00:00Europe 1 soir week-end. 19h, 21h, Pascal Delatorre Dupin.
00:04Et nous sommes toujours dans ce studio avec Georges Fenech et avec Nathan Devers.
00:09Je voudrais qu'on revienne un instant sur cette décision du Conseil d'Etat qui a validé la décision de Sciences Po Paris d'interdire dans ses locaux
00:17une conférence de l'eurodéputé de la France Insoumise Rima Hassan.
00:21Une conférence qui portait sur la question d'un embargo sur les armes à Israël.
00:27Il a fallu que ça aille jusqu'au Conseil d'Etat.
00:29C'est-à-dire que le Conseil d'Etat a jugé que la décision qui avait été prise par le tribunal administratif n'était pas justifiée.
00:36Et ça monte jusqu'au Conseil d'Etat. Est-ce que vous vous rendez compte où on en est aujourd'hui ?
00:41Non ? Je ne sais pas. Georges Fenech ?
00:43Oui, c'est-à-dire que le Conseil d'Etat est la juridiction suprême en matière administrative.
00:49Donc il y a eu une contestation du directeur de Sciences Po et qui était d'ailleurs légitime puisqu'il avait pris une décision.
00:56Lui, il avait estimé qu'il y avait un risque de trouble entre publics.
00:59Bon, il interdit cette conférence. Elle est dans son droit légitime aussi de contester cette décision.
01:05Il se trouve qu'elle obtient un gain de cause.
01:07Il est normal que le directeur de Sciences Po, effectivement, s'adresse à la juridiction supérieure, au Conseil d'Etat.
01:12Mais tout ceci, ça vous paraît effectivement beaucoup de moyens pour une conférence, mais c'est très symbolique.
01:19Au fond, c'est une guerre symbolique autour des symboles.
01:22Et je pense que Sciences Po avait tout intérêt, me semble-t-il, de mon point de vue, à rétablir une certaine forme d'autorité et d'ordre après tout ce que Sciences Po a vécu.
01:30Donc je pense que c'est plutôt profitable à Sciences Po, ce qui vient de se passer.
01:34Nathan Devers ?
01:36Je crois tout d'abord que le discours de Rima Hassan est profondément dangereux.
01:40Dangereux pour la République, dangereux pour les Juifs de France, pour les Juifs d'Europe.
01:45Dangereux aussi pour les Palestiniens, qu'elle instrumentalise.
01:49Elle n'est pas la seule à le faire à la France Insoumise, qu'elle instrumentalise en les défendant mal et de manière assez hypocrite.
01:56Je crois, sur une question de méthode, que ce n'est pas en interdisant qu'on combat.
02:00Pour deux raisons.
02:01D'abord stratégiquement...
02:02Ah, vous pensez que le directeur de Sciences Po n'aurait pas dû interdire cette conférence ?
02:06Non, lui, le directeur de Sciences Po, je comprends qu'il soit dans son rôle d'essayer de le faire.
02:10Mais ce que je veux dire, c'est que d'abord, stratégiquement, c'est contre-productif.
02:13C'est contre-productif parce que ça fait une sorte de publicité avec une martyrologie.
02:16Regardez, je suis censuré, etc.
02:17Dans un pays où nous avons le culte des intellectuels embastillés, les Voltaires, et il y en a d'autres, les Zola,
02:24évidemment que c'est extrêmement gagnant pour quelqu'un d'utiliser ça presque comme outil marketing.
02:30Deuxièmement, je trouve que politiquement, c'est contestable.
02:32Cette notion de trouble à l'ordre public, en droit, elle est très contestable.
02:36Parce que si vous voulez l'ordre public, on met tout et rien dedans.
02:39On met, vous savez, les lancets de nains, on met la dignité humaine, on met la radiodonnée.
02:44Juridiquement, c'est une notion assez floue.
02:46Moi, je rêverais de débattre face à Rima Hassan.
02:49Tant son débat...
02:50Accepterait-elle de débattre avec vous ?
02:52Je ne sais pas. Je pense qu'elle a plutôt intérêt à avoir face à elle des gens qui veulent l'interdire, qui veulent la faire taire,
02:57pour la raison que je viens de vous dire, parce qu'elle se ferait en martyrologie.
03:01Quelqu'un qui la respecterait du point de vue formel, ça veut dire qu'il ne serait pas là pour la faire taire,
03:06qui la laisserait parler, mais qui la mettrait face à ses contradictions.
03:08Et Dieu sait qu'il y en a, des contradictions.
