00:00C'est donc l'incendie du siècle qui sévit dans l'eau depuis deux jours maintenant.
00:04Le bilan humain fait état d'un mort, quatre portées disparues et une vingtaine de blessés.
00:09Le feu sur le terrain a également ravagé 16 000 hectares.
00:122 000 sapeurs-pompiers étaient encore présents sur place hier et ils le seront évidemment ce matin.
00:17Et on va faire le point sur la situation avec l'un d'entre eux.
00:19Bonjour Capitaine Rougeau, merci d'être avec nous.
00:21Vous êtes porte-parole de la Fédération Nationale des Sapeurs-Pompiers de France.
00:24On a fait un bilan dans le journal sur ce feu.
00:27J'aimerais avoir votre analyse.
00:28On dit que le feu progresse moins vite.
00:30Ça c'est une bonne nouvelle ? Ça veut dire qu'il est bientôt maîtrisé ?
00:34Alors effectivement la nuit de lutte a été intense et les conditions météo sont depuis hier soir un petit peu plus favorables.
00:40Alors je reste prudent là-dessus puisque je ne suis pas non plus sur place.
00:43Mais les brises maritimes qui vont être apportées aujourd'hui vont donner de l'humidité, faciliter la lutte.
00:49Et le feu n'est pas encore fixé.
00:52Il est encore très actif.
00:53Le colonel Christophe Manier, directeur départemental local, parlait encore de 16 000 hectares de lisière active et d'une lutte qui va reprendre de manière forte avec les moyens aériens et terrestres dans la matinée.
01:06Son objectif c'est, si la situation le permet, de fixer le feu dans la journée, ce qui n'est pas encore le cas.
01:12Mais ça veut dire qu'on en a encore quand même pour plusieurs jours avant que le feu soit complètement éteint.
01:16Tout à fait. En fait, un feu, il est traité généralement en trois phases.
01:20Le premier objectif c'est de le fixer, c'est-à-dire de le contenir dans une enveloppe dans laquelle il ne va plus évoluer.
01:26Par la suite, on passera feu maîtrisé, ce qui est encore très très loin d'être le cas,
01:29lorsqu'on arrive à baisser durablement l'intensité du sinistre et qu'on a vraiment pris le dessus avec les moyens de lutte.
01:35Et en dernière phase, on passera feu éteint lorsqu'on estime qu'on a pu faire toutes les opérations de noyage, de surveillance.
01:42Opérations qui vont être très longues, très fastidieuses, puisqu'on parlait de la superficie de la ville de Paris.
01:4790 kilomètres de lisière, ça veut dire 90 kilomètres qui vont devoir être traités au sol par des sapeurs-pompiers
01:51pour noyer en profondeur et éviter qu'il y ait un risque de reprise de braise.
01:56Donc ça va être encore très très long.
01:57J'évoquais le bilan avec un décès déjà.
01:59Il s'agit, selon le maire du village concerné, d'une dame qui n'a pas voulu quitter sa maison,
02:05alors que les gendarmes, pourtant, lui avaient demandé de le faire.
02:08Est-ce que vous avez déjà été confronté à ce genre de situation ?
02:12Comment pouvez-vous réagir, comment devez-vous réagir quand une personne ne veut pas quitter son domicile
02:16alors que le danger est là, aux portes de la maison ?
02:19C'est des situations très compliquées, très fortes.
02:23Je pense à... Je m'associe déjà à la peine de la famille de ces victimes,
02:26aux collègues sapeurs-pompiers, aux élus locaux aussi, aux gendarmes qui sont confrontés,
02:31alors qu'ils sont dans l'urgence, déjà dans une forme de stress, à ce type de comportement.
02:37Alors je ne sais pas exactement pour ce cas précis dans quelles circonstances ça s'est passé,
02:41mais en tout cas, c'est très dur émotionnellement aussi pour les forces de sécurité
02:45d'avoir forcément un contre-coeur à ordonner aux gens de quitter leur domicile.
