Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • 16/05/2025

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Il y a un adjoint qui est là, moi en premier rôle j'étais là, quand on bascule le gars
00:20comme ça, mais c'est rapide, et quand l'adjoint me dit vas-y mon père la lame, moi je pousse le corps.
00:33La peine de mort au coeur de l'affaire Ranucci, une peine de mort odieuse irréparable qui appartient
00:41à notre mémoire judiciaire. Les dernières secondes de la vie de Christian Ranucci se sont écoulées
00:46sur ces bois de justice. Fernand Messonnier, l'un des derniers exécuteurs, a accepté d'évoquer
00:53cette réalité. Image unique, image qui dise la monstruosité du supplice.
01:06Il n'y a que la tête, il y a des tics nerveux, c'est le choc qui est tellement rapide, c'est un peu nerveux comme ça,
01:15et de suite je vois le coeur, j'ai mis ma main sur le coeur comme ça, au bout de 15 secondes, ça y est,
01:29le coeur tac tac, comme un moteur sur trois pattes, et ça arrête.
01:37La peine de mort, c'est aussi une époque, les années 70. La guillotine divisait l'opinion chaque fois qu'un crime
01:44faisait l'actualité. La France était majoritairement pour. L'affaire Ranucci reflète ce temps où la raison
01:50désertait les assises, quand juges et publics réclamaient la mort.
01:56Il ne fallait pas espérer gagner dans les affaires de cet ordre, sauver la tête du criminel par le jeu de la raison.
02:07Qu'on était en présence de la mort, que la mort était dans la cour d'assises. Et quand la mort est présente,
02:14ce n'est plus la raison qui gouverne.
02:17L'affaire Ranucci commence dans les quartiers nord de Marseille, le long de cette voie rapide.
02:26Le 3 juin 1974, il fait chaud, c'est un lundi de Pentecôte.
02:31Cité Saint-Agnès. Maria Dolores Rambla, 8 ans, et son petit frère Jean, 6 ans, jouent tous les deux en bas de l'immeuble.
02:39C'est le seul endroit de la cité où les enfants peuvent s'amuser.
02:43Midi approche quand un inconnu s'adresse aux enfants et leur dit qu'il a perdu son petit chien noir.
02:49Il demande à Jean Rambla de faire le tour de l'immeuble pour l'aider à le chercher.
02:53Quand le garçon revient, quelques minutes après, l'homme et sa petite sœur ont disparu.
03:09Quand on est arrivé dans l'appartement de M. et Mme Rambla, ils n'avaient pas encore bien conscience de ce qui se passait.
03:29Ils s'inquiétaient, bien sûr. Ils se demandaient comment on avait pu enlever. Ils pensaient plutôt à un accident.
03:37Puis après, quand ils pensaient à un enlèvement possible, M. Rambla ne comprenait pas. Mme Rambla encore moins.
03:45M. Rambla ne comprenait pas. C'était un simple ouvrier boulanger. On ne pouvait pas lui demander une rançon.
03:51Pourquoi on avait enlevé ? Il ne comprenait pas.
03:55Cité Saint-Agnès, personne n'a vu Maria Dolores. Aucun des voisins ne peut donner le moindre signalement de son ravisseur.
04:03Bâtiment C7 au domicile des Ramblas, on veut encore croire à un accident. Mais l'inquiétude gagne.
04:11Les gens ont commencé à se poser des questions, à se mettre aux fenêtres, à s'interroger.
04:17Notamment, il y avait une maman dont la petite fille jouait avec Maria Dolores, quelques minutes avant l'enlèvement, qui s'est inquiétée, qui est venue en nouvelles.
04:29Je suis allé d'abord au Satreau, à la commissariat de Satreau, à dire « Voilà, monsieur, c'est le lundi de Pentecôte et ma fille, elle a disparu. »
04:39Il y avait quatre frics dedans. Ils ne sont pas bougés. Ils m'ont dit « Monsieur, vous retournez à chez vous, peut-être votre fille, elle est à chez vous. »
04:48J'ai retourné chez moi, mais ma fille n'était pas là. Alors, qu'est-ce que j'ai fait ?
04:52Je prends les dernières photos de l'école, je les prends, je me les mets dans la poche, je file directement à l'évêché et je donne l'avis de recherche à mon enfant.
05:04C'est là que je déclenche l'évêché, je déclenche la machine.
05:09Pour les policiers et les journalistes, tous les espoirs se tournent alors vers le petit frère de Maria Dolores, Jean Rambla.
05:16Il est le seul à avoir vu de près le ravisseur et raconte même qu'il a aperçu une voiture.
05:22On lui a posé des questions ouvertes.
05:25Lui dit « Oui, c'est une voiture. » Elle était grise. « Et c'était quoi comme voiture ? » « Je ne sais pas. »
05:33« Mais tu connais les voitures ? » « Oui, un peu. »
05:35« Alors, est-ce que c'était une Renault ? Est-ce que c'était une Citroën ? Est-ce que c'était une Simca ? Est-ce que c'était un autre modèle ? »
05:44Et là, le petit garçon dit « C'est une Simca. » Et c'est une Simca grise.
05:51Un deuxième témoin, Eugène Spinelli, un carrossier, va lui aussi parler le lendemain d'une Simca grise et même préciser le modèle, une Simca 1100.
06:01Le témoignage de Spinelli posera plus tard bien des problèmes.
06:05Il reconnaîtra pouvoir se tromper et surtout son garage se trouve loin de ce muret de pierre, l'endroit où les enfants jouent.
06:11Mais pour l'instant, les policiers s'accrochent à ce témoignage.
06:14On cherche une Simca 1100 grise, c'est-à-dire une voiture banale d'une couleur banale.
06:27Maria Dolores Rambla est enlevée aux environs de 11 heures.
06:3045 minutes plus tard, un événement en apparence anodin va se produire à 25 km de Marseille.
06:38Il est midi moins le quart quand un coupé Peugeot 304 gris aborde le carrefour de La Pomme.
06:43Dans quelques secondes, le conducteur va brûler le stop et heurter la Renault 16 de Vincent Martinez.
06:50« Il y a une voiture qui est arrivée de la droite, qui a brûlé le stop.
06:54Et je me rappelle quand j'ai vu sortir cette voiture vite, j'ai crié, j'ai dit « putain, il s'arrête pas le camp ! »
07:01Je freine, je percute. La voiture part en tête à queue.
07:07C'est incroyable, parce qu'il y avait des panneaux d'indicateurs.
07:13Il est passé au ras des panneaux d'indicateurs, il s'est arrêté la voiture un petit peu l'arrière en contrebas.
