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Avec Michel Maffesoli, sociologue et auteur de "Apologie" publié aux éditions du Cerf.

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##LE_FACE_A_FACE-2025-01-28##

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Transcription
00:00Sud Radio Bercov, dans tous ses états, le face-à-face.
00:07Alors aujourd'hui, je reçois quelqu'un, nous l'avons déjà reçu et toujours avec plaisir,
00:12mais je dois dire que pour moi c'est peut-être, je ne dirais pas son meilleur livre,
00:16mais un de ses meilleurs, c'est Michel Maffesoli.
00:19Michel Maffesoli est un penseur, est un sociologue, est un professeur à la Sorbonne,
00:24mais surtout c'est un bon vivant et un excellent pensant,
00:28et non pas un bien-pensant justement, il est aux antipodes de la bonne pensée et de la bien-pensance,
00:34et puis il écrit Apologie, autobiographie intellectuelle qui vient de paraître aux éditions du Cerf.
00:41Et c'est vraiment un livre passionnant, vous savez je vous dis toujours aussi,
00:45c'est bien, vous nous écoutez, on est heureux, mais le plus important,
00:49c'est qu'après vous lisiez, vous lisiez les livres dont on vous parle,
00:53que vous preniez le temps du temps long, vous savez, rien ne vaut l'appel à l'intelligence, à la compréhension,
00:59et c'est ce qu'on essaie, l'entretien, et vous nous le montrez très bien,
01:02et vraiment je suis toujours très très très touché, je vous le dis encore une fois,
01:06quand je me balade vers la France et que je reçois vos témoignages,
01:09c'est quelque chose, on se dit bon, on ne fait pas ça pour rien, au contraire.
01:14Et le livre de Michel Maffesoli s'inscrit dans cette espèce de connaissance jubilatoire,
01:22de science, et de quelqu'un qui a toujours été justement dans les chemins de traverse,
01:28il le dit lui-même très très bien, il dit voilà, les chemins de traverse c'est très important,
01:32et il n'a jamais accepté d'être bocalisé, et on expliquera pourquoi.
01:37Alors Michel Maffesoli, d'abord, qu'est-ce qui vous a amené à dire quoi ?
01:41C'est pas votre épitaphe, vous êtes heureusement vivant et très vivant,
01:46et j'espère pour encore très longtemps,
01:48mais qu'est-ce qui vous a amené à écrire cette autobiographie intellectuelle,
01:52mais qui n'est pas si intellectuelle que ça, je veux dire, vous parlez d'autres choses aussi.
01:55C'est toujours difficile à dire, d'une certaine manière quand même,
01:59c'est la fin d'un parcours théorique, je continuerai peut-être à écrire,
02:05mais des préfaces à mes livres précédents, le nomadisme,
02:10les tentées de tribus qui vont reparaître en poche,
02:13mais là je voulais faire un bilan d'une certaine manière,
02:16tout à la fois, oui, autobiographie intellectuelle,
02:19c'est-à-dire j'étais nommé en 1981 professeur à la Sorbonne, professeur titulaire,
02:25j'étais un jeune professeur, j'avais 37 ans,
02:28et c'est ce qui m'a permis de rencontrer Michel Foucault,
02:31Lévi-Strauss, Deleuze, et bien sûr par avant Gilbert Durand mon maître, ou Julien Freund,
02:37et donc je voulais faire état de cela.
02:39C'est-à-dire dans un moment où quand même il y a une espèce de détresse théorique,
02:43si je puis dire, où la libre pensée,
02:47ils ne sont ni libres ni penseurs, dirait Nietzsche,
02:50est en voie de capillotade,
02:52je voulais montrer que nous avions eu en France,
02:55en tout cas pour les gens de ma génération,
02:57des gens qui nous ont aidés à penser.
02:59Vous vous souvenez bien de la formule de Bernard de Chartres,
03:03il faut se hisser sur les épaules des géants.
03:06En gros je fais état de cela.
03:09– Sans être des nains.
03:12– Oui, je pense, mais d'une certaine manière,
03:16il est important de rappeler ce que nous devons,
03:19– Absolument, bien sûr.
03:21– Et je trouve que c'est important parce que,
03:24je cite ces expressions,
03:27« Malheureux celui qui n'a pas de maître ».
03:30Moi je me suis appuyé là.
03:33En même temps, je ne voulais pas nier le fait que je venais d'un endroit,
03:37de mon petit village, Grèce-Sac.
03:39– Vous venez à Grèce-Sac, qui est où exactement ?
03:42– Grèce-Sac c'est un trou du cul du monde,
03:44excusez-moi de le dire simplement.
03:46C'est un petit village de mineurs,
03:48qui était important à l'époque quand je venais,
03:50il y avait 3500 habitants, maintenant il n'y en a plus que 600.
03:53– Et c'est où exactement ?
03:55– C'est le dernier village des Cévennes,
03:56c'est-à-dire pour situer pas très loin de Béziers,
03:59ou de Lodève, c'est la fin exactement des Cévennes.
04:03Ce fut mon village natal, j'y vais encore régulièrement.
04:06– Vous avez toujours une maison ?
04:07– J'ai toujours ma maison.
04:09Et il y a une, comment dire, dans le fond,
04:11tout ce que j'ai écrit par après, c'est à eux que je leur dois,
04:15ma parentelle, mes amis, qui sont des ouvriers, disons-le simplement,
04:20puisque c'est un village de mineurs.
04:23Et moi, il se trouve que j'ai passé à l'époque l'examen d'entrée en 6ème,
04:28à l'époque on passait l'examen, l'examen des mines,
04:30de la bourse des mines, pour pouvoir entrer.
04:32– Vous avez été boursier des mines ?
04:34– Ça s'appelait la bourse des mines, ça s'appelait l'examen,
04:37qui permettait justement d'accéder à l'examen d'entrée en 6ème.
04:41Mais en même temps, je reste fidèle à ce village,
04:43parce que je m'y ressource.
04:45Et dans le fond, tout ce que par après, j'ai écrit d'une manière universitaire,
04:48c'est à eux que je le dois, voilà en gros.
04:49– Alors justement, Michel Maffesoli, parlons,
04:51puisque c'est votre autobiographie,
04:53qu'est-ce qui vous a fait entrer dans cet univers paradoxal,
04:57chatoyant, flamboyant, et quelquefois, avec ses zones d'ombre et de lumière,
05:01des idées, du frotti de cerveau au chair à montagne.
05:06Et comment vous êtes venu là ?
05:08– Pour le dire simplement, dès ma petite enfance,
05:12mes parents m'interdisaient à lire des BD,
05:16et m'achetaient des livres, des romans.
05:18– Ah ouais, formidable, intéressant ça, à suivre, à suivre.
05:21– Et donc, malheureusement d'ailleurs, je dois dire,
05:23je n'ai lu aucune BD, quelle qu'elle soit.
