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  • il y a 6 mois
Frédéric Encel, professeur de géopolitique à Sciences Po, était l'invité du Face à Face sur RMC et BFMTV ce mercredi 25 juin. Il est notamment revenu sur la trêve entre Israël et l'Iran. 

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00:01Il est 8h32 et vous êtes bien sur RMC et BFM TV. Bonjour Frédéric Ancel.
00:05Merci d'être dans ce studio ce matin pour nous aider et y voir plus clair.
00:09Vous êtes docteur en géopolitique, maître de conférence à Sciences Po Paris.
00:12On n'a qu'une envie, c'est de croire le titre de votre dernier ouvrage,
00:16« La guerre mondiale n'aura pas lieu » aux éditions Odile Jacob.
00:19Et si les Israéliens n'avaient en réalité pas atteint leurs objectifs,
00:25le programme nucléaire iranien ne serait selon le New York Times et CNN
00:31que retardé de quelques mois. Est-ce possible ?
00:35Oui c'est possible, retardé de quelques mois ou de quelques années,
00:37c'est-à-dire sur le plan militaire quelque chose qui est tout sauf aberrant.
00:41En réalité sont dans la pensée magique ceux qui pensent, ou dans la naïveté géopolitique,
00:45ceux qui croient qu'on peut ou qu'on pourrait réduire à néant un processus de nucléarisation
00:51avec des capacités techniques, théoriques, qui ont été développées depuis plus de 25 ans.
00:55C'est ce que dit l'Agence internationale de l'énergie atomique,
00:58qui dès 2002, je le rappelle, à son siège à Vienne, stigmatisait le régime pour ses mensonges.
01:03Si vous voulez, ce processus est très avancé.
01:07Il était tellement avancé qu'il fallait, d'une façon ou d'une autre, à court, moyen terme,
01:10non pas y mettre fin, mais le retarder.
01:13Et surtout, au-delà de ça, convaincre le régime iranien que, de toute façon,
01:18s'il se remettait à poursuivre ce processus de nucléarisation potentiellement à usage militaire,
01:25eh bien il prendrait de nouveau des coups extrêmement durs parce que l'espace aérien reste libre.
01:30Vous avez l'air de le dire comme si, finalement, oui, ça fait partie de la logique.
01:36Mais il y a encore 24 heures, on entendait le Premier ministre israélien, le président américain,
01:44dire qu'ils avaient anéanti le programme nucléaire iranien.
01:50Si ça n'est que retardé de quelques semaines, aurait-il fallu bombarder davantage si on se met du point de vue israélien ?
01:57Aurait-il fallu négocier davantage si l'on se met du point de vue aussi de la IEA ?
02:03Et au fond, est-ce que les objectifs qui étaient quand même, alors certes, peut-être de se contenter de repousser,
02:08mais pas que de quelques semaines ?
02:10Alors vous avez des objectifs affichés, affirmés.
02:12Là, on est dans la dimension rhétorique, sémantique.
02:15Vous savez ce qu'on dit, à la guerre, la première victime, c'est la vérité.
02:18Donc chacun, bien évidemment, c'est vrai aussi d'ailleurs pour les Iraniens,
02:21a besoin vis-à-vis de sa propre opinion publique et de ses alliés dans la région de crier au triomphe.
02:27Ça, c'est le premier point.
02:28Deuxième point, je pense que de toute façon, l'important, c'est que l'Iran,
02:32enfin ce régime-là, tant qu'il est au pouvoir, sache qu'il ne pourra pas faire la bombe.
02:37Je le dis depuis environ 30 ans.
02:38L'Iran n'aura pas la bombe.
02:39Il ne l'aura pas, notamment parce que personne ne la veut,
02:42parce que le traité de non-prolifération nucléaire de 1968, et je le dis et je le répète...
02:46Parce qu'officiellement, d'ailleurs, l'Iran lui-même n'était pas censé la vouloir.
02:49Officiellement, l'Iran ne la voulait pas, il faisait tout pour l'avoir, bien évidemment.
02:53Mais officiellement, non, parce que ce traité, il est tenu par le monde entier, le Conseil de sécurité, dès 2007.
