Les projets à impact se multiplient, mais comment distinguer les initiatives durables des coups de com’ ? Entre exigences de rentabilité et promesses de transformation, investisseurs et collectivités cherchent la bonne équation.
00:00C'est le débat de ce Smart Impact, on parle du financement des projets, des start-up à impact avec Julie Lamy, bonjour.
00:12Bonjour.
00:12Bienvenue, vous êtes responsable régionale du pôle financement à la CCIPRI Île-de-France et Christophe Servazel, bonjour.
00:19Bonjour.
00:19Bienvenue à vous, cofondateur de l'atelier Cologne et Business Angel.
00:24Et on va donc parler ensemble de ces start-up à impact.
00:29Déjà, est-ce qu'on peut définir de quoi on parle ? C'est quoi pour vous une start-up à impact ?
00:34Une start-up à impact, pour moi, c'est une start-up qui a besoin de la rentabilité économique, mais qui a aussi le côté transformation sociale et environnementale.
00:43Et ça, c'est le critère sur lequel vous voulez sélectionner en quelque sorte ?
00:47Exactement, tout à fait. Il faut qu'il y ait cette volonté, dès le départ en fait, il faut que ce soit intentionnel de la part de la start-up,
00:52de vouloir transformer ce côté sociétal, environnemental, en fonction de là où ils veulent aller.
00:57Est-ce que toutes les start-up sont à impact aujourd'hui ?
00:59Ah non, pas du tout.
01:01Non, non, non, non.
01:02Ce sont vraiment des chefs d'entreprise qui ont envie, dans mon domaine, plutôt de lancer des produits,
01:10que ce soit de la beauté, de la mode ou autre, qui sont vraiment responsables d'un point de vue écologique et social.
01:16C'est vrai, mais pour moi, c'est d'abord d'un point de vue écologique, dans leurs procédés de fabrication,
01:20les matières qu'ils cherchent, la recyclabilité, etc.
01:24Quels sont pour vous les principaux critères que vous avez en tête quand vous sélectionnez un projet ?
01:30C'est essentiellement les chefs d'entreprise.
01:32L'humain ?
01:32L'humain, oui.
01:33C'est d'abord l'humain.
01:34J'aime bien les duos, hommes-femmes, hommes ou femmes-femmes, mais j'aime bien les duos.
01:38Pourquoi ?
01:39Parce que je trouve que ça donne plus à la fois de plaisir et de sécurité, les deux.
01:49Ça marche mieux, généralement.
01:50Quand vous vous retrouvez face à un projet de start-up à impact, ce que je trouve intéressant, c'est de savoir si l'engagement, le sens,
02:01la capacité de transformation de notre société prime sur la rentabilité.
02:06Alors, la rentabilité est toujours là.
02:08Il ne faut pas l'oublier dans les projets impact.
02:10Si c'est pour qu'elle ferme au bout de six mois, ça ne sert à rien.
02:12Mais il s'avère que, généralement, ils ont ce côté impact, mais ils ont aussi cette notion de rentabilité, de ROI, et donc de vouloir faire des modèles durables, performants.
02:22Donc, ça peut être parfois un peu plus long en termes de déploiement sur ces activités, mais pour autant, il y a toujours ces mêmes notions qui sont regardées.
02:29Mais c'est plutôt le côté dans la durée, qui permet de différencier un financement impact à un financement plus classique.
02:37Est-ce qu'il y a une sorte de valeur ajoutée de l'impact ?
02:41Oui, en fait, disons qu'ils sont vraiment dans l'avantage, en fait, c'est le côté social et environnemental.
02:47Donc, du coup, il y a forcément une valeur ajoutée.
02:49Il y a cette notion de résilience aussi économique qu'on retrouve souvent dans des financements impact,
02:54où là, c'est intéressant, en fait, c'est le côté inclusion sociale également, avec le côté, voilà, c'est plus inclusif, c'est plus, voilà, c'est les transformations,
03:03les nouvelles transformations sur ces financements.
