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  • il y a 6 mois
Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, était l'invité de BFMTV-RMC ce mercredi.

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00:00Il est 8h32 et vous êtes bien sur RMC et BFM TV. Bonjour Bruno Tertré.
00:04Bonjour.
00:05Merci d'être dans ce studio ce matin pour répondre à mes questions.
00:07Vous êtes le directeur adjoint de la Fondation pour la Recherche Stratégique.
00:12Votre dernier livre, c'est « La question israélienne », c'est aux éditions de l'Observatoire.
00:16La question israélienne au cœur évidemment de cette sixième nuit, sixième nuit de guerre,
00:22avec des questions qui se posent à nouveau, le bilan, les positions, les forces en présence,
00:28Iran, Israël, mais aussi la question des États-Unis et même la question de l'Europe et de la France.
00:34Sixième jour d'abord, où est-ce qu'on en est au moment où on se parle ?
00:38On suit, j'allais dire minute après minute, mais ce que l'on voudrait aussi ce matin,
00:42c'est prendre avec vous 20 minutes pour précisément comprendre au bout de six jours où est-ce qu'on en est.
00:49Dans quel état sont les forces en présence ?
00:52La première chose qu'il faut rappeler, c'est que Benhamin Netanyahou,
00:55Cette campagne durerait longtemps et je suis absolument persuadé qu'elle durera encore des jours et des nuits
01:03et peut-être même des semaines.
01:05Évidemment, il y a le paramètre américain, on va en parler, qui est très important.
01:09Si l'Amérique rentre dans la danse, ça change tout quelque part.
01:12Mais je crois que les Israéliens sont décidés à faire autant de mal que possible au régime iranien.
01:18La question, pour moi, c'est quel est l'objectif israélien au-delà du programme nucléaire,
01:22dont on a bien compris qu'il voulait le réduire, non pas à néant, mais au maximum.
01:26Quel est l'objectif politique poursuivi par les Israéliens ?
01:29Et ça n'apparaît pas clairement.
01:30On a bien compris qu'ils voulaient à minima affaiblir le régime,
01:33mais veulent-ils et peuvent-ils aller jusqu'à procéder à une sorte de changement de régime par la force ?
01:42Ça n'est pas clair et j'allais dire que c'est quand même une zone d'ombre de la stratégie israélienne.
01:45On dirait que Jérusalem souhaite encourager les Iraniens à se révolter contre le régime,
01:51mais pour l'instant, je n'en vois pas véritablement les signes.
01:54Est-ce qu'effectivement, c'est l'objectif secondaire ?
01:58Est-ce que c'est l'objectif caché ?
02:00Pourquoi d'ailleurs, dans ces cas-là, ne pas l'affirmer ?
02:03Alors, c'est l'objectif secondaire probablement, mais ça n'est pas vraiment un objectif caché.
02:07La tonalité, le contenu, même parfois, de ce que disent les autorités israéliennes,
02:11laissent clairement entendre qu'ils veulent aller au-delà du simple programme nucléaire.
02:17Ça, c'est très clair pour eux.
02:18Avant de passer à la question, effectivement, du bilan des missiles qui ont pu être envoyés cette nuit,
02:23l'Iran d'ailleurs qui affirme avoir envoyé des missiles supersoniques, les ont-ils ou non ?
02:30Puisque vous évoquez la question du régime, il y a eu quand même cette phrase prononcée par Donald Trump hier
02:37qui dit que les États-Unis savent exactement où se cache le soi-disant guide suprême iranien,
02:44l'Ayatollah Khamenei.
02:46Il explique également qu'il ne compte pas, je cite, l'éliminer, le tuer, point d'exclamation,
02:53c'est-à-dire vraiment très clairement, du moins pour le moment.
02:56Ça veut dire quoi, ça ?
02:57Écoutez, ça c'est tout simplement de la guerre psychologique à la Donald Trump.
03:00Je ne sais pas si les Américains savent exactement à tout moment où se trouve le guide de la Révolution.
03:06Ce qui est clair, c'est que le message que Donald Trump veut envoyer, c'est aussi
03:10« on peut le faire, mais on ne veut pas le faire ».
03:12Autrement dit, nous ne sommes pas, nous États-Unis, aujourd'hui, embarqués, engagés
03:16dans une opération de changement de régime à la bouche en 2003, si vous voulez.
