00:00Europe 1 Soir Week-end, 19h21, Pascal Delatorre Dupin.
00:04Il est 20h30 sur Europe 1, merci d'être avec nous, Stéphane Berne nous fait l'amitié
00:09de nous consacrer un peu de son temps précieux pour réagir évidemment à ces images, à
00:16notre cathédrale, Notre-Dame de Paris qui a retrouvé sa superbe, bonsoir Stéphane
00:23Berne.
00:24Bonsoir Pascal, bonsoir à tous.
00:25Merci d'être là, je voudrais savoir d'abord votre sentiment, vous évidemment président
00:31de la mission Patrimoine en Péril, votre sentiment après avoir vu ces images, peut-être
00:37ce matin, d'Emmanuel Macron à l'intérieur de Notre-Dame, est-ce que c'était un moment
00:43important Stéphane Berne ?
00:45Oui, je crois que surtout ce qui était important aujourd'hui c'était de rendre hommage aux
00:50femmes et aux hommes qui ont travaillé pour que ce miracle s'accomplisse, c'est-à-dire
00:56qu'en cinq ans on puisse rebâtir Notre-Dame, la restaurer et qu'elle puisse retrouver sa
01:01splendeur passée telle qu'on l'a aimée, telle qu'on aimerait, on voulait la retrouver.
01:08Donc je crois que c'est important ce moment solennel où le président a remercié les
01:12femmes et les hommes qui ont rendu cela possible.
01:15J'ai trouvé son hommage très émouvant aussi au général Georges Lain parce qu'il fallait
01:19un chef évidemment.
01:20Je me souviens très bien de ce qu'il m'avait dit un jour, lorsqu'il avait été nommé
01:26le général Georges Lain, il m'avait dit, je lui disais, mais pourquoi il vous a choisi
01:31vous un militaire ? Il me dit justement, il y a une bataille à mener et parce que c'est
01:35impossible, comme c'est un ordre, je le ferai.
01:38Incroyable !
01:39Et il l'a fait ! Alors Philippe Jost qui lui a succédé a mis ses pas dans les siens
01:47et c'est vrai que c'est une chose tout à fait admirable qui s'est produite.
01:51Mais je crois que c'était important de rendre hommage aux femmes et aux hommes qui
01:55ont rendu possible cette restauration de Notre-Dame de Paris.
02:01Rebâtir Notre-Dame en 5 ans, c'est un temps record.
02:04700 compagnons, artisans, chefs d'entreprise, architectes, c'est un travail incroyable.
02:10Est-ce que c'est une prouesse selon vous Stéphane Bern ?
02:13Oui, c'est une prouesse parce que, si vous voulez, il a fallu des décennies pour bâtir
02:19Notre-Dame de Paris il y a 850 ans et là, en 5 ans, on a pu la retrouver.
02:23Mais les moyens modernes ont été mis en œuvre, à la fois les moyens très modernes
02:28et très traditionnels.
02:29Quand je dis les moyens modernes, on avait une photographie 3D de chaque détail de Notre-Dame
02:35de Paris.
02:36Ça c'est quelque chose, elle avait été photographiée en 3D, donc on savait la refaire
02:42par ordinateur, etc.
02:43Mais ensuite, je sais que ça peut faire polémique, mais elle a été reconstruite à l'identique,
02:48c'est-à-dire avec la forêt, cette charpente extraordinaire.
02:53Alors, certains disent, oui, mais on a coupé des arbres, mais de toute façon, on les coupe.
02:57Et de toute façon, une forêt s'entretient et les gens, notamment les propriétaires
03:04privés ou l'ONF, tout le monde a été fier de donner un chêne, un arbre dans toutes
03:11les régions de France, quand il a fallu choisir les arbres pour reconstruire la charpente.
03:16J'ai eu la chance de monter dans la charpente, il y a quelques jours.
03:20J'allais vous poser la question, vous avez eu cette chance-là, d'avoir vu l'intérieur
03:24de Notre-Dame, cher Stéphane.
03:25Vous savez, Pascal, j'avais eu cette chance de la voir en 2018, de monter dans la charpente
03:31qui était d'un seul tenant et qui datait du XIIIe siècle.