05:26– Mais ils vous amenaient quel genre de livre ?
05:28– Dans ma faculté, ça s'appelait Rouge et Noir, par exemple,
05:30une collection, ou Ideal Bibliothèque, Ideal Bibliothèque.
05:33C'était des romans classiques, que nous connaissons tous,
05:36peut-être à usage des enfants, j'en sais rien.
05:39Mais j'ai encore, dans ma bibliothèque, dans le Sud,
05:42j'ai encore tous ces livres.
05:44Alors voilà d'où c'est parti, c'est-à-dire le fait que,
05:47d'une certaine manière, j'ai été nourri par ces lectures,
05:52et cela m'a amené à faire cette carrière, après que j'ai fait,
05:56le lycée Henri IV, et puis après j'étais assez rapidement
06:00nommé à l'université.
06:02– Mais attiré par la philosophie, attiré par l'histoire des idées,
06:04par la littérature, qu'est-ce qui vous, je dirais, qui vous guidait ?
06:09– C'est toujours difficile de dire ce qui nous a guidés.
06:12Ce que je veux dire, c'est que j'ai pris goût à la philosophie.
06:15– D'accord.
06:16– En même temps, je le signale, puisque ce n'est pas publié,
06:20mais mon premier texte, mon premier article date de 1966, en effet.
06:24– Ah oui, presque 60 ans.
06:27– En effet, et c'était sur là, l'union de l'âme et du corps,
06:31c'est Saint-Thomas d'Aquin et Aristote.
06:33– Carrément.
06:34– Aristote et Saint-Thomas d'Aquin.
06:35– Carrément.
06:36Vous aviez quoi, 22 ans maintenant ?
06:38– J'avais 22 ans, je le signais en 44, etc.
06:41Et voilà, donc c'est un peu cela, c'est difficile à dire,
06:45pourquoi je n'ai pas envie de le dire, je ne le sais pas.
06:47Simplement, je ne le sais pas.
06:49Le propre, dans le fond, de l'attirance, quand on regarde un peu
06:53ce qui m'a beaucoup marqué, les surréalistes,
06:56puis par après, vous en savez quelque chose, les situationnistes,
07:00c'est un processus d'attirance, c'est après coup qu'on justifie.
07:04– La rencontre, la rencontre amoureuse, la séduction,
07:07y compris intellectuelle, oui bien sûr.
07:09– La rencontre amoureuse, c'est le propre de l'amour.
07:11– C'est un peu soriri que vous trouvez les raisons.
07:14– Pour autant, on le dit bien, le propre de l'amour,
07:16c'est que justement, c'est indécidable et on ne peut pas le justifier.
07:20Donc je ne le justifierai pas, sinon que du fait, ça m'a nourri.
07:23Et que je suis resté dans cette perspective amoureuse des idées.
07:27– Alors justement, de quelles idées, qu'est-ce qui ont été les idées,
07:31vous en parlez bien dans votre livre, qui vous ont forgé,
07:34les idées, les auteurs, vraiment, vous vous rendez hommage,
07:38notamment à Gilbert Durand, mais à beaucoup d'autres,
07:41et à ceux qui ont disparu depuis des siècles peut-être.
07:45Quels sont vraiment les auteurs, je dirais,
07:49je n'allais pas lire le cri primal, mais les fondamentaux pour vous ?
07:53– Là encore, délicat.
07:55Disons qu'il s'est trouvé que c'est deux axes qui m'ont marqué.
08:01Un premier, à Strasbourg, grâce ou à cause de Julien Freund,
08:06qui m'a incité…
08:08– Qui était philosophe lui-même.
08:10– En effet, il était à l'origine.
08:12À l'époque, il n'y avait pas de distinction très forte
08:15entre la philo et la socio, mais il avait fait sa thèse de philo,
08:18en effet, avec Raymond Aron, à la Sorbonne.
08:22Par après, il était devenu professeur à Strasbourg,
08:25et il était attentif à ce qui fut, pour moi, un élément important,
08:30le quotidien, donc première piste.
08:32Par après, j'ai développé cette idée de la sociologie du quotidien.
08:36Et puis, il s'est trouvé que j'étais nommé assistant à Grenoble en 1972,
08:40et ce fut ma rencontre essentielle avec Gilbert Durand, c'est l'imaginaire.
08:44Voilà les deux axes, si vous voulez, qui ont guidé, dans le fond,
08:47toute mon œuvre et les divers livres que j'ai produits.
08:51C'est en disant, à la manière Weberienne,
08:54il faut être à la hauteur du quotidien, ce qui est en bas,
08:57et l'imaginaire, c'est le climat, l'atmosphère.
09:00Donc c'est cette conjonction du bas et du haut qui a…
09:03– Qui fait votre spécificité, d'ailleurs, c'est à s'occuper du quotidien.
09:06Vous avez créé un centre d'observation du quotidien,
09:10et l'imaginaire, vous avez créé également une institution…
09:13– Non, l'imaginaire, j'en ai hérité.
09:16C'est Gilbert Durand qui avait créé le centre de recherche sur l'imaginaire,
09:19à Grenoble, et on l'a, quand j'étais nommé à la Sorbonne,
09:22on l'a mis à la Maison des Sciences de l'Homme, et j'en étais le directeur.
09:25Mais c'est ces deux centres, le CAAC,
09:27Centre d'études sur l'actuel et le quotidien, que j'ai créé moi-même,
09:30avec Ballandier, je le signale longuement,
09:33et puis le centre de recherche sur l'imaginaire,
09:36le cri que j'avais hérité de Gilbert Durand.
09:39Alors là, c'est ces deux axes qui, d'une certaine manière,
09:42toujours en filigrame, se retrouvent dans tout ce que j'ai essayé d'écrire depuis.
09:45– Voilà, le quotidien et l'imaginaire, nous allons en parler,
09:48mais nous allons en parler très concrètement,
09:50parce qu'effectivement, on pourrait dire, tiens, mais ce sont aux antipodes,
09:53ils ne sont pas du tout aux antipodes,
09:55et vous les rejoignez par la modernité, la post-modernité et tout cela.
09:58On va en parler tranquillement, avec, tranquillement mais ardemment,
10:02avec Michel Maffezoli, restez avec nous, à tout de suite.
10:06– Soudradio. – Soudradio.
10:08– Parlons vrai. – Parlons vrai.
10:09– Soudradio. – Parlons vrai.
10:11– Soudradio, Bercov dans tous ses états, midi 14h, André Bercov.
10:17– Et Michel Maffezoli avec Apologie, cette autobiographie intellectuelle,
10:21vraiment que je vous recommande, prenez le temps de lire,
10:24et vous allez voir, en plus prenez le temps de regarder toutes les références,
10:27parce que voilà, prenons le temps long,
10:30quand vous avez un moment, vraiment, lisez, lisez, lisez,
10:34je radote là-dessus, mais on ne radotera jamais assez pour parler de cela.
