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  • il y a 7 mois
MACRO - Inscrite dans les traités européens, la règle limitant le déficit public à 3 % du PIB peine à être respectée par la France. D’où vient-elle ? Est-ce la bonne règle ?

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Transcription
00:00Ramener le déficit sous les 3% en 2027.
00:03Réduire ses déficits budgétaires sous le seuil des 3%.
00:06Une prévision des déficits publics au-dessus de la barre des fameux 3%.
00:10Ce chiffre de 3%, vous en avez sûrement entendu parler.
00:14C'est la règle fixée par les traités européens
00:16qui veut que le déficit public ne dépasse pas 3% du PIB.
00:20Mais depuis qu'elle existe, la France a beaucoup de mal à la respecter.
00:23Et cette année encore, on est très loin de l'objectif.
00:26Alors j'ai essayé de comprendre d'où vient cette règle
00:29et si elle sert vraiment à quelque chose.
00:30En faisant des recherches, j'ai appris deux choses étonnantes.
00:34La première, c'est que la règle des 3% est française.
00:37J'ai même retrouvé un de ceux qui l'a imaginé.
00:40On n'a pas fait n'importe quoi, on a cherché à faire au mieux.
00:43La deuxième, c'est que...
00:45Le 3%, il est totalement arbitraire.
00:48Alors pourquoi la règle du déficit à 3% du PIB n'a aucun sens ?
00:53L'histoire des 3% remonte au début des années 80
00:58dans un bureau de la direction du budget à Paris.
01:01Nous sommes à l'été 81,
01:02le premier président de gauche de la 5e République,
01:06François Mitterrand, vient d'être élu.
01:08La France voit la vie en rose,
01:09on paye encore un franc,
01:11et surtout, Indiana Jones fait ses premiers pas au cinéma.
01:18Mais début août, le jeune ministre du budget, Laurent Fabius,
01:22vient casser l'ambiance.
01:23Il annonce que le déficit budgétaire sera de l'ordre de 100 milliards de francs.
01:28En France, c'est un niveau jamais atteint.
01:30Alors l'Elysée demande à la direction du budget...
01:33...de fournir une règle qui devait permettre de mettre un frein
01:38aux demandes budgétaires des camarades.
01:42C'est en tout cas le souvenir qu'en a Guy Abeille.
01:44Il faisait partie de la petite équipe chargée de fournir cette règle
01:47au président François Mitterrand.
01:49Après avoir remué pas mal d'hypothèses,
01:51on s'est dit que le bon paramètre, c'est le déficit.
01:53Et puis, à quoi le rapporter ?
01:55Aux macroéconomies, quand on ne sait pas très bien
01:58à quoi rapporter une grandeur nationale,
02:01on rapporte ça au produit intérieur brut,
02:03qui est la richesse nationale.
02:04Le PIB prévisionnel pour l'année 1982
02:07était de 3 000 milliards de francs.
02:09Le déficit prévisionnel, de 100 milliards.
02:11Voilà comment est née la règle
02:13selon laquelle le déficit public
02:15ne doit pas dépasser 3% du PIB.
02:18Sans vraiment de base économique solide derrière ce calcul,
02:21c'est M. Abeille qui le dit lui-même.
02:24Il y a quand même un problème,
02:25c'est qu'on rapporte une grandeur
02:26qui est propre à l'État, qui est son déficit,
02:29à une autre grandeur, le PIB,
02:32qui n'est pas l'État, qui est la nation.
02:34Je trouve que sur le plan de la méthodologie
02:36ou de la logique intellectuelle,
02:38il y a déjà quelque chose qui est quand même aberrant.
02:40A l'époque, personne n'imagine
02:42l'importance que va prendre cette règle.
02:44Le plafond de 3% commence à s'installer
02:49dans le discours politique et médiatique.
02:52Jusqu'à ce que le président le consacre officiellement
02:54lors de sa toute première conférence de presse.
02:57Le déficit du budget de l'État,
02:59il est d'environ 3%.
03:01Il ne faut pas qu'il dépasse ce pourcentage
03:05appliqué aux produits intérieurs bruts.
03:103% pas davantage.
03:12Si Mitterrand s'empare de cette règle,
03:14c'est quand même qu'il y a une bonne raison.
03:15C'est d'essayer de préserver la valeur du franc
03:19sur le marché des changes.
03:21A l'époque, nous sommes dans un régime de change flottant.
03:24Ça veut dire que ce sont les marchés
03:25qui déterminent la valeur des monnaies.
03:27François Mitterrand s'apprête à dévaluer le franc
03:29pour la deuxième fois de son mandat.
03:31Et il y a un lien direct
03:33entre la défiance à l'égard du franc
03:36et le sentiment que le pays s'endette
03:39et que personne ne maîtrise les finances publiques.
03:42Le président veut rassurer les marchés
03:44sur sa capacité à gérer le budget de l'État
03:46pour préserver le franc.
03:48C'est le début du tournant de la rigueur.
