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  • il y a 1 an
Jacques Montminy et André-François Bourbeau ont accompli un véritable exploit. En survivant 31 jours en forêt, ils ont réalisé un record du monde qu’ils ont appelé le Surviethon.

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Personnes
Transcription
00:00Bonjour, bienvenue au Saguenay-Lac-Saint-Jean par le biais de Reflets d'un pays.
00:04Aujourd'hui, nous vous parlons de survitons en forêt et de fresques religieuses à la rouche.
00:11En août dernier, André-François Bourbeau et Jacques Momigny nous surprenaient tous
00:16alors qu'ils décidaient de vivre une expérience unique,
00:19c'est-à-dire celle de vivre perdu en pleine forêt durant 31 jours.
00:24Voici donc le reportage réalisé par notre équipe à ce moment.
00:30...
00:49Aéroport de Bagotville, 1er août 1984, 11h55.
00:55André-François Bourbeau et Jacques Momigny s'apprêtent à être largués en pleine forêt sauvage.
01:01Ils seront abandonnés à tout hasard dans un territoire inhabité
01:05à plus de 200 km au nord-est de Chicoutimi.
01:09Première de ce genre, les deux chercheurs veulent tenter d'y survivre pendant 31 jours
01:16sans allumettes, sans couteaux, sans nourriture et sans abri.
01:22A l'instar des autochtones et des pionniers, ils sont convaincus qu'en s'harmonisant suffisamment
01:28avec cette nature sauvage, celle-ci leur permettra de survivre, les protégera,
01:35les alimentera et les réchauffera.
01:39Cependant, malgré leur profonde connaissance de la vie en forêt,
01:44aucun d'eux ne savait à l'avance le scénario de l'aventure
01:49et dans quelles galères il s'était embarqué.
02:49Bon, bon, bon, bon!
02:51Mets-tu de côté le chenillon s'il est bon?
02:53Oui, il est bon.
02:54As-tu cassé?
02:55Oui.
02:56Il n'est pas mis bleu?
02:57Non.
02:59Parfait.
03:00On va manger ça tantôt.
03:01On s'est connus trois mois avant.
03:03Ça faisait peut-être une couple d'années que j'entendais parler d'André,
03:06des cours qu'il donnait et de ses pratiques.
03:08Puis André, ça faisait une couple d'années qu'il entendait parler de moi aussi,
03:11que je trapais, que je m'amusais dans le bois, que j'avais du fun en fin de compte.
03:16Puis, à un certain moment donné, lui partait à l'extérieur
03:19et il est arrivé me voir dans le parc de Laurentides à ma maison en passant.
03:22Puis il m'a dit, en fin de semaine, je vais donner un stage de trap
03:26et de plein air à des autochtones.
03:31Il m'a dit ça venir le lendemain avec moi.
03:33J'ai dit parfait.
03:34Alors, on s'est basé pour donner un petit stage de plein air.
03:37Question de trap, j'avais apporté du castor pour montrer comment démarcher du castor,
03:41faire que du castor.
03:42J'ai monté un arc pour montrer à tirer à l'arc un petit peu,
03:45pour pouvoir se débrouiller.
03:46Puis, je pense que c'est à partir de ce moment-là,
03:48André, lui, c'est une idée qui mûrissait depuis longtemps.
03:51Puis moi, j'étais prêt à une expérience comme ça.
03:53Ça faisait 7 ans que je savais qu'il allait se passer quelque chose dans ma vie comme ça,
03:55mais je savais pas quoi encore.
03:57Puis là, tout en enjausant, on a décidé de faire une aventure,
04:01de partir puis de s'en aller dans le bois avec absolument rien.
04:04Ce qui manquait beaucoup, je pense, c'était surtout le feu, pas l'allumette.
04:07Puis André, justement, lui, était capable de faire du feu, pas l'allumette,
04:10ce qu'il m'a montré d'ailleurs,
04:11puis un paquet de petites techniques que je connaissais pas.
04:13Alors, on a décidé de partir puis de faire le périple cet été.
04:24J'avais plusieurs objectifs.
04:26Premièrement, moi, en tant que chercheur à l'université,
04:29c'était mon rôle...
04:31C'est mon rôle de découvrir des nouvelles techniques de survie en forêt.
04:36C'est mon domaine, le plein air.
04:38Alors, c'était premièrement pour vérifier les techniques de survie en forêt.
04:42Vérifier la capacité de survie de deux individus.