07:21Moi, sur le coup, je n'avais rien, ma femme qui était à côté, elle m'a dit « il y a un coupé. »
07:28Je regarde, il redémarre, je dégraffe la ceinture, je sors de la voiture.
07:43Parce que quand ça vous arrive, vous restez comme un couillon.
07:48Et en même temps que je le voyais partir, il me regardait comme ça, il tournait la tête, il regardait. »
07:55Au lieu de s'arrêter, de faire un constat à l'amiable comme n'importe qui en pareil cas, le conducteur du coupé Peugeot prend la fuite.
08:03« La voiture, dans le choc, il y avait des tôles qui frottaient contre la route, et donc il était ralenti, ça faisait du bruit, le pneu fumait, etc.
08:13Je prends vite les numéros, mais je n'étais pas sûr. C'était 13-64, je crois, SG-06 les numéros.
08:25Et donc je dis à l'automobiliste qui était derrière, vite, vite, prenez-le en chasse parce que je n'ai pas les numéros complets. »
08:37Ces deux automobilistes qui prennent en chasse le fuyard s'appellent Alain et Aline Aubert.
08:42Au bout de 700 mètres, ils aperçoivent la Peugeot 304 arrêtée sur le bord de la route.
08:47Un homme en sort, les époux Aubert affirmeront plus tard qu'il tient un enfant par la main.
08:52Les Aubert dépassent la Peugeot, roulent sur une centaine de mètres et reviennent.
08:57L'homme et l'enfant ont alors disparu.
09:00M. Aubert relève le numéro d'immatriculation 13-69 SG-06.
09:07C'est avec ce numéro que Vincent Martinez se rend à la gendarmerie.
09:12« Je sonne, j'attends un moment et je vois arriver un gendarme par un escalier, derrière, en tricot de corps,
09:19qui était en train de manger et qui vient prendre ma déposition.
09:23Donc je commence à déposer pour délit de fuite et je lui parle du fait que ce gars-là s'était enfui,
09:31ce que m'avait dit Aubert, qu'il s'était enfui dans la colline avec un enfant.
09:34Je ne savais pas si c'était un garçon ou une fille.
09:37Et le gars, il me dit, c'est pas important, ça n'a aucun rapport avec l'accident.
09:42Vous, c'est un problème matériel, vous êtes assuré tout risque, etc.
09:46Et on marque ça. Et malheureusement, c'était très important. »
09:50Le propriétaire du coupé Peugeot s'appelle Christian Ranucci.
09:54Vers 17h ce même jour, deux témoins l'aperçoivent à l'entrée d'une champignonnière.
10:00« Voilà. Donc on est sur le chemin qu'a pris Christian Ranucci avec sa voiture pour aller se cacher,
10:06pour changer la roue et changer son pantalon qui était plein de sang.
10:09Et puis peut-être qu'il y avait un peu de sang partout, sur ses mains. »
10:13C'est devant cette barrière que Gérard Bouladou, officier de police pendant 30 ans, a accepté d'évoquer l'affaire.
10:20Devant la même barrière qu'avait franchie Christian Ranucci le 3 juin 1974.
10:27Désormais à la retraite, Gérard Bouladou a décidé de refaire complètement l'enquête et d'écrire un livre.
10:34Sur le chemin de la champignonnière, la hurlissante vérité saute aux yeux.
10:39Non seulement Ranucci s'est enfui, mais il a roulé dans ce chemin de terre sur plus de 400 mètres.
10:45Et puis il s'est caché dans une galerie.
10:47Et c'est là que deux témoins, Mohamed Raou, un ouvrier, et Henri Guazon, le contre-maître de la champignonnière, l'ont vu.
10:54Christian Ranucci s'était embourbé avec son coupé Peugeot 304.
11:01« Les dernières traces de la voiture de Ranucci ont été trouvées à 32 mètres de l'entrée.
11:06Et lorsque M. Guazon et M. Raou voient la voiture, Ranucci a réussi à remonter quand même.
11:13Mais vers l'entrée, ça monte beaucoup plus.
11:16C'était très boueux et donc la voiture a commencé à patiner, elle n'a pas réussi à sortir.
11:20Il avait beaucoup plu quelques jours avant et tout était mouillé, boueux.
11:24Et c'est normal que les roues aient patiné.
11:27Il a eu beau mettre des pierres et des branches d'ormeaux, ça n'a pas suffi pour sortir.
11:32Il a fallu un tracteur pour sortir. »
11:35Ce lundi 3 juin 1974, vers 17h, Henri Guazon, avec son tracteur, sort la voiture de Christian Ranucci de la champignonnière.
11:45Ranucci accepte ensuite une boisson chez M. Raou.
11:48Puis il regagne Nice, la ville dans laquelle il vit avec sa mère, Héloïse Maton.
11:53...
11:58Mardi 4 juin, tout Marseille connaît maintenant l'enlèvement de la petite Maria Dolores.
12:04La presse locale, toute tendance confondue, s'est emparée de cette affaire.
12:08Et elle surveille les moindres allées et venues des policiers de la Sûreté Marseillaise.
12:13« Dès le début de cette affaire, pratiquement, je ne dirais pas qu'on a campé, mais presque.
12:18Puisqu'on restait dans l'hôtel de police, on allait prendre le café avec les policiers au café en dessous.
12:27On allait déjeuner avec les policiers dans la rue de la Loge.
12:32Donc vraiment, on était chez nous. »
12:38La presse galvanise l'opinion. La police travaille l'épée dans les reins.
12:42De la mairie à la préfecture, en passant par la direction de la Sûreté, on réclame des résultats.
12:48Il faut dire qu'enlever un enfant à Marseille est un tabou que même les pires voyous ne brisent jamais.
12:53Toute une ville communie dans la haine du ravisseur de Maria Dolores.
12:57Marseille est rangée derrière la famille Rambla.
13:01« Paul-Claude Innocenzi, journaliste provençal, journaliste engagé de gauche.
13:06Alex Panzani, journaliste communiste à la Marseillaise.
13:11On écrit dans la Marseillaise, journal communiste, et dans le Provençal, journal socialiste,
13:16des éditoriaux qui n'avaient rien à envier à ceux de Gabriel Domenech,
13:21futur député Front National, dans le Bérylionnal.
13:25C'était la même chose, c'était les mêmes appels à la haine et à la mort. »
13:32Mercredi 5 juin. De nouveaux appels à témoins sont diffusés dans toute la région.
13:37Mais ça finit par payer. Les époux Aubert, mais surtout Vincent Martinez,
13:41comprennent qu'ils ont peut-être vu le ravisseur de Maria Dolores.
13:47« Dans le Provençal, je lis l'article de cet enlèvement,
13:52et au fur et à mesure que je lisais l'article,
13:56j'avais l'impression d'être tombé dans quelque chose d'important.