03:10On ne peut pas défendre les palestiniens si on est complaisant vis-à-vis du régime syrien,
03:14dont il est question depuis 24 heures, parce qu'il est en train de s'écrouler.
03:17On ne peut pas défendre les palestiniens si on est complaisant vis-à-vis de Bachar el-Assad,
03:22qui les a massacrés lors de la dernière guerre civile.
03:25On ne peut pas défendre les palestiniens, on ne peut pas défendre les droits humains,
03:28si on appartient à un parti, enfin à un mouvement,
03:31dont le candidat aux dernières élections présidentielles a soutenu les actions de Vladimir.
03:37Poutine a dit qu'il faisait le travail en Syrie.
03:39Enfin, soutenu, je ne sais pas, mais en tout cas, il a dit qu'il faisait le travail en Syrie,
03:42donc il ne s'y est pas opposé.
03:43On ne peut pas défendre les droits humains,
03:45quand on a accepté, si vous voulez, de cautionner que M. Poutine
03:50massacre des centaines de milliers de civils syriens en Syrie.
03:54Ces contradictions-là, il y en aurait beaucoup d'autres,
03:56sur l'histoire du conflit israélo-palestinien, qu'elle instrumentalise également.
04:00Tout ça fait que je pense qu'on a plutôt intérêt à la laisser parler,
04:04à la faire débattre avec des gens qui sont compétents sur le sujet,
04:07et à la mettre face à ces contradictions,
04:09et c'est là que sa parole s'effondre, me semble-t-il.
04:11Je ne suis pas certain, Nathan, je comprends tout à fait votre souci
04:14de préserver le débat, ce qui honore notre pays,
04:17le débat, quoi qu'il en soit, des idées,
04:20mais là, on n'est plus uniquement sur un registre de débats d'idées.
04:24Quand vous avez une parlementaire européenne qui instrumentalise,
04:27comme vous dites, ce qu'elle croit être une cause juste,
04:31et qui est d'ailleurs poursuivie elle-même pour apologie de terrorisme,
04:37on a franchi une ligne.
04:39Et débattre, c'est quelque part banalisé un petit peu, je dirais.
04:42Elle l'acceptait dans le débat démocratique.
04:45Or, elle a fait un pas de côté en s'écartant du débat démocratique,
04:48en menaçant aussi, comment s'appelle-t-il,
04:51notre représentant LR au Parlement européen,
04:55vous vous souvenez qu'il a été obligé de déposer une plainte, M. Bellamy.
04:58Là, il y a un moment où elle sort de la règle du débat démocratique,
05:04et le fait de la laisser faire ainsi, d'accepter de débattre avec elle,
05:09c'est quelque part un peu accepter aussi le fait qu'elle est dans la démocratie,
05:14alors qu'elle en sort quelque part.
05:16Elle en sort son keffier aussi.
05:18Exactement, le keffier.
05:19On voit bien que c'est du militantisme et de la provocation,
05:23avec un risque réel, moi je considère,
05:25qu'il y a un risque réel de trouble en public.
05:27On l'a vu à Sciences Po, ce qui s'est passé.
05:29Oui, il y a eu bien de troubles publics, c'est vrai, ça aussi, inattendant.
05:31Oui, bien sûr, mais ce que je veux dire par là,
05:33c'est que je pense qu'il y a une sorte d'immense mystification
05:35qu'elle organise, et qu'elle organise extrêmement bien,
05:37parce qu'elle est assez intelligente, ça se voit.
05:39Elle se fait passer pour quelqu'un qui défend les droits de l'homme
05:43contre l'impérialisme barbare, génocidaire, entre guillemets, d'Israël.
05:47C'est-à-dire le faible contre l'effort.
05:49Et ça, en effet, c'est l'image qu'elle donne.
05:51Et c'est pour ça qu'elle utilise toutes les interdictions dont elle peut être l'objet
05:57de défendre la faiblesse contre la force.
05:59Quand on creuse, c'est pour ça que je dis qu'il faut débattre avec elle.
06:01Il faut enlever son masque.
06:03Il faut démasquer ces gens-là.
06:05Quand il y a eu une interview d'elle, je crois que c'était Thomas Soto,
06:07qui lui demandait ce qu'elle pensait d'un tweet du guide suprême iranien
06:11qui félicitait les manifestations organisées aux Etats-Unis,
06:13soi-disant pour les palestiniens, mais en fait pour le Hamas.
06:17Elle avait répondu, elle avait eu le culot de dire
06:19« Je ne connais pas ce monsieur, je ne le suis pas » sur Twitter.
06:21Elle n'avait pas voulu condamner le régime iranien et le guide suprême iranien.
