00:00Grégoire Ambroseli, bonjour. Est-ce que je prononce bien Ambroseli ? C'est un joli nom.
00:05Italien ?
00:06On est bon. Corse ?
00:07Corse. Et donc, vous êtes cofondateur d'une marque, d'une entreprise qui s'appelle Choco.
00:14J'ai un peu rêvé au début en me disant il s'agit complètement de chocolat, mais il y en a quand même.
00:19On va voir pourquoi. Et donc, vous avez démarré, vous me disiez, dans la tech, en fait.
00:24Ma carrière, oui. J'ai commencé dans la tech il y a plus de dix ans maintenant, en Australie, à Singapour,
00:29à créer des applications pour les particuliers dans diverses industries.
00:34Et est-ce que le fait d'être à Singapour, en Australie, est-ce que ça ouvre l'esprit ?
00:39Est-ce que c'est différent que d'avoir été en France ? Est-ce qu'en France, vous n'auriez peut-être pas créé de boîte ?
00:44Je ne sais pas. Il se trouve que l'opportunité s'est faite pour moi dans ces pays-là.
00:48Ce qui est sûr, c'est qu'il y a une appétence pour l'innovation dans ces pays qui est peut-être un peu différente de la France.
00:55Surtout là, maintenant, depuis que je suis rentré, il y a presque dix ans, où on est maintenant dans le secteur de l'agroalimentaire,
01:01qui, niveau innovation, est parfois complexe à apporter des innovations.
01:06Et vous avez démarré en France quand même ?
01:09Non, j'ai commencé directement ma carrière.
01:12Oui, nommez votre boîte.
01:13Et la boîte Choco, effectivement, on a lancé à Paris et à Berlin en même temps.
01:15Paris et Berlin, bravo.
01:18C'est un peu difficile, ne serait-ce que pour la langue, pour tout.
01:22Mes associés cofondateurs sont allemands, je suis française.
01:27Mais l'aspect international fait effectivement partie de notre ADN.
01:30Très vite, on s'est lancé aux Etats-Unis.
01:32On a des investisseurs qui sont partout dans le monde.
01:34Parce qu'aussi, le sujet qu'on aborde, l'agroalimentaire, est un sujet international.
01:39On achète tous des mangues du Pérou, du poisson d'Alaska.
01:42Et vous êtes parti de presque rien dans l'agroalimentaire ?
01:45On est parti de commandes.
01:47Si je résume bien, vous avez inventé un système, des sortes de plateformes de commandes.
01:52On fait tout par informatique.
01:54Avant, semble-t-il, dans la grande distrib', on achetait ses poireaux à quel endroit ?
01:59Comment on faisait ?
02:00Alors, nous, nos clients, déjà, la première chose, c'est que nos clients, ce sont les distributeurs agroalimentaires.
02:04Les distributeurs, c'est-à-dire ?
02:05C'est-à-dire, c'est tous les camions que vous voyez dans Paris, ou partout en France d'ailleurs,
02:09qui vont livrer les restaurants, les cantines au petit matin pour cuisiner les plats qu'on aime tant.
02:14Ils viennent de Rungis ou pas ?
02:15Ils viennent en partie de Rungis.
02:17Après, il y a d'autres marchés d'intérêts nationaux sur le territoire.
02:20Ils ne sont pas forcément situés sur les mines.
02:22Mais effectivement, on a beaucoup de clients qui sont situés à Rungis.
02:25Et pardon, parce que c'est important en ce moment, c'est aussi du producteur au consommateur.
02:30Vous raccourcissez les circuits ou pas ?
02:32Alors non.
02:33Parce que la grande mode, c'est d'aller directement du champ au restaurant.
02:36C'est une mode.
02:37Mais nous, on est assez pragmatique et on s'adapte à la manière dont fonctionne l'industrie.
02:41Il se trouve que les distributeurs ont un vrai rôle.
02:43Ils ont un vrai rôle de distributeurs.
02:45Il y a des producteurs, il y a des industriels.
02:47Et nous, tous nos clients peuvent aller du petit producteur local jusqu'au très gros distributeur national.
02:53Sans aucun problème, il est adapté à tous ces scénarios.
02:56J'ai des produits, des légumes, fruits et légumes à vendre.
02:58Je m'adresse à vous ?
02:59Oui.
03:00En fait, c'est vraiment si vous êtes un distributeur qui gère un volume de commandes très important.
03:04Plus de 1000 commandes par jour, par nuit.
03:06On est vraiment sur des volumes importants.
03:08Avec un flux tendu extrêmement serré.
03:10C'est-à-dire que vous recevez des commandes jusqu'à minuit, 1h, 2h du matin.
03:13Que vous devez livrer le lendemain matin à 7h.
03:16Alors là, notre solution d'intelligence artificielle convient à votre usage.
03:21Parce que vous avez déjà intégré l'intelligence artificielle ?
03:23Oui.
03:24Nous, on a été un des premiers à mettre l'intelligence artificielle au cœur de notre…
03:27Alors, en quoi est-ce que cette intelligence artificielle accélérait ou rendait les choses plus efficaces ?
03:33Franchement, c'est une révolution pour nos clients.
03:36C'est-à-dire que souvent, nos clients, ils ont des plateaux de personnes nuit et jour, 24h sur 24, 7 jours sur 7, qui saisissent des commandes.
03:42Ils reçoivent des commandes par e-mail, par SMS, des notes vocales, des messages sur répondeurs.
03:46Et ils doivent tout saisir dans le logiciel pour que le lendemain matin, ils puissent livrer.
03:50Nous, notre IA, elle arrive à lire toutes ces informations, à écouter un message vocal, à comprendre…
03:55Donc, elle traite à la place de ceux qui étaient derrière leur téléphone, en fait.