14:01Un, l'heure de l'accident. L'heure de l'enlèvement, l'heure de l'accident.
14:06L'endroit, cette route qui sort de Marseille par les quartiers Est,
14:11par Châteaubembert, par Plain-de-Cuc,
14:15et qui était en fait la direction pour aller sur Nice. »
14:20Vincent Martinez téléphone à la gendarmerie qui contacte aussitôt l'hôtel de police de Marseille.
14:25Et les choses s'emballent. On tient peut-être enfin une piste.
14:29A 12h30, M.Aubert donne au gendarme l'endroit exact où Christian Ranucci s'est arrêté.
14:35C'est la juge d'instruction Ilda Di Marino qui est saisie du dossier.
14:40Elle ordonne qu'une battue soit organisée dans le périmètre où a été vue la voiture de Ranucci.
14:45Les gendarmes quadrillent lentement les lieux, fouillent sur tous les abords de la route.
14:50Car à ce moment-là, on pense encore que la fille était en vie.
14:54On ne veut rien laisser passer. Le moindre indice peut être important.
14:59A 15h45, le corps de Maria Dolores est retrouvé.
15:04Elle est allongée sur le dos, tuée de 15 coups de couteau.
15:1230 ans après, rien n'a changé sur les lieux du crime.
15:16La route nationale est toujours aussi déserte.
15:19C'est ici que les époux Aubert ont aperçu le coupé 304.
15:23C'est ici qu'ils ont affirmé avoir vu Ranucci prendre la main de Maria Dolores
15:27et l'entraîner dans l'apinède qui surplombe la nationale 8 bis.
15:39On est sur les lieux exacts où on a découvert le corps de la petite fille.
15:43Certainement ici.
15:47Il semblerait, d'après les constatations, que Christian Ranucci ait tué la petite fille par ici
15:52et les traîner à un endroit où on pouvait cacher le corps.
15:56On ne pouvait pas la voir.
15:58Et à un endroit où on ne passait pas facilement.
16:02Ce qui fait que lorsque les gendarmes ont cherché,
16:05ils ont dû passer plusieurs fois à côté de cet endroit.
16:07Elle était très bien cachée.
16:09Et c'est après des recherches assez longues qu'ils ont décidé de rentrer dans la végétation.
16:15Et là, un gendarme a failli marcher dessus,
16:19a constaté qu'il y avait des branches fraîches qui étaient cassées.
16:22Ça a attiré son attention.
16:24Et il a découvert le corps de la petite fille.
16:32Ce mercredi 5 juin.
16:34Une épreuve terrible attend M. Rambla, le père de Maria Dolores.
16:38Le code de procédure pénale exige que le corps de l'enfant soit reconnu.
16:42Les policiers vont chercher Pierre Rambla et l'emmènent sur les lieux.
16:45Jusqu'au bout.
16:47Ils lui font croire qu'il peut s'agir d'une erreur.
16:49Mais lorsque Pierre Rambla voit son enfant, la scène est insoutenable.
17:15Dans l'après-midi du 5 juin.
17:36Il ne faudra pas longtemps pour que la police mette un nom derrière le numéro 1369 SG06.
17:42Il s'agit bien sûr de Christian Ranucci.
17:45Domicilier avenue des terrasses de la corniche fleurie à Nice.
17:49Vers 18h.
17:51Les gendarmes l'interpellent et lui font croire qu'ils n'agissent que pour le délit de fuite du carrefour de la Pomme.
17:56A 20h30.
17:58Le commissaire Alessandra de la Sûreté Marseillaise vient chercher Ranucci.
18:05Le coupé 304 est saisi.
18:07Et les policiers trouvent à l'intérieur du coffre un pantalon bleu taché de sang.
18:11Un corset de cuir tressé et deux cheveux.
18:13Un court et un long.
18:15C'est le 6 juin à 1h du matin que Ranucci arrive enfin à l'évêcher l'hôtel de police de Marseille.
18:21On a vu arriver Christian Ranucci.
18:25Que les policiers ramenaient de Nice.
18:29On l'a vu arriver jeune homme bien mis.
18:32Vraiment pas la tête du tueur.
18:36On s'attendait à voir compte tenu des propos qu'avaient tenus et le commissaire Kuben et le commissaire Alessandra.
18:42C'était pas du tout un monstre.
18:45Un jeune homme un peu timide qui est apparu entouré des policiers.
18:54Christian Ranucci a un passé familial tourmenté.
18:57Il est né le 6 avril 1954.
18:59A 4 ans il voit son père Jean un ancien de la guerre d'Indochine frapper sa femme Héloïse à coup de couteau.
19:05Un couteau à cran d'arrêt.
19:07Un modèle similaire à celui qui tuera Maria Dolores.
19:10Vient le divorce des parents et les années d'errance.
19:13La Belgique, Toulon, Paris, Grenoble, Nice.
19:1717 déménagements avec toujours la crainte que ce père violent ne retrouve Christian et sa mère.
19:23Héloïse Maton exerce des petits boulots.
19:25Elle achète même un bar le Rio Bravo à quelques kilomètres de Voiron.
19:29Avec quel argent ? Cela restera toujours un mystère.
19:32Lorsqu'Héloïse s'absente pour de longs week-ends à Paris, c'est Christian Ranucci qui tient le Rio Bravo.
19:37Les voisins d'alors le décrivent comme livré à lui-même, arrogant et peu respectueux.
19:41Son avocat, lui, se souvient des garçons plutôt banals.
19:46Un petit gamin dont les conversations oscillaient du service militaire à sa voiture qui marchait mieux que les autres.
19:56Vous voyez, il a des choses très basiques, je veux dire.
20:02Je me risque à vous dire, du moins dans les rapports qu'on avait,
20:06que non seulement il n'était pas antipathique, mais qu'il était plutôt sympathique.
20:17Les policiers qui ont enquêté sur l'affaire Ranucci ont pendant longtemps gardé le silence.
20:21Un seul d'entre eux a accepté de parler.
20:24Il vit aujourd'hui dans un village reculé du Var.
20:28Loin des clichés du fric brutal qui aurait voulu à tout prix la perte de Ranucci,
20:32l'homme est plutôt doux et calme.
20:35C'est un artiste.
20:42Sur cette image, Pierre Grivelle est à gauche de l'écran.
20:45C'est lui qui tient Christian Ranucci par le bras.
20:48A cet instant, la seule chose que les policiers connaissent de Ranucci,
20:53c'est l'accident du carrefour de La Pomme.
20:58S'il reconnaît l'accident, c'est lui.
21:01S'il ne reconnaît pas l'accident, qu'on lui avoue la voiture ou autre, on va être dans la merde.
21:06Et ce con, il reconnaît l'accident tout de suite, sans problème.