04:45On a passé des tests physiologiques avant,
04:48et on va en passer demain, après-demain, la semaine prochaine,
04:51pour vérifier quelle différence qu'il y a eu dans notre corps.
04:55On sait qu'on a maigri, mais qu'est-ce qu'il y a eu au niveau des vitamines,
04:58dans le sang, les modifications physiologiques,
05:01la flexibilité, l'endurance?
05:04Ça, c'était un objectif principal.
05:07La deuxième objectif, c'était aussi de découvrir des choses,
05:11de faire un peu de publicité pour aider aux gens
05:14qui se perdraient en forêt dans le futur.
05:17Peut-être qu'on a découvert des techniques
05:19et on pourra donner des conseils aux gens à ce moment-là.
05:22Puis peut-être que ça sauvera une vie.
05:24Si ça leur réussit à sauver une vie,
05:26ça leur a valu la peine de souffrir ici 32 jours.
05:30Ensuite de ça, on avait un autre gros objectif.
05:33Le plus gros objectif, c'était pour promouvoir
05:36la fondation de l'Université de la nature à Saint-Félicien.
05:39C'est un projet que je trouve absolument extraordinaire,
05:43en tant que plénariste et de personne qui est dévouée
05:47à la cause de l'environnement,
05:49de voir que finalement, un jardin zoologique alternatif
05:53où on sauve l'habitat des animaux.
05:5817h44, encore en train d'essayer de faire un truc.
06:02Les mouches ont diminué.
06:04On en voit seulement 5 par 2 centimètres.
06:08Over.
06:10Wouhou!
06:12Du feu!
06:14Colline de bine!
06:1816h04, 17h56.
06:21Trois trous.
06:23À la fin du troisième trou, on a du feu.
06:27Puis on est heureux en enfant de bite, là.
06:30Wouhou!
06:32Faire un feu sans allumettes ici,
06:34dans les conditions de bois qu'on a là, dans la mousse,
06:38et puis il mouillait juste avant qu'on arrive,
06:41depuis plusieurs jours.
06:43Ça fait que c'était très humide.
06:45Ça nous a pris 7h30 à confectionner l'instrument
06:49pour faire le feu.
06:51C'est pas faisable.
06:53J'avais beaucoup, beaucoup d'expérience.
06:55Je n'ai fait des milles et des milles de feu sans allumettes.
06:58Mon temps personnel est en dessous de 10 secondes,
07:01une fois bien équipé.
07:03Mais faire un feu ici, c'est presque pas faisable.
07:07Une personne perdue sans allumettes ici,
07:10qu'elle ne pense pas faire un feu avec des pierres,
07:13qu'elle ne pense pas faire du feu avec ses lunettes,
07:16avec quoi que ce soit, c'est pas faisable.
07:18La seule façon d'avoir un feu,
07:20c'est d'avoir des allumettes ou un briquet.
07:22Mais contrairement à ce qu'on pense,
07:24les gens n'en ont pas toujours.
07:26Et c'est pour ça que nous, on n'a pas amené,
07:28parce qu'on dit qu'on n'en a pas toujours.
07:30Mais j'espère avoir démontré que c'est pas faisable.
07:33Pas que c'est faisable, mais que c'est pas faisable.
07:36Pour que les gens apprennent,
07:38une des choses les plus importantes en survie,
07:41c'est de toujours, toujours, toujours avoir une source de feu
07:45avec nous quand on va en forêt.
07:48Puis c'est bien facile à faire.
07:50On peut mettre une pierre de magnésium
07:52après notre trousseau de clé, comme je fais.
07:54On peut traîner un briquet, des allumettes dans nos poches,
07:56mais on peut en mettre après notre canne à pêche
07:59avec un ruban à gommant autour d'un fusil,
08:01dans une boîte à pêche, dans toutes nos poches de manteau,
08:04enveloppées dans le pied d'aluminium avant de partir.
08:06Il faut prendre des précautions
08:08pour toujours, toujours avoir le feu.
08:10Dans les chaloupes, dans les sièges de motoneige,
08:13dans l'auto, dans les serviettes, dans le portefeuille.
08:16Traînez vos allumettes.
08:18C'est ça qui est le plus important en survie.
08:21À l'aube du 18e jour, le précieux feu
08:24qui, jusqu'ici, leur avait fourni chaleur et chasse moustique
08:27à l'intérieur de leur sombre abri
08:29allait se retourner littéralement contre eux
08:32et, en quelques secondes, mettre en péril toute l'aventure.