03:06Est-ce que, alors, il y a l'humain, vous nous l'avez dit, mais est-ce qu'il y a des outils d'analyse, des grilles de lecture qui permettent de se dire,
03:12tiens, tel projet, tel binôme arrive avec son idée, mais finalement, j'applique une sorte de grille de lecture en me disant,
03:20OK, là, il y a de l'impact, là, il y a de l'efficacité, là, il y a de la rentabilité potentielle, il y a un marché, etc., etc.
03:26Alors, oui, bien sûr, j'analyse aussi la marque, les produits, le procès de fabrication, le rapport entre le coût de revient et le prix de vente,
03:34la stratégie de distribution, où il y a tout un aspect, on va dire, d'analyse du business qui se fait, et je décide bien évidemment aussi sur cette base-là.
03:44Oui, mais qui s'applique à l'impact, vous voyez ce que je veux dire ? Parce que là, ce que vous nous avez décrit, c'est plutôt du business, enfin, voilà, ou du produit.
03:54Est-ce que sur une matière qui est peut-être un peu plus volatile, qui est celle de l'engagement, de la capacité de transformer une société, enfin, notre société ou pas,
04:03est-ce que vous avez une grille de lecture ou pas ?
04:05Oui, quand on analyse les produits, donc je prends l'exemple d'une marque, on peut citer les marques, qui s'appelle What Matters,
04:10qui fait des produits super pour la maison, que ce soit l'entretien, mais aussi la salle de bain, les parfums intérieurs.
04:18Donc, c'est des flacons en verre renforcés, incassables, et qui sont rechargeables.
04:22Donc, j'ai décidé d'aller ça dans cette entreprise, parce que je trouve que c'est un super moyen d'équiper sa maison avec des flacons qui restent très longtemps,
04:30qui ne se cassent pas, donc on peut les garder tout le temps, et après, on achète des recharges,
04:33donc c'est beaucoup mieux que d'aller à chaque fois racheter un flacon en plastique, etc., etc.
04:38Donc, ça, c'est une grille d'analyse, le type de produit, le procédé de fabrication, les matériaux utilisés,
04:44c'est vraiment le premier axe d'analyse qu'on va avoir sur une marque à impact.
04:48Est-ce que, Julie Lamy, vous avez, à l'inverse, des outils pour détecter le greenwashing ou le social washing ?
04:55Alors, effectivement, on essaye vraiment de détecter, et c'est là où on pousse, en fait, c'est l'accompagnement qu'on propose, en fait, à l'entreprise,
05:00c'est vraiment de faire ce diagnostic et de détecter si, effectivement, on est sur ces notions ou pas.
05:05Donc, du coup, voilà, ça, c'est une analyse qui se fait plutôt quand on rencontre le porteur de projet, le dirigeant,
05:11et c'est à ce moment-là qu'on voit si, effectivement, c'est juste pour dire j'ai envie de faire de l'impact
05:15parce qu'aujourd'hui, effectivement, il y a des financements qui sont adaptés, appropriés,
05:19ou si vraiment c'est un vrai projet, et là, on revient sur ce qu'on disait tout à l'heure,
05:23c'est l'humain qui est au cœur, en fait, du projet, et on sent assez vite cette notion, en fait,
05:28si, effectivement, il est impliqué et s'il a envie d'aller dans cette démarche.
05:33Est-ce qu'il y a, vous vous occupez, vous êtes sur la région Île-de-France,
05:36est-ce qu'il y a une dynamique locale, c'est-à-dire un écosystème qui permet de pousser,
05:43je sais qu'il existe, mais comment il fonctionne, ces start-up à impact ?
05:47Alors, effectivement, aujourd'hui, il y a un vrai écosystème qui existe,
05:49un écosystème qui est devenu mature, donc il y a des incubateurs spécialisés
05:54dans l'accompagnement des projets à impact, il y a des dispositifs de financement
05:58qui sont adaptés aussi pour ces projets.
