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  • 20/02/2025
Cette semaine, Valérie Fayolle reçoit Frédéric Beigbeder. L'écrivain et critique littéraire nous parle de son nouveau roman "Un homme seul" (éd. Grasset ) et nous donne rendez-vous dans les salons feutrés du restaurant Lapérouse, une institution parisienne où l’histoire, la littérature et le mystère dialoguent depuis 1766. 
Des paillettes et de l’humour ensuite avec les Sea Girls sur la scène de la Scala. Elles jonglent avec le chant, l’humour et la danse pour nous dévoiler l’envers du décor de la vie d’artiste. Enfin, notre coup de cœur est consacré à la grande rétrospective des œuvres de la peintre Suzanne Valadon au Centre Pompidou.Remerciements :Lapérouse La Scala ParisCentre Pompidou Une émission préparée par Pauline Heilmann et Valérie Fayolle 

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Transcription
00:00Je me demande qui je suis depuis longtemps, j'écris pour savoir qui je suis, je lis
00:25beaucoup, j'aime bien parler des livres des autres, je pose des questions à des confrères
00:33et à des consoeurs pour savoir comment ils font pour écrire leurs livres, ça fait pas
00:38mal d'activité finalement.
00:39Il y a deux choses dans ma vie qui m'ont marquée, la première c'est qu'en CE2 mon instinct
00:50a dit de moi que j'étais une catastrophe et un peu plus tard un homme m'a quitté
00:55en disant que j'étais pas assez mystérieuse, du coup je travaille sur la catastrophe et
01:00le mystère depuis.
01:01Je peux dire qu'une de mes plus grandes joies dans ma vie, j'en ai vraiment beaucoup, j'ai
01:08beaucoup de chance, j'ai beaucoup de joie dans ma vie, c'est quand même d'être une
01:11Sea Girls.
01:12Moi j'ai longtemps hésité entre potière dans la Drôme ou comédienne avec mes camarades
01:21et finalement, vu le réchauffement climatique, je préfère être sur scène avec les filles
01:26plutôt que dans la Drôme avec des punks à chiens et de la terre cuite.
01:38Cette semaine, un d'écrivains et critiques littéraires, Frédéric Beigbeder, nous parlera
01:42de son nouveau roman Un Homme Seul dans les salons feutrés du restaurant La Pérouse.
01:47Ensuite, des paillettes, des plumes sur la scène de la Scala avec les Sea Girls.
01:51Enfin, un coup de cœur avec la grande rétrospective consacrée à Suzanne Valladon au centre Pompidou.
02:11Bonjour Frédéric Beigbeder.
02:12Bonjour Valérie.
02:13Ravie de vous rencontrer.
02:14Écoutez, on est au bar.
02:17Et c'est vous qui avez voulu nous emmener ici.
02:20C'est l'endroit où vous enregistrez votre podcast Conversation chez La Pérouse,
02:24qui est une série d'entretiens avec des écrivains.
02:27Pourquoi est-ce que vous avez choisi ce lieu ? Pourquoi est-ce que vous aimez tant ce lieu ?
02:30C'est un endroit où il y a une âme qui date de 1766 avant la Révolution française
02:37et tous les grands écrivains que j'aime sont passés ici, de Marcel Proust à Victor Hugo
02:43en passant par Colette et donc je trouve que c'est hanté.
02:47C'est un endroit avec des fantômes, avec de l'esprit qui souffle.
02:51Est-ce que vous avez une ou deux anecdotes à nous raconter sur le lieu ?
02:54Ce qui est célèbre chez La Pérouse, c'est qu'à l'époque du XIXe siècle,
03:00il y avait beaucoup de ce qu'on appelait des demi-mondaines,
03:03donc des femmes, comment on peut dire, des cocottes,
03:07qui se faisaient offrir des bijoux ici chez La Pérouse.
03:12Pour vérifier si les diamants étaient vrais, elles rayaient les miroirs.
03:16On va vérifier, on monte, on va visiter !
03:22La Pérouse est une institution parisienne.
03:25Ancienne maison de plaisir, cantine des écrivains et repère des courtisanes,
03:29c'est aujourd'hui un restaurant raffiné où chaque dîner est l'occasion
03:33d'écouter les murmures du passé et les confidences de Frédéric Becbédé.
03:37Il y a Alexandre Dumas qui était un client de La Pérouse.
03:42Il y a des photographies de tous les grands écrivains qui sont venus.
03:45Jérôme Nerval...
03:47C'est un endroit très bien fréquenté.
03:52Les miroirs sont rayés.