10:39Alors, le quotidien et l'imaginaire, Michel Maffezoli,
10:42mais alors vous, vous avez choisi quand même,
10:45de temps en temps, on s'est connus il y a quelques décennies déjà,
10:49mais vous étiez déjà, vous intéressez aux boîtes de nuit,
10:52vous intéressez aux clans, aux tribus, puis à la techno et tout cela,
10:58c'est pas sérieux ça, pour un professeur à la sormone,
11:01de s'intéresser à des sujets pareils, et je ne parle pas de l'astrologie,
11:04nous en parlerons plus tard.
11:06– Pour moi, j'ai fait passer trois thèses sur l'astrologie,
11:10une qui a été célèbre, celle de madame Tessier,
11:13qui pour moi m'avait été envoyée par le recteur ou la rectrice,
11:18je ne sais pas comment on dit,
11:20qui m'a dit, vous êtes le seul à pouvoir accepter,
11:22mais pour moi c'était la thèse de madame Anselman,
11:26comme je n'écoutais pas la télé ou la radio, je ne savais pas qui était,
11:31mais voilà, c'est ça le quotidien, c'est-à-dire…
11:34– Mais c'est quoi le quotidien, vous dites,
11:36parce que c'est toutes les manifestations du quotidien pratiquement ?
11:39– Oui, pour moi c'est ce qui constitue la banalité de la vie sociale,
11:44mais je rappelle, puisque j'ai parlé de mon petit village,
11:48mais dans de nombreux villages français, il y a le four banal,
11:51et le four banal, c'était le jour où le Seigneur rétrocédait le four
11:54à la communauté, c'était la fête…
11:56– Vous appelez le four banal ?
11:58– Oui, le four banal, dans beaucoup de villages français,
12:00il y a encore le four banal, et c'était la fête du pain commun,
12:03si je puis dire, c'est-à-dire c'est là où la communauté se structurait,
12:07et maintenant le mot banal ou banalité est devenu…
12:10– Banal !
12:11– Banal ! Une antiphrase, si je puis dire,
12:14et moi je considère que c'est justement dans la banalité
12:17que la communauté se structure, comme c'était le cas pour le four banal.
12:21Donc du coup, des sujets que, en effet, l'institution ne prenait pas en charge,
12:26anodins, alors c'était, à l'époque c'était pas chic,
12:29les grands rassemblements techno, moi j'ai un de mes étudiants,
12:33Lionel Porteau, pour ne pas le nommer,
12:35qui est le premier venu me proposer une thèse sur justement…
12:38– Sur les techno.
12:39– Voilà, sur les grands rassemblements musicaux
12:41dont il était un protagoniste de surcroît,
12:43il en a fait une splendide thèse, et j'ai eu 4 ou 5 thèses d'ailleurs là-dessus,
12:47maintenant c'est un peu devenu chic de s'occuper de cela.
12:50J'ai eu à l'époque des thèses sur les boîtes de nuit, etc.
12:55– Vous venez vous les proposer en fait ?
12:57– On venait me proposer, deux de mes étudiants de Lyon,
13:01leurs professeurs, mes collègues de Lyon avaient refusé ces thèses,
13:05ils venaient chez moi, et moi bien sûr je les acceptais.
13:08– C'est intéressant, parce qu'ils trouvaient que c'était pas digne,
13:11le sujet n'était pas digne, c'est ça.
13:13– En gros, c'était même peut-être infamant, des boîtes échangistes,
13:15il y a à l'époque, et c'est passé de 3 à 53.
13:18– Et vous vous dites, c'est un miroir de notre temps.
13:21– C'est là, c'est là, c'est tout.
13:23Michel Foucault en 82, il meurt en 84, il me recevait souvent,
13:29il me dit maintenant Michel vous êtes professeur à la Sorbonne,
13:32il n'y a rien sur l'homosexualité.
13:34C'était pas chic à l'époque l'homosexualité.
13:36– Il n'y avait pas de thèse sur l'homosexualité ?
13:38– Non, il y a eu moi, un groupe de recherche sur l'homosexualité,
13:412 ou 3 grands colloques à la Sorbonne même,
13:45semblant des gens de divers partis d'Europe, etc.
13:48Mais là, on me dit, ma fée Zoli, vous faites rentrer l'homosexualité à la Sorbonne.
13:51Je dis, écoutez, arrêtez, on n'a pas besoin de moi de ce point de vue.
13:55Par après, quand j'ai fait soutenir les thèses sur l'astrologie,
13:58vous faites rentrer l'astrologie à la Sorbonne.
14:01Moi, j'étais un mécréant dans l'un et dans l'autre domaine.
14:04C'était pas mon domaine à moi, mais il n'en reste pas moins que
14:07c'était un domaine qui me paraissait être des études devant être faites,
14:11puisque il y avait une multiplicité de gens qui s'intéressaient à l'un et à l'autre.
14:14Voilà, c'est ça le quotidien.
14:17On ne s'interdit aucune dimension du quotidien, puisque ça fait partie.
14:22Je suis de formation weberienne, c'est-à-dire Max Weber,
14:27et grâce à Julien Freund, il m'a dit,
14:30un fait social peut devenir un fait sociologique.
14:34Voilà la vieille règle weberienne.
14:37C'est à nous de l'analyser, etc.
14:40Il est là, on ne peut pas dire, on fait comme s'il n'existait pas.
14:44Ma position, ce n'est ni judicatif, ni normatif.
14:49Je ne dis pas ce qu'il devait être, mais ce qu'il est.
14:52Nietzsche, qui m'a beaucoup formé, la pensée nietzschéenne,
14:55considère que la logique du devoir être, ce que devrait être le monde,
14:59ce qu'on aimerait qu'il soit, ce qu'il pourrait être,
15:02contrevient à ce qu'il est, tout simplement.
15:05En fait, c'est s'occuper de ce qu'il est.
15:08C'est intéressant, parce que vous savez qu'une certaine,
15:11je vous cite ça, une présidente de France Télévisions,
15:15Delphine Ernotte, dit, nous ne parlons pas de la France
15:18telle qu'elle est, mais telle qu'on voudrait qu'elle soit.
15:21Ça s'appelle la logique du devoir être.
15:24Et pour moi, c'est la pire des choses, c'est là le vrai décalage
15:27qui existe entre une intelligentsia déphasée,
15:30ceux qui ont le pouvoir de dire et de faire, journalistes, politiques,
15:33experts, maintenant on ne dit plus intellectuels, on dit experts,
15:37qui restent sur une conception idéosophique.
15:40Ça vient du haut. Alors que, vous avez compris,
15:43de mon point de vue, il faut que ça vienne du bas.
15:46Ce qui existe, tout simplement, à nous de le traiter,
15:49de maîtriser la subjectivité, et de voir comment
15:52on peut scientifiquement, ou en tout cas intellectuellement,
15:55traiter ces sujets qui étaient méprisés,
15:58ou méprisables pour certains.