03:58Exactement.
03:59Et donc, suppression d'emploi ?
04:02Non, pas forcément.
04:03Le but, c'est qu'on puisse permettre à ces personnes-là de se concentrer sur un travail qui a plus de valeur ajoutée.
04:10D'accord.
04:11Sur le relationnel humain.
04:12Non, je pense que c'est vraiment quelque chose de concret.
04:14L'IA est aujourd'hui dans notre société.
04:17Et on est persuadé que si on veut être compétitif face à ses concurrents dans les prochaines années, il faut être plutôt le premier à mettre en place l'IA.
04:24J'en suis sûre.
04:25Non, mais comme au fur et à mesure qu'on parle de l'IA et on voit bien ce qu'il en est, il y a aussi cette inquiétude.
04:31Effectivement, là, c'est fini.
04:32Imaginez que vous ayez 20, on appelait ça parce que j'étais dans le télémarketing, donc on voit bien ce qu'il en est, des téléacteurs ou des opérateurs.
04:41Il y en avait 30 qui saisissaient tout le temps.
04:43Maintenant, l'IA le fait.
04:44L'IA, exactement, prend cette place.
04:48Elle prend cette place.
04:49Elle est aussi efficace ? Elle le rend beaucoup plus vite ?
04:52Beaucoup plus vite, beaucoup moins d'erreurs.
04:53L'IA n'est jamais fatiguée.
04:54Elle travaille de nuit, 7 jours sur 7.
04:56Elle ne demande pas de primes.
04:58Elle ne demande pas de primes.
04:59Mais c'est surtout une technologie qui peut permettre de se concentrer sur des métiers à forte valeur ajoutée et sur le relationnel humain, finalement.
05:05Est-ce que vous êtes leader dans votre secteur ? Il y a plein de concurrence maintenant ?
05:09Alors, on est leader sur notre secteur, clairement.
05:11Il y a quelques acteurs qui sont en train d'émerger.
05:13Nous, on a une concurrence aussi dans d'autres pays puisqu'on est présent aux États-Unis, en Espagne, en Allemagne, en Angleterre.
05:18Et d'ailleurs, c'est assez intéressant de voir l'intérêt pour l'intelligence artificielle par notre prisme pays, on va dire.
05:25Et c'est vrai qu'aux États-Unis, en Angleterre, c'est une opportunité énorme.
05:28Tout le monde est conscient.
05:29En France, on est encore un peu réfractaires à cela.
05:32Et c'est un peu dommage.
05:33Et c'est aussi l'objectif de venir sur ce plateau pour en parler.
05:36Et est-ce que vous sentez en ce moment…
05:39Par exemple, vous êtes aux États-Unis.
05:41Est-ce que vous avez déjà perçu quelque chose dans l'espèce de révolution économique, dans les échanges économiques qui est en train de se jouer ?
05:49Oui, clairement.
05:50En tout cas, sur l'aspect intelligence artificielle.
05:52Encore une fois, nous, on voit vraiment la différence d'appréciation aux États-Unis versus en Europe.
05:57Ils ont compris que c'était une chance incroyable de productivité.
06:02On estime qu'en moyenne, c'est 30 % de productivité gagnée pour les sociétés qui implémentent une solution d'intelligence artificielle dans leurs opérations du quotidien.
06:09Et nous, notre solution, c'est une solution ultra simple, très intuitive, qui s'adapte vraiment à la manière dont fonctionnent l'industrie et le secteur.
06:17Et c'est ça qui la rend hyper efficace.
06:20Et un dernier mot, vous évaluez ça à combien de commandes dans le monde par jour ou par semaine ?
06:29Sur l'année 2024, on a plus de 2,6 milliards d'euros de volume d'affaires qui ont transité sur notre outil.
06:41C'est énorme, c'est colossal.
06:43C'est la somme des achats.
06:45C'est la somme des achats reçus par nos clients distributeurs.
06:49C'est très important.
06:51Bravo, il n'y a plus qu'à se développer encore.
06:54Vous vous situez dans les 50 premières boîtes mondiales qui font ça ?
06:59Oui, largement.
07:00Il n'y a pas beaucoup d'acteurs qui font de l'intelligence artificielle spécialisée pour l'agroalimentaire.
07:05Je suis très fière de vous avoir reçu, bravo.
Madame de Menthon,
Pourriez-vous transmettre à M. Grégoire Ambroselli toute mon admiration et mes remerciements pour ses réponses à votre interview ?
Il a su déjouer, avec une égale simplicité et une bonne humeur constante, tous les pièges que le questionnement rituel de ce genre d’exercice tend habituellement.
Qu’il s’agisse des rapports entre anglo-saxons innovants et une France conservatrice, de l’Europe et de l’Asie, des États-Unis et de la France, du petit face au grand… mais aussi de l’intelligence artificielle, du salariat, des primes versus la haute valeur ajoutée — toutes ces questions piégeuses, propices à entonner l’air du Parisien revenu dans sa campagne natale — il a su tout remettre à l’endroit avec un pragmatisme désarmant.
Il expose son parcours industriel avec clarté, créativité et audace, dans une simplicité qui force le respect.
Cet entretien mériterait d’être diffusé dans toutes les grandes et petites écoles, pour apprendre à nos futurs dirigeants que la droiture n’attend pas le nombre des années — et qu’elle permet aussi, assurément, de réussir et de créer de la valeur.
Vos interviews sont habituellement de qualité ; celle-ci y ajoute un vrai plaisir.
En vous remerciant,
Marc SALOMONE
(ouvrier, retraité, 74 ans)
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