03:50On réduit le déficit dès 83%.
03:52Et la règle des 3%, elle,
03:54va poursuivre son chemin au-delà des frontières françaises.
03:59Dix ans plus tard,
04:00pendant que la famille Adams cartonne au cinéma,
04:02une autre famille fait parler d'elle.
04:08Les 12 pays de la communauté européenne
04:09négocient le traité de Maastricht.
04:11Il va donner naissance à l'Union européenne
04:13et surtout à l'euro.
04:15Les Allemands n'étaient pas très enthousiastes
04:17à l'idée de sacrifier le Marc.
04:20L'euro, c'était plutôt une idée française.
04:23François Eccal est un spécialiste des finances publiques.
04:25Les Allemands ont voulu
04:27qu'on limite les déficits publics
04:29parce qu'ils pensaient que le déficit public
04:32pouvait être inflationniste.
04:33Et l'inflation, dans l'imaginaire collectif des Allemands,
04:36c'est ce qui a contribué à mettre Hitler au pouvoir
04:38après la crise de 1929.
04:39Et ils ne voulaient pas non plus
04:41que la Banque centrale européenne
04:43ou un autre État, le leur par exemple,
04:45soient obligés de venir en aide
04:46à un pays en difficulté.
04:48Pour permettre la création d'une monnaie commune,
04:50les États membres décident de critères
04:52de convergence économique et monétaire.
04:54Mais quelques semaines avant la signature
04:56du traité de Maastricht,
04:58personne n'a trouvé la bonne règle
04:59en matière de finances publiques.
05:01La solution vient finalement d'un Français,
05:03Jean-Claude Trichet.
05:04A l'époque, il est directeur du Trésor.
05:06Il deviendra plus tard président
05:07de la Banque centrale européenne.
05:09Et selon plusieurs récits de l'époque,
05:11c'est lui, pendant les négociations,
05:13qui propose le critère français
05:14des 3% pour le déficit public.
05:17Le 7 février 1992,
05:19le traité de Maastricht est signé.
05:21L'article 104 stipule que les États membres
05:24évitent les déficits publics excessifs.
05:26Et deux valeurs de référence sont retenues
05:29pour le respect de la discipline budgétaire.
05:31Le fameux 3% du PIB pour le déficit public.
05:34Et pour la dette publique,
05:35c'est-à-dire le cumul des déficits
05:37année après année,
05:3860% du PIB.
05:40Ce deuxième plafond a été fixé
05:41parce qu'un déficit à 3%
05:43permettait de stabiliser la dette
05:45à 60% du PIB,
05:46compte tenu des 5% de croissance
05:48prévue en Europe à la fin des années 80.
05:50Voilà comment la règle des 3%
05:52a fini par s'imposer,
05:54faute de mieux
05:54à l'ensemble des pays européens.
05:56Mais était-ce la bonne ?
06:00Rapidement après leur mise en place,
06:02les 3% ont révélé un gros défaut.
06:05C'est une règle pro-cyclique.
06:07Ça veut dire que c'est facile
06:08de la respecter quand tout va bien,
06:10quand la croissance est là
06:11et que la conjoncture est bonne.
06:13Mais dès que l'activité ralentit,
06:14les recettes publiques baissent
06:16et le déficit augmente mécaniquement.
06:18Or...
06:19Quand la conjoncture est mauvaise,
06:21c'est pas vraiment le bon moment
06:23de faire des efforts
06:25pour essayer de réduire le déficit.
06:27Donc les économistes sont assez critiques
06:30sur un objectif
06:32ou un plafond de déficit public.
06:34Ça se voit très bien
06:35quand on regarde l'évolution
06:36du déficit public français
06:38et qu'on la croise
06:39avec l'évolution de la croissance.
06:41Ça a l'air compliqué comme ça,
06:42mais vous allez voir,
06:43pas tant que ça.
06:44Les moments de crise économique
06:45sont typiquement des moments
06:47où le déficit se creuse.
06:48C'est pour ça qu'au moment du Covid,
06:50les règles sur la discipline budgétaire
06:51ont carrément été suspendues.
06:53Les gouvernements nationaux
06:55peuvent injecter dans l'économie
06:57autant qu'ils en auront besoin.
07:01Nous assouplissons les règles budgétaires
07:04pour leur permettre de le faire.
07:06La règle des 3%
07:07a aussi une autre particularité.
07:09Aucun État européen
07:11n'a été sanctionné pour son non-respect.
07:12Il y a bien des procédures
07:14pour déficits excessifs
07:15mais elles n'aboutissent jamais
07:17à des sanctions.
07:18Pour ses partisans,
07:18c'est le signe que l'Europe
07:19fait quand même preuve de souplesse,
07:21contrairement aux critiques
07:22qu'on lui adresse souvent.
07:23Et donc,
07:24que les 3% ne bribent pas trop
07:25les marges de manœuvre budgétaires.