21:11C'était pas un truand ni un voyou, c'était un pédophile.
21:14C'était un pédophile, pas vicieux.
21:18Pour les policiers, dès le départ, Ranucci est un coupable idéal.
21:22Il vient de reconnaître l'accident sans aucun problème,
21:25mais il nie farouchement avoir enlevé Maria Dolores.
21:28Le commissaire Alessandra, qui dirige l'enquête, est perplexe.
21:32Il décide de jouer sa carte maîtresse et convoque les époux Aubert.
21:37Lorsque les époux Aubert sont rentrés lors de la confrontation dans le bureau de monsieur Alessandra,
21:42j'étais avec Ranucci, bien sûr,
21:45madame Aubert a dit, c'est lui, c'est lui.
21:48Il a fondu en larmes, il s'est écrasé comme une moulasson.
21:52Il a dit, je ne suis pas un salaud, je ne suis pas un salaud, je ne voulais pas la tuer.
21:56Bon, il a passé les aveux ensuite.
21:58Qu'on connaît, que tout le monde connaît.
22:01Je préfère libérer ma conscience à vous, Ranucci, et vous dire tout ce que je sais sur cette affaire.
22:06C'est bien moi qui ai invité la jeune fille à venir avec moi dans ma voiture.
22:10Ce sont des aveux complets, détaillés.
22:12Christian Ranucci reconnaît tout.
22:14Il indique l'endroit précis où il a enlevé Maria Dolores.
22:17Il indique l'endroit précis où il a caché l'arme du crime.
22:21La première question que je lui ai posée, c'est, c'était celle qui m'était venue à la tête,
22:26était de lui dire, bon, soyons d'accord, c'est bien vous qui avez tué cet enfant.
22:33Et il a eu cette réponse qui reste dans mes oreilles depuis 30 ans.
22:37Il me dit obligatoirement.
22:40Je lui dis obligatoirement, qu'est-ce que ça veut dire, obligatoirement ?
22:43En l'occurrence, ça sonnait comme une réserve, pas comme une affirmation.
22:48Et il me dit, des témoins m'ont reconnu, donc c'est obligatoirement moi qui l'ai tué.
22:52Je lui dis, d'accord, mais vous, qu'est-ce que vous me dites ?
22:55Vous l'avez tué ou pas ?
22:57Il me dit, je vous dis que je l'ai tué parce qu'on me l'a démontré et que des témoins m'ont reconnu.
23:04Des aveux troublants qui vont jeter un doute sur la culpabilité de Ranucci.
23:08Mais pour la justice, ces aveux ont un sens, celui que leur donne l'article 304 du code pénal.
23:14La peine de mort vient de surgir dans l'affaire Ranucci.
23:18Pour les défenseurs, il faudra maintenant se battre contre la guillotine.
23:241978.
23:26Deux ans ont passé depuis l'exécution de Ranucci.
23:29A mille kilomètres de Marseille, Gilles Perrault, un écrivain connu, engagé dans le combat contre la peine de mort,
23:35met la dernière main à un livre, Le Pullover Rouge.
23:39Gilles Perrault a rencontré les avocats de Ranucci et surtout la mère du jeune supplicié.
23:43Il est convaincu qu'il y a des doutes et il l'écrit.
23:47Le livre fait l'effet d'une bombe.
23:49On aurait guillotiné un innocent.
23:51Mais aujourd'hui, Gilles Perrault a abandonné le conditionnel et ne doute plus.
23:57Aujourd'hui, oui, je peux dire que je suis convaincu de l'innocence de Christian Ranucci,
24:04dans la mesure où le scénario de l'accusation ne tient pas.
24:09Il ne tient plus.
24:11Ça ne tient plus la route.
24:13On ne peut pas croire à ce scénario de l'accusation.
24:16Alors je ne peux pas, nous ne pouvons pas vous apporter la preuve de l'innocence de Christian Ranucci.
24:23Il faudrait amener le véritable meurtrier.
24:26On ne l'a pas.
24:27Ou démontrer que Christian Ranucci, le jour du crime, il était à 5000 km de Marseille.
24:33Mais non, il n'était pas à 5000 km.
24:35Il a eu un accident, au contraire, tout près de l'endroit où on va retrouver le cadavre de Marie Dolores.
24:42La première chose que Gilles Perrault va remettre en question, ce sont les aveux de Ranucci.
24:47Et particulièrement l'origine même de ces aveux.
24:50La pierre d'angle du dossier d'accusation, c'est-à-dire le témoignage des époux Aubert.
24:55Qu'est-ce que vous trouvez dans le dossier ?
24:57Qu'ils ont commencé à parler par téléphone aux gendarmes d'un homme qui s'enfuyait avec un paquet volumineux.
25:07Par deux fois, ils parlent d'un paquet volumineux.
25:10Et puis leur témoignage évolue.
25:13Et puis leur témoignage évolue.
25:16Et finalement, le paquet volumineux devient une petite fille qui parle d'une voix fluette.
25:22Donc pour comprendre ce qu'elle dit, il faut être tout prêt.
25:26Alors qu'est-ce que ça veut dire ?
25:28Des témoins qui parlent à des gendarmes d'abord d'un paquet volumineux
25:33et ensuite d'une petite fille qui tient des propos d'une voix fluette qui dit
25:38qu'est-ce qu'on fait maintenant, où on va maintenant, ça n'est pas sérieux.
25:42Quand il y a l'accident, je vois la forme de l'enfant, je vois Ranucci qui est comme ça,
25:46et l'enfant à côté de lui, mais un petit peu comme s'il était là, qui regardait.
25:53Il n'était pas assis tranquillement.
25:55C'était un coupé, donc il y a eu une banquette derrière.
25:59Et c'est là que je la vois basculer.
26:03Je ne sais pas ce que c'est.
26:04Quand Aubert revient, qui me dit qu'il les a vus partir dans la colline avec un enfant,
26:10je ne sais pas non plus si c'est un garçon ou une fille.
26:13Ça ne sera que le lendemain dans la presse où je saurai que c'était une petite fille.
26:19C'est grâce au témoignage d'Aubert qu'on va retrouver le cadavre de Marie-Dolores Rambla.
26:28Donc ça fait deux choses.
26:30D'une part, ils ont vu une scène à un endroit où on va retrouver le cadavre de l'enfant
26:38et d'autre part, ils rapportent le numéro d'immatriculation de Christian Ranucci.
26:43Ça, c'est incontestable et personne ne peut le contester.
26:47Et nous ne le contestons pas et je ne le conteste pas.
26:51Gilles Perrault affirme que ce n'est pas Ranucci que les époux Aubert aperçoivent sur la route.