03:20Mais on sent très bien, à travers ce type de message, les hésitations, les ambivalences
03:24même de Donald Trump, qui quelque part dit « mais attendez, moi je ne suis pas pour
03:27les grandes interventions militaires, je n'ai pas été élu pour commencer des guerres,
03:31surtout au Moyen-Orient, contrairement à mes prédécesseurs », et qui en même
03:34temps voit quelque part une certaine forme de jalousie vis-à-vis de Benjamin Netanyahou,
03:39où il voit que Netanyahou est en train de réussir sur le plan technique une opération
03:44extrêmement complexe et importante, et si ça va jusqu'à la quasi-élimination,
03:49je dis bien quasi, du programme nucléaire et à l'affaiblissement des régimes,
03:52quelque part, Donald Trump voudrait peut-être lui aussi avoir une part de ce succès militaire,
03:59si c'en est un.
04:00Alors précisément, au sixième jour de la guerre, est-ce qu'on peut parler d'un succès israélien ?
04:05Ce qui est certain, c'est que jamais, jusqu'à présent, le régime de la République
04:11islamique d'Iran n'a eu autant de pertes militaires et matérielles et nucléaires
04:17que depuis la Révolution, ça c'est clair.
04:20Il n'a pas été aussi affaibli depuis extrêmement longtemps, il était déjà assez faible,
04:25à la fois sur le plan militaire et économique, et en même temps, c'est un régime qui politiquement
04:29tient.
04:30Il ne faut jamais sous-estimer la résilience des régimes autoritaires, surtout ceux
04:33qui durent quand même plus de 50 ans.
04:36Donc il est affaibli, mais jusqu'à preuve du contraire, il est encore debout.
04:39Les affirmations d'un côté ou de l'autre à la fin de cette nuit, du côté iranien,
04:44ce sont les gardiens de la Révolution qui font savoir que l'Iran aurait, je cite,
04:49tiré des missiles hypersoniques vers Israël.
04:53Est-ce que ces missiles hypersoniques existent et est-ce qu'ils ont été tirés ?
04:57Écoutez, je pense qu'ils existent, et ils existent très probablement, ils ont peut-être
05:02été tirés.
05:03Je ne sais pas, je n'étais pas là, je n'ai pas vu les bulletins de renseignement,
05:05mais le plus important, c'est que ça ne change pas la donne fondamentalement du
05:09point de vue israélien.
05:10C'est quoi la différence entre un missile hypersonique et un missile tout court ?
05:13Un missile balistique ?
05:14Un missile balistique, de toute façon, il est hypersonique à la fin.
05:18Donc en réalité, quand il est hypersonique, c'est presque pour montrer les muscles,
05:21mais ça ne change pas grand-chose.
05:23Oui, c'est vrai, sauf si ce sont des missiles qui sont capables de changer de trajectoire
05:26à la fin, mais ça, les Iraniens, a priori, n'en ont pas.
05:30Du côté israélien, l'armée israélienne affirme avoir frappé en Iran un site
05:34de production de centrifugeuses et plusieurs installations de fabrication d'armes
05:38dans la région de Téhéran, élément clé, disent-ils, des programmes d'armes nucléaires
05:42et des missiles iraniens.
05:44Il y aurait plus de 50 avions de combat de l'armée israélienne qui auraient donc
05:49ciblé une installation de production de centrifugeuses utilisée pour enrichir
05:53l'uranium au-delà des niveaux civils, des sites de fabrication de pièces pour missiles
05:57sol-sol qui auraient été tirés sur, qui auraient été, s'ils n'avaient pas été
06:02détruits, tirés sur Israël, ainsi qu'une installation pour les composants de missiles
06:06sol-air utilisés pour cibler les avions.
06:10Est-ce qu'effectivement tout cela est vérifiable et est-ce que ce bulletin de la nuit est fiable ?
06:17Écoutez, en général, ce type d'information est vérifiable assez vite aujourd'hui, même
06:22j'allais dire par des gens comme vous et moi.
06:24Pourquoi ? Parce qu'il est devenu extrêmement facile aujourd'hui de commander des images
06:27satellitaires, de les analyser avec des outils tout à fait perfectionnés et accessibles
06:32presque au grand public, au moins aux spécialistes et aux journalistes.