06:00La région Île-de-France, typiquement, a aujourd'hui intégré cette notion d'impact
06:04dans ce qu'ils appellent d'ailleurs l'impact 2028, leur stratégie de développement,
06:08et là, il y a des dispositifs où il y a des possibilités de bonification sur ces aides,
06:12il y a des fonds d'investissement qui ont été dédiés,
06:15donc il y a un fonds d'investissement qui s'appelle Inves,
06:18qui est vraiment dédié à ces start-up, avec des tickets,
06:22enfin, c'est de l'amorçage et du développement.
06:25Voilà, donc tout cet écosystème, en fait, a créé des dispositifs
06:28adaptés aux entreprises qui souhaitent développer ces financements.
06:32Votre rôle dans l'accompagnement des entreprises dans lesquelles vous avez décidé d'investir,
06:37c'est de les aider à s'y retrouver dans ce maquis des aides, des soutiens, des régions, des départements ?
06:45Alors, la première aide, elle est financière, c'est-à-dire que moi,
06:47ils viennent me voir pour que j'investisse concrètement, voilà, entre 10 et 100 000 euros.
06:52Et on est plusieurs business angels, et il y a de la même manière des clubs de business angels impact,
06:57donc j'en cite un, il y en a plusieurs qui s'appellent Impact Business Angels, IBA, voilà.
07:02Le deuxième rôle, c'est de les aider d'un point de vue global, en fonction de nos compétences,
07:07donc on est souvent dans un projet, plusieurs business angels,
07:10qui avons plusieurs expériences à leur apporter,
07:13et donc on les aide dans le financement, mais ou dans la stratégie de distribution,
07:16dans la protection de la marque, enfin, tous les domaines dans lesquels ils vont devoir œuvrer.
07:21C'est du mentorat, en quelque sorte ?
07:22Oui, oui, oui, on peut, oui, oui, après, voilà, le mot, c'est un peu un gros mot, mais...
07:26Ah non, moi, c'est bien, ce mot-là.
07:28D'accord, d'accord, mais pour moi, c'est plutôt...
07:30Enfin, moi, je me considère toujours entrepreneur, même si je suis, aujourd'hui, business angels,
07:34j'ai plus d'entreprise à moi, opérationnelle,
07:36mais c'est des entrepreneurs qui parlent avec d'autres entrepreneurs, quoi, tout simplement.
07:39Et sur la dimension homme-femme, tiens, j'ai bien envie d'aller vous chercher là-dessus.
07:44Est-ce qu'il y a plus de femmes qui portent des projets à impact ?
07:46Non, pas forcément, en fait, après, ça dépend des domaines, des secteurs d'activité,
07:50mais globalement, c'est assez bien réparti, en fait, entre hommes-femmes,
07:53et comme, voilà, c'est vrai que souvent, il y a des duos aussi, donc, du coup, ça équilibre,
07:57mais voilà, donc après, peut-être plus dans le social,
08:00mais après, ça va vraiment dépendre du secteur sur lequel on regarde les chiffres.
08:03Alors, je viens vous chercher là-dessus parce qu'il y a quand même plus de difficultés
08:08pour les femmes entrepreneuses à lever les fonds.
08:11Exactement.
08:11Vous n'ignorez forcément pas cette statistique.
08:14Comment vous luttez contre ce biais ?
08:16L'idée, c'est vraiment, encore une fois, sur l'accompagnement, en fait,
08:18parce que c'est un accompagnement spécifique où il faut les rassurer,
08:21ce côté leadership, ambition.
08:23Effectivement, une femme a plus de difficultés à se projeter et plus à viser la sécurité, en fait.
08:29Elles ont moins l'ambition, en fait.
08:30Donc, c'est vraiment ce travail-là qui est fait pour accompagner les femmes, en fait,
08:33de travailler le leadership et l'ambition.
08:35Alors, il y a effectivement les femmes elles-mêmes, mais il y a aussi un biais des investisseurs.
08:40Effectivement, aussi.