08:40À 5 h 3, précisément, je m'en souviendrai toujours,
08:43j'ai ouvert un oeil et j'ai aperçu le lit d'André qui prenait en feu.
08:47J'ai juste eu le temps de réveiller André
08:49et quand son lit prenait en feu,
08:51le feu s'est dispersé automatiquement dans les murs.
08:54Ça a pris à peu près, je dirais, 3 secondes au gros maximum
08:58puis il y avait une flamme de 50 pieds qui montait dans les airs.
09:01On a perdu nos dictaphones.
09:03On a perdu toutes les caméras.
09:05On a perdu la pesée, la règle.
09:08Moi, j'ai perdu un T-shirt.
09:10André a perdu son foulard.
09:12On a perdu tout ce qui nous servait
09:14pour pouvoir prendre nos grosses données scientifiques.
09:16Tout perdu dans ça.
09:17Quand on avait accumulé de matériel,
09:19on avait eu des beaux paniers d'écorces de boulot.
09:22Quand on avait fait de peine et de misère,
09:24on avait 10 livres de fruits d'accumulés.
09:26Finalement, on avait travaillé 2 jours pour accumuler des fruits.
09:29On avait un beau panier de fruits d'accumulés pour une fois.
09:33Tout passait au feu.
09:35Tout, tout, tout...
09:38C'est suite à cet incendie
09:40qu'André François récupéra finalement ses lunettes,
09:43dont les cendres,
09:45qu'il fera longuement afin de les repolir
09:48et reconstruisit une nouvelle monture en bois
09:51à l'aide d'une clé patiemment aiguisée.
09:56Je suis très, très heureux de une chose.
09:59Je pense que j'aurais pleuré
10:01si, le 18e jour, j'avais perdu mes données scientifiques.
10:04Heureusement, le dictaphone était dans l'abri
10:07et puis toutes les petites cassettes
10:09que j'avais déjà enregistrées
10:11étaient à l'extérieur avec la radio.
10:14Fait que j'ai tout conservé mes données scientifiques.
10:17J'ai des données absolument extraordinaires.
10:20On sait aux 5 minutes qu'est-ce qu'on a fait dans tout le périple.
10:24Je vais pouvoir accumuler des données par ordinateur
10:27combien souvent on était à Cayette,
10:29combien d'heures par jour qu'on a dormi,
10:31combien d'heures qu'on faisait toutes les activités possibles.
10:35Et à partir du 18e jour, tout a été écrit.
10:38J'ai 35 pages de données d'accumulés.
10:41Tout a été minuté.
10:43Et avant le séjour, j'ai même pesé tous les bleuets,
10:47tous les écureuils.
10:49Je vais pouvoir calculer exactement, exactement
10:51combien de calories par jour on a réussi à se ramasser.
10:55Et puis avec le montant d'activités,
10:57je vais pouvoir calculer exactement, exactement
10:59combien de calories de l'heure nous avons dépensées
11:02et puis faire la somme de ça
11:04pour voir combien de poids qu'on a perdu depuis comment.
11:13♪ ♪ ♪
11:23Une piante, là, elle ressemble tellement à une plante comestible,
11:27ça n'a pas de bon sens, ça peut être poison.
11:29La question de l'alimentation ici, c'est un territoire
11:31qui est très, très pauvre.
11:32Je n'ai jamais vu un territoire aussi pauvre que ça
11:34en gibier dans la province de Québec.
11:36Pourtant, j'ai fait des territoires,
11:37je suis allé à la chasse un petit peu partout,
11:39à peu près tous les types de gibier.
11:41J'ai vu des territoires où on dit le lièvre pratiquement...
11:45où il n'y a pratiquement pas de lièvre,
11:46comme sur l'île d'Anticosti et des endroits de même.
11:48Mais ici, c'est extraordinaire.
11:50Aucune piste de lièvre, aucun crottin de lièvre.
11:53On a vu quelques perderies.
11:56J'ai vu un orignal, on a entendu du loup,
11:58mais tous des gibiers qu'on n'est pas capable d'aller chercher,
12:00ou pratiquement pas capable d'aller chercher.
12:02On n'avait pas d'armes à ce moment-là.
12:03Ensuite, j'ai vu un vison un soir.
12:05Un soir, j'étais en train de me promener un petit peu plus loin.