06:36Donc on peut avoir une idée, ce qui n'aurait pas été le cas il y a seulement 30 ans, on
06:40peut avoir une idée de la fiabilité de ce type de déclaration.
06:44On peut voir si telle ou telle installation a été endommagée et à quel niveau.
06:49En surface, en tout cas, on ne sait pas tout, mais on peut en tout cas avoir une idée
06:55assez claire au bout de quelques jours, au moins de quelques heures, de la réalité
06:59de ce type d'annonce.
07:01L'Israël qui affirme donc que les capacités d'enrichissement et les sites nucléaires
07:08iraniens commencent à être largement endommagés.
07:11Mais il précise que les bombardements ne cesseront pas tant que le site de fardeau ne sera pas
07:16détruit.
07:17Le site de fardeau, est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus ? C'est ce site
07:21qui est donc enterré à 80 mètres sous terre ?
07:24Ah non, c'est probablement beaucoup plus que 80 mètres.
07:26Plus que cela ?
07:26Mais en fait, ce qui s'est passé, c'est que dans les années 2000, les Iraniens,
07:31pour se protéger d'une éventuelle attaque américaine ou israélienne, ont construit
07:36en secret, alors que normalement ça se déclare auprès de l'Agence internationale
07:40de l'énergie atomique, une installation d'enrichissement de l'uranium sous la montagne,
07:45très profondément enterrée, et que cette installation, elle ne peut pas être détruite,
07:51en tout cas depuis les airs, par l'aviation israélienne.
07:54Je ne suis même pas certain que les Américains, s'ils entraient dans la danse, auraient la
07:59capacité, avec leur fameuse bombe pénétrante, de faire beaucoup de mal à cette installation.
08:03Donc c'est pas le cœur du programme nucléaire iranien, mais c'est une installation clé.
08:07Et Israël ne pourra pas dire, j'ai vraiment causé des dommages irréparables, reculant
08:13le programme nucléaire iranien de plusieurs années, s'ils ne font pas du mal à cette
08:18installation.
08:19Tout ce qui se joue aujourd'hui, c'est aussi sur ce que vous avez dit au tout début
08:24de votre réponse sur Fordo, la question de « en secret ». C'est-à-dire que l'Iran,
08:29depuis des années, officiellement négocie, officiellement ouvre ses installations à
08:35l'agence atomique, qui dépend de l'ONU, pour dire « regardez, nous n'enrichissons
08:39que ce qui correspond à du nucléaire civil ». Les États-Unis, désormais par la voix
08:45de Donald Trump, disent qu'ils étaient à quelques jours de la bombe.
08:49C'est évidemment aussi ce que dit Israël.
08:51Qu'en est-il et comment est-ce qu'on peut le vérifier ?
08:53C'est compliqué et c'est difficile à vérifier.
08:55Je vais vous le résumer en deux, trois phrases.
08:57Il y a des gens qui se gossent un petit peu en disant « mais ça fait 30 ans qu'on
09:00nous dit que l'Iran est à deux ans de la bombe ». Il ne faut pas confondre le délai
09:03technique et le délai politique.
09:04Les Iraniens ne sont jamais allés aussi vite qu'ils le pouvaient.
09:08Si vous voulez, ils ont choisi plutôt que la stratégie du lierre, ils ont choisi
09:11la stratégie de la tortue, pour habituer la communauté internationale à justement
09:16leur progrès dans le domaine civil, militaire et puis ce qu'il y a entre les deux
09:21comme l'enrichissement de l'uranium.
09:24La décision de fabriquer une arme nucléaire n'a a priori jamais été prise.
09:31Si cette décision a été prise, la question c'est combien il faudrait de temps au minimum.
09:36Donc il y a deux, trois ans, les Israéliens, dont le renseignement est extrêmement précis
09:40sur l'Iran, disaient qu'il faudrait 18 à 24 mois parce qu'il y a encore tous les
09:45travaux de militarisation à faire. Quelques jours, c'est pour la matière. Un an et
09:49demi, c'est pour l'arme elle-même. La grande question, et elle est absolument centrale
09:54dans les débats actuels, c'est est-ce que les Israéliens ont eu des renseignements
09:59nouveaux qui leur permettraient d'affirmer que le délai nécessaire était en train de
10:04se raccourcir considérablement. Donc voilà, il faut bien parler de deux délais différents,
10:09le délai technique et le délai politique qui peuvent être différents, et le délai de
10:12l'enrichissement de l'uranium et le délai de la fabrication de la bombe.