07:27Mais dans ce cas-là…
07:28Le problème, c'est que les critères simples
07:34comme ce plafond de 3% du PIB
07:37ne sont pas très pertinents
07:38d'un point de vue économique.
07:40Mais quand on essaye de trouver
07:42des critères pertinents
07:43d'un point de vue économique,
07:44c'est souvent très compliqué
07:46et difficile à comprendre.
07:47C'est exactement ce qui s'est passé
07:49dans l'Union européenne.
07:50Dès 2005,
07:51elle a introduit la notion
07:52de solde structurel.
07:53En gros,
07:54c'est le déficit
07:55qui aurait été constaté
07:56si le PIB était à son niveau normal,
07:59c'est-à-dire sans tenir compte
08:00de la conjoncture.
08:01Mais on s'est aperçu
08:02que c'était assez compliqué
08:04et difficile à mesurer.
08:06Donc, en 2024,
08:07à la suite de négociations
08:09qui avaient commencé
08:09à la fin des années 2010,
08:12on a essayé d'introduire
08:14un nouveau critère
08:15qui est l'évolution
08:16des dépenses publiques
08:18en se disant
08:19que c'était plus facile à comprendre.
08:21Tous ces nouveaux critères
08:22ont fini par s'ajouter
08:23à la règle des 3%
08:24qui n'a pas été retirée pour autant.
08:26Le résultat,
08:27c'est un ensemble
08:28de critères et de règles
08:30maintenant
08:30qui commencent à devenir
08:31très difficiles à comprendre.
08:33Le principal argument
08:34en faveur des 3%,
08:36c'est donc sa simplicité.
08:38Ils permettent d'envoyer
08:38un signal clair
08:39aux marchés financiers
08:40qui sont indispensables
08:42pour continuer à se financer.
08:43Parce que derrière
08:43la question du déficit,
08:45il y a celle de la dette.
08:46Aujourd'hui,
08:47pour la France,
08:48le 3% de PIB
08:49permet non plus
08:50de ramener la dette
08:51à 60% du PIB,
08:53vu les niveaux de croissance actuels,
08:54mais de la stabiliser.
08:56Et selon François Eccal,
08:57c'est le sujet majeur
08:58qui nous attend.
08:59Pour moi,
09:00ce qui compte,
09:01justement,
09:02c'est la réaction
09:04des marchés financiers.
09:05Et les marchés financiers
09:07risquent de mal réagir,
09:09de s'inquiéter
09:10si la dette publique
09:11n'est pas
09:12ce qu'on appelle
09:13économiquement soutenable.
09:14Et les économistes
09:15vous diront
09:16qu'ils ne savent pas
09:17quel est le niveau maximal
09:18que peut atteindre
09:20la dette publique.
09:21Mais ils disent en général
09:23que pour rassurer
09:25les marchés,
09:25il faut leur montrer
09:26qu'on est capable
09:27de stabiliser
09:28la dette publique.
09:29Malgré les exigences
09:30des marchés,
09:31pourrait-on changer
09:32le mode de calcul
09:33du déficit ?
09:34François Eccal
09:34fait partie de ceux
09:35qui pensent
09:36que c'est encore pertinent
09:37de comparer le déficit
09:38et la dette au PIB.
09:40En fait,
09:40le PIB,
09:41c'est la somme
09:41des valeurs ajoutées,
09:42mais comptablement,
09:43c'est aussi la somme
09:44des revenus.
09:45Et c'est sur les revenus
09:46finalement qu'on prélève
09:47des impôts
09:48et cotisations sociales.
09:49Donc ces recettes,
09:50vous pouvez les faire varier.
09:52Pour faire des comparaisons
09:53internationales
09:54et même des comparaisons
09:55dans le temps,
09:56il faut mieux prendre
09:57quelque chose
09:58de plus stable finalement.
09:59Pour Guy Abeille,
10:00on pourrait plutôt imaginer
10:01un nouveau seuil
10:02basé uniquement
10:03sur les flux
10:04de trésorerie de l'État.
10:05Il faudrait prendre
10:06le montant annuel
10:07que doit emprunter la France
10:09à la fois pour rembourser
10:10les intérêts de la dette
10:11et pour financer
10:12ses dépenses.
10:13En attendant de voir
10:38si quelqu'un la récupère,
10:39la France,
10:40qui est en procédure
10:41de déficit excessif,
10:42a prévu de le ramener
10:43sous la barre des 3%
10:45d'ici 2029,
10:46soit deux ans
10:47après la fin
10:48du mandat présidentiel
10:49en cours.
10:50Merci d'avoir regardé
10:51cette vidéo jusqu'au bout.
10:53N'oubliez pas,
10:53il y a un macro par mois.
10:55Alors si vous avez
10:55une idée de sujet,
10:56n'hésitez pas à me le dire
10:57en commentaire.
10:58Je les lirai tous.
10:59On va faire 15 prises
11:05de ce truc.
11:05On va faire 15 prises
11:07de ce truc.
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