02:49Sauf qu'aujourd'hui, les habitations ne sont pas toutes défendables,
02:54on n'a pas les moyens actuellement,
02:57et je pense qu'on ne les aura jamais face à de tels sinistres qui sont gigantesques.
03:01Et ça, parfois, des gens ne le comprennent pas ?
03:02Ben non, on ne peut pas mettre un camion derrière chaque maison.
03:05Et parfois, pour préserver la vie humaine, parce que c'est bien notre priorité,
03:08préserver la vie humaine avant tout, on est obligé d'évacuer,
03:11même si le confinement, quand il se peut, reste la règle,
03:14on est obligé de dire aux gens de partir, et c'est dur,
03:17parce que parfois ils comprennent, parfois ils ne comprennent pas.
03:20À un moment donné, il y a aussi les forces de l'ordre qui ont un rôle à jouer dans cette mission.
03:23Pardonnez-moi, capitaine, c'est vrai qu'il y a deux choses.
03:25Au départ, on dit de confiner, de rester chez soi, et ensuite on dit de partir.
03:29Ça peut être parfois aussi mal compris.
03:31Comment fait la différence entre ces deux situations, finalement ?
03:34Alors, c'est effectivement compliqué à comprendre,
03:36notamment en situation d'urgence pour la population.
03:38Ce qu'il faut savoir, c'est que la doctrine principale, c'est le confinement.
03:42Le confinement, ça veut dire que dans son habitation en dur,
03:45si elle est correctement débroussaillée,
03:47si on a correctement fermé les portes, les volets et qu'on s'est mis en sécurité,
03:52les sapeurs-pompiers vont pouvoir estimer, protéger certains quartiers, certains secteurs.
03:56Et le confinement permet d'éviter aux gens de prendre des risques
03:59en étant dans leur voiture exposée sur le réseau routier,
04:02d'engorger aussi les réseaux routiers, permettant pas aux renforts d'accéder.
04:07Et donc on ne part de chez soi que quand vous nous en donnez l'ordre.
04:10– Néanmoins, quand vraiment la situation se dégrade et qu'on n'est pas capable de défendre,
04:13au cas par cas, le commandant des opérations de secours
04:16va discuter avec le directeur des opérations de secours,
04:19l'autorité de police, le maire ou le préfet,
04:21et ils vont décider d'évacuer tel ou tel secteur.
04:26Parce que tout simplement, il faut assurer en priorité la préservation de la vie humaine
04:29et qu'on n'est pas forcément capable de tout défendre.
04:31– Avez-vous plus de précisions sur la situation des 4 personnes encore portées disparues ?
04:36– Non, j'en ai pas plus, il faudra laisser là les autorités locales,
04:39le préfet de l'Aude et le commandant des opérations de secours s'exprimer sur le sujet.
04:42– On ne connaît pas non plus l'origine encore de l'incendie,
04:46l'enquête là aussi est en cours,
04:48mais on sait que 90% des incendies sont d'origine humaine,
04:51le reste c'est la foudre.
04:52Est-ce qu'il y a un travail de pédagogie qui n'est pas suffisant
04:56ou qui n'est pas suffisamment bien intégré par les citoyens ?
04:59Et comment travaillez-vous pour ça ?
05:00– Il y a un vrai travail de pédagogie,
05:02par les pouvoirs publics, les sapeurs-pompiers, mais pas que.
05:05Il y a aussi cette culture du risque.
05:07Cette culture du risque, elle est souvent bien présente
05:09à la suite d'années marquantes, 2022.
05:11On a vu qu'il y a beaucoup d'efforts de fait,
05:13la météo des forêts, des actions de prévention, d'éducation à tout âge.
05:18Si on se retrouve à quelques années sans sinistre,
05:20on risque de perdre un petit peu cette culture du risque
05:22qui est importante à maintenir.
05:24Aujourd'hui, le citoyen est le premier acteur de sa sécurité.