03:002007, Netanyahou n'est pas au pouvoir en Israël.
03:03Donc ça n'a rien à voir avec le régime du côté israélien ?
03:06Certainement pas.
03:07Les Israéliens ont toujours, évidemment, protesté contre ce process de nucléarisation,
03:12puisque eux, évidemment, et on le voit bien, seraient directement touchés.
03:15Je dis on le voit bien parce que le rayon d'action de la balistique, donc des missiles iraniens,
03:19touche l'intégralité, englobe l'intégralité du sol israélien, on l'a bien vu.
03:23Mais de 2002 et 2007 au Conseil de sécurité,
03:26eh bien, au Conseil de sécurité, où figure de manière permanente la Chine, la Russie.
03:30On adopte un train de sanctions, puis un deuxième, et depuis il y en a eu une bonne vingtaine,
03:34contre l'Iran, précisément parce que ce régime allait potentiellement à la bombe.
03:39Donc ça concerne absolument tout le monde.
03:41Vous nous dites qu'ils n'auront pas la bombe.
03:42Mais qu'est-ce qui nous dit que les 400 kilos d'uranium enrichis,
03:47qui peuvent tenir dans des valises, qui peuvent tenir dans des barils,
03:50n'ont pas été déplacés dans une infrastructure
03:54qui lui permettent de continuer le processus dans le plus grand secret ?
03:59Alors d'abord dans le plus grand secret,
04:01au regard des réussites du renseignement israélien ces derniers mois,
04:04ça ne veut plus dire grand-chose en Iran.
04:06C'était vrai d'ailleurs avec aussi le Hezbollah au Liban,
04:08mais là, en Iran, les choses sont extrêmement claires.
04:11Du point de vue militaire, du point de vue politique,
04:14on a eu affaire à toute une série de frappes, d'interventions israéliennes
04:18via de très nombreux complices, nécessairement au sein même de la population iranienne,
04:24peut-être même d'ailleurs et vraisemblant de l'armée iranienne,
04:26sinon des gardiens, qui aujourd'hui interdit de croire
04:29que l'Iran peut continuer à faire quelque chose,
04:31quoi que ce soit, dans le plus grand secret.
04:33Ça, j'y crois absolument plus.
04:34Un, et deux, l'important, c'est de savoir que ces 400 kilos,
04:39ça pourrait être 25 tonnes, ça pourrait être 3 kilos,
04:41de toute façon ne peuvent pas être propulsés sur Israël ou sur d'autres États.
04:46Il faut une étape supplémentaire.
04:47plusieurs étapes. C'est-à-dire qu'une bombe atomique, évidemment, par définition,
04:52ça nécessite toute une série de systèmes, notamment de mise à feu,
04:58des systèmes de régénération, des systèmes de propulsion, de fixation sur un missile.
05:04Or, un certain nombre de missiles ont été frappés, des rampes de lancement ont été détruites,
05:07et surtout, j'insiste, l'espace aérien iranien, il est nu.
05:12Et il n'y a aucune espèce de raison de croire que dans les prochaines semaines,
05:15dans les prochains mois, il ne le sera plus.
05:16Et regardez à quel point le ministre des Affaires étrangères iranien,
05:20donc, est allé demander du secours à Vladimir Poutine,
05:23qu'il n'a pas obtenu.
05:24Et les Russes, non.
05:25Alors ça, je le dis et je le répète, c'est très important.
05:27Les Russes n'ont pas communiqué tellement là-dessus, précisément.
05:29Et pour cause.
05:30Parce qu'ils n'ont...
05:31Parce qu'ils ont quand même trahi, non pas l'accord militaire,
05:34puisque, je le dis et je le répète,
05:35il n'y avait pas d'alliance militaire entre Moscou et Téhéran,
05:38et encore moins entre Pékin et Téhéran.
05:40Or, le terme d'alliance, je l'ai entendu, je l'ai lu à maintes reprises.
05:43Ce n'est pas une alliance, en ce cas-là.
05:44Non seulement, ce n'est pas une alliance.
