Pierre-Henri Bovis : «Il y a aujourd’hui un réflexe des magistrats de placer en détention provisoire, surtout si nous déposons des demandes de mises en liberté», par rapport à la surpopulation carcérale, dans 180 Minutes Infos, lundi 2 juin.
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00:00Ce qui saute aux yeux pour les professionnels du droit, c'est que sur 52 000 personnes écrouées, vraiment, c'est-à-dire condamnées,
00:0921 000, 22 000 sont en attente de jugement. C'est la fameuse détention provisoire.
00:15Et chez les magistrats, il y a un réflexe qui est devenu totalement pavlovien de mettre en place en détention provisoire des personnes
00:21sur lesquelles il pourrait éventuellement exister des indices en vue d'une éventuelle condamnation.
00:27Donc c'est très hypothétique. Déjà, c'est une atteinte à la présomption d'innocence, premièrement.
00:32Deuxièmement, cela nourrit très fortement la surpopulation carcérale, dans des conditions d'ailleurs qui sont abominables.
00:39Mais déjà, s'il y avait une réforme de la détention provisoire pour ne réserver la détention provisoire que pour les personnes dites dangereuses...
00:46Mais c'est intéressant ce que vous dites, parce que la perception quand même de l'opinion publique de l'ensemble de la population française, c'est précisément l'inverse.
00:50Les gens ont tendance à se dire, peut-être parce que ce sont des affaires retentissantes...
00:53Oui, tout à fait.
00:54Il n'y a pas assez de détention provisoire et ils sont tous dans la nature. Ce que vous nous dites, en fait, c'est que c'est faux.
01:00Ah non, c'est totalement faux.
01:02C'est une illusion.
01:03Il faut savoir que, déjà, en matière de comparution immédiate, lorsqu'un prévenu est comparé en comparution immédiate, c'est-à-dire jugé tout de suite,
01:10il a deux possibilités. Soit effectivement d'accepter son audience le jour où il compare, soit demander un mois pour préparer sa défense.
01:17Un délai, oui.
01:18S'il demande un délai, il a de très fortes probabilités, mais extrêmement élevé, on prévient à chaque fois les clients de finir en détention provisoire le temps de son jugement, le temps de l'audience.
01:29Donc il vaut mieux qu'il ait...
01:30Et donc il y a un débat sur la liberté lorsqu'il demande un délai pour préparer sa défense. Donc déjà, c'est assez contradictoire.
01:35Parce que pour préparer sa défense depuis la prison, il faut se lever de bonheur. Parce que ça veut dire que l'avocat travaille dans son coin et va voir son client de temps en temps
01:44pour essayer de communiquer avec lui, etc. Donc le temps d'obtenir les permis, bon, tout ça est très compliqué. Ça prend du temps et donc, évidemment, c'est une atteinte aussi à la liberté
01:51de se défendre face au parquet qui, évidemment, a eu tout le temps nécessaire pour aussi constituer un dossier.
01:58Mais donc, effectivement, il y a aujourd'hui un réflexe des magistrats de placer en détention provisoire, et surtout lorsque nous déposons des demandes de mise en liberté.
02:06À chaque fois, ça scandalise tout le monde pour dire, ben oui, mais regardez, la justice laxiste...
02:10Non, mais lorsqu'on nous fait des demandes de mise en liberté, justement, c'est avec des garanties à côté, des garanties de représentation et des magistrats.
02:17Mais très souvent, et je le répète, et encore plus en région parisienne, et notamment aussi, allez savoir pourquoi, Aix-en-Provence,
02:24Aix-en-Provence, qui est une juridiction qui est très dure, les magistrats refusent constamment,
02:28et c'est très difficile de leur faire comprendre qu'il y a des alternatives à la détention, à la prison,
02:34mais non, aujourd'hui, et donc ce qui serait bien, c'est d'avoir une politique pénale là-dessus,
02:37qui soit cohérente en même temps avec le nombre de places de prison, et surtout en fonction de la dangerosité des individus.
02:41Sous-titrage Société Radio-Canada