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  • il y a 7 semaines
La série estivale de "L’Invité de l’économie" se poursuit avec une interview de Kako Nubukpo, économiste et ancien ministre de la Prospective du Togo. Sur France 24, il aborde les questions de dette, de souveraineté et de mondialisation, affirmant que l’Afrique souhaite désormais choisir sa propre voie de développement économique ainsi que ses partenaires commerciaux.

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Transcription
00:00Bonjour et bienvenue dans l'invité de l'économie.
00:06Je suis aux rencontres économiques d'Aix-en-Provence
00:09et je reçois dans mon émission Kako Nubukpo,
00:13ancien ministre togolais, économiste, essayiste.
00:17Il vient de publier de nombreux ouvrages sur l'économie africaine
00:20et nous allons justement parler de l'Afrique comme économie émergente dans ce monde.
00:30Bonjour Kako Nubukpo.
00:40Bonjour.
00:41Alors vous participez à une table ronde ici qui a pour thème les marchés émergents,
00:46la quatrième puissance et ce serait la quatrième puissance
00:50pour le cercle des économistes qui organise les rencontres ici, ce serait l'Afrique.
00:56Oui, encore heureux parce qu'il n'y a que cinq continents.
01:00Et donc si on n'était pas au moins la quatrième puissance, je me demande ce qu'on serait.
01:07Donc plus sérieusement, effectivement l'Afrique émerge et après quatrième, je ne sais pas
01:17parce que l'idée au fond dès 1955, ça a été le mouvement dit des non-alignés.
01:24Oui, de Bandung.
01:25De Bandung, où il y avait l'Asie aussi.
01:29Et donc je crois qu'il y a un lien très fort entre l'Asie, l'Amérique latine et l'Afrique.
01:37Et donc moi je revendique encore le concept de tiers-monde.
01:42Vous ne pensez pas que l'Afrique peut être une puissance émergente, autonome,
01:47par rapport à l'Asie et essentiellement à la Chine ?
01:51Oui, moi mon principe c'est sortir de dépendance subie pour aller vers des interdépendances choisies.
01:58D'accord.
01:59Et donc pour moi la question de l'autonomie de l'Afrique, c'est la capacité de l'Afrique
02:05à construire des relations équitables, équilibrées avec le reste du monde.
02:12Tout à fait.
02:13Alors Afrique, puissance émergente, ça reposerait sur quoi ? Sur quelle économie ?
02:19Oui, il y a une tendance lourde africaine, c'est la démographie.
02:24D'accord.
02:25On est une population jeune, dont la taille d'aube tous les 25 ans.
02:29Nous avons 1,3 milliard d'habitants aujourd'hui.
02:33L'équivalent de la Chine.
02:34Exactement, mais la Chine vieillit.
02:37Oui, pas l'Afrique.
02:38Voilà, et en 2050, nous serons plus de 2 milliards.
02:43Et donc la démographie est un facteur de puissance, clairement.
02:47Mais il y a aussi d'autres facteurs de production, la terre.
02:52Nous avons 500 millions d'hectares de terres arabes qu'on peut cultiver.
02:58Et donc pour moi, l'Afrique peut nourrir non seulement le continent,
03:03mais aussi le reste du monde.
03:05Et ce sont des éléments importants de la puissance.
03:10Et puis enfin, l'imaginaire, le narratif africain.
03:14Vous ne parlez pas de l'industrie, par exemple.
03:16Vous ne parlez pas du numérique.
03:18Est-ce qu'il y a quand même des atouts en Afrique là-dessus ?
03:22Oui, je crois que le numérique, l'industrie, sont des facteurs de production.
03:30Mais ils ne sont pas au cœur du processus d'émergence.
03:37Pour moi, le processus d'émergence, c'est d'abord la vision.
03:41Qu'est-ce qu'on veut faire ? Où est-ce qu'on veut être ?
03:44À quel pas de temps ? Et comment on évalue nos progrès ?
03:48Ensuite, il est clair que l'industrie ne pourra pas se faire sans la maîtrise de l'énergie.
03:54Oui.