05:45Le mot d'alliance n'est pas juste.
05:46Absolument.
05:47Il est galvaudé, il est tout à fait injuste.
05:48Il y a eu un accord de partenariat militaire,
05:51essentiellement abus commercial, en janvier,
05:53signé entre la Russie et l'Iran.
05:54Mais en aucun cas, cet accord n'impliquait la nécessité statutaire pour la Russie
06:01de protéger l'Iran si l'Iran était attaqué.
06:04Frédéric Ancel, Donald Trump dément les informations de CNN,
06:08de nos confrères de CNN et du New York Times.
06:10Il crie à la fake news, comme d'habitude d'ailleurs,
06:13il le fait sur ses réseaux sociaux.
06:14Il le fait en lettres majuscules, sous-entendu vraiment qu'il n'est absolument pas d'accord.
06:19Il dit que les fake news CNN ainsi que le New York Times défaillants
06:21se sont associés pour tenter de dénigrer l'une des frappes militaires
06:25les plus réussies de l'histoire.
06:27Les sites nucléaires iraniens sont complètement détruits.
06:30Le Times et CNN se font tous les deux laminés par le public.
06:36Voilà ce que dit Donald Trump.
06:39Est-ce qu'on peut croire les renseignements qui sont donnés par CNN et le New York Times
06:45ou est-ce qu'il faut croire le président américain ?
06:47Aujourd'hui, croire le président américain, c'est assez rare quand même.
06:51Il faut être extrêmement attentif à ce qu'il dit.
06:54Et en général, il organise son imprévisibilité.
06:57Et parfois, d'ailleurs, c'est des propos tout à fait fantasques.
07:00Mais là encore, je crois que le fond du problème, il est ailleurs.
07:03Oui, clairement, la majorité des sites nucléaires iraniens
07:07ont été frappés pour certains vraisemblablement largement détruits.
07:12Après, un site, ça peut se reconstruire.
07:13Mais encore une fois, je vous ai dit que l'espace aérien iranien étant totalement nu,
07:16les Israéliens pourraient réintervenir à peu près quand bon leur semble.
07:20Et où bon leur semble ? Sur le territoire iranien.
07:22Ça, c'est la première chose.
07:23Et la deuxième chose, c'est vrai que tactiquement, cette frappe a été réussie.
07:27Or, c'est la première fois que cette méga-bombe était utilisée par l'aviation américaine.
07:32Donc, ce n'est pas négligeable.
07:34Et derrière ça, le président américain dit quelque chose aux alliés dans la région.
07:39Il dit quelque chose à la Chine.
07:41Il dit quelque chose à la Russie.
07:42Ne me prenez pas pour un pitre.
07:44C'est-à-dire que j'ai pu prendre des décisions...
07:47Mais à un moment, je suis capable d'appuyer sur le bouton.
07:49Voilà, exactement.
07:50J'ai pu...
07:50Alors, lui, il ne parle pas évidemment de valse-hésitation.
07:52Mais j'ai pu hésiter ici ou là.
07:54Ce n'est pas ce qu'il dit.
07:55Moi, je vous le dis qu'il a hésité à plusieurs reprises.
07:56À la fin des fins, je suis capable d'envoyer sur un État qui n'est pas négligeable tout de même, une méga-bombe.
08:04Donc, attention, je suis sérieux.
08:05Mais je reprends le mot.
08:08Les sites nucléaires iraniens sont complètement détruits.
08:12Cette phrase-là, vous ne la reprenez pas à votre compte.
08:14Non seulement, je ne la reprends pas.
08:15Mais ce n'est pas possible de détruire l'intégralité.
08:18L'ampleur des propos relève de la propagande.
08:22S'il avait dit que la plupart des sites sont partiellement détruits, c'est déjà beaucoup.
08:25Et attention, vous autres, régime des Mollas, vous allez voir ce que ça va vous coûter de continuer.
08:31Oui, là, évidemment, on était dans la réalité.
08:33Mais toutes les sources militaires qu'on peut recouper, que je recoupe depuis maintenant quelques heures et ces derniers jours, disent à peu près la même chose.