03:55Un truc qui est important à savoir, c'est que si vous allez dîner
03:59avec un copain ici, vous pouvez fermer la porte
04:03et aucun serveur n'a le droit de rentrer tant que vous n'avez pas sonné sur la sonnette.
04:08À partir du moment où la porte est fermée, personne n'entre.
04:18Je ne peux pas m'empêcher d'entrer dans votre roman par une citation.
04:22J'étais réac en 1973, je suis devenue libertaire à partir de 1984,
04:26communiste en 2002, féministe en 2007, masculiniste en 2023.
04:30Aujourd'hui je suis paumée, comme tout le monde,
04:34avant d'être remplacée par une intelligence artificielle.
04:38Vous êtes vraiment paumée, Frédéric Beigbeder ?
04:41C'est une qualité pour un écrivain d'être paumé, d'être un peu égaré,
04:45de regarder le monde avec naïveté et incompréhension, je crois.
04:51Oui, complètement.
04:53D'ailleurs, les auteurs que je préfère sont ceux de la génération perdue.
04:57Scott Fitzgerald, Hemingway, qui venait à Paris entre deux guerres.
05:01Moi, je ne sais pas très bien qui je suis.
05:05Tous mes livres essaient d'enquêter pour savoir ce que je fous là.
05:09Un homme seul, comme les autres.
05:11Est-ce que l'écriture de ce livre vous a permis de vous trouver un peu plus,
05:15ce portrait en clair-obscur de votre père ?
05:19Oui et non, dans la mesure où mon père...
05:23J'ai découvert beaucoup de secrets.
05:25J'ai découvert qu'il avait deux noms, deux nationalités.
05:29Je suis le fils d'un Français, un homme d'affaires.
05:34Divorcé.
05:36Et puis, je suis aussi le fils d'un agent secret américain.
05:42Il s'appelait William Harbin.
05:44Donc, c'est assez excitant, évidemment.
05:46Aujourd'hui, vous avez des doutes ? Vous avez une certitude ?
05:50Là aussi, j'ai fait ma petite enquête.
05:54J'ai entendu parler d'un ami qui bosse à l'ADGSE.
05:58Je lui ai demandé s'il n'avait pas un correspondant à la CIA.
06:03J'ai envoyé par Whatsapp les photos des passeports de mon père
06:07avec ce faux nom.
06:09Et j'ai eu juste comme réponse,
06:11« Not fake ».
06:13« Not fake ».
06:15C'est court, mais ça m'étonne beaucoup.
06:17J'ai essayé de rappeler tout de suite,
06:19parce que la personne venait de répondre.
06:21Ça n'a jamais répondu. Je n'ai plus jamais eu de nouvelles.
06:23De tout ce que vous avez découvert sur votre père,
06:25qu'est-ce qui vous a le plus marqué ?
06:27C'est son enfance.
06:29Parce que pour moi,
06:31ce qu'il a subi à l'âge de 8 ans,
06:33quand ses parents l'ont enfermé
06:35dans une prison qui s'appelait Sorez,
06:37une sorte de pensionnat militaire,
06:41catholique, très très dur.
06:43Ça, j'avoue,
06:45je n'imaginais pas que c'était possible.
06:47J'ai retrouvé même des lettres
06:49qu'il envoyait à sa mère,
06:51qui sont des lettres déchirantes
06:53d'un enfant seul.
06:55Il ne voyait sa famille
06:58qu'à Noël et au mois d'août.
07:00C'était comme un exil,
07:02comme un abandon.
07:04Un homme seul, c'est un livre
07:06dans lequel vous interrogez la transmission,
07:08la paternité, la masculinité,
07:10aussi cette masculinité
07:12qu'on a tentée en vain
07:14d'effacer depuis Me Too.
07:16Est-ce qu'elle fait son grand retour, selon vous ?
07:18Non.
07:20Il y a la phrase de Zuckerberg
07:22qui est quand même assez incroyable,
07:24qui dit que l'énergie masculine
07:26doit gouverner la planète,
07:28ou un truc comme ça.
07:30Je ne pense pas du tout ça.
07:32Je pense que c'était une étape normale
07:34d'évoluer.
07:36Je considère ça comme un progrès.
07:38Vous vous posez la question.
07:40Le projet du livre,
07:42c'est plus de se dire
07:44qu'est-ce qu'on garde et qu'est-ce qu'on jette
07:46de cette génération qui nous précède.
07:48Dans ce livre, comme dans l'ensemble de votre oeuvre,
07:50il y a de la mélancolie et du cynisme.
07:52Souvent, dans vos écrits,
07:55vous êtes comme tout le monde.