03:34Et là, j'étais monté dans la flèche, puisque j'avais fait une émission secret
03:39d'histoire en haut de la flèche de Notre-Dame, et de voir, de retrouver cette charpente,
03:46mais, comment dire, adaptée aux contingences modernes.
03:51Je vous donne un exemple, maintenant, c'est vrai qu'elle n'est plus d'un seul tenant,
03:55il y a des porte-coupes-feu, il y a tous les 20 mètres, je ne sais pas quoi, des brumisateurs.
04:01Au cas où la température monte sous l'effet d'un feu, eh bien, on n'envoie non pas de
04:07l'eau ou des jets d'eau, parce qu'on sait combien ça peut faire de dégâts, mais une
04:10sorte de douche comme ça, qui calme la chaleur, enfin, c'est incroyable ce que la technique
04:18moderne a permis de faire pour que Notre-Dame s'adapte aussi au monde contemporain.
04:23Et moi, surtout, si vous voulez l'émotion, c'est quand vous êtes dans la cathédrale
04:28qui a retrouvé sa blondeur naturelle, sa beauté, tous les fils ont été dissimulés
04:36dans les dalles qui ont été refaites, j'ai eu la chance de pouvoir aller discuter avec
04:40les femmes peintres qui ont refait toutes les chapelles latérales, tout d'un coup,
04:44on retrouve, elles retrouvent leur couleur, leur beauté, le marbre a été refait, comme
04:51une mosaïque si vous voulez, pièce par pièce, et puis des miracles, des miracles, il y en a eu
04:55plein, il y en a un qui me touche particulièrement, c'est la croix du chevet n'est pas tombée,
05:01la piéta qui avait été voulue à la fois par Koys Vox et par Cousteau, le vœu de Louis XIII
05:08réalisé par son fils Louis XIV et ensuite enfin par son arrière-petit-fils Louis XV,
05:14donc tout cela est resté, n'a pas souffert de l'incendie, mais il y a eu quelques gouttes
05:22de plomb qui sont tombées dans la main du Christ, qui tend la main suppliante,
05:28et ça on l'a gardé, évidemment, parce que c'est les stigmates de l'incendie,
05:33mais si vous voulez de voir tout ce qui a été réalisé, j'ai eu la malchance, je dois dire,
05:39de voir Notre-Dame après l'incendie, j'avais mes larmes pour pleurer, c'était effroyable,
05:45et là de la retrouver si belle, c'est une émotion, moi j'en ai pleuré de joie, je le confesse,
05:53qu'on soit croyant ou pas, qu'on soit catholique ou pas, quelles que soient nos convictions,
05:59c'est le livre d'histoire de la France, quand on y entre, on a l'impression que,
06:04et bien voilà, se lit tout ce qu'on a vécu ensemble, la libération de Paris,
06:11les obsèques du général de Gaulle, mais plus loin, le mariage de Napoléon ou d'Henri IV,
06:16tout est là, inscrit dans la pierre. Oui, c'est ça qui est extrêmement,
06:20effectivement, émouvant, et je vous écoute avec beaucoup, et on vous écoute évidemment tous,
06:23ainsi que les auditeurs de repas, avec beaucoup de passion, d'émotion que l'on partage avec vous
06:30et avec vos mots. Juste un mot sur les vitraux de Notre-Dame, je voudrais avoir votre sentiment,
06:37parce qu'il y a une petite polémique autour de ces vitraux, quelle est votre position,
06:40vous Stéphane Berne qui défendez le patrimoine, je vous mets dans l'embarras en vous posant cette question.