10:15Bruno Tertré, plusieurs questions cruciales au moment où l'on se parle. D'abord sur
10:20la question de ce que pourrait faire l'Iran, des menaces exprimées par l'Iran, et ensuite
10:25sur la question de l'implication ou non des Etats-Unis. Sur l'Iran, le New York Times
10:29croit savoir que l'Iran menace de miner le détroit d'Hormuz. Ce détroit d'Hormuz, c'est
10:36là que 20% du commerce mondial de pétrole et de gaz liquéfiés passe. L'Iran qui
10:42menacerait également de toucher des bases américaines dans la région.
10:46Alors, d'abord ce type de menace, c'est à chaque fois qu'il y a une crise au Moyen-Orient,
10:50on retrouve ce type de menace. Je ne crois pas beaucoup à la fermeture du détroit d'Hormuz.
10:56Pourquoi ? D'abord parce que ça serait de se tirer pour les Iraniens une gigantesque
11:01balle dans le pied, puisque les Iraniens ont besoin, un besoin critique, d'exporter
11:05leur pétrole via ce détroit. La deuxième chose, c'est si vous voulez être sûr d'impliquer
11:10les États-Unis, il faut fermer le détroit d'Hormuz, parce que là, les États-Unis
11:13le feraient, s'impliqueraient immédiatement. Ils ont d'ailleurs, depuis des décennies
11:17littéralement, se sont d'ailleurs exercés à rouvrir ce détroit, qui est très important
11:24pour toute l'économie mondiale, pas seulement pour l'Iran ou pour l'Arabie saoudite
11:27ou les États-Unis. Ils le feraient sans doute en quelques jours. Dernière chose, on n'est
11:32plus en 1979. Il y a beaucoup de pays de la région qui savent exporter du pétrole sans
11:38passer par le détroit d'Hormuz. Donc ça n'arrêterait pas forcément totalement
11:41le commerce mondial ? Non, pas du tout. Ça aurait un impact sur la disponibilité
11:45et le prix du baril, mais ça ne serait pas un choc majeur du titre de 1979, des chocs
11:52pétroliers qu'on a connus à l'époque. À quoi joue Donald Trump ? Alors Donald Trump,
11:56on ne sait pas à quoi il joue, mais lui-même ne sait pas trop à quoi il joue. Et c'est
11:58très intéressant parce qu'il est extrêmement ambivalent sur ce qu'il est en train de se
12:01passer. Il y a une part de lui-même qui dit, écoutez, moi je n'ai pas été élu
12:05pour commencer des guerres, surtout pas au Moyen-Orient. Et une autre part de lui
12:10qui se dit, mais attends, Benyamin Netanyahou est en train de réussir un coup extraordinaire.
12:15Ce pays, ce régime qui est l'ennemi non seulement d'Israël, mais des États-Unis, qui s'est
12:19déclaré comme tel depuis 1979, c'est peut-être Israël tout seul qui va arriver à faire
12:24ça. Je veux ma part de réussite. Donc il est tiraillé entre ces deux ambitions, celle
12:30d'hommes qui rêveraient du prix Nobel de la paix et qui avaient quand même essayé de
12:33relancer une négociation avec l'Iran sur ce sujet. Et l'envie d'être aussi l'homme
12:40qui participe à cette opération historique. Je ne sais pas de quel côté va tomber la
12:45pièce. Et avec Donald Trump, on ne sait jamais de quel côté ça va tomber.
12:47Ça se joue dans les heures qui viennent.
12:49Absolument, ça se joue dans les heures qui viennent. Sachant que l'Arabie saoudite, par
12:52exemple, qui est un allié des États-Unis, n'a pas tellement envie de voir l'Amérique
12:56rentrer dans le jeu. Pourquoi ? Parce qu'elle se sent vulnérable aux répliques iraniennes.
13:03Il y a des forces américaines en Arabie saoudite. Et donc, j'allais dire, c'est de bonne
13:07guerre, si vous voulez, que l'Iran menace les forces américaines dans la région, notamment
13:10en Arabie saoudite.