08:41Alors, après, il y a des fonds qui ont été créés dernièrement sur ce volet-là
08:45pour justement les accompagner.
08:46Il y a aussi des femmes business angels qui sont là pour porter, en fait,
08:49et aider, accompagner ces femmes à aller chercher plus de fonds, à se développer.
08:54Mais oui, c'est vrai que c'est…
08:55Est-ce que vous l'avez ressenti, ça, parfois ?
08:57C'est-à-dire, voir, par exemple, un binau, vous dites, je préfère les duos,
09:01un duo de femmes qui va avoir plus de mal à lever les fonds qu'un duo d'hommes.
09:05Alors, moi, j'ai du mal à vous répondre là-dessus,
09:07parce que je ne vous l'ai pas dit forcément en présentation,
09:09mais j'ai 90% de femmes dans mes chefs d'entreprise, moi.
09:12Que ce qu'elles soient en duo ou à deux ou toutes seules.
09:14Mais ça a été aussi un choix, parce que je trouve qu'elles sont souvent plus bosseuses.
09:18Et voilà, c'est mon opinion.
09:23Et donc, est-ce qu'elles ont plus de mal ?
09:25J'imagine, mais moi, j'essaye…
09:29Je crois que, d'ailleurs, quand je dis 90%, c'est peut-être même 95%.
09:32J'ai en tête qu'un projet, c'est symbiose des boissons ou c'est deux garçons.
09:36Mais sinon, j'ai toujours des femmes.
09:38Et vous n'avez pas ressenti, quand vous les accompagnez, pour essayer de lever des fonds,
09:43ou convaincre d'autres investisseurs ?
09:44Bien sûr, mais c'est important que c'est autre chose.
09:46C'est que j'ai aussi aidé un club de femmes, Business Angels,
09:49qui est de la Barcelone francophone, qui s'appelle Hervest.
09:51Elles sont 20, l'idée, c'est d'être 100 après 200,
09:54parce qu'on se rend compte qu'il y a aussi une difficulté pour les femmes à être Business Angels.
09:59Et je pense qu'en fait, on pourrait prendre le sujet par là.
10:02Si on crée de plus en plus de clubs dans lesquels il y a des femmes Business Angels,
10:07ça va faciliter le financement des entrepreneuses.
10:10Vous voyez ce que je veux dire ?
10:11On a porté un projet, un accompagnement spécifique aux femmes.
10:16On a développé Boost Féminin,
10:18et qui est vraiment fait pour accompagner les femmes,
10:21les mettre ensemble et les faire travailler ensemble,
10:24vu que ce n'est pas tout à fait les mêmes accompagnements.
10:26Donc ça, on commence aussi à développer ce genre d'action,
10:30où on peut les aider et les accompagner.
10:33Dernière question, il nous reste une minute.
10:34Quand un projet que vous accompagnez n'atteint pas forcément ses objectifs d'impact,
10:39qu'est-ce qui se passe ? Comment vous réagissez ?
10:42Pour l'instant, ça ne s'est pas passé pour moi,
10:44parce que ça a vraiment été le point de départ,
10:47la raison pour laquelle j'ai investi.
10:49Et je n'ai pas eu de greenwashing, de choses comme ça.
10:53C'est vraiment très important pour ces entrepreneurs-là,
10:56aujourd'hui, de ne pas dévier de ça.
10:59C'est la première raison pour laquelle ils entreprennent.
11:01On peut avoir l'autre problème qui est qu'ils font de l'impact,
11:04mais ils n'arrivent pas à la rentabilité.
11:06Celui-là, on peut l'avoir souvent.
11:08C'est plutôt ce cas de figure.
11:09Mais le cas de figure où ils dévient de leur objet de départ,
11:12qu'il y ait de l'impact, moi je ne l'ai pas eu en tout cas.
11:14Merci beaucoup, merci à tous les deux.
11:16C'était passionnant.
11:17Je vous dis à bientôt sur Bsmart4Chain.
11:19J'en passe tout de suite à notre rubrique consacrée aux startups.