08:40L'essentiel a été touché, ce qui signifie qu'effectivement, ça c'est manifeste, on a, je dis on, la communauté internationale, du point de vue de la prolifération,
08:50voulue très clairement par ce régime, on a gagné du temps.
08:54Et gagner du temps, c'est très important sur le plan militaire et stratégique.
08:56Est-ce que Donald Trump a décrété le cessez-le-feu et choisi le jour du cessez-le-feu en fonction de la réalité du terrain ?
09:05C'est-à-dire parce qu'effectivement, il estimait que les buts officiels et officieux d'Israël étaient atteints ?
09:13Ou est-ce qu'il a décrété le cessez-le-feu parce qu'il partait 24 heures plus tard à l'OTAN et qu'il voulait que le cessez-le-feu soit intervenu avant ?
09:21Qu'est-ce qui a dicté le calendrier du cessez-le-feu ?
09:23Est-ce l'efficacité sur place ou est-ce uniquement la démonstration de force qu'il voulait avoir ?
09:27Moi, je pense que c'est les deux.
09:28Mais la variable principale de sa prise de décision, c'était effectivement le fait de...
09:33Il était démonstratif.
09:34C'est-à-dire qu'il avait pris la décision de frapper le site le plus important, le plus durci, le plus difficile à atteindre.
09:41Et surtout, en face, il y avait un régime qui était aux abois et qui a accepté, je parle du régime iranien,
09:51et qui a accepté un cessez-le-feu.
09:53Alors, humiliant, sauf que la dernière salle, elle a été pour une base américaine,
09:59dûment vidée au Qatar, puisqu'évidemment, les Iraniens avaient prévenu les Américains qu'ils allaient frapper.
10:04Mais Frédéric Ancel, vous dites que les Iraniens l'ont effectivement accepté et finalement probablement soulagé.
10:10Les Israéliens l'ont-ils accepté de bonne foi ou parce qu'ils n'avaient pas le choix ?
10:17C'est-à-dire, est-ce que Benjamin Netanyahou, qui 24 heures plus tôt disait qu'au fond, il fallait continuer les frappes,
10:23finit par dire « Ok, c'est bon, on accepte le cessez-le-feu parce qu'en effet, les objectifs sont atteints,
10:28mais uniquement parce qu'il n'a pas le choix et parce que Donald Trump lui dit « Maintenant, tu acceptes le cessez-le-feu ».
10:32Alors effectivement, contrairement à ce qu'ont prétendu beaucoup d'observateurs,
10:35Netanyahou ne tient pas dans sa main Trump.
10:37Ça, c'est faux, c'est à moitié complotiste comme perception, sinon bien pire.
10:41En réalité, Trump décide à la fin des fins de ce qui va se passer, de ce qui va se produire.
10:46Je voulais même vous poser la question plus largement.
10:47Est-ce que Benjamin Netanyahou s'est fait avoir par le président américain ?
10:49Je ne crois pas, parce que Netanyahou, sur le plan strictement militaire,
10:53a atteint pour le coup l'essentiel des objectifs militaires qui étaient ceux de l'état-major israélien.
10:58Et encore une fois, de manière démonstrative, il s'agit de démontrer que l'Iran aujourd'hui
11:03est dans l'incapacité totale de faire plus que de frapper quelques immeubles
11:07et de faire un certain nombre de dizaines de tués en Israël,
11:11moyennant quoi la chasse israélienne peut intervenir partout et sans subir le moindre dégât.
11:17Aucun appareil n'a été détruit, ce qui dans l'histoire militaire aérienne moderne
11:22est quelque chose de totalement nouveau.
11:24En revanche, là où je vous rejoins, dans la nuance, c'est qu'en Netanyahou,
11:27et d'ailleurs je le disais à votre micro,
11:29quand Netanyahou a commencé à s'inscrire dans le registre du politique et non plus seulement du militaire,
11:33lorsqu'il a commencé à dire que ce régime devait tomber,
11:36faisant penser à juste titre que c'était l'un de ses objectifs à terme,
11:41là j'ai commencé à tiquer beaucoup plus que sur la dimension militaire,
11:44parce que d'abord c'est très compliqué de faire chuter un gine d'une part,
11:47d'autre part on s'inscrit dans une très grande difficulté en termes de crédibilité.