06:45Oui, vous me mettez dans l'embarras en même temps, vous savez, moi j'ai pas ma langue dans ma poche,
06:48et puis je dis toujours ce que je pense, et ce que je vais vous dire, je l'ai dit au Président,
06:52en disant que c'était une bêtise de vouloir déposer les vitraux qui avaient été classés et qui étaient
06:58des grisailles de Viollet-le-Duc. Oui, ce sont des grisailles, on peut y trouver que ce n'est pas beau,
07:04que ça manque d'intérêt, mais ça met en valeur toute la beauté et la grâce du reste de la
07:09cathédrale. Et si vous voulez, ce qui me gêne dans commander des vitraux contemporains, là où
07:14ils n'ont pas été détruits, parce qu'autant à la cathédrale de Chartres, il y a eu une artiste
07:18sud-coréenne qui a fait des vitraux pour la nouvelle chapelle, la chapelle restaurée où on
07:23expose le trésor de la cathédrale de Chartres, je trouve ça formidable de faire appel quand les
07:30vitraux ont disparu, mais quand ils sont là, pourquoi les déposer, les changer ? Parce que
07:34ça pose un vrai problème, c'est les accords de Venise de 1963, on doit restaurer dans l'état
07:38d'origine. Or, si tous les propriétaires privés de monuments historiques, dont je suis, décident
07:45de faire aussi un geste contemporain. Par exemple, je trouve que quand même sur mon musée,
07:51franchement, les choses qui ont été construites au XVIIe siècle, ça ne me va pas du tout,
07:54ce n'est pas assez moderne, je vais détruire et je vais reconstruire autre chose. Mais évidemment,
07:59vous imaginez bien que le ministère de la Culture ne va pas me laisser faire, on va m'envoyer la
08:02drac. Pourquoi l'État s'autorise à faire une chose que chaque citoyen n'a pas le droit de faire ? C'est
08:09ça que je conteste, c'est que l'État doit donner l'exemple. La loi vaut pour tout le monde,
08:14qu'on soit l'État ou un propriétaire privé. Et c'est bien de le rappeler. Justement, il y a des
08:19moyens, évidemment, colossaux. Je voudrais aussi avoir votre regard, Stéphane Berne. Vous êtes
08:23président, je le rappelle, de la mission Patrimoine en Péril. Il y a des moyens énormes qui ont été
08:27déployés pour Notre-Dame. Pourtant, aujourd'hui, effectivement, on a un patrimoine qui se dégrane,
08:34on a peut-être un besoin d'entretien, un manque cruel d'entretien de certains bâtiments français.
08:43Vous avez raison, parce qu'elle est particulièrement le patrimoine religieux.
08:46Alors, il y a deux attitudes. Autant, je me suis réjoui qu'on trouve 805, 840 et quelques millions
08:52d'euros pour sauver Notre-Dame, parce que c'est la première fois qu'on a une telle collègue de
08:57petits porteurs, de gens très modestes, qui ont donné 5 euros, 10 euros. Au total, plus de 340
09:04000 personnes ont cotisé, ont participé à la restauration de Notre-Dame. Donc, je trouve ça
09:08fabuleux. Pour la cathédrale Notre-Dame de Paris, on trouve 850 millions d'euros, mais on ne trouve
09:16pas les premiers 8 000 euros pour sauver une petite église de campagne, nos églises rurales,
09:23qui sont au cœur de nos villages, qui sont tout aussi anciennes. Elles ont 8 à 9 siècles
09:28d'histoire. Elles n'ont pas démérité, mais la personne ne se mobilise. Et donc, j'y vois là
09:34aussi le symbole qu'il y a toujours un différentiel, une fracture entre Paris et le reste de la France.
09:41Et je pense qu'on pourrait multiplier. Alors, on l'a fait avec la Fondation du Patrimoine, on a fait
09:47une collecte générale. On a trouvé à peu près plus de 7 millions d'euros aujourd'hui pour essayer.
09:54Mais vous voyez, on est loin du compte. 7 millions d'euros contre 840 pour les petites églises de
10:00nos campagnes. Mais je pense qu'il va falloir trouver dans les années qui viennent des solutions
10:05pour sauvegarder le patrimoine de nos campagnes. Parce que moi, je ne peux pas me résoudre à ce
10:09qu'on détruise des églises de nos campagnes, des églises rurales qui font l'identité de la France,
10:14qui sont aussi le charme. Il faut remettre l'église au cœur du village, qu'on soit
10:19croyant ou pas, encore une fois.
10:21Exactement, c'est le patrimoine. Vous avez raison de le dire, Stéphane Hubert.
10:23Pardon ?
10:24Oui, il ne suffit pas d'être croyant pour aider et entretenir nos églises. Vous avez bien raison de le souligner.