16:00Donc ce que vous dites, c'est que rien de ce qui...
16:03Le philosophe disait, rien de ce qui est humain ne met l'étranger.
16:06Vous dites, rien de ce qui est quotidien ne doit nous être étranger.
16:09Mais quotidien, ça veut dire humain, tout simplement.
16:12C'est tout simplement, en quelque sorte, oui,
16:15la vie de tous les jours. Dans les grandes traditions
16:18qui furent la mienne, et vous en savez quelque chose,
16:21le lettrisme, ensuite les situationnistes...
16:24Les surréalistes, à un moment donné.
16:27C'est ça, surréalisme, dadaï, surréaliste, lettrisme, situationniste.
16:31C'était justement les éléments du quotidien.
16:34La vie quotidienne vient de là, précisément.
16:37Et c'était quelque chose de qui, je dirais,
16:40qui mérite attention, et pour ma part, je m'y suis employé.
16:43Vous voyez ça, et vous vous serez diablement employé
16:46par vraiment énormément d'ouvrages
16:49et de réflexions, et on sait la place
16:52que vous occupez aujourd'hui, mais justement, tout en restant,
16:55je dirais bien, dans les sentiers de grande randonnée.
16:58Ne pas rejoindre la foule,
17:01ou je dirais le troupeau, en tout cas,
17:04ça c'est clair pour vous, qu'on vous approuve
17:07ou qu'on vous dénigre, personne ne changera de cela.
17:10On se retrouve juste après ceci,
17:13Michel Maffesoli, pour parler justement
17:16aussi de l'imaginaire, parce qu'on a parlé du quotidien,
17:19et c'est quoi l'imaginaire, et puis on va parler
17:22de beaucoup d'autres choses aussi.
17:29Sud Radio Bercoff, dans tous ses états,
17:32midi 14h, André Bercoff.
17:35Un livre cultivé, un livre jubilatoire,
17:38un livre rempli de références et de réflexions, surtout
17:41« Apologie » de Michel Maffesoli.
17:44Alors, soyons tout à fait clairs, il ne s'agit pas
17:47d'une « Apologie » de Michel Maffesoli par lui-même.
17:50Ce n'est pas un exercice d'autosatisfaction,
17:53mais c'est un exercice, je dirais, de creuser.
17:56Comme le disait l'autre creuse vieille taupe, non là,
17:59c'est vraiment la taupe intelligente.
18:02On parlait alors, justement, vous avez défini le quotidien
18:05et ce que vous avez, on le dit rapidement,
18:08ce que vous avez dit du quotidien, mais vous parlez aussi
18:11de l'autre pôle de votre démarche, l'imaginaire.
18:14Alors, c'est quoi l'imaginaire, en fait,
18:17dans votre définition, dans votre réflexion ?
18:20Tout comme le quotidien, c'est quelque chose qui n'était
18:23pas sérieux, en tout cas, qui ne méritait pas d'être analysé.
18:26La tradition française est une vieille tradition
18:29de méfiance vis-à-vis de l'imagination et de l'imaginaire.
18:32Malebranche, Descartes, critiquant l'imagination
18:35parce que c'était la folle du logis,
18:38ce qui ne permet pas le bon fougeonnement du cerveau.
18:41Et je rappelle dans mon livre, je l'ai souvent dit d'ailleurs,
18:44que les deux premiers livres de Jean-Paul Sartre,
18:471936 et 1938, sur l'imagination, ils reprennent
18:50tout simplement l'idée de Malebranche, la folle du logis.
18:53Ce n'est pas bien.
18:56L'imagination, c'est les nuées, c'est les délires, etc.
18:59Alors, c'est là où j'ai rencontré
19:02Gilbert Durand, mon maître, qui,
19:05en 1960, a écrit les structures anthropologiques
19:08de l'imaginaire. Et c'était sous la direction
19:11de Bachelard. Et c'était pas négligeable.
19:14Et il rend attentif au fait qu'on ne peut bien
19:17comprendre la vie que si on saisit
19:20les rêves, les fantasmes, les fantasmagories,
19:23les fantaisies, etc. Voyez, les mythes...
19:26Vous voulez dire que c'est l'autre réalité, mais qui est aussi importante que...
19:29Le réel est construit par l'irréel.
19:32Et cet irréel, c'est ce que je viens de dire,
19:35encore une fois. C'est pas simplement individuel,
19:38les rêves, il y a des rêves collectifs,
19:41mythes, fantasmes, je dis fantasmagories, peu importe,
19:44tout chose qui nous constitue.
19:47Et Durand avait une belle formule, il disait, dans le fond, l'imaginaire, c'est le climat,
19:50l'atmosphère dans laquelle on baigne. Et tout comme
19:53il y a des changements climatiques stricto sensu, admettons
19:56qu'il y ait des changements climatiques dans l'esprit. C'est ce qui est en train de se passer
19:59de nos jours. On parlera sur la post-modernité.
20:02Mais donc, dans le fond, l'imaginaire, c'est la prise en compte
20:05de ces éléments que l'on méprisait. En tout cas,
20:08dans la tradition française en particulier.
20:11Non, pas simplement la raison,
20:14mais le rationalisme.
20:17Moi, pour ma part, j'ai écrit un demi-livre
20:20qui s'appelle Éloge de la raison sensible.
20:23Et dans ce livre, je montre qu'il ne faut pas
20:26nier la raison, ça nous constitue.
20:29Mais en même temps, il y a les sens, il y a ceux dans lesquels on se situe.
20:32Voilà ce qu'est, de mon point de vue, l'imaginaire.
20:35Et à mon sens, c'est ce qui est en train de prendre une importance énorme
20:38en particulier chez les jeunes générations.
20:41L'imaginaire, est-ce qu'il n'y a pas autant le quotidien ?
20:44Il a effectivement ses excès, ses gouffres
20:47et en même temps ses bonheurs. Est-ce que l'imaginaire
20:50n'est pas la salle d'attente du délire ?
20:53Est-ce que ça ne part pas dans tous les...
20:56Justement, je voudrais qu'on connaisse plus précisément
20:59sur cet imaginaire. Qu'est-ce que vous faites rentrer
21:02dans l'imaginaire, Michel Maffesoli ?
21:05Je vais faire rentrer tout puisque ça englobe, premièrement.
21:08J'ai bien dit. En même temps, soyons clairs par rapport à ce que vous venez d'indiquer
21:11pour le meilleur et pour le pire.
21:14Bien sûr. Il faut quand même le rappeler.
21:17Et on voit sur les réseaux sociaux en particulier, puisque personnellement
21:20je valorise ces réseaux sociaux, le meilleur et le pire.
21:23C'est-à-dire les...
21:26les cinématisations à outrance à bien des égards
21:29les fanatismes de divers ordres.