03:55Sans des voies de transport suffisamment performantes pour écouler les produits.
04:02Sans un marché.
04:04Et quand je disais tout à l'heure qu'on a une forte démographie,
04:07ça ne veut pas dire que le marché africain est d'emblée solvable.
04:12Parce que si vous n'avez que des pauvres, ils ne pourront pas acheter les produits.
04:17Oui, parce que ça a évolué ces dernières années.
04:19Sur l'émergence d'une classe moyenne africaine.
04:21Exactement.
04:22Qui va attirer justement l'Afrique.
04:24Tout à fait.
04:24À condition que cette classe moyenne africaine ne soit pas extravertie.
04:29C'est-à-dire ?
04:29Que son mode de consommation ne soit pas le mode de consommation occidental.
04:34Que cette classe moyenne africaine reconnaisse les vertus de la production africaine,
04:41de vivre ensemble africain.
04:43Et donc, une vision qu'on pourrait qualifier de souverainiste.
04:48Au sens de patriotisme économique.
04:51D'accord.
04:51Donc, cette vision que vous développez là, est-ce qu'elle est cohérente en Afrique ?
04:56Est-ce qu'elle est partagée par les leaders à la fois politiques et économiques ?
05:02Oui.
05:03Nous avons deux blocs en Afrique.
05:05Très intéressant.
05:06Sur le plan économique.
05:07Nous avons six grands pays qui font 65% du produit intérieur brut africain.
05:14Mais l'essentiel de cette puissance africaine, elle est liée, en fait, cette puissance au pétrole.
05:20Donc, Nigeria, Angola, Algérie.
05:23D'accord.
05:23Et nous avons deux petites économies qui sont très performantes.
05:28Le Botswana, le Ghana, l'île Maurice, le Cap Vert, les Seychelles.
05:33Mais c'est le Rwanda.
05:35Et donc, là, c'est beaucoup d'imagination, beaucoup d'inventivité, beaucoup de bonne gouvernance.
05:41Donc, il faudrait arriver à articuler les grandes puissances économiques africaines
05:46qui font l'essentiel de notre production, mais qui ne sont pas forcément bien gérées,
05:52avec ces petites économies qui sont déjà dans une forme de mondialisation équitable,
05:58mais qui n'ont pas la taille critique pour changer la donne.
06:02Ça passe par quoi ?
06:04D'abord, de la volonté, on vient de le dire, mais est-ce que ça passe aussi par des institutions ?
06:08Est-ce qu'elles existent en Afrique ?
06:10Avec cette vision-là, évidemment.
06:12Oui, nous avons l'Union africaine qui nous représente, les 54 États, dans le reste du monde,
06:19mais qui a du mal à infuser au niveau de la base.
06:24C'est-à-dire ?
06:24Du peuple ?
06:25Oui, c'est-à-dire qu'on a l'impression qu'il y a les élites qui vivent leur histoire
06:30et les populations qui vivent leur histoire, mais que ce n'est pas la même histoire.
06:35Donc, nous avons besoin de plus de gouvernance locale.
06:38Donc, nous gouvernons à la base.
06:40Nous avons besoin de construire de nouveaux communs pour que nous puissions nous retrouver en tant qu'Africains
06:48avec nos valeurs, avec notre perception du monde, avec notre économie.
06:53Et donc, ce développement endogène, que j'appelle de mes voeux,
06:56est tout à fait compatible avec le reste du monde,
07:00dans une mondialisation que moi, je qualifierais d'équitable, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle.
07:05Dans cette mondialisation équitable, est-ce que vous avez le sentiment que l'émergence de l'Afrique est un danger pour le bloc occidental ?
07:16Je prends des guillemets.
07:17Ce qu'on observe à l'heure actuelle, c'est une double injonction par rapport à l'Afrique.
07:23Une injonction externe, donc qui vient des puissances mondiales,
07:27qui aimerait bien que l'Afrique se positionne, soit pour le bloc occidental,
07:34soit ce qu'on appelle aujourd'hui le sud global.