10:28Bien sûr, parce qu'avec la mission patrimoine, on a restauré des temples protestants, des synagogues,
10:34des temples tamoules à La Réunion, etc. Peu me chaude la religion en question. Je pense que le
10:40patrimoine religieux est important dès lors qu'il y a des gens qui y viennent, qui y prient, qui communient,
10:45qui y vivent. Et ce qui est important, voyez-vous, c'est souvent dans les petites églises de campagne,
10:53c'est le premier réveil à la beauté. Un enfant dans un village, c'est la richesse d'un village. Dans mon
11:00village à part, il y a l'église abbatiale. Les gens viennent, il y a des milliers de personnes qui se
11:06déplacent chaque année pour voir notre église abbatiale. Et enfin, on est en train de la restaurer.
11:11Mais je me dis, c'est souvent pour un enfant, quand il entre dans l'église, c'est le premier réveil à la
11:17beauté, aux pierres, à la sculpture, à la peinture, aux vitrailles. Et puis, c'est une émotion, c'est des
11:25endroits de recueillement et de quiétude dans le fracas du monde. Donc, je pense que c'est important
11:30de sauvegarder ce patrimoine, quelles que soient nos convictions. Et par ailleurs, il y a tout
11:35l'ensemble du patrimoine qu'il faut sauvegarder. Donc oui, ça m'agace quand je vois que...
11:40Heureusement que vous êtes là Stéphane Berne. Heureusement que vous êtes là pour le dire et de porter cette mission.
11:45Vous avez raison, mais Stéphane Berne, est-ce que vous pensez, par exemple, juste une petite question, l'idée de faire payer l'entrée de Notre-Dame,
11:50je ne sais pas si ça pourrait s'appliquer, je ne sais pas ce que vous en pensez, vous, pour justement aider...
11:55Je vais vous faire une réponse tout à fait hypocrite. Je pense qu'on doit entrer à Notre-Dame librement si on veut prier.
12:04Maintenant, pour les touristes en short et appareils photo en baudoulière, je me pose la question.
12:09Mais c'est vrai qu'il y a la loi de 1905 qui oblige l'État à restaurer les églises. Maintenant, vous savez que
12:14quand vous voulez vous payer pour Notre-Dame, quand vous voulez visiter les tours, vous payez.
12:19Quand vous voulez voir le trésor, vous payez. Quand vous voulez voir la crypte, vous payez encore.
12:25Donc de toute façon, il y a des dérogations un peu partout dans les cathédrales, mais on ne le dit pas évidemment.
12:30Mais je pense que si l'Église s'y oppose, c'est parce qu'elle n'admettrait pas que ce soit l'État qui touche l'argent pour entrer à Notre-Dame.
12:40Écoutez, quand vous allez à la Place Saint-Marc ou à la cathédrale de Vienne ou n'importe où, il y a une file pour ceux qui vont prier.
12:47Il y a une file pour ceux qui vont visiter. Et il y a deux entrées. Alors on peut risquer, mais qu'importe.
12:53Mais je ne suis pas fondamentalement partisan de cette solution.
12:57Je pense que c'est plutôt... En Allemagne, vous savez, vous payez un impôt si vous voulez soit un impôt à l'Église catholique,
13:03soit un impôt à l'Église protestante ou à la religion que vous voulez, ce qui permet d'entretenir le patrimoine.
13:12Peut-être qu'il y a une solution à la française à trouver, parce que l'État a moins les moyens.
13:16Et surtout une chose, les collectivités territoriales n'ont plus les moyens d'entretenir le patrimoine.
13:21Vous voyez bien que les communes n'ont plus d'argent.
13:24On a besoin de vous en tout cas Stéphane Bern, on a besoin de vous.
13:26Je suis désolée. Oui, je vois bien que vous êtes là. Merci infiniment.
13:29Je rappelle à nos auditeurs qui vous connaissent par cœur que l'on peut aussi vous écouter du lundi au vendredi sur Europe 1
13:35dans votre émission au cœur de l'histoire de 15h à 16h.
13:38Merci infiniment Stéphane Bern d'avoir été en direct avec nous sur Europe 1 ce soir. Merci à vous.