26:56C'est un autre homme qui a pris sa place dans sa voiture.
26:59Seulement voilà, dans les aveux de Ranucci, il existe une pièce autrement plus troublante.
27:03C'est un dessin que Christian trace de sa propre main et qui représente la cité Saint-Agnès,
27:08c'est-à-dire le lieu de l'enlèvement de Marie-Dolores.
27:13Il ne connaît pas Marseille.
27:15Quand je lui demande comment ça se présente cette cité, il me dit que je peux faire un plan.
27:20C'est lui-même qui nous dit que je peux faire un plan.
27:23On n'aurait pas été obligé de lui faire faire un plan.
27:26Une cité quelconque à Marseille, enlever l'enfant, il peut se terminer.
27:30Il nous fait un plan vraiment précis.
27:32Je vous ai dit même que l'herbe, il marque même la présence d'herbe et la rue.
27:36Alors je dis, comment ça se présente cette rue, comment elle est cette rue ?
27:39Je savais que la rue, elle monte, la rue Herbe, elle monte énormément.
27:42Je savais comment elle se présente.
27:44Il me dit, je suis arrivé devant un immeuble, je me suis garé.
27:46Après j'ai manœuvré.
27:48Il m'a dit, oh là là, j'ai même failli, j'ai même calé.
27:51Et elle monte, elle monte énormément.
27:53Effectivement, la rue Herbe, elle monte à 10 ou 15 degrés, je ne sais pas combien, peu importe.
27:57Une rue qui monte, les indications sont très sommaires.
28:05Une rue qui monte, un muret, un remblai, je ne sais quoi, un remblai.
28:11Enfin bon, c'est un gribouillis.
28:14Allons, c'est un gribouillis.
28:17Ce gribouillis pèsera lourd dans la balance de la justice,
28:20car c'est un dessin sans équivoque qui correspond exactement à l'endroit
28:24où Ranucci reconnaît avoir enlevé Maria Dolores.
28:28Il a même dessiné le muret de pierre près duquel jouait la fillette et son petit frère.
28:34Gilles Perrault affirme plus tard qu'il manque un platane,
28:37un simple détail dans un dessin où rien d'autre n'a été oublié.
28:44Je n'ai pas grand chose à répondre sur le dessin, sauf à vous dire,
28:48j'admets que comme le couteau, c'est une pièce accusatoire.
28:52Moi, je n'ai jamais dit Ranucci est innocent, rien ne l'accuse et tout va bien.
28:59Je n'ai jamais dit ça.
29:02Malaise.
29:03Un avocat qui doute sur une pièce aussi capitale du dossier.
29:07Dans le coupé Peugeot 304,
29:09les policiers ont saisi un pantalon taché de sang du même groupe que celui de Maria Dolores.
29:14Ranucci dira que ce pantalon lui servait pour le bricolage.
29:18Sur ses photos, le pli est parfait.
29:20Étrange pour un habit de travail.
29:23Il garde le pantalon inondé de sang.
29:27Il n'est pas taché, il est inondé de sang.
29:29Il garde le pantalon dans le coffre de sa voiture.
29:31Et le couteau, il nous dit où est le couteau.
29:33Alors qu'on sera en train, 32 ans après, en train de le chercher.
29:36S'il ne le dit pas, on ne trouvera jamais le couteau.
29:38C'est impossible.
29:39C'est impossible.
29:42Je suis retourné sur la route à voir Ranucci.
29:45Après avoir remis le couteau dans la poche,
29:47si mes souvenirs sont exacts.
29:49Je me suis remis au volant de ma voiture
29:51et après un long parcours, je me suis engagé dans la piste
29:53qui donne accès à la galerie.
29:55Le long de cette piste se trouve une espèce de place
29:57où est étalée de la tourbe.
29:59C'est à cet endroit que je me suis débarrassé du couteau.
30:03L'entrée de la champignonne est ici.
30:05Ici, il y avait le tas de tourbe,
30:07qui est recouvert d'herbe maintenant.
30:09Il y avait une petite cabane en ciment,
30:13qui a permis à Ranucci d'indiquer aux gendarmes
30:16précisément où était le couteau.
30:18Au début, ils ont cherché.
30:20Le tas de tourbe était assez vaste.
30:22Il faisait 17 mètres sur 10 mètres,
30:24ce qui représente 170 mètres carrés.
30:26C'est énorme.
30:28Il y avait beaucoup de morceaux de métal
30:30parce que c'était un peu un dépotoir.
30:32On jetait de tout dans ce tas de tourbe.
30:34À un certain moment, ils ont rappelé les Véchers
30:36en disant qu'on avait du mal à trouver ce couteau.
30:38Pour l'instant, on ne le trouve pas.
30:40Ça fait une heure et demie qu'on cherche.
30:42On a demandé des précisions à Christian Ranucci.
30:45Il a situé le couteau,
30:47c'est marqué dans le rapport de gendarmerie,
30:49à partir de cette petite maison en béton.
30:52La chose qui m'a le plus surpris,
30:54c'est la reconstitution.
30:56Quand le juge, en présence de ses avocats,
30:58lui demande un champignonnaire,
31:00où il a mis le couteau.
31:02Il est parti comme un fou.
31:04Il m'a traîné d'un coup avec ses menottes.
31:06J'étais menotté à lui.
31:08J'étais menotté à lui.
31:10Il m'a traîné d'un coup sur une vingtaine de mètres,
31:12quitte à me faire attribuer chez lui,
31:14mais sa méchance était voulue, aucune.
31:16Avec une certaine fierté, il a dit au juge,
31:18c'est là que je l'ai mis, que je l'ai enfoncé.
31:20Pile à l'endroit où le couteau avait été trouvé.
31:22Pour le faire avec la main.
31:28Il avait l'air tout fier de dire, voilà, mon couteau,
31:30parce qu'il avait l'air d'y tenir, son couteau.
31:32Mon couteau, c'est là que je l'ai mis,
31:34comme un enfant qui dit, voilà,
31:36je l'ai mis ici, personne ne me le prendra.
31:42La police marseillaise accuse réception du couteau
31:44avant qu'il ait été retrouvé.
31:46Ah, mais on nous dit,
31:48c'était une erreur de datation,
31:50une erreur de datation
31:52du procès verbal.
31:54Le procès verbal avait été
31:56ouvert la veille,
31:58donc il était daté de la veille.
32:00Et puis, au lieu d'être clôturé
32:02et d'ouvrir un nouveau procès verbal,
32:04on a ajouté à la suite le couteau.
32:06Mais le couteau, en fait,
32:08il a été reçu le 7 juin,
32:10après qu'on l'ait retrouvé
32:12à 24 km de Marseille.