05:26Il faut se tenir prêt, il faut…
05:28On parlait tout à l'heure de l'information,
05:29la capacité à recevoir l'information,
05:32c'est aussi être abonné au compte institutionnel,
05:34au compte sur les réseaux sociaux de sa mairie, de sa préfecture,
05:37pour être touché rapidement par l'information.
05:39Il y a des dispositifs nationaux comme FR Alert qui existent aussi.
05:44L'éducation, c'est à la fois être en capacité de recevoir ses messages,
05:48être en capacité d'avoir les bonnes attitudes,
05:50les barbecues, les mégots.
05:52Aujourd'hui, c'est des choses qui sont très, très difficiles à entendre.
05:54Pour nous, que ça puisse arriver, parce qu'on se retrouve avec des sinistres gigantesques,
05:57des vies humaines touchées, exposées, à cause de comportements parfois à risque.
06:02Alors, 9 feux sur 10 d'origine humaine, ça ne veut pas dire qu'à chaque fois, c'est malveillant.
06:05Il y a beaucoup d'origine accidentelle.
06:06Ce n'est pas toujours exprès, mais ça peut être une maléducation, entre guillemets,
06:10une prévention qu'on n'a pas suffisamment en tête.
06:13Cette prévention, on l'a pensé beaucoup dans le sud de la France pendant très longtemps.
06:17Maintenant, on sait qu'avec le réchauffement climatique,
06:19il y a ce risque d'incendie gigantesque qui pourrait se propager aussi au nord du pays.
06:23Ça veut dire que ces communes du nord du pays doivent maintenant avoir en tête
06:26des réflexes qu'on avait jusque-là que dans le sud ?
06:29Complètement.
06:30Complètement.
06:30Le réchauffement climatique, alors sur un pas de temps relativement long quand même,
06:35fait que l'occurrence de survenance des incendies de forêt va être de plus en plus élevée
06:41puisque plus de canicules égale plus de jours à risque, mais aussi plus de zones à risque
06:44avec des feux qui vont progressivement dans les années à venir remonter vers le nord de la France.
06:49Les départements s'y préparent.
06:50En tout cas, nous, sapeurs-pompiers, on s'y prépare avec des moyens,
06:53des formations feu de forêt qui sont mises en oeuvre dans des départements
06:56qui jusque-là n'étaient pas identifiés comme soumis à ce risque.
06:58L'acquisition de moyens aussi soutenus par l'État post-2022.
07:02Et qui restent insuffisants pour l'instant, non ?
07:04On entendait hier le Premier ministre dire que quasiment tous les moyens nationaux étaient là dans l'Aude
07:09et que s'il y avait besoin, il y aurait l'Europe.
07:11Mais on sent que là, le défi, il est quand même énorme.
07:14Le défi, il est énorme.
07:16Un feu comme celui-ci, je ne pense pas qu'on puisse un jour avoir assez de moyens
07:20pour réussir complètement à le canaliser.
07:22On est face aux éléments, on est face à la nature.
07:24Il y a une augmentation des moyens.
07:27Aujourd'hui, la France dispose de 51 colonnes de renforts nationaux
07:31dans toutes les zones de défense.
07:33Il y en a environ la moitié qui ont été engagées sur ce feu-là.
07:35Il faut aussi arriver à durer, à relever les personnels sur place.
07:39C'est d'ailleurs ce qui va se mettre en place sur le terrain dans les prochaines heures.
07:43Et puis, comme vous le disiez, l'éducation des citoyens
07:46qui doit aussi remonter jusqu'au nord de la France pour se préparer.
07:48Et puis, les moyens humains, c'est aussi des volontaires.
07:51Et en tirant un coup de chapeau, il n'y a pas que des pompiers professionnels,
07:53il y a aussi beaucoup de volontaires en plus de leur boulot.
07:55On les salue ce matin.
07:56Merci, capitaine.
07:57Capitaine Marc-Antoine Rougeau, vous êtes porte-parole de la Fédération nationale
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