12:07Je vois un vison qui vient à côté de moi sur le bord du chemin.
12:09Comment prendre un vison?
12:10Aucune possibilité de prendre un vison.
12:12Ensuite, il y avait des fruits, des fruits sauvages ici.
12:15Il n'y a pas de noix. Il n'y avait pratiquement rien.
12:17Les bleuets, quand nous sommes arrivés,
12:18il n'y avait absolument rien dans les bleuets.
12:20Les fleurs commençaient à fleurir.
12:21Parce qu'ici, il ne faut pas oublier une chose,
12:23c'est qu'on est complètement...
12:24on est un mois en retard de ce qui peut se passer en bas.
12:27Parce que le printemps commence un mois plus tard ici,
12:29puis l'hiver, il commence un mois plus tard.
12:31Je peux vous dire que les bleuets sont prêts depuis une semaine environ.
12:34Je parle de... pas des ramassées en gratte,
12:36mais ils sont prêts, ils sont bleus.
12:39Là-haut des montagnes,
12:40il y a des endroits où les bleuets sont déjà gelés.
12:42Alors, ils sont gelés, puis ils sont tombés.
12:44Alors, le temps des bleuets ici ne dure pas très, très longtemps.
12:46Alors, on peut se nourrir ici de petites poires sauvages,
12:48de mélanchiers.
12:50On peut se nourrir de bleuets.
12:52On peut se nourrir peut-être de poissons.
12:56On n'a plus trois poissons avec l'aide de perches et de collins.
13:09♪ ♪ ♪
13:27De toute façon, j'ai toujours mangé des bleuets,
13:29mais la plupart du temps en tarte, jamais naturellement de même.
13:31C'est bon pareil.
13:33Tu vois, dans le temps de la chasse,
13:34quand t'as pas pris des dernières jetées,
13:36il y a toujours une possibilité dans ce temps-là
13:38de prendre des bleuets, puis les manger.
13:41Ça donne un petit goût, mais pas d'en manger à la grosse poignée
13:44ou d'en manger à la livre quand on en mange ici.
13:46Je pensais que ça avait pas mal plus de valeur calorique que ça.
13:50Parce que manger une livre, deux livres, trois livres de bleuets,
13:53puis t'apercevoir que si t'avais mangé...
13:55Ça dure une demi-heure.
13:57Si t'avais mangé une borne de chocolat,
13:58je pense que t'aurais plus d'énergie que ça.
14:00Ça dure une demi-heure, puis il ne reste plus rien.
14:03On mange ça puis un heure plus tard, on a un autre lit.
14:07On fait pratiquement rien.
14:09On ne gaspille pas d'énergie, on ne fait pas de jogging,
14:12on ne fait pas de gros travail physiques.
14:14Si il fallait commencer à faire du travail physique,
14:15il faudrait en manger 20 livres par jour pour pouvoir rester en vie.
14:18J'ai trouvé un nid d'écureuil parfaitement par hasard.
14:22C'est très rare.
14:23Mais j'ai réussi à trouver un nid d'écureuil,
14:25alors j'ai pu manger de l'écureuil cette journée-là.
14:30Ça m'a fait mal au cœur un peu de détruire ça,
14:33mais j'avais tellement faim, ça n'a pas de bon sens.
14:37Il fallait manger, il fallait renouveler nos protéines.
14:40Alors on a décidé de le manger.
14:42C'est quelque chose que je trouve extraordinaire,
14:45qu'à la chasse, le monde pense que de tuer, c'est un trophée.
14:50Pour nous ici, ça n'a jamais été un trophée.
14:52C'est toujours misérable d'être obligé de tuer pour se nourrir.
14:56Mais c'est la vie.
14:57Les animaux le font.
14:59Ici, on était des animaux, il fallait se nourrir.
15:02Et c'est sur cette optique-là qu'on a dit merci à la nature.
15:06Il fallait se nourrir, c'est tout.
15:09Alors peut-être qu'une perspective de chasse, dans mon cas,
15:13je le sais que dans le cas de Jacques aussi,
15:15ça devient quelque chose d'autre.
15:17C'est pas aller tuer pour le plaisir de tuer ou le vouloir tuer.
15:22C'est tuer parce qu'on n'a pas le choix, c'est jamais plaisant.
15:26S'il y en a qui ont déjà visité des abattoirs,
15:29tels que je l'ai fait souvent,
15:31visiter des abattoirs, c'est vraiment pas plaisant.