21:32En gros, c'est tout. Le verre à moitié plein, le verre à moitié vide.
21:35On a tendance à voir le verre à moitié vide.
21:38Moi, pour ma part, j'essaie de montrer qu'au-delà de la sinistrose ambiante
21:41il y a un verre à moitié plein aussi.
21:44Alors voilà, c'est tout.
21:47En gros, comment dire cela ?
21:50C'est la part d'ombre qui nous travaille.
21:53Et un homme sans ombre n'existe pas.
21:56Une société sans ombre n'existe pas.
21:59Et de toute façon, il y a la lumière, il y a l'ombre.
22:02En gros, c'est tout.
22:05Je cite un roman qui m'a marqué dans ma jeunesse, un roman
22:08de Camiseau, c'est un auteur allemand du XIXe siècle
22:11L'homme sans ombre.
22:14Et il ne peut plus vivre.
22:17Il a vendu son ombre au diable avec une poignée de...
22:20pas de dollars en la matière, des pièces d'or.
22:23Et du coup, il n'existe plus. Il ne peut plus sortir puisqu'il a peur d'exister.
22:27Bon, c'est anecdotique, mais je montre que d'une certaine manière
22:30on ne peut pas comprendre la société si on ne saisit pas cette ombre.
22:33L'instant obscur. La part maudite.
22:36Et je considère qu'il faut le développer.
22:39C'est un des éléments de l'imaginaire.
22:42La part maudite dans un très beau livre de Georges Bataille
22:45qui s'appelait comme ça. Alors justement, je voudrais...
22:48On va continuer. Qu'est-ce qui a fait quand même...
22:51Est-ce que ce sont ces domaines auxquels vous êtes attachés
22:54qui ont fait quand même que vous suscitez souvent
22:57lire L'IRE de certains de vos confrères
23:00ou autres, ou de vos collègues
23:03en disant, oui, mais ma faisolie, ouais, mais c'est pas sérieux.
23:06Oui, il s'attaque à des sujets.
23:09Enfin, tout ça. Et qui fait que... Et puis d'autres évidemment
23:12qui vous aiment et qui vous admirent. C'est clair.
23:15Mais qu'est-ce qui fait... C'est le choix des domaines
23:18que vous avez abordés. C'est par exemple
23:21que vous allez, moi je me rappelle,
23:24le clan Campbell, vous avez parlé des clans.
23:27Le clan Campbell, c'était une formidable soirée, je me rappelle.
23:30Mais aussi, vous aviez été le théoricien
23:33de ces clans, etc. Est-ce qu'au fond,
23:36on considère que vous n'aborderiez pas ?
23:39Vous en avez parlé déjà au niveau de l'homosexualité, mais
23:42vous n'abordez pas les sujets sérieux. Ma faisolie,
23:45il prend des sujets qu'il n'a pas à prendre. C'est pas du niveau de l'université.
23:48Est-ce que c'était ça ?
23:51Oui, mais j'ai dit le mot tout à l'heure, je le répète, moi je prends
23:54acte de ce qui est. Pas de ce qu'on aimerait
23:57qu'il soit. Neutralité
24:00axiologique. Encore Weber.
24:03Encore une fois, j'ai pas à juger, dire si c'est bien,
24:06si c'est mal. C'est ainsi, c'est ça la part d'ombre.
24:09Ce qui nous constitue. Alors, c'est pas sérieux ?
24:12Non, moi pour ma part, je dis la vie quotidienne est sérieuse.
24:15La vie ne vaut peut-être rien, mais rien ne vaut la vie.
24:18Et tout mon travail a été d'essayer
24:21d'analyser cela. Voyez, par exemple, je suis en train de réécrire
24:24la préface d'un de mes livres qui est paru en 88,
24:27Le temps des tribus.
24:30Qui va reparaître en 6e ou 7e édition.
24:33Et qui a été très remarqué. Et je fais une grande préface
24:36où je dis ce que je suis en train de vous dire. C'est-à-dire que
24:39j'essayais de montrer tout simplement que l'on n'était plus dans la république
24:42aucune et indivisible. L'idée du 19e,
24:45un peu franc-maçonne pour dire les choses comme elles sont.
24:48Mais qu'on avait une fragmentation de cette société
24:51qui était là. Une mosaïque. Et donc
24:54c'était cette res publica, la chose publique
24:57où il y avait ces petites tribus musicales,
25:00sexuelles, religieuses, sportives, etc.
25:03Et que dans les jungles de pierre que sont nos mégapoles,
25:06il y avait ces tribus. Voyez, c'était quotidien ça.
25:09Quelque chose qui existait. Alors que
25:12dans le fond, le savoir officiel, gauche et droite confondus,
25:15restait sur une unité.
25:18La république une et indivisible. Moi j'essayais
25:21de montrer. Je ne dis pas ce qui est mon sentiment
25:24personnel. Bien sûr. Vous essayez de montrer
25:27le réel comme vous le voyez. Je dis montrer.
25:30Je joue même sur le mot. Je dis monstrer.
25:33Ce qui peut être monstrueux à bien des égards.
25:36Mais voilà, ma démonstration, elle est là.
25:39Elle est tout simplement de constater, et c'est vrai qu'il y a
25:42un vrai décalage. Il faudrait en dire un mot quand même.
25:45Il y a un vrai décalage entre l'intelligentsia,
25:48élite déphasée, avec une personne que je connais bien
25:51qui s'appelle Ellen Schroll. On a écrit un livre,
25:54La faillite des élites. La faillite des élites.
25:57Vous voyez, par exemple, pour montrer comment il y a...
26:00Elle était narque de surcroît. Il y a ce décalage qui existe
26:03parfois entre ceux qui ont le pouvoir de dire et de faire et le peuple.
26:06Donc moi, mon propos, je suis d'un milieu populaire,
26:09de cette sagesse populaire. Je décris cette sagesse populaire.
26:12Et d'ailleurs, comment vous expliquez cette sécession
26:15qui est presque devenue abyssale entre les élites,
26:18parce qu'il faut aussi des élites. Vous faites partie de l'élite,
26:21mais pas de cette élite-là qu'on connaît, bien sûr,
26:24Michel Maffé-Zolimé. Qu'est-ce qui fait cette espèce
26:27d'écession qu'on voit de plus en plus grandissante ?
26:30C'est devenu presque, je dirais, une banalité de base,
26:33comme disait Raoul van Eyckhem,
26:36de dire que, oui, mais regardez, ils sont complètement détachés
26:39du réel, décollés du réel. C'est devenu un cliché.
26:42Mais qu'est-ce qui fait que ça atteint ce stade ?
26:45Écoutez, c'est très simple. Excusez-moi de le dire là simplement.
26:48Vous avez compris que pour moi, on assiste à la fin d'une époque,
26:51fin de la modernité. Chaque société, soyons clairs, a besoin d'élite.
26:54Et on le voit dans toute société, etc.