11:51En gros, vous dites que vous allez faire tomber le régime et qu'il doit tomber,
11:54si au moment où intervient le cessez-le-feu, ce n'est pas le cas,
11:58on va pointer le doigt sur vous en disant que finalement vous n'avez pas atteint vos objectifs.
12:01On va y revenir dans un instant sur l'état justement du régime iranien,
12:04mais sur cette question de cessez-le-feu encore une fois,
12:07qui a gagné cette guerre ? Y a-t-il d'ailleurs seulement un gagnant ?
12:10Alors tout à l'heure j'entendais mon ami Gaïd Similassian,
12:12qui est un très bon géopolitologue dans l'émission précédente,
12:15dire qu'en réalité il n'y avait pas de véritable gagnant,
12:18parce qu'une vraie victoire s'inscrit sur des temps plus longs.
12:20Je le rejoins sur le plan stratégique,
12:23mais tactiquement la victoire appartient bien évidemment à Israël.
12:27Pourquoi ? Parce qu'encore une fois, Israël a fait la démonstration
12:29que dans une confrontation entre les missiles iraniens
12:33et les chasseurs-bombardiers israéliens, pour faire court,
12:35entre le renseignement iranien et le renseignement israélien,
12:38il y avait eu un chaos, un chaos au point, et en quelques jours.
12:42De ce point de vue-là, je crois qu'il n'y a pas beaucoup de contestation.
12:45Après encore une fois, si on considère que Netanyahou souhaite
12:49faire chuter le régime iranien, ce qui commençait à apparaître
12:53de plus en plus clairement jour après jour,
12:55là évidemment l'objectif n'est pas atteint,
12:56et j'ai toujours affirmé que cet objectif-là n'était pas à la portée d'Israël
13:00et peut-être même pas à la portée des Etats-Unis.
13:02De qui est-il à la portée ?
13:04Du peuple iranien.
13:04Est-ce qu'aujourd'hui on sait où se cache,
13:07enfin peut-être pas moi, peut-être éventuellement vous,
13:10mais surtout, est-ce que Donald Trump,
13:12est-ce que Benjamin Netanyahou savent où se cache
13:14le guide suprême Ramenei ?
13:16J'en suis absolument convaincu,
13:18et tout aussi convaincu qu'il ne cherche pas à l'abattre.
13:21Autant Nasrallah, le chef du Hezbollah,
13:23qui a été abattu dans les conditions qu'on sait,
13:26à l'automne dernier par Israël.
13:27Ciblé de manière extrêmement précise sur le sol iranien.
13:31Sur le sol libanais.
13:32Là on parlait de Nasrallah, le chef du Hezbollah.
13:34Autant, là pour Israël, il s'agissait d'un objectif militaire.
13:37Pourquoi ? Parce que Nasrallah était un vrai stratège.
13:40Ramenei, je ne sache pas que depuis qu'il est au pouvoir,
13:43donc depuis la mort de son prédécesseur Roménie,
13:46il est fait preuve d'un très très grand sens de la stratégie.
13:48Au contraire, il a échoué,
13:50puisque cette séquence,
13:51où l'Iran manifestement a perdu cette séquence,
13:54commence le 8 octobre 2023,
13:56c'est-à-dire au lendemain du massacre du Hamas perpétré par Israël,
13:59puisque l'Iran à ce moment-là prend l'écrasante responsabilité
14:02de pousser le Hezbollah à faire également la guerre à Israël.
14:05Perpétré en Israël, est-ce que ce cessez-le-feu peut durer ?
14:09Oui, je pense qu'il peut durer parce que les deux belligérants y ont intérêt.
14:13L'intérêt pour Israël aujourd'hui, d'abord, c'est de penser ses plaies,
14:16parce qu'Israël a quand même été malgré tout touché, d'une part,
14:18et d'autre part, de ne pas énerver le président américain.