07:38Mais on a aussi une injonction interne, celle de notre jeunesse,
07:42qui cherche de l'emploi, qui cherche à s'insérer dans le vivre ensemble des Africains.
07:48Et donc, les dirigeants africains que nous sommes, nous devons articuler cette double injonction.
07:54Et par rapport à l'injonction externe, revendiquer ce qui est bon pour l'Afrique,
07:59c'est-à-dire transformer sur place nos matières premières.
08:03Nous ne pouvons pas éternellement être les pourvoyeurs de matières premières pour les industries du reste du monde,
08:10mais nous pouvons coopérer avec le reste du monde
08:13et co-construire ce que moi j'appelle des chemins de prospérité partagés.
08:17Donc, pas question de se positionner soit sud global, soit bloc occidental,
08:23soit troisième bloc, un bloc asiatique.
08:27Oui, nous sommes déjà dans le sud global.
08:30Donc, ça, vous l'acceptez ?
08:31Oui, mais le sud global peut ressembler à un aéropage hétéroclite.
08:36C'est-à-dire que nous n'avons pas grand-chose à voir avec les BRICS,
08:40sauf peut-être l'Afrique du Sud, qui est le pays le plus industrialisé d'Afrique.
08:44Mais nous pouvons co-construire avec les BRICS et avec le monde occidental
08:51des chemins que moi j'appelle des chemins de prospérité partagée.
08:57Créer des emplois, gérer les transferts de technologie,
09:01régler la question de la dette, qui est une question pendante.
09:04Et ça, nous pouvons le faire ensemble avec le reste du monde.
09:07Donc, il y a eu une réunion à Séville début juillet sur le financement du développement,
09:13notamment des pays à faible revenu.
09:16On se rend compte qu'il y a la moitié de ces pays qui sont surendettés,
09:21qui a moins d'aide, notamment de la part des États-Unis et de l'agence UCED.
09:26Comment vous voyez l'avenir là-dessus ?
09:28Oui, nous avons plus que jamais besoin d'un multilatéralisme équitable.
09:34Parce que sur la dette, pour reprendre cet exemple,
09:38le service de la dette rapporté aux recettes totales en Afrique aujourd'hui, c'est 54%.
09:44Ça veut dire que la moitié de nos budgets part au remboursement de la dette.
09:48On ne peut pas se développer avec de tels ratios.
09:51Et l'engagement de Séville, qui est quelque chose de très généreux,
09:56reste très large.
09:58Parce que ça fait des décennies que le reste du monde promet à l'Afrique
10:02des ressources financières qui n'arrivent jamais.
10:05Donc, ça veut dire que nous devons nous mobiliser
10:08pour financer nous-mêmes notre développement
10:12et négocier avec le reste du monde des investissements privés,
10:17mais qui ne remettent pas en cause la capacité des économies africaines
10:25à être performantes.
10:27Aujourd'hui, le risque perçu par le reste du monde
10:31de l'investissement africain, il est exagérément surévalué.
10:35Et c'est pour ça que l'Union africaine est en train de lancer
10:38une agence de notation africaine
10:40pour que nous puissions dire aussi notre propre évaluation
10:44de nos propres risques.
10:46Et ça, pour le dialogue avec le reste du monde,
10:49ça va être quelque chose de très intéressant.
10:51Donc, c'est en fait une opportunité dans la crise,
10:54ce problème de sur-endettement.
10:56Oui, qui nécessite deux choses.
10:59Une mobilisation de ressources publiques bien gérées
11:02et une attractivité de l'Afrique.
11:06Donc, communiquer au maximum pour que les investisseurs étrangers
11:11viennent en Afrique, mais pas seulement dans le secteur extractif.
11:15Merci beaucoup, Kako Nubukpo, pour vos réponses.
11:18L'invité de l'économie est terminée, évidemment.
11:20Vous pouvez retrouver cette émission sur France 24,
11:23sur nos podcasts et nos réseaux sociaux.
11:25Au revoir.
11:25Sous-titrage Société Radio-Canada
11:34Sous-titrage Société Radio-Canada
11:37Sous-titrage Société Radio-Canada
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