26:57Et puis, peu à peu, s'il vous plaît, il y a
27:00cette espèce de déconnexion, de défasage.
27:03Je rappelle que, par exemple, la Révolution française n'est que la conséquence
27:06d'un défasage de ce qu'était la féodalité,
27:09le roi, les seigneurs, etc. Et de nos jours,
27:12c'est exactement ce qui est en train de se passer.
27:15C'est-à-dire que ceux qui étaient promoteurs,
27:18peu à peu s'étafadient.
27:21Un de mes amis sociologues disait que l'énamourement devient
27:24la tétanie conjugale.
27:27Tétanie conjugale, je retiens.
27:30Et Guillaume Quinguem, du Colmao au Rotary Club.
27:33Tout à fait.
27:36C'est pour dire que ceux qui étaient porteurs tentent à s'affadir.
27:39Un grand sociologue qui n'est pas connu en France,
27:42qui s'appelle Vilfredo Pareto, économiste, sociologue,
27:45parle de la circulation des élites.
27:48C'est-à-dire qu'elles se perdent,
27:51elles décollent,
27:54elles se jivarouisent.
27:57En la matière, pour ceux qui nous concernent,
28:00elles restent sur les grandes valeurs de la modernité.
28:03L'individualisme, le rationalisme, le progressisme.
28:06Alors que ce qui est en jeu, c'est le tribalisme.
28:09Alors que ce qui est en jeu, c'est l'émotionnel.
28:12Alors que ce qui est en jeu, c'est le retour à des dimensions plus traditionnelles.
28:15Alors que ceux qui ont le pouvoir de dire et d'agir,
28:19restent sur ces valeurs modernes.
28:22Et c'est là où, peu à peu, il y a un décalage très fort avec le peuple.
28:25D'ailleurs, ils ont peur du peuple.
28:28Ils parlent de populisme, de communautarisme.
28:31Ces démocrates sont très peu démophiles.
28:34Ils sont même parfois démophobes.
28:37Le peuple s'en mauvait.
28:40Je ne dirai pas les expressions grossières que j'emploie souvent,
28:43mais de fait...
28:47Vous avez vu un député écologiste qui a dit
28:50qu'il faudrait établir un suffrage sans citer.
28:53C'est scandaleux.
28:56Mais de fait, c'est tout simplement l'expression de cette démophobie.
28:59On a peur du peuple.
29:02Or, le peuple est en train de prendre sa revanche actuellement.
29:05On le voit aux Etats-Unis, en Argentine, en Autriche,
29:08on le voit en France aussi,
29:11on le voit en Hollande, etc.
29:14Tout cela marque cette déconnexion
29:17qui entre régulièrement chaque trois siècles.
29:20Alors justement, vous parlez de la modernité.
29:23Vous dites que ces élites sont dans la modernité telle qu'on la définit.
29:26Et vous, vous vous êtes fait d'ailleurs l'un des porte-parole,
29:29je dirais même des théoriciens de la post-modernité.
29:32Alors, c'est quoi la post-modernité ?
29:35Parce que souvent, l'étant employé en disant
29:38que c'est encore...
29:41C'est très cliché aussi.
29:44Post-modernité, oui, c'est toutes ces manifestations de woke, de LGBT,
29:47de cancel culture, etc.
29:50Alors vous dites que ce n'est pas ça du tout, la post-modernité.
29:53Alors, c'est quoi ?
29:56Tout d'abord, ce qu'est la modernité,
29:59je rappelle que c'est Baudelaire qui le premier emploie en 1848 le mot
30:02modernité.
30:05Avant, on disait post-médiévalité, c'est-à-dire une autre époque
30:08et c'est la même chose, c'est-à-dire qu'on ne peut pas nommer
30:11ce qui est en gestation, on se donne rendez-vous
30:14dans 100 ans tous les deux et on aura à ce moment-là
30:17ce qu'il y a de mieux.
30:20Mais entre-temps, on dit post, c'est-à-dire ce qui vient après,
30:23tout simplement. Et actuellement, en France,
30:26on a peur, on dit hyper-modernité, modernité seconde,
30:29modernité avance, etc. Non, tout simplement,
30:32vendre attentif qu'on est dans un autre imaginaire.
30:35Les sociétés officieuses, ces jeunes générations, ne se reconnaissent pas
30:38dans la dimension officielle. Mais ça, c'est pas du tout
30:41wokiste. Au contraire, pour moi,
30:44le wokisme, je l'ai écrit ici ou là dans tel ou tel
30:47de mes livres, ce n'est que la forme achevée des lumières.
30:50D'ailleurs, ça veut dire ça, wok, éveillé.
30:53Donc, c'est une forme caricaturale
30:56des droits.
30:59Alors que la post-modernité, je m'appuie ici sur cette grande philosophe
31:02Simone Veil, la grande philosophe, qui parle
31:05de l'enracinement. Son grand livre, c'est l'enracinement.
31:08Et dans ce livre, elle montre bien que ce n'est pas les droits qui sont importants,
31:11c'est les devoirs, les obligations.
31:14Ce n'est pas seulement la liberté, très bien, mais la responsabilité aussi.
31:17C'est la dépendance de l'autre.
31:20Un ordo amoris, un ordre de l'amour. Et de fait,
31:23de mon point de vue, dans les tribus telles que je les analyse,
31:26il y a ce partat des sentiments, je dis affectuels.
31:29Et de fait, c'est ça la post-modernité, c'est-à-dire quelque chose
31:32qui n'est pas simplement individualiste, mais au contraire, on est toujours avec.
31:35Comme Heidegger le disait, on est en train de passer
31:38de l'ère du jeu à l'ère du nous. Et moi, j'ai essayé
31:41d'analyser ce nous.
31:44Et donc, vous l'analysez dans ces communautés, dans ces rêve-partis,
31:47dans ces techno-partis, par exemple, puis dans les communautés sportives
31:50ou autres.
31:53Encore une fois, une autre grande dame qui est à Narinthe
31:56montre comment s'est élaboré l'idéal démocratique au XIXe.
31:59Difficulté, recul, opposition, machin-chose, et puis on y arrive.
32:02D'ailleurs, une idée très simple,
32:05j'ai une représentation philosophique, j'arrive à vous convaincre,
32:08vous me donnez votre voix à représentation politique.
32:11Actuellement, ça ne marche plus. L'abstention, les non-inscrits sur l'extérieur.
32:14On est prêts à tout pour avoir des voix.
32:17C'est plutôt du côté du trottoir qu'autre chose.
32:20Maintenant, je ne dis plus tribus, je dis idéal communautaire
32:23en gestation.
32:26C'est-à-dire, comme il y a eu l'idéal démocratique,
32:29il y a cet idéal communautaire qui est, je dis bien, en gestation.
32:32– En gestation, mais pardon, Michel m'a fait zoli,
32:35parce qu'il faut être très… ce n'est pas à vous que j'apprendrais
32:38et que je dirais que les mots ont leur importance.