07:57Vous évoluez.
07:59Vous êtes à l'aube de vos 60 ans.
08:01Vous avez eu un infarctus qui vous a fait vous interroger
08:03sur le temps qui passe.
08:05Est-ce que vous vous considérez toujours
08:07comme un écrivain en résistance ?
08:09Je pense que toute personne
08:11qui écrit résiste.
08:13Après, est-ce que j'aurais la prétention
08:15de dire que je suis un écrivain engagé
08:17ou quelque chose comme ça ?
08:19Non, je ne crois pas.
08:21Je m'amuse beaucoup à regarder mon époque.
08:24Depuis le début des années 90,
08:26je publie des livres où je me fous
08:28de la gueule de ce temps
08:30et de moi-même.
08:32Tout ça, c'est satirique.
08:34Je ne sais pas pourquoi,
08:36j'aime bien la moquerie en littérature.
08:38Depuis Rabelais et Voltaire,
08:40c'est une tradition bien française
08:42d'ironiser
08:44sur les puissants.
08:46Merci beaucoup.
08:48Merci à vous.
08:50Des plumes à présent,
08:52des paillettes et une bonne dose
08:54d'autodérision.
08:56On part à la rencontre
08:58des Seagirls entournées
09:00avec leur nouveau spectacle Dérapage.
09:02Vous allez le voir,
09:04elles jonglent avec le chant,
09:06l'humour, la danse
09:08pour nous dévoiler
09:10l'envers du décor
09:12de la vie d'artiste.
09:14Un peu fou,
09:16mais jubilatoire.
09:18Bonjour.
09:21Pas du tout.
09:23Il y a de la paillette,
09:25du foufou.
09:27Delphine, Prunella, Judith,
09:29vous êtes les Seagirls.
09:31Votre dernier spectacle s'appelle Dérapage.
09:33Vous surfez à la frontière
09:35de la scène des coulisses.
09:37Comment avez-vous choisi cette mise en abyme ?
09:39C'est un rêve qu'on avait depuis des années,
09:41de dévoiler les coulisses des Seagirls.
09:43La rencontre avec Pierre Guillouat,
09:45on s'est dit que c'était la bonne association
09:47pour enfin réaliser ce rêve.
09:49Premier jour de répète, il nous dit
09:51qu'il voulait faire quoi.
09:53Notre rêve,
09:55c'est de raconter nos coulisses.
09:57Il a dit,
09:59on fait ça.
10:01C'est désolant qu'il n'y ait pas de personnel
10:03avec nous en tournée en permanence.
10:05On n'est jamais content.
10:07Ça fait longtemps qu'on tourne
10:09et qu'on se retrouve dans des loges
10:11à se maquiller, à se préparer, à s'échauffer.
10:13On s'est dit qu'il y avait
10:15vraiment quelque chose à montrer
10:18et Pierre Guillouat a eu tout à fait envie
10:20de rebondir et de se saisir de ça.
10:22Il nous avait
10:24en amont bien demandé
10:26de rien préparer
10:28avant le premier jour de répète.
10:30Même pas les chansons.
10:32Prunella, qui écrit toutes les chansons,
10:34n'avait pas le droit d'écrire.
10:36Pourquoi ?
10:38Parce qu'on devait créer le spectacle ensemble.
10:40C'était un peu une contrainte,
10:42pour que l'écriture se fasse au plateau.
10:44C'est vrai que c'était génial
10:47de créer ensemble tous les quatre
10:49ce spectacle
10:51depuis le premier jour de répète jusqu'à la fin.
10:53Normalement,
10:55dans la suite des numéros,
10:57avant le cancan, il y a
10:59le papillon.
11:01Comme le papillon, c'est quand même
11:03le numéro le plus glauque de tout le spectacle.
11:05On va directement passer au cancan.
11:07Votre humour est souvent grinçant,
11:09décalé. Est-ce que tous les sujets sont permis
11:11ou est-ce qu'il y a des lignes rouges,
11:13des dérapages à ne pas commettre ?
11:15Sur ce spectacle, précisément,
11:17on n'a pas voulu s'engager dans la politique,
11:19qui est pourtant notre fort.
11:21Avoir 50 ans d'être sur scène
11:23et de faire ce qu'on veut,
11:25c'est politique.
11:27Mais après, c'est vrai que les sujets tournent autour de nous,
11:29de nos vies, de ce que c'est qu'être une femme sur scène,
11:31du métier.
11:33Et puis une artiste, à 50 ans.
11:35Est-ce que vous avez l'impression qu'il y a une émulation particulière
11:37avec ce nouveau spectacle ?