32:14Alors bon,
32:16si c'était la seule
32:18curiosité,
32:20si je puis dire, anomalie
32:22d'un procès verbal.
32:24Mais il y en a à chaque page, à chaque pas.
32:26La police a-t-elle vraiment
32:28commis des erreurs aussi graves ?
32:30Michel Lourbouillou est avocat général
32:32de l'Albec-Saint-Provence.
32:34C'est un technicien du droit,
32:36et pour lui, il n'y a pas d'erreur.
32:38Donc la date qui figure sur le scellé
32:40est la date du procès verbal,
32:42d'ouverture de l'enquête.
32:44C'est une date qui est reprise
32:46dans toutes les procédures
32:48avec le numéro du PV.
32:50Et cette date est unique.
32:52C'est la date, comme je vous l'ai indiqué,
32:54du premier jour de l'enquête.
32:56Donc il est tout à fait normal
32:58qu'un objet qui même ait pu être découvert
33:00le lendemain ou deux jours après,
33:02que sur cette fiche figure la date
33:04du procès verbal, et non pas de la découverte.
33:06Et je lui dis, Ranucci,
33:08très bien, vous êtes innocent,
33:10admettons, il y a des choses
33:12qui ne vont pas dans le dossier, nous sommes d'accord.
33:14Le couteau
33:16est quand même très admettant,
33:18c'est possiblement l'arme du crime,
33:20et vous avez toujours dit
33:22qu'il était à vous,
33:24et vous n'êtes jamais revenu là-dessus.
33:26Alors il a réfléchi un instant comme ça,
33:28et il m'a dit, vous avez raison,
33:30c'est très embêtant, le couteau.
33:32Peut-être qu'il faut dire
33:34qu'il n'est pas à moi.
33:36Mais dans nos rapports,
33:38je veux que vous sachiez qu'il est à moi.
33:40Qu'est-ce que vous faites avec ça ?
33:44En donnant l'emplacement
33:46de l'arme du crime, Ranucci
33:48avait scellé son destin.
33:50Il devenait le coupable idéal.
33:52Pourtant, dans cette champignonnière,
33:54les policiers ont trouvé
33:56des trouveurs rouges.
33:58Et cela soulève bien des problèmes.
34:06La cour d'appel d'Aix-en-Provence
34:08a fait exception à la règle.
34:10Dans cette salle,
34:12pour la première fois,
34:14la justice accepte qu'une caméra
34:16filme les derniers scellés
34:18de l'affaire Ranucci.
34:20Ce jour-là, les scellés
34:22que tout le monde croyait détruits
34:24ont été retrouvés.
34:28Il y a au fond de ce carton
34:30des pierres encore tachées du sang
34:32de Maria Dolores Rambla.
34:36Il y a le fouet de cuir
34:38que Christian Ranucci avait tressé.
34:40Et un couteau de Marc Opinel
34:42découvert dans le coffre de sa voiture.
34:44Il y a aussi les moulures de plâtre
34:46des empreintes de la 304 Peugeot
34:48relevées dans la champignonnière.
34:50Il y a enfin, dans les cartons
34:52le pullover rouge.
34:54Ce fameux pullover qui a jeté le doute
34:56sur l'affaire Ranucci
34:58et qui a donné son titre
35:00au livre de Gilles Perrault.
35:08Il y a ce pullover rouge
35:10qui est flambant neuf
35:12et qui est un peu incongru là-dedans.
35:14Il est clair qu'il appartient pas à Ranucci.
35:16Même à l'époque où il passe des aveux,
35:18il dit ce pullover rouge n'est pas à moi.
35:20Alors après, il prendra l'importance qu'on connaît.
35:22C'est un homme
35:24que j'appelle l'homme au pullover rouge.
35:26C'est-à-dire un homme
35:28qui a été vu
35:30dans les cités marseillaises
35:32dans les jours précédents
35:34de l'enlèvement de Marie-Dolores Rambla.
35:36Et cet homme-là
35:38a essayé d'enlever des enfants,
35:40d'approcher des enfants.
35:42Il a réussi avec deux petites filles
35:44qu'il a tripotées.
35:46Il a essayé d'enlever d'autres enfants.
35:48Ça n'a pas marché.
35:50Et puis, malheureusement,
35:52ça a marché
35:54avec Marie-Dolores Rambla.
36:18Ce sont alors deux témoins
36:20le jour de l'assassinat de Marie-Dolores.
36:22Ça ne peut pas être
36:24Christian Ranucci,
36:26l'homme au pullover rouge.
36:28D'abord, le pullover rouge ne lui va pas.
36:30Il flotte dedans.
36:32Et puis surtout, au moment des tentatives
36:34de cet homme au pullover rouge
36:36dans les derniers jours de mai,
36:38Christian Ranucci est à Nice,
36:40à 200 kilomètres de là.
36:42Il est au travail avec des collègues.
36:44Donc, ça ne peut pas être.
36:46En plus, il n'a jamais porté
36:48de vêtements rouges.
36:50Ranucci mesure 1,73 m
36:52et pèse 69 kg.
36:54Le pullover rouge est à sa taille.
36:56Ceux qui cherchent à l'innocenté
36:58affirment que Ranucci détestait le rouge.
37:00Curieux, pourquoi les sièges de sa voiture
37:02à laquelle il tient tant sont-ils rouges ?
37:04C'est peut-être un détail,
37:06mais il est troublant.
37:08On a parlé d'un sadique
37:10au pullover rouge
37:12qui traînait avec une 5'100
37:14dans un quartier, dans l'autre, ainsi de suite.
37:16Mais où est le problème ?
37:18Le pullover rouge
37:20qu'avait trouvé la chambre millionnaire,
37:22il dit qu'il n'est pas à lui.
37:24Bon, on n'est pas revenu là-dessus.
37:26Son préfet de chic nous dit qu'il n'est pas à lui.
37:28Bon, on n'en parle plus.
37:30Le pullover est peut-être à lui, tout simplement.
37:32S'il n'est pas à lui, ce n'est pas un problème.
37:34Il appartient à n'importe qui.
37:38Pour la police,
37:40existe le pullover rouge.
37:42Au départ, l'enquête se fait à charge.
37:44On ne cherche pas trop à comprendre,
37:46on va aux évidences.
37:48Le 6 juin 1974,
37:50la garde à vue touche à sa fin.
37:52Pierre Grivelle échange quelques mots
37:54avec Christian Ranucci.
37:56Ce jour-là, celui qui vient d'assassiner
37:58une fillette prononce une phrase
38:00qui laisse perplexe.
38:02Ranucci me dit...
38:04Pierrot, je m'appellerai toujours.
38:06Pierrot, qu'est-ce que je risque pour ça ?