32:41Mais vous avez aussi le côté, justement, le meilleur et le pire
32:44de la communautarisation sur des critères intégristes, religieux et autres.
32:47– Bien sûr, j'ai bien dit, le meilleur et le pire.
32:50Ce n'est pas la peine, bien sûr, et des quantités de fanatismes
32:53actuellement sont là pour l'oppro et je ne les nommerai pas, vous le savez.
32:56Mais ce n'est pas parce qu'il y a ceux-là que je ne vois pas
32:59qu'il y a aussi cette espèce de construction d'une autre manière
33:02d'être ensemble.
33:03Vous voyez, j'ai employé le mot tribus, ça m'a été reproché
33:06parce que j'ai rapté ce mot, c'est une métaphore,
33:09je l'ai rapté aux ethnologues.
33:10Les ethnologues disaient justement que dans les tribus africaines,
33:13c'était pour lutter contre l'adversité, animalière, végétale,
33:17d'autres groupes, etc.
33:18Pour moi, dans les jungles de pierre, que sont nos mégapoles actuellement,
33:22Internet est dedans, la tribu a la même fonction,
33:25solidarité, partage, entraide.
33:28Alors j'ai bien dit, tribus sexuelles, musicales, religieuses,
33:31sportives et tutti quanti, etc.
33:34Et donc du coup, c'est une nouvelle manière d'être ensemble qui est là.
33:38C'est ça que j'appelle maintenant l'idéal communautaire en gestation.
33:41– C'est très intéressant parce qu'un grand théoricien des médias,
33:45disparu maintenant, Marshall McLuhan, vous savez le Canadien,
33:47disait que dans le village global, le tam-tam sonne le retour des tribus.
33:51– Voilà, c'est très bon ça, je ne le savais pas, je ne le savais pas.
33:53– Oui, c'est très intéressant, il faut lire, c'est
33:55« War and Peace in the Global Village »
33:57– Oui, je vois très bien.
33:58– « Guerre et paix dans le village global » et il dit exactement.
34:00– Voilà, et c'était pour moi ces jungles de pierre,
34:03encore une fois, réseaux sociaux aidants, blogs, forums de discussion
34:07et tout à l'avenant.
34:08Je rappelle moi souvent dans mes conférences que quand on regarde Internet,
34:12on voit qu'il y a la reprise de ces mots archaïques que je viens de dire.
34:16« Arché » en grec, ça veut dire « premier, fondamental, partage, échange, solidarité »
34:21et on le voit, ça se développe cela.
34:23Et du coup, on n'est plus dans une dimension quantitative,
34:26le matérialisme historique, l'économicisme, le pouvoir d'achat, etc.
34:31Mais au contraire, ces processus que je viens d'indiquer,
34:34c'est ça l'idéal communautaire.
34:36Vous voyez comment, d'une certaine manière, par la base,
34:39encore une fois, la vie quotidienne d'une certaine manière,
34:42il y a cette autre manière de créer une solidarité organique.
34:45C'est intéressant, en fait, c'est la base qui remet un bolet rouge au dictionnaire, quelque part.
34:50On va continuer à parler avec Michel Maffesoli, c'est passionnant,
34:54et de son livre « Apologie » paru aux éditions sur SERP.
34:59On se retrouve et si vous avez envie d'intervenir, mode.
35:04Allez, 0 826 300 300 par téléphone.
35:07Sud Radio, votre attention est notre plus belle récompense.
35:11Vous êtes vraiment une radio exceptionnelle
35:13et merci à vous de donner la parole aux auditeurs,
35:16puisqu'on en a vraiment, vraiment, vraiment besoin.
35:18Sud Radio, parlons vrai.
35:22Sud Radio Bercoff, dans tous ses états, midi 14h.
35:25André Bercoff.
35:27Et toujours avec Michel Maffesoli, mais je crois, Maud, qu'il y a un autre Michel qui nous appelle.
35:31Oui, un autre Michel qui vient de Bretagne, lui.
35:34Bonjour Michel.
35:35Oui, bonjour André, et bonjour au professeur Michel Maffesoli,
35:39et aux abonnés de Sud Radio.
35:41Alors très rapidement, revenir sur une notion dont Michel Maffesoli a parlé tout à l'heure,
35:47à savoir le chemin de traverse.
35:49Vous me corrigez si je me trompe.
35:51Oui.
35:52Et ça me faisait penser au fameux pas de côté, celui de l'exploration.
35:57Et là, il y a deux solutions qui se profilent.
36:00Soit on revient dans l'axe, après l'expérience d'exploration,
36:04qui peut correspondre, en fin de compte, à revenir dans la doxa.
36:09Ou bien on peut continuer dans la voie, le pas de côté,
36:13mais là, le risque, c'est de partir sur une voie, la voie de la dérive,
36:18qui est une fausse voie.
36:19Alors voilà, je voulais avoir cette question.
36:22Alors, voie de la dérive, voie de retrouver les chemins connus...
36:26Non, mais pas de côté me paraît très beau, et de toute façon, la vie est toujours dangereuse.
36:31Donc, la vie est un métier à risque.
36:33Voilà, donc d'une certaine manière, on peut s'égarer aussi.
36:36Non, moi j'ai pris ce mot parce que je l'ai emprunté,
36:39je vais vous le dire d'où vient ma source,
36:41d'un mot allemand de Heidegger, qui est Holzweg,
36:43qu'on a traduit en français, chemin qui ne mène nulle part, le livre.
36:47Alors que Holzweg, Heidegger, qui était un marcheur,
36:51montre que ce sont ces chemins de montagne, si vous voulez,
36:54qui ne sont pas bien balisés, mais que le montagnard renifle, si je puis dire.
36:58Il se trouve que j'ai une maison en haute montagne,
37:00et que j'ai beaucoup marché, maintenant j'ai plus l'âge de le faire,
37:02mais j'ai beaucoup marché dans la forêt,
37:04et je reniflais, là encore, vous voyez,
37:07qu'est-ce qui fait que sans prendre un chemin balisé,
37:10on arrive à voir où il faut aller, ne pas monter trop.
37:13Ça menait toujours quelque part.
37:14Voilà, et de fait, on arrive à retrouver véritablement un vrai sens.
37:18Et puisqu'on parle de Grèce-Sac et des montagnes,
37:21vous m'avez, hors antenne, dit une jolie phrase
37:25que vous disiez votre grand-mère, Michel Maffesoli.
37:28Oui, c'est une femme sage, d'une certaine manière, très populaire,
37:32et quand j'étais nommé à l'université,
37:35elle m'a dit, attention, il n'y a que les cornichons qu'on met dans des bocaux.
37:38C'est-à-dire, d'une certaine manière, ne t'enferme pas
37:42dans quelque chose qui est partout rigide.