15:51C'est le problème avec les plantes comestibles.
15:54Dans les livres, ils disent de manger ça et de manger ça,
15:57mais c'est pas mangeable.
15:59Non, j'en ai pas la racine de l'uniforme.
16:01La racine de l'uniforme, c'est ça que je réfléchis.
16:04Je me demande si il y en a qui ont déjà goûté à ça.
16:07En tout cas, moi, j'ai tout essayé, tout, tout essayé
16:10pour manger de ça, c'est pas mangeable.
16:12C'est pas mangeable.
16:13Mais l'autre soir, ils ont bouilli quoi?
16:15Quatre fois en changeant d'eau toutes les fois?
16:17C'est pas mangeable pareil.
16:19Tu veux dire que quand tu m'as donné une partie,
16:21je l'ai mangée pour aller voir jusqu'à la fin ce que ça goûtait.
16:24Mais là, il y a pas de goût, il y a quelque chose de mal dans la bouche.
16:27Moi, j'étais pas capable d'en manger une seule bouchée.
16:29Non, moi, ça allait à la trace.
16:30Je voulais aller jusqu'au fond du bout, voir si c'était juste le bord
16:33ou peut-être qu'à la fin, il était venu avec un goût différent.
16:35Non, c'est dégueulasse, réellement dégueulasse du début à la fin.
16:38Je parle de ça, comme les racines me servent ça pareil,
16:40on en mange un peu, mais je peux pas en manger beaucoup.
16:43Les nuages sont levés.
16:52...
17:04Toute la journée, depuis une semaine, on cueille, on dort.
17:09On cueille, on mange, on dort.
17:11Ça prend une heure, au moins une heure, pour cueillir une seule livre de bleuets.
17:16Il faut les ramasser un par un si on n'est pas dans une bleuetière.
17:19Il faut les courir, les bleuets, les ramasser un par un, presque.
17:23Aujourd'hui, hier, avant hier, il commence à pouvoir en récolter un peu plus vite,
17:29mais on peut jamais réussir à prendre l'avance ou à l'encueillir assez.
17:33Ça fait qu'il faut marcher deux heures pour l'encocher assez pour dîner,
17:38deux heures pour l'encocher assez pour souper,
17:40une autre heure pour l'encocher pour déjeuner,
17:42puis cinq heures de travail.
17:44Dans l'état où on est, c'est plus ce qu'on peut faire.
17:47Ensuite, il faut transporter dix grosses bûches de bois pour passer la nuit.
17:51Alors, c'est ça.
17:53Puis il faut renouveler le matelas de temps en temps sur l'abri.
17:57Il faut chercher du bois.
17:59Alors on se lève, on va cueillir.
18:01Après ça, comme aujourd'hui, j'ai été cueillir ce matin pendant deux heures de temps.
18:05J'ai les pieds complètement mouillés parce qu'il ne reste plus de graisse sur nos bottes.
18:09Ça fait que t'es mouillé jusque-là, les culottes t'imbibent d'eau.
18:12Ça fait que ça prend deux, trois heures dans l'après-midi pour se sécher.
18:15Si ça donne à pleuvoir, on n'a pas moyen d'aller cueillir
18:19parce qu'on vient mouiller d'un bord à l'autre.
18:22Il y a eu quelques reprises, cinq, six fois dans le voyage,
18:25jusqu'à ce qu'on était obligé, de force et de misère,
18:28on était obligé d'aller en forêt cueillir,
18:31même à la pluie ou quand le bois était très, très mouillé.
18:34Ça, c'était très pénible parce qu'après ça, il faut prendre au moins quatre, cinq heures
18:38pour sécher tous nos vêtements tranquillement aux côtés du feu sans les brûler.
18:42Parce que si on brûle quelque chose, on n'en a plus.
18:45Il y a un soir réellement que j'ai éprouvé des ennuis de santé.
18:48Je suis parti de l'abri, je me suis levé.
18:51Le fait de me lever, j'ai passé proche de perdre connaissance complètement.
18:54Je suis venu tout en chaleur, tout étourdi.
18:57J'ai tenté mon pouls, je suis monté à 135 dans l'espace de peut-être une quinzaine de secondes.
19:02Là, je suis venu complètement mal à l'aise.
19:04Ça a pris deux heures ou trois heures.
19:06Après ça, là-haut, mon système est recommencé à revenir normal.
