Le compérage est une pratique interdite dans le domaine médical, souvent mal comprise, mais aux conséquences déontologiques sérieuses. Maître Dominique Decamps-Mini, avocate spécialisée en droit de la santé au sein du cabinet Theis 360, nous éclaire sur ce sujet. Une définition claire : entente secrète et intérêt personnel Le compérage désigne une entente secrète entre deux ou plusieurs personnes — souvent des professionnels de santé — dans le but d’en tirer un avantage, financier ou autre, au détriment du patient ou d’un tiers. C’est l’article R.4127-23 du Code de la santé publique qui en fixe les contours juridiques, et il est formel : cette pratique est strictement interdite. Donc pour éviter tout compérage, en toute circonstance, le médecin doit : • Respecter la liberté de choix du patient, une liberté fondamentale en droit médical. • Ne jamais recevoir de commission ou d’avantage en contrepartie d’une orientation. • Veiller à ce que toute collaboration soit transparente et fondée sur des critères objectifs de qualité des soins. • Éviter les accords d’exclusivité ou de préférence systématique. Comment bien orienter un patient ?
En pratique, lorsqu’un patient demande conseil, il est recommandé de proposer plusieurs noms de professionnels. Une alternative est de l’inviter à consulter le Conseil de l’Ordre des médecins, qui peut lui fournir la liste des praticiens qualifiés dans la spécialité recherchée. Il est également conseillé de ne pas indiquer de nom dans un courrier d’adressage, pour ne pas influencer indûment le choix du patient. Le compérage ne concerne pas que les médecins entre eux La notion s’étend aussi aux relations entre médecins et industries de santé ou laboratoires pharmaceutiques. La loi Anti-cadeaux, renforcée ces dernières années, interdit : • La promotion ou la vente de produits (médicaments, dispositifs médicaux, cosmétiques) dont le médecin tirerait un profit. • Les recommandations biaisées sur des sites ou produits pour lesquels le médecin recevrait une contrepartie. Par exemple, un dermatologue vantant une crème cosmétique dont il tirerait un avantage tomberait sous le coup du compérage. Une règle déontologique, mais aussi une responsabilité juridique Il est important de noter que le compérage ne se présume pas : il doit être prouvé. Toutefois, les signalements sont fréquents au Conseil départemental de l’Ordre, souvent pour des questions de confraternité entre confrères. Pour se protéger, le médecin doit documenter les raisons médicales de toute prescription ou orientation dans le dossier médical, et informer le patient de sa liberté de choix. Conclusion : transparence, rigueur et respect du patient Le message est clair : orienter un patient, oui, mais jamais en échange d’un avantage, quel qu’il soit. La seule motivation acceptable est l’intérêt médical du patient, éclairé par les compétences du médecin et guidé par la transparence éthique.
00:00Boris est médecin à Strasbourg, il est fan de cordes à sauter, mais il aimerait savoir qu'est-ce que le compérage.
00:18Le compérage est une pratique interdite dans l'omène médical.
00:21Il s'agit d'une entente secrète entre deux ou plusieurs personnes en vue d'obtenir des avantages au détriment du patient ou de tiers.
00:30C'est le code de la santé publique qui fixe la définition du compérage.
00:37Vous allez avoir envie de rediriger un patient vers un confrère ou un centre de radiologie, un centre de laser, etc.
00:46Et vous vous demandez quel risque vous prenez en redirigeant ce patient.
00:51Déjà, il faut éviter tout entente qui va limiter la liberté de choix du praticien pour le patient, puisque c'est une liberté fondamentale.
00:59Vous ne devez jamais recevoir de commission ou de partage de bénéfices en échange de l'orientation de patients.
01:06Vous devez vous assurer que la collaboration est transparente et basée sur des critères objectifs de qualité des soins.
01:13Et vous ne vous engagez pas dans des accords d'exclusivité avec les autres praticiens.
01:18Souvent, les patients vont vous interroger pour vous demander est-ce que vous avez quelqu'un à le conseiller parce qu'une surspécialité, un autre spécialiste, un chirurgien, etc.
01:28On ne conseille jamais de donner qu'un seul nom de praticien, à la limite de donner peut-être plusieurs noms.
01:33Si vous ne souhaitez pas diriger, vous pouvez aussi indiquer au patient qu'il a la possibilité d'interroger le conseil de l'ordre pour avoir le nom de tous les spécialistes inscrits au conseil de l'ordre dans la spécialité qui concerne le patient.
01:47Avec les industriels ou les pharmaceutiques, c'est une autre réglementation.
01:55C'est la loi anti-cadeau, c'est aussi la notion d'indépendance professionnelle qui est mise en jeu et le fait d'éviter tout conflit d'intérêts.
02:05On en a beaucoup parlé, on parle aussi des liens d'intérêts avec notamment l'industrie pharmaceutique.
02:11Donc vous ne pouvez pas, en tant que médecin, conseiller à des patients d'acheter des produits sur un site pour lequel vous recevez une compensation.
02:19Cette pratique est considérée comme du compérage et c'est aussi interdit par l'article 23 du code de néontologie.
02:25Vous avez effectivement, en tant que médecin, une liberté de prescription, mais qui a des limites qui sont fixées par la loi et par les données acquises de la science.
02:34Cependant, vous n'avez pas le droit de faire la promotion ou la vente de produits pharmaceutiques spécifiques.
02:40Ceux-ci aussi intègrent les produits cosmétiques.
02:44Le dermato qui voudrait en fait proposer au client d'acheter telle ou telle crème pour laquelle il aurait des avantages.
02:52De quelque nature que ce soit, ce serait contraire en fait à la réglementation.
02:56Il faut savoir que le compérage ne se présume pas.
03:03Donc la personne qui tente de vous mettre en défaut sur la notion de compérage va devoir prouver qu'il y a bien compérage.
03:10Ce n'est pas présumé.
03:11Donc souvent, ce sont des plaintes qui sont dirigées au sein du conseil départemental de l'ordre,
03:18puisque ça pose des problèmes de confraternité.
03:20Il faut absolument documenter les raisons médicales de l'orientation ou de la prescription que vous faites à vos patients.
03:31Donc bien noter dans le dossier médical.
03:33Informer les patients de leur liberté de choix.
03:36Lorsque vous écrivez un courrier de recommandation ou d'adressage,
03:40je vous conseille de ne pas forcément mettre le nom du praticien sur le courrier
03:45pour éviter que le patient se sente piégé et se sente obligé d'aller voir ce praticien,
03:50puisque le courrier sera fait à l'entête du praticien que vous recommandez à votre patient.
03:54En conclusion, Boris, tu peux orienter un patient vers un professionnel de santé,
03:59mais uniquement basé sur des raisons médicales.