38:08Je lui dis, tu sais,
38:10tu te défends bien,
38:12tu enlèves un enfant,
38:1420 ans, une perpète,
38:16comme il y avait la peine de mort en vigueur à l'époque.
38:18Tu te défends bien,
38:20autrement, tu risques la peine de mort.
38:22Il me répond
38:24une réponse qui m'a sidéré.
38:26Oh, il ne me dit pas pour si peu.
38:28Comme s'il avait jeté un kinex
38:30ou tué une mouche.
38:32Il n'a jamais mesuré l'importance
38:34de son acte.
38:38C'est à la fin de la garde à vue
38:40qu'un personnage qui deviendra essentiel
38:42dans la cause de l'innocence
38:44arrive à l'hôtel de police de Marseille.
38:46Héloïse Maton, la mère de Christian Ranucci,
38:48est introduite auprès de son fils
38:50alors qu'il vient d'avouer.
38:52On a vu arriver Mme Maton,
38:54la mère de Christian Ranucci.
38:58On l'a vue aller dans son bureau
39:00voir son fils.
39:02Jusque-là, on n'a pas branché,
39:04on ne l'a pas interviewée,
39:06on ne l'a pas parlé.
39:08C'est seulement en sortant qu'elle a dit
39:10que ce n'est pas possible,
39:12que ce n'est pas lui,
39:14qu'il se trompe.
39:16Sa mère, tout de suite après,
39:18dit à M. Alessandra
39:20que je l'amène à Nice.
39:22C'est quelque chose
39:24qui m'a toujours ébranlé.
39:26Je le dis, je le maintiens
39:28et je l'affirme.
39:30M. Alessandra lui restitue la voiture
39:32parce qu'elle était à crédit.
39:34Elle avait été fouillée, examinée
39:36de fond en comble.
39:38Et puis, je voudrais son chéquier
39:40parce que j'ai procuration,
39:42parce que j'ai besoin de payer les crédits
39:44et j'ai besoin de son argent.
39:46Voilà la réaction de Mme Maton.
39:48Je peux le dire maintenant,
39:50je n'ai pas honte de le dire,
39:52je l'affirme, je l'ai vécu.
39:54Ça m'a ébranlé.
39:58Le dossier Ranucci
40:00est maintenant à l'instruction.
40:02Deux mystères demeurent.
40:04Jean Rambla, le frère de Maria Dolores,
40:06le seul à avoir assisté à l'enlèvement
40:08ne reconnaît pas Ranucci.
40:10Eugène Spinelli
40:12qui pense lui aussi avoir assisté à l'enlèvement
40:14ne reconnaît pas non plus Ranucci.
40:22Moi, ce qui m'a, ce qui
40:24a cessé de me gêner dans cette affaire
40:26c'est l'absence de réponse
40:28à la question
40:30« Pourquoi enlève-t-il cet enfant ? »
40:32Si on admet qu'il l'enlève
40:34avec une explication
40:36de cet enlèvement
40:38après tout,
40:40on peut admettre
40:42qu'après il la tue
40:44parce qu'il a peur
40:46ou parce que ceci ou parce que cela.
40:48Mais personne ne s'est jamais préoccupé
40:50d'abord d'expliquer
40:52pourquoi
40:54il avait enlevé cet enfant.
40:56Or, sur l'identité
40:58l'identité du ravisseur
41:00je suis désolé
41:02les témoins qui sont là
41:04il y a Jean Ramblin
41:06qui est un petit garçon
41:08d'accord, ça ne fait pas un imbécile
41:10qui ne le reconnaît pas
41:12il y a Spinelli
41:14il a commencé par, encore une fois, de dire
41:16positivement, c'est une simcard.
41:18Cela, la juge d'instruction
41:20Hilda Di Marino ne s'en préoccupe guère.
41:22Pendant quatre mois
41:24un record de rapidité est l'instruit à charge
41:26sans des éléments douteux dans l'oubli
41:28ne faisant pas certaines vérifications d'usage.
41:32Aveuglée par les charges
41:34elle bâcle la reconstitution du crime.
41:36Le 27 décembre 1974
41:38Ranucci compare
41:40une dernière fois devant la juge d'instruction
41:42Il est agacé
41:44parce que ses avocats sont absents
41:46malgré la convocation.
41:48Et là, il revient sur ses aveux.
41:50Au début, j'ai cru moi-même
41:52que ma culpabilité était possible
41:54aujourd'hui, je pense le contraire.
41:56Un peu plus loin,
41:58Ranucci ajoute
42:00Je reconnais par contre que c'est bien moi
42:02qui ai indiqué aux enquêteurs à quel endroit
42:04était le couteau m'appartenant.
42:06Un détail troublant pour quelqu'un qui revient sur ses aveux.
42:10Le 9 mars 1976
42:12c'est avec un dossier très mal ficelé
42:14que Christian Ranucci compare
42:16devant les assises des Bouches du Rhône.
42:18On le voit arriver
42:20déguisé
42:22déguisé par sa mère.
42:24J'appelle déguisé
42:26avec une croix d'archevêque
42:28pectorale énorme
42:30sur la poitrine
42:32qui, toute déférence
42:34gardée à l'égard
42:36de toutes les convictions
42:38était dans cette enceinte
42:40je veux dire
42:42incongrue
42:44de mauvais goût
42:46si j'ose dire
42:48insolente
42:50et ça on a senti
42:52tout de suite que
42:54c'était pas
42:56c'était pas perçu comme
42:58de façon positive.
43:00Il se montre arrogant mais au point
43:02qu'il finit par déstabiliser
43:04ses avocats qui se tournent
43:06vers lui, qui lui font signe
43:08de se calmer
43:12non
43:14le problème c'est ça, c'est qu'il est
43:16tellement convaincu de sa
43:18propre innocence
43:20qu'il considère que ce procès
43:22c'est une mascarade.
43:48La sentence a été
43:50prononcée dans le tribunal
43:52mais il y a quelqu'un qui est sorti
43:54aussitôt pour le dire
43:56dans la salle des pas perdus où les gens faisaient la queue
43:58pour dire ça y est
44:00il est condamné à mort et là
44:02les applaudissements
44:04de la salle des pas perdus, on les a entendus
44:06nous dans la salle d'audience
44:08voilà donc c'est un climat
44:10très très très
44:12dur. Moi quand je suis sorti
44:14de
44:16quand on a annoncé
44:18qu'il était condamné à mort
44:20et bien vous savez
44:22vous prenez un sacré coup de barre
44:24dans les oreilles aussi
44:26ça
44:28vous casse en deux.
