frérot,
05:58c'est que du cinéma.
05:59Mais justement,
06:00si c'est que du cinéma,
06:01pourquoi tout est fait
06:02pour que tu en parles
06:03comme d'un événement mondial ?
06:05Il ne s'agit pas
06:05de condamner l'influence
06:06ni les créateurs.
06:07Au contraire,
06:08ce serait la plus grande hypocrisie
06:10de transmettre ce message.
06:11J'aimerais juste
06:12qu'on parle de tout ça
06:13tous ensemble
06:13et qu'on y réfléchisse.
06:14Parce que j'ai déjà
06:15vaguement abordé le sujet
06:16dans une de mes vidéos
06:17et j'ai vu que ça avait
06:19suscité
06:19quelques réactions.
06:21Je pense qu'il y a
06:21moyen de creuser.
06:22Et je pense qu'il faut
06:23comprendre aussi
06:24que le milieu de l'influence
06:25et plus particulièrement
06:26dans le monde du cinéma
06:27est en train de faire
06:28un gros dérapage.
06:29La critique d'aujourd'hui,
06:30c'est une pièce
06:31de la stratégie marketing.
06:32Qu'on le veuille ou pas,
06:34qu'on soit invité
06:34par un studio ou pas,
06:36c'est à nous
06:36de mettre en avant
06:37notre critique
06:38et notre pensée
06:40en la développant.
06:41Plus on va rester
06:42sur des formats courts
06:42qui vont privilégier
06:43les avis tranchés
06:44et peu développés,
06:46plus on va jouer
06:46le jeu du marketing.
06:48Et si on veut retrouver
06:48notre propre regard,
06:50le premier pas,
06:50c'est de commencer à dire non.
06:51non aux campagnes déguisées,
06:53non à la complaisance collective
06:55et non à l'idée
06:56que l'analyse
06:57est un tue-la-hype.
06:58Je vais terminer
06:59avec une citation
06:59d'André Bazin
07:00de son livre
07:01Qu'est-ce que le cinéma
07:02de 1958 ?
07:03La mission de la critique
07:05est d'empêcher
07:05l'uniformisation
07:06de la pensée.
07:07Et je pense qu'on s'est
07:08un peu égaré sur le chemin.
07:09Allez, moi je me casse.
07:10Ciao.
Commentaires
1
  • Cinemascope
    Créateur
    il y a 5 mois
    Vous en pensez quoi l’équipe ? 🤓
Ajoute ton commentaire

Recommandations