11:39C'est vrai qu'il y a une attente aussi
11:41parce que plus l'époque est affreuse,
11:44plus on a tous envie de crever quand même un petit peu.
11:46Je pense que plus la nécessité d'être ensemble,
11:48de partager un moment,
11:50de savourer,
11:52de rire, de se questionner ensemble
11:54est fort. Et c'est vrai que nous, ça fait 20 ans
11:56qu'on existe. C'est notre sixième spectacle.
11:58Donc le renouveau, pour nous,
12:00il est indispensable, il est vital.
12:02Je crois que le pari est vraiment gagné.
12:14Notre coup de cœur cette semaine est consacré
12:16à l'une des dernières grandes monographies
12:18du Centre Pompidou,
12:20avant sa fermeture pour travaux.
12:22À l'honneur, Suzanne Valladon,
12:24figure majeure et pourtant longtemps sous-estimée
12:26de l'histoire de l'art.
12:28À travers plus de 200 œuvres,
12:30vous allez pouvoir apprécier
12:32la peinture d'une femme libre et audacieuse.
12:44Bonjour, Xavier.
12:46Bonjour, Valérie.
12:48Alors, Suzanne Valladon, elle fait partie
12:50de ces figures de l'ombre
12:52qui aujourd'hui sont incontournables
12:54dans l'histoire de l'art. Quel est son parcours ?
12:56Alors, en vérité, c'est plutôt la pénombre
12:58puisque Suzanne Valladon a la particularité
13:00d'avoir connu le succès de son vivant,
13:02ce qui est extrêmement rare pour une femme
13:04de la fin du 19e siècle et du début du 20e siècle.
13:06Notamment parce que sa peinture,
13:08la manière dont elle représente les femmes
13:10et puis son parcours personnel,
13:12concerne une époque, c'est-à-dire l'époque
13:14de l'après-Première Guerre mondiale
13:16où un vent de liberté souffle
13:18sur les femmes dans la société
13:20puisqu'on reconnaît leurs contributions déterminantes
13:22à l'effort de guerre
13:24et, en l'espèce pour la France, à la victoire.
13:31Ce tableau qui est l'un de ses plus connus,
13:33la Chambre bleue, lorsqu'elle l'expose
13:35en 1923, il défie quand même
13:37tous les académismes de l'époque.
13:39Alors, exactement, puisque vous retrouvez
13:41les codes de la peinture
13:43et de la représentation de la femme
13:45et du corps de la femme, mais cette fois-ci
13:47complètement inversés. Alors qu'avant,
13:49c'est un schéma qui offre
13:51un corps nu, sexualisé
13:53au regard masculin,
13:55ici, c'est plutôt l'incarnation
13:57d'un monde que la femme peut se construire
13:59de manière totalement indépendante.
14:01Les livres vous rappellent le savoir
14:03qu'elle accumule. Et puis, elle est tranquille,
14:05elle est en pyjama, elle a une clope
14:07au bec, et ça, c'est vraiment
14:09totalement inédit.
14:11Et ça en dit long sur sa vision de la femme
14:13et sa vision d'elle-même.
14:15Exactement, puisqu'on considère que
14:17ce tableau est aussi une sorte d'auto-portrait
14:19symbolique, puisque, effectivement,
14:21dans sa vie, dans sa vie sentimentale,
14:23mais aussi sa vie professionnelle,
14:25Suzanne Valladon a fait preuve
14:27d'un tempérament extraordinaire pour son époque
14:29et c'est aussi comme ça qu'elle va percer
14:31dans les milieux artistiques
14:33très masculins de l'époque.
14:35Son regard sans concession, sans idéalisation
14:37sur le corps de l'homme,
14:39mais de la femme aussi, est-ce que c'est un
14:41regard féministe avant l'homme ?
14:43Alors, c'est une approche féministe
14:45tout court, puisque Suzanne Valladon,
14:47elle a cette particularité d'avoir été modèle
14:49en même temps qu'être artiste, puis artiste
14:51elle-même. Donc, elle sait ce que c'est
14:53que de poser et elle sait ce que c'est que
14:55d'exhiber son corps. Et donc, là aussi,
14:57on passe d'un nu. L'identité du modèle
14:59est niée à une personne qui
15:01existe et a un regard
15:03débarrassé du présupposé masculin,
15:05mais tout en utilisant
15:07ses formes.
15:11Et ici, on a
15:13le luxe de la présenter avec
15:15des œuvres de ses contemporaines, qui pour le coup,
15:17elles, ont énormément souffert d'un déficit
15:19de reconnaissance.

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