14:21Encore une fois, dans le rapport de force entre Trump et Netanyahou,
14:24il ne faut pas fantasmer,
14:25c'est évidemment Trump qui l'emporte à la fin des fins.
14:28Et puis surtout, le régime iranien, lui maintenant,
14:31il doit se confronter à sa propre population.
14:34Et je pense que de ce point de vue-là,
14:35on a affaire à un régime qui, au-delà même de la volonté d'obtenir la bombe
14:39ou de tenir des proxys dans la région,
14:41souhaite, comme objectif fondamental, rester au pouvoir.
14:44Comme d'ailleurs la plupart des régimes,
14:46et en particulier des régimes autoritaires.
14:48Frédéric Ancel, de ce point de vue-là,
14:49sans que le régime n'ait été déchu,
14:53est-ce qu'il a été fragilisé ?
14:55Ou est-ce qu'au contraire, parce qu'il a été fragilisé,
14:57il ne va que devenir plus dur ?
14:59C'est les deux.
14:59Parce qu'il a été fragilisé, aujourd'hui, à l'intérieur,
15:02je crains que la répression, déjà terrible,
15:05sur les femmes, sur les opposants, sur la jeunesse de manière générale,
15:08soit, évidemment, beaucoup plus cruelle.
15:10Et il a été très fragilisé à l'échelle régionale.
15:14Aujourd'hui, quels sont les alliés de l'Iran ?
15:16Je répète pour la dernière fois,
15:17mais c'est très important que c'est ni la Chine, ni la Russie.
15:20Ce ne sera pas la Chine et la Russie.
15:22Qui, alors ?
15:23Il y en a-t-il ?
15:23Non, d'un point de vue étatique,
15:25aucun État, aujourd'hui, n'est allié de l'Iran.
15:28Et on l'a bien vu.
15:29Et dans la région, la plupart des États,
15:31et notamment des États arabes, sunnites,
15:33restent indéfectiblement alliés des États-Unis.
15:36Et là, pour le coup, au sens militaire, statutaire du terme,
15:39avec une cerise sur le gâteau,
15:40les Émirats arabes unis et Bahreïn,
15:41signataires des accords d'Abraham avec Israël en 2020,
15:44n'ont pas dérogé à cet accord,
15:46n'en sont pas sortis,
15:47et même moins que jamais.
15:49Est-ce que ça veut dire qu'on peut craindre
15:50que l'Iran, un, soit plus dur encore avec sa population,
15:53que ce ne soit pire, au fond, pour la population,
15:55aujourd'hui, que ça ne l'était avant ses frappes ?
15:58Et est-ce que ça veut dire que l'Iran
15:59va être de plus en plus isolé sur la scène internationale ?
16:02Il l'est déjà très considérablement plus.
16:04Je ne vois pas très bien comment il pourrait l'être,
16:05parce que je rappelle que les trains de sanctions
16:07que j'évoquais tout à l'heure,
16:08qui courent depuis 2007,
16:10ils se maintiennent, ils se sont maintenus.
16:13Donc je pense qu'il sera plus dur à l'intérieur.
16:14Et autant, je vous dirais que la valeur comparative
16:16avec l'Irak en 2003 me paraît extrêmement faible,
16:18autant il faut se souvenir que Saddam Hussein,
16:21lorsque son armée a été cassée
16:23lors de la première coalition légale,
16:25en droit international,
16:27c'était en 1991, tempête du désert.
16:28Eh bien, lui, il est resté au pouvoir
16:31et les chiites et les kurdes,
16:33donc au sein même de sa propre population,
16:36ont subi ensuite le martyre.
16:37Frédéric Ancel, c'est à ce moment-là
16:40que s'ouvre donc le fameux sommet de l'OTAN
16:42qui se passe à La Haye.
16:44Et alors qu'il était en chemin vers La Haye,
16:47Donald Trump a donné à savoir, à tous,
16:51un SMS privé qu'il a reçu
16:53du secrétaire général de l'OTAN,
16:55Marc Routteux, qui lui écrit, je cite,
16:58« Vous vous envolez vers un nouveau grand succès
17:00et vous allez réaliser quelque chose
17:02qu'aucun président, aucun en lettres majuscules,
17:05ce qui est vraiment un clin d'œil,
17:06particulièrement, pardon, fallot,
17:08à l'endroit de Donald Trump,
17:09qu'aucun président américain n'était parvenu
17:11à faire durant des décennies.