19:09Pour vous dire un petit peu la fatigue physique que je peux ressentir dans le moment,
19:12c'est que je prends un bois rond, un morceau de bois rond d'une dizaine de livres,
19:16je le mets sur mon épaule, je fais 100 pieds avec,
19:19puis mon pouls part de 60 puis il monte à 130 dans l'espace de peut-être une minute.
19:24Juste à faire ce minimal, ce petit effort-là minimum.
19:27Alors, je me sens fatigué physiquement.
19:29Je ne ressens pas la faim, je ne ressens rien, mais je me sens fatigué, j'ai besoin d'énergie.
19:33Les autres maladies, on a eu les mains à un moment donné,
19:36quand on traverse sous la brise, très douloureuses, arrafées, cousues.
19:42Les problèmes de pieds aussi, je sens que les pieds fatiguent, les mains me battent 30 jours de temps.
19:48Puis c'était très difficile de passer les selles à un moment donné.
19:53Très, très difficile à ce niveau-là.
19:55Moi, mes intestins ont commencé après la neuvième journée.
19:58La neuvième journée, la première fois que j'ai recrété la toilette, moi ça a pris 5 jours au début.
20:03Puis on avait mangé en partant, ça n'avait pas de bon sens.
20:06On avait mangé des filets mignons avec des oeufs de bacon, des rattis, une dizaine de cafés.
20:11On avait mangé comme des gros cochons.
20:13Puis le tout s'est éliminé directement dans le système.
20:15Un moment, j'ai eu le temps de passer ça quand j'ai eu le trouble.
20:25Oui, il y a eu beaucoup de moments difficiles.
20:27Je peux dire qu'à un certain moment donné, surtout quand on partait à la cueillette, chacun de notre côté,
20:33parce qu'on cueillait rarement, on a cueilli, je crois, une fois ensemble, une fois ou deux ensemble.
20:37On partait chacun de notre côté, bien des heures différentes.
20:40Alors, si André partait cueillir le matin, moi je pouvais rester couché le matin pour accumuler assez d'énergie.
20:44Alors, quand lui arrivait, moi je partais, on pouvait contrôler le feu comme ça aussi.
20:48Ça nous donnait beaucoup le temps de réfléchir.
20:50Alors, on allait se vider l'un de l'autre, parce qu'on aurait toujours été ensemble.
20:55Je pense qu'on n'aurait pas été capables de le faire.
20:57C'est un encore bon chum!
20:59C'est ça qui est important. Je pensais pas pouvoir t'offrir.
21:02Surtout quand ça fait juste trois mois que tu connais une personne.
21:04Tu connais pas une personne, je veux dire.
21:06C'est un chum, c'est un chum. Tu sais pas ses agissements, tu connais pas ses réflexes.
21:11Puis t'es avec cette personne-là, puis à un certain moment donné, bien tu te dis...
21:14Ça va être quoi ses réactions au bout de deux semaines, au bout de trois semaines?
21:17C'est dur!
21:19Puis c'est les mêmes réactions qu'un chum peut avoir dans le temps de la chasse à l'oreillale.
21:23Tu connais un chum dans le temps de la chasse à l'oreillale ou un petit peu avant la pêche.
21:26Tu connais trois mois d'avant, c'est juste un chum, tu pars en pêche avec ou en chasse.
21:29Tu te perds, qu'est-ce qui va arriver? On le sait pas.
21:31Alors là, nous autres, je pense que c'est sûr qu'il était le meilleur.
21:33On partait chacun de notre côté faire la cueillette, puis on allait se vider jusqu'à là de notre côté.
21:37Ça nous faisait du bien.
21:48Pour moi, ce qui a été le plus dur, c'est dans les vingtièmes jours, 20, 21, 22, 23,
21:54c'était le manque de stimulus mental.
21:57Parce que rien à faire. J'ai jamais senti ça de ma vie, rien à faire.
22:02Mais là, ce fois-ci, dire qu'il y avait toutes sortes d'affaires à expérimenter, oui.
22:07Puis les premiers quinze jours, je me suis pas ennuyé parce que j'avais assez d'énergie pour expérimenter des choses.
22:11J'essayais de faire un arc, j'essayais de faire des flèches, j'essayais de traper de différentes façons.
22:16J'essayais de... j'allais explorer. Je me suis même fait un radeau, puis j'ai traversé le lac à un moment donné.
22:21J'ai traversé le flanc de la montagne pour aller l'autre côté à pied.