13:12Au sein de l'administration Trump, il y a une division sur cette question-là ?
13:15Une division très claire. Et c'est presque cocasse de voir à quel point le camp Maga,
13:20le camp des Trumpistes, s'est réveillé avant-hier ou hier en disant « Mais attendez,
13:26qu'est-ce qui se passe avec Trump ? »
13:27Il est en train de nous entraîner ?
13:28Il est en train de nous entraîner. Il est en train de faire le contraire de ce
13:31pourquoi il a été élu. Vous voyez des gens comme Tucker Carlson, ce commentateur
13:35très célèbre aux États-Unis, très proche de Trump, qui est en train, lui, de tourner
13:40kazakh et de dire « Moi, je ne suis pas le président sur ces questions. » Il y a une division
13:44très profonde au sein de l'administration et au sein, on va dire, de tout le camp
13:47Maga-Trumpiste.
13:49Du côté des Européens, il y a eu à la fois cette déclaration commune au G7, adoptée
13:56à l'unanimité des 7, qui disait qu'il condamnait l'Iran, qui était le seul responsable
14:03à la fois du terrorisme et des menaces, qu'il réaffirmait le droit d'Israël à se défendre,
14:08mais qu'il mettait en garde sur la question des civils. Et puis ensuite, il y a eu l'Allemagne
14:14et la France. Et là-dessus, je voudrais vous entendre un instant. Du côté de l'Allemagne,
14:17le chancelier allemand Friedrich Merz, qui dit « Israël a, je cite, le courage de faire
14:25le sale boulot pour nous tous en attaquant l'Iran, dont le pouvoir a apporté la mort
14:30et la destruction dans le monde. » Soutien très ferme et très assumé d'Israël.
14:37Oui, on a l'habitude de voir l'Allemagne en pointe dans le soutien à Israël, notamment
14:41pour des raisons historiques, évidemment. Mais cette déclaration de Friedrich Merz
14:46est tout de même particulièrement, j'allais dire, claire. C'est vraiment une expression
14:53publique que très peu de dirigeants européens pourraient avoir. Certains pays d'Europe centrale
14:57peut-être, mais là, on est quasiment dans le soutien plein et entier.
15:01Est-ce qu'il dit tout haut ce que d'autres pensent tout bas, quand il dit « Israël a le
15:05courage de faire le sale boulot » ?
15:07Je crois que bien des dirigeants européens pensent exactement la même chose. Mais ça
15:12ne les empêche pas non plus de s'interroger légitimement sur où est-ce qu'on va exactement
15:17et quels sont les risques pour nous. Est-ce qu'il faut vraiment que ce régime s'effondre ? Est-ce
15:21que ça serait une bonne chose pour la région ? Vous savez, il y a quand même des risques
15:25à voir un régime autoritaire s'effondrer brutalement. Si c'était le cas, on n'y
15:29est pas encore une fois, mais par quoi serait-il remplacé ? Mais ce qu'il dit tout haut,
15:33effectivement, je pense que d'autres dirigeants le pensent tout bas.
15:36Emmanuel Macron, lui, tout haut, ne dit pas du tout ça. Il dit au fond deux choses qui
15:41peuvent apparaître contradictoires. Il dit « L'Iran ne doit pas avoir la bombe », ça
15:46il n'en est pas question. Mais il dit « Nous condamnons l'usage de la force ». Est-ce
15:49qu'en effet, par la négociation, l'Iran aurait pu renoncer vraiment totalement ? Est-ce
15:56que les Européens, est-ce que les Occidentaux auraient pu avoir la conviction que l'Iran
16:02renonce à la bombe ? Alors, d'abord, il y a toujours eu une petite
16:05différence d'expression entre la France et l'Allemagne sur ces sujets. Il n'y a
16:08rien d'extraordinaire. Emmanuel Macron dit à la fois « Israël a le droit de se
16:12défendre et il faut que les armes au bourget, les armes offensives israéliennes soient
16:18cachées parce qu'elles peuvent être utilisées à Gaza ». Mais ce, en même temps-là,
16:21il n'est pas totalement incohérent. La France a toujours considéré que le programme
16:27nucléaire militaire iranien, dans sa composante militaire, était une menace non seulement
16:31pour l'Europe, mais aussi pour l'ensemble du régime de non-prolifération nucléaire.