17:13L'Europe va payer un prix énorme,
17:15là encore énorme, c'est en lettres majuscules,
17:17pour financer sa défense,
17:19comme elle le devrait,
17:20et ce sera votre victoire. »
17:22Voilà ce qu'écrit donc Marc Routteux.
17:25À l'endroit de Donald Trump vis-à-vis des Européens,
17:29ça donne vraiment le sentiment
17:30que le secrétaire général de l'OTAN
17:32a choisi son camp.
17:34De toute façon, l'OTAN par définition,
17:36puisque la principale puissance à la tête de l'OTAN
17:38et de très loin, ce sont les États-Unis.
17:40Je ne suis pas certain, pour reprendre votre terme
17:42et estudiantin très juste,
17:43que faire le faillot avec Donald Trump
17:44de cette manière-là
17:45favorisera l'OTAN.
17:47Trump a un or de sa boussole,
17:49je l'ai toujours dit, c'est le mercantilisme absolu.
17:51Autrement dit, il dira à cet admirateur,
17:54à cet adulateur.
17:56Oui, les mots, c'est très bien.
17:57Je veux des actes.
17:58Et en fait, des chiffres.
17:59Et je rappelle que Trump était passé
18:01de la volonté de 2,
18:03enfin l'exigence de 2%
18:04en termes des PIB,
18:06des États européens,
18:07membres de l'OTAN et des autres d'ailleurs,
18:08en dépenses de défense,
18:09il était passé de 2 à 3 puis à 5%.
18:11Ce qui d'ailleurs est inimaginable.
18:12Il estime que les Européens
18:13ne payent pas suffisamment,
18:14ce qui est vrai.
18:15C'est-à-dire, proportionnellement aux Américains,
18:16les Européens payent moins.
18:17Enfin, payaient moins.
18:18Et c'était notamment vrai pour les Allemands.
18:20Là-dessus, les Allemands étaient,
18:24il le fait de manière extrêmement brutale
18:26et je pense qu'essayer de considérer
18:29que l'Europe puissance ne peut pas
18:30un jour prévaloir
18:32ou ne peut pas en tout cas
18:33constituer une alternative
18:34est une erreur.
18:35Alors, M. Routte,
18:35il est dans sa fonction,
18:37dans sa mission.
18:38Il ne dira pas autre chose.
18:39Mais moi, je pense qu'il faut absolument,
18:41je le dis en tant que géopolitologue,
18:42mais aussi en tant que citoyen français et européen,
18:44il faut aller vers l'Europe puissance
18:46parce que même si on dépense plus,
18:48rien ne nous dit que...
18:49Pas dépendant.
18:51Exactement.
18:52Rien ne nous dit que M. Trump
18:53n'exigera pas davantage encore
18:55ces prochaines années,
18:56si tenté qu'il respecte un jour
18:57un contrat de défense
18:59avec nous autres Européens.
19:00Mais ne pas sortir de l'OTAN pour autant.
19:02Doubler l'OTAN d'une défense européenne.
19:04C'est exactement ça.
19:05Moi, je pense qu'on doit fonctionner
19:06sur deux moyeux, si vous voulez.
19:08L'OTAN, bien évidemment,
19:10reste une force très considérable
19:11et très dissuasive.
19:12Mais à côté de ça,
19:13je pense que les membres européens
19:14de l'OTAN, dont la France,
19:17n'ont pas nécessairement
19:18les mêmes intérêts que les États-Unis
19:19et par conséquent,
19:20nous devons monter en autonomie.
19:21Merci beaucoup Frédéric Ancel
19:23d'avoir répondu à mes questions
19:24ce matin.
19:24Docteur en géopolitique,
19:26maître de conférence à Sciences Po Paris
19:27et votre livre
19:28La guerre mondiale n'aura pas lieu.
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