06:25Ce genre de choses, c'est très important.
06:27Parce qu'il s'agit de montrer que son discours n'est pas un discours contre les palestiniens.
06:31Et je répète qu'il est central de défendre les civils palestiniens, c'est central.
06:35Mais ce genre de discours, extrêmement trouble,
06:37extrêmement calculé, extrêmement pernicieux
06:39et intelligemment pernicieux,
06:41c'est un discours, quand vous regardez derrière,
06:43qui est en convergence avec des impérialismes
06:45brutaux, barbares, totalitaires et forts.
06:48Et c'est ça qui est central.
06:50Il faut montrer que ces gens-là sont du côté non pas de la faiblesse contre la force,
06:53mais de la force contre la faiblesse.
06:55Et que, encore une fois, ça n'a rien à voir avec la cause palestinienne
06:58qui a besoin de défenseurs qui sont plus importants et plus utiles et plus constructifs.
07:02Je pense que c'est ça qui est l'élément central.
07:04J'aimerais ajouter une chose.
07:06Mme Rima Hassan s'est fait connaître en passant dans une émission
07:09en disant « De quel droit n'aurais-je pas le droit de revenir sur la terre de mes grands-parents ? »
07:14C'était ça la fameuse phrase qui l'avait rendue célèbre.
07:16Merci de la rappeler Nathalie.
07:17Moi j'aimerais rappeler une chose.
07:18Ma grand-mère est née à Houran.
07:20Elle n'était pas du tout colon.
07:22Ils étaient très pauvres.
07:23Une famille extrêmement pauvre d'Algérie.
07:24Des juifs d'Algérie étaient en Algérie, mais même avant l'apparition de l'islam, depuis deux millénaires.
07:28Je n'ai pas le droit, moi.
07:29Je suis interdit d'entrer en Algérie.
07:31Je n'ai pas le droit de rentrer sur la terre de mes grands-parents.
07:33Pour quelles raisons, Nathan Davers ?
07:34La question est qu'un pays, pour une raison très simple,
07:37c'est que l'Algérie n'est pas une démocratie.
07:39C'est un régime autoritaire qui arrête les écrivains, on l'a vu,
07:41qui arrête Annie Ernaud, qui arrête Bolem Sansalle,
07:42qui à une toute petite échelle m'a interdit de rentrer
07:44alors que j'avais eu un prix littéraire que j'étais censé récupérer en Algérie.
07:48Ce que je veux dire par là, c'est que derrière ce culte de la terre,
07:51cette idée que je dois me réapproprier la terre de mes grands-parents,
07:54vous avez ici un discours très barricien.
07:56C'est la terre et les morts.
07:58C'est le culte, si vous voulez, de la terre contre la société.
08:00Il y a des sociétés qui existent.
08:02Et ça, c'est des arguments qui sont centraux, qu'il faut lui rappeler.
08:04Et je pense que c'est par le débat qu'il faut le rappeler.
08:06Le débat, ce n'est pas de la complaisance.
08:07Le débat, c'est un combat.
08:08C'est un combat d'idées.
08:09Mais c'est un combat quand même.
08:10Le relèvera-t-elle ?
08:11Parce que je n'ai pas vu débattre Rima Hassan.
08:13Mais non, mais c'est pour ça.
08:14Elle refuse de débattre.
08:15Elle a beaucoup plus peur de débattre que d'être interdite.
08:17Elle rêve d'être interdite, elle a peur de débattre.
08:19C'est ça le sujet.
08:20J'aurais été invité là et puis fait organiser un débat.
08:23Vous viendrez aussi, cher Georges.
08:25Je ne suis pas sûr qu'elle accepte.
08:27Mais bien sûr qu'on va lancer.
08:28Tiens, Adrien Bachelet va lancer l'invitation.
08:31S'il vous plaît ce soir, Adrien.
08:34Et nous verrons bien ce que dira Rima Hassan.
08:36On verra.
08:37Effectivement.
08:38Mais j'apprends que Nathan est interdit en Algérie.
08:41Je l'apprends à l'instant.
08:42Je ne suis pas le seul.
08:43On est beaucoup, à peu près tout le monde.
08:44Comment on vous signifie une décision ?
08:46On m'a appelé en me disant, l'ambassade.
08:48Les gens de l'ambassade française m'ont dit
08:50non, on ne peut plus vous faire venir en Algérie.
08:52En me faisant comprendre.
08:53Mais je crois que tous les gens bien à peu près sont interdits d'entrer en Algérie.
08:58C'est d'une tristesse absolue.
09:00Très triste.
09:01Exactement.