16:37On a négocié pendant dix ans avec l'Iran, entre 2005 et 2015. Il y a eu un accord très
16:42imparfait, mais en 2015, dont Donald Trump s'est retiré. Mais c'était quelque
16:48chose qui n'était pas totalement absurde. Il s'agissait de dire « Nous allons essayer
16:52d'affecter le calcul iranien à long terme ». Il faut qu'avec le lever des sanctions,
16:58en tout cas de certaines sanctions, l'Iran comprenne qu'il vaut mieux être inséré dans
17:02l'économie de la région et du monde plutôt que de continuer son programme nucléaire
17:05militaire. Ça n'a pas marché. Je reste persuadé, moi, que l'Iran n'avait jamais eu l'intention
17:11d'abandonner totalement ses ambitions militaires.
17:14Il n'a jamais vraiment renoncé.
17:15Non, je ne crois pas. Et aujourd'hui, la négociation qui avait lieu et qui aurait
17:24dû se poursuivre, à mon avis, on n'est pas prêts d'y revenir, elle était totalement
17:28vouée à l'échec, à mon sens. Les Iraniens jouaient la même stratégie qu'ils ont jouée
17:32pendant dix ans, gagner du temps.
17:34Bruno Tertré, il y a ce Conseil de défense qui sera présidé par Emmanuel Macron, aujourd'hui
17:39à 16h à l'Elysée. Qu'est-ce qu'on doit en attendre ? Quel peut être, dans ce contexte,
17:46le rôle de la France ?
17:47Alors, le Conseil de défense qui va se tenir, il faut rappeler que c'est déjà le deuxième
17:51qui se tient sur l'Iran. La France est très mobilisée sur cette question. Elle a du très
17:55bon renseignement. Il y a déjà eu un Conseil de défense sur la question, il y a un mois
17:59et demi à peu près. La première responsabilité d'un président de la République et d'un gouvernement,
18:03c'est la protection des Français et des intérêts français dans le monde, y compris, pas seulement
18:08sur le territoire, mais y compris au Moyen-Orient. Donc, j'imagine que ce Conseil de défense, il va
18:12premièrement dire, est-ce qu'il y a des risques pour la France et pour les Français ? La deuxième
18:16chose, c'est, est-ce qu'il y a des scénarios sur lesquels on doit se tenir prêts sur le plan
18:20militaire ? La France l'a déjà dit, par la voix d'Emmanuel Macron, si Israël est attaquée
18:25et nous demande de l'aider, nous le ferons. En 2024, lorsqu'il y avait des pluies de missiles
18:31quasi quotidiennes sur Israël, les avions français ont joué un rôle, la défense antiaérienne
18:36française a joué un rôle en Jordanie, notamment. Donc, c'est aussi une question qui sera abordée
18:41et puis, évidemment, on va scénariser, je pense, l'ensemble des possibles sur la suite
18:46des événements. La France apprend de tous ces conflits, la France observe tous ces conflits
18:51et se dit aussi qu'avoir beaucoup misé surtout sur le nucléaire, est-ce que ça suffit
18:57quand on voit que ce sont des guerres presque, j'allais dire, conventionnelles qui finalement
19:00s'installe ? Oui, mais il n'a jamais été question, que ce soit pour la France, pour
19:03Israël ou pour les Etats-Unis, que le nucléaire nous protège de tout. Ça nous protège des
19:06menaces les plus graves. Même aujourd'hui, Israël, avec des dizaines de missiles balistiques
19:11qui lui tombent dessus tous les jours, ne considère pas que la mise en jeu de sa propre
19:15dissuasion nucléaire a quelques raisons d'être. C'est vraiment en cas de menace existentielle
19:23pour un pays comme Israël ou pour un pays comme la France. Évidemment, nous n'y sommes
19:27pas, et non, il n'y a pas de risque aujourd'hui de guerre nucléaire.
19:29Merci beaucoup Bruno Tertré d'avoir répondu à mes questions ce matin. Je rappelle que
19:33vous êtes le directeur adjoint de la Fondation pour la Recherche Stratégique et auteur de
19:37La question israélienne. C'est aux éditions de l'Observatoire. Il est 8h52 sur RMC et BFM TV.
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