37:44Et par après, bien après, Gilbert Durand, mon maître,
37:48que j'ai cité deux ou trois fois,
37:50a, lui, développé cette idée de bocalisation.
37:53Ça veut dire quoi, exactement ?
37:55Très précisément, en rappelant que ce qu'est notre vocation,
37:58c'est l'université, l'universitas.
38:00L'universel.
38:01L'universel, c'est-à-dire quelque chose qui est transversal, on va dire.
38:03Un peu comme les chemins de traverse, d'ailleurs.
38:05C'est transversal, alors qu'il y a eu une tendance,
38:08qui est le cas actuellement, et je pense d'ailleurs
38:10que l'université est en train de crever de cela,
38:12à se disciplinariser, dans les deux mots du terme,
38:15c'est-à-dire des disciplines où on se donne la discipline, en quelque sorte.
38:18Alors, il faut être sociologue.
38:20Moi, on m'a reproché de faire de la philo au sein de la sociologie.
38:25On a fonctionné sous des cloisons, en gros.
38:27C'est ça, le bocal.
38:29De fait, Durand, qui était agrégé de philo,
38:32avait une chaire d'anthropologie et de sociologie.
38:35C'est-à-dire, en montrant comment, dans les domaines qui sont les nôtres,
38:38il y a cette interaction, dans le sens simple du terme.
38:42Mais qui est importante, qui est plutôt bienvenue, non ?
38:47Pour moi, c'est très important.
38:48Et figurez-vous que c'est en train d'être oublié.
38:50C'est peut-être là, une des décadences de l'université.
38:53Par contre, les jeunes générations,
38:55il se trouve que régulièrement, je reçois pas mal de ces jeunes
38:58qui viennent boire et parler avec moi.
39:00Et qui retrouvent, eux, cette bi-machin-chose.
39:04C'est-à-dire, licence de philo et de linguistique,
39:08de la socio et de la psycho.
39:10L'anthropologie.
39:11Voilà, exactement.
39:12Quelque chose qui rejoue la vieille idée de l'universitas.
39:15Donc, c'est ça.
39:16Moi, je considère que j'ai lutté contre la bocalisation.
39:19Dans mes livres, je peux citer Saint-Thomas d'Aquin,
39:22je peux citer Hölderlin,
39:24je peux citer un philosophe ou un anthropologue.
39:28Dès le moment où je considère que cela peut enrichir le débat,
39:32la question.
39:33C'est en quel sens qu'il me paraît nécessaire
39:36de dépasser cet enfermement, pour dire vrai.
39:38Oui, c'est ça.
39:39Et prendre son bien où il le trouve.
39:41En gros, picorer.
39:42Et que, dans le fond, ce qu'est cette vie quotidienne,
39:45on en a parlé,
39:46c'est tous ces éléments qui sont constitutifs.
39:49C'est ce que je disais à mes étudiants,
39:51les livres et les bistrots, par exemple.
39:53Oui, absolument, c'est vrai.
39:54C'est-à-dire, oui, bien sûr, les livres,
39:56et puis, en même temps,
39:57aller écouter la discussion du café et du commerce.
39:59C'est ce que je dis à mes amis auditeurs, lisez, lisez.
40:01Mais, de temps en temps, le café, le bistrot, le restaurant,
40:04la rencontre, c'est fondamental.
40:06C'est très important.
40:07Et moi, j'ai rappelé toujours à mes étudiants,
40:09la phrase était ça, les livres et les bistrots.
40:11Aller renifler, d'une certaine manière,
40:13écouter, entendre, participer, parler,
40:15tout à l'avenant.
40:16Et c'est comme cela que l'on s'enrichit.
40:18J'ai cité mon village, mon petit village slébénol.
40:21Eh bien, là aussi, moi, le café du commerce du coin,
40:24il est intéressant.
40:25Et le jeudi matin, j'y vais prendre mon café ou autre,
40:28enfin, peu importe, ou un verre de vin blanc.
40:30Mais, disons, à partir de là, il y a une écoute qui se fait.
40:33Voilà ce que je veux dire.
40:34C'est ça, un peu.
40:35Non pas un enfermement.
40:36Une écoute et une réponse, etc.
40:38C'est à partir de là, peut-être, voyez-vous,
40:41qu'on arrive à la vraie pensée.
40:43La vraie pensée, c'est Aristote qui l'a proposée,
40:45en disant, contre l'opinion, la doxa,
40:48c'est savoir poser des questions.
40:50En grec, c'était « kalos apoyerestai »,
40:52poser bellement des problèmes.
40:54Vous savez, c'est exactement le slogan de notre émission.
40:58Je dis toujours, je me méfie de ceux qui ont réponse à tout.
41:01Voilà, la question.
41:02Et en revanche, avoir question à tout,
41:04c'est quand même une bonne chose.
41:05Exactement.
41:06C'est cette idée.
41:07Voyez, le mot en grec, c'est « apoyerestai »,
41:08c'est l'aporie.
41:09L'aporie, c'est quand il n'y a pas la solution.
41:11Et, en grec, excusez-moi,
41:13« aporène », ça veut dire ça.
41:15Pas de solution.
41:16Et aporie, c'est en plus, trivialement,
41:18un col de haute montagne,
41:20qui est difficile à passer,
41:21entre deux vallées.
41:22Entre deux vallées.
41:23Eh bien voilà, moi je dis,
41:24il faut savoir poser des questions,
41:26alors que l'intelligentsia contemporaine
41:27a déjà la réponse.
41:28Oui, c'est ça.
41:29Ils sont en train de crever dessus.
41:31Et ils disent, j'ai les réponses,
41:33où sont vos questions ?
41:34C'est justement là.
41:36Je dirais que vraiment,
41:38j'espère que vous avez passé un bon temps,
41:40comme on l'a passé nous,
41:41avec Michel Mlafézoli.
41:42Mais surtout, très bonne lecture,
41:44en lisant son livre,
41:45et ses livres d'ailleurs.
41:47Parce qu'au fond,
41:48vous avez une conception,
41:49je ne sais pas si elle est post-moderne,
41:51mais elle est jouissive.
41:53C'est important, non ?
41:54Mais, je pense qu'il y a une liaison.
41:56C'est-à-dire que la post-modernité,
41:57c'est la raison sensible, j'ai dit.
41:59C'est-à-dire, d'une certaine manière,
42:01ne pas perdre cette capacité
42:02que nous avons de raisonner.
42:04Et, en même temps,
42:05savoir que cela se fait
42:06au travers du plaisir d'être.
42:07Permettez-moi de citer la phrase de saint Thomas.
42:10« N'y a rien dans l'intellect qui n'est d'abord été dans l'essence. »
42:17Voilà, et j'essaie de rendre attentif
42:19à cette conjonction.
42:20Et c'est pour ça, Michel Mlafézoli,
42:23que je pourrais vous dire,
42:24vous êtes saint Thomas Taquin.
42:28J'accepte.
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