22:27Puis j'ai exploré tous les coins dans les premiers quinze jours.
22:30J'essayais de faire de l'huile à mouche, de mettre de la résine pour me faire un genre de vernis sur la figure.
22:36J'essayais toutes sortes de choses.
22:38Mais après quinze jours, sans nourriture, l'énergie est tellement venue basse
22:44que faire strictement autre que l'essentiel, c'est-à-dire cueillir des fruits pour me nourrir,
22:49aller chercher du bois pour le feu, puis dormir, c'était impossible.
22:53J'avais pas d'énergie pour le faire.
22:55Donc je pouvais plus apprendre à propos de la nature.
22:58Puis pour moi, d'avoir rien à apprendre, d'avoir rien à faire, de ne pas pouvoir travailler,
23:02puis pas d'avoir de livres, rien, aucun stimulus mental, chaque minute, c'était une éternité.
23:08Je travaillais comme barman dans des bars, comme gérant de bar.
23:11Puis je peux vous dire que j'ai passé réellement de la jungle, de la jungle au ciel ici.
23:17Dans un bar, c'est une vie complètement désordonnée. Il n'y a rien de coordonné.
23:22C'est toujours de seconde à seconde, de minute à minute.
23:26C'est réellement une survie de ville. C'est réellement une survie de ville.
23:29Tandis qu'ici, je sais pas, on peut prendre le temps de respirer, on peut écouter le silence.
23:35C'est quelque chose qu'on ne voit pas en ville, c'est écouter le silence.
23:38On est beaucoup moins stressé. On est beaucoup moins, je sais pas, il y a beaucoup de moins, de moins, de moins
23:45que la ville. Il y a beaucoup de plus, de plus, de plus aussi.
23:49Depuis que je suis ici, moi, je sais pas, je repose terriblement mentalement.
23:53Si aujourd'hui, on me donnait un petit bol de riz, gros comme ça, blanc, avec du sel, rien d'autre, bouillie.
24:02Je me ferais des petits bâtons chinois, là, puis je le mangerais grain par grain, puis je le dégusterais goût par goût.
24:12Incroyable à dire comment je pourrais apprécier cette petite chose-là.
24:17On aurait tous intérêt à vivre plus avec moins. On est tellement gâté, pourri, pourri, pourri par la ville.
24:26Ça n'a aucun sens. Ici, on prend une perspective de ce qui est important.
24:30Ce qui est important, c'est d'avoir une nourriture bien balancée pour être en bonne santé physique.
24:35C'est de faire un peu d'exercice pour être en bonne santé physique.
24:38C'est de manger moins, bien balancé. On sait des choses à propos de la nutrition, on les applique.
24:44On sait des choses à propos du conditionnement physique, on les applique.
24:47Ce qui est important, c'est d'avoir des bons amis, de l'amitié sincère, honnête, sans cachette, sans rien d'autre, de superflu.
25:03Je m'ennuie de ma mère, en tout cas.
25:06Moi aussi, je m'ennuie de ma famille, au moins qu'en plein. J'ai bien hâte d'y revoir.
25:12Demain, ça se peut-tu? Moi, il n'en revient pas.
25:15Moi, j'imaginais un petit peu, j'essayais de penser à la réaction que je pourrais avoir à le fait de rencontrer mes chums, mes parents, tout ça.
25:22Il est mieux que de traiter un jour.
25:26Je ne sais pas si je vais réussir à passer ça sans broyer.
25:41C'est parti!
26:42À leur retour, les niveaux chimiques du sang, tels que les électrolytes, le sucre, la graisse et les protéines, étaient à un seuil minimal, mais encore dans les normes.
26:52Ceci indique qu'ils étaient en dénutrition et qu'ils auraient commencé sous peu à être dans des conditions physiologiques dites anormales.
27:01Deux mois après leur retour, ces mesures sont revenues assez près du point de départ.
27:11La nature a encore eu le dernier mot et a enseigné à l'homme, une fois de plus, qu'il avait raison de lui faire confiance et de l'écouter surtout.
27:26Les nombreux messages de Bourbeau et de Montmély ont été éloquents et écoutés.
27:32Et si cette aventure, parrainée par la Fondation de l'Université de la Nature à Saint-Félicien, sauvait un jour une seule vie humaine ou une seule espèce animale ou végétale, les objectifs, alors, du surviton auront bel et bien été dépassés.
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