44:30Madame Maton avait prévu une voiture
44:32pour Mercedes Blanche
44:34persuadée que son fils
44:36allait être acquitté
44:38et elle avait prévu
44:40une belle voiture pour le ramener
44:42à la maison
44:44totalement inconsciente
44:46puisqu'on sait bien que c'est pas à la sortie du tribunal
44:48même acquitté
44:50qu'un détenu
44:52peut être libéré
44:58Marseille
45:00prison des Baumettes
45:02il est 4h du matin
45:04dans le quartier des condamnés à mort
45:06Christian Ranucci dort encore
45:08dans la cour
45:10l'exécuteur des arrêts criminels
45:12la victime
45:164h05
45:18on réveille Christian Ranucci
45:20la grâce présidentielle a été refusée
45:24tu es innocent
45:26et tu as été un bon fils
45:28ma vie était heureuse entourée de ton amitié
45:30de toutes tes gentillesses
45:32crie ton innocence
45:34mille fois, sois courageux
45:36ta maman, Héloïse Maton
45:424h13
45:44pour la justice
45:46l'affaire Ranucci est terminée
45:5230 ans ont passé
45:54depuis l'exécution de Ranucci
45:56paradoxalement avec son supplice
45:58commençait le mythe de son innocence
46:00la mort de Ranucci
46:02aura servi la cause de l'abolition
46:04de la peine de mort
46:06pour autant cela devait-il masquer
46:08les charges accablantes
46:10les policiers qui s'étaient tus ont fini par attaquer
46:12ceux qui les accusaient d'avoir désigné le jeune
46:14Christian Ranucci au bourreau
46:20au bureau dans une émission en 85
46:22je ne me rappelle plus
46:24en 85 je pense
46:26on a traité enfin nous policiers de Marseille
46:28comme policiers marseillais
46:30qui est différent des autres
46:32parce que nous on est une police spéciale
46:34il n'y a qu'une seule police spéciale
46:36différente c'est Marseille
46:38les autres le sont, ils sont gentils, ils sont bien
46:40enfin peu importe
46:42ils ont traité du crime de forfaiture
46:44c'est grave, c'est à dire que nous on est criminels
46:46on se retrouve les menottes, on va au beau maître
46:48du crime de forfaiture
46:50il n'a pas pu apporter les preuves, aucune preuve
46:52à ce qu'il avançait, à ce qu'il disait
46:54et sa thèse, il a été condamné
46:56en première instance, en appel
46:58et son prouvé en cassation a été rejeté
47:00il a été condamné à de forts dommages
47:02à l'intérieur
47:08Christian Ranucci n'en finit pas d'alimenter l'actualité
47:10récemment il a été écrit
47:12que fournirait le tueur en série
47:14incarcéré dans les geôles de Belgique
47:16serait l'assassin de Maria Dolores Rambla
47:18faut-il croire qu'il s'agit d'une blague belge
47:20ou d'une pagnolade marseillaise
47:22sur internet
47:24une véritable Ranucci mania a vu le jour
47:26il existe même un jeu qui permet
47:28de rejuger l'affaire
47:30on pourrait presque en rire si une autre vérité
47:32ne prenait pas le dessus
47:34Jean Rambla, le frère de la fille
47:36assassinée par Christian Ranucci
47:38est accusé à son tour de meurtre
47:40Jean Rambla est toujours présumé
47:42innocent mais si la loi était encore assassine
47:44il encourerait la peine de mort
47:46deux fois par mois
47:48monsieur Rambla, qui s'est tant et tant
47:50battu contre l'abolition, prend son rôle
47:52au paroir des Bomettes
47:54à l'endroit où il y a 30 ans Christian Ranucci
47:56l'assassin de sa petite Maria Dolores
47:58était guillotiné
48:00Je perds mon premier enfant
48:02à l'âge de 8 ans
48:04assassiné
48:06massacré
48:08massacré
48:10à coup de pied
48:12avec 15 couteaux
48:14coup de pied
48:16massacré son crâne
48:18je ne l'ai pas reconnu
48:22et puis maintenant
48:2432 ans
48:26bientôt
48:28j'ai mon fils en prison
48:30c'est ce qu'il m'a fait
48:32il avait 6 ans et demi
49:00Héloïse Maton se rend
49:02tous les jours au cimetière
49:04déposer des fleurs blanches sur la tombe de son fils
49:06son combat a commencé
49:08il y a 30 ans
49:10à l'époque, ce combat fut celui
49:12des opposants à la peine de mort
49:14pour beaucoup
49:16c'était pas le doute
49:18c'était simplement l'application de la peine de mort
49:20dans un contexte où les gens
49:22commençaient à se mobiliser sérieusement
49:24contre la peine de mort
49:26et puis après il y a eu effectivement
49:28le pullover rouge
49:30avec toutes les connotations
49:34de gauche
49:36de Gilles Perrault
49:38tout son passé communiste
49:40qui ont fait que
49:42le pullover rouge est devenu
49:44en quelque sorte l'emblème
49:46des partisans de l'abolition
49:48de la peine de mort
49:50c'est d'ailleurs, Badinter ne s'est pas caché
49:52que ça avait été
49:54un élément important
49:56et donc pour beaucoup, le pullover rouge
49:58est devenu l'emblème
50:00de l'abolitionnisme
50:02et pour beaucoup aussi
50:04c'est devenu une affaire politique
50:06l'exécution de Ranucci
50:08aura paradoxalement servi une cause noble
50:10celle de l'abolition
50:12de la peine de mort
50:14la grâce présidentielle est refusée
50:16au jeune Christian Ranucci par Valéry Giscard d'Estaing
50:18et désormais les avocats vont mettre
50:20les jurés et les juges face à eux-mêmes
50:22plus personne ne peut se démettre
50:24de ses responsabilités en comptant
50:26sur la grâce présidentielle
50:28cela Robert Badinter le comprend
50:30et il réussit à vaincre la peine de mort
50:32l'idée qu'on est l'auteur volontaire
50:34qu'on a choisi qu'un homme soit coupé
50:36vivant d'eux, qu'on l'envoie à la guillotine
50:38et qu'on portera ça avec soi
50:40toute sa vie
50:42c'est une image
50:44si forte
50:46une responsabilité si grande
50:48que je savais que si quelque chose
50:50pouvait arrêter l'instinct de mort
50:52c'était cette prise de conscience là
50:54ce refus à son tour
50:56d'être celui qui donne la mort
50:58donc vous voyez
51:00vaincre la mort
51:02par la mort, par l'image de la mort
51:04et par la responsabilité de la mort
51:06c'est ce que j'ai fait
51:08dans le procès Patrick Henry
51:12et c'est ce que j'ai fait ensuite
51:14dans tous les cours d'assises
51:16toujours ramener les jurés
51:18à eux-mêmes
51:20comme porteurs de mort
51:22ou de vie

Recommandations

1:47:56
À suivre
11:57