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  • 09/05/2024

Tous les jours de la semaine, invités et chroniqueurs sont autour du micro de Pierre de Vilno pour débattre des actualités du jour
Retrouvez "Les débats d'Europe 1 Soir" sur : http://www.europe1.fr/emissions/l-invite-actu

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Transcription
00:00 "Europe 1 soir, 19h21, Pierre de Villeneuve"
00:04 Toujours en compagnie d'Antonin André du JDD et d'Arthur Delaborde du service politique d'Europe 1
00:10 en ce jour, en ce 9 mai qui est un jour important pour la Russie
00:16 et notamment parce que Vladimir Poutine d'une certaine manière s'en est emparé
00:20 pour faire une sorte de fête nationale avec le défilé militaire sur la place rouge.
00:25 Poutine qui a pris la parole et on l'écoute.
00:28 "La Russie fera tout pour éviter un affrontement mondial,
00:32 mais dans le même temps, nous ne permettrons pas que l'on nous menace.
00:35 C'est pour ça que nos forces stratégiques sont toujours en alerte."
00:43 Voilà, Vladimir Poutine avant d'accueillir Nikola Tenzer, bonsoir.
00:49 "Bonsoir Pierre de Villeneuve"
00:50 Géopolitologue, spécialiste des questions géostratégiques, auteur de "Notre guerre, le crime et l'oubli"
00:54 pour une pensée stratégique aux éditions de l'Observatoire.
00:57 Nikola, à quel degré sur une échelle de 1 à 10 doit-on prendre cette déclaration ?
01:04 "Écoutez, je dirais plutôt qu'il faut la prendre au niveau 1.
01:07 C'est-à-dire que d'abord ce n'est pas nouveau,
01:10 Poutine agite régulièrement la menace nucléaire,
01:14 bien avant le 24 février 2022, date de l'invasion totale de l'Ukraine.
01:20 C'était quelque chose évidemment dans son esprit qui vise essentiellement à nous tissuader
01:25 et qui aujourd'hui, évidemment, revêt une acuité particulière
01:30 parce que c'est une forme de réponse à la fois au propos d'Emmanuel Macron
01:34 qui n'exclut pas l'envoi de troupes en Ukraine,
01:37 au propos également d'David Cameron, le ministre des Affaires étrangères britannique,
01:43 qui dit que l'on peut, qui est parfaitement légal en vertu de l'article 51 de la Charte des Nations Unies,
01:48 frapper avec des armes britanniques le territoire russe
01:51 et donc il essaye toujours de tissuader.
01:54 Et disons qu'il faut bien reconnaître que pendant 22 ans, entre 2000 et 2022, ça a marché
01:59 puisqu'il nous a tissuadés alors qu'il aurait certainement fallu riposter bien plus tôt
02:06 et certainement à un moindre coup, ça aurait évité des centaines de milliers de morts
02:10 et diminué sensiblement la menace stratégique pour nous européens.
02:14 Pourquoi aujourd'hui ? Parce que c'est le 9 mai et que c'est un jour important pour Vladimir Poutine
02:18 qui, comme je le disais, en profite pour faire un défilé militaire sur la Place Rouge.
02:22 Et aussi il y a un autre élément, Nicolas Tenzer, c'est que il y a deux jours, il me semble avant-hier,
02:28 il y a eu les 27 pays européens qui se sont mis d'accord pour dégeler les avoirs,
02:34 des 210 milliards gelés des avoirs russes et donc avoir la possibilité d'utiliser 2,5 millions à 3 milliards
02:41 pour justement la fourniture des armes aux Ukrainiens.
02:46 Alors il y a deux choses effectivement dans cette décision.
02:49 Il y a une bonne chose, c'est qu'effectivement pour la première fois,
02:52 disons, on voit les dirigeants européens se mettre d'accord sur cette confiscation
02:58 donc des intérêts pour l'instant de l'avoir.
03:01 Ils ne sont pas encore très loin parce que quand même,
03:04 beaucoup suggèrent de prendre la totalité de ces avoirs russes-là.
03:08 Effectivement pour la totalité, c'est 300 milliards, environ deux temps effectivement,
03:12 cotés Union Européenne, gérés par Euroclear qui est une société basée en Belgique.
03:19 Mais c'est un pas parce qu'évidemment, Poutine sait très bien
03:23 que les Occidentaux n'ont pas d'autre choix aujourd'hui compte tenu de cette guerre d'agression contre l'Ukraine
03:29 de taper de plus en plus fort.
03:31 On va avoir aussi un certain nombre de mesures qui vont accroître encore les sanctions contre la Russie.
03:36 Celles-ci sont importantes mais elles ne sont pas certainement suffisantes aujourd'hui.
03:40 Et donc il sait très bien qu'il est de plus en plus menacé, bien sûr isolé,
03:46 et que des mesures quand même assez radicales peuvent commencer à porter.
03:50 Cette réponse, si vous voulez, maintenant a une résolution plus ferme,
03:54 pas encore totale, des Occidentaux.
03:56 Et donc il agite effectivement cette menace nucléaire,
03:59 vraiment pour, encore une fois, mutilader le plus possible.
04:04 Mais je pense que ça marche de moins en moins bien.
04:06 On a vu d'ailleurs le ministre lituanien des Affaires étrangères, Gabriel Uslan-Svergi,
04:10 il y a deux jours, sur X, dire clairement "bon maintenant il faut arrêter de considérer tout cela au sérieux".
04:16 Ça rejoint d'ailleurs ce que disait Emmanuel Macron,
04:18 il faut arrêter d'acheter les lignes rouges russes qui nous ont empêchés en quelque sorte de réagir.
04:23 Question pour vous Nicolas Tenzer d'Antonin André du JDD.
04:26 Oui Nicolas Tenzer, bonsoir. Je vous écoute attentivement depuis le début de ce conflit
04:30 et avec grand intérêt d'ailleurs tous vos confrères qui nous éclairent sur ce qui se passe là-bas
04:35 et sur la stratégie militaire et sur cette inconnue de la menace russe.
04:38 Mais on a le sentiment, dans ce que vous racontez et décryptez de façon un peu systématique,
04:42 qu'on a toujours un temps de retard.
04:44 C'est-à-dire que vous avez dit dans votre propos liminaire
04:46 qu'on aurait dû être plus agressifs plus tôt, d'une certaine façon.
04:50 C'est vrai que quand on disait "il ne faut pas mettre d'armes offensives"
04:53 parce qu'on risque de bousculer le russe et de prendre des ripostes démesurées derrière,
04:58 puis finalement on est venu aux armes offensives,
05:00 et vous aviez l'air de dire tout à l'heure que si on avait réagi plus fort, plus vite,
05:04 peut-être, je ne sais pas, en massant des troupes de l'OTAN, par exemple,
05:07 à la frontière entre la Pologne et l'Ukraine,
05:09 ou en étant beaucoup plus radicaux et beaucoup plus excessifs dès le début,
05:13 on aurait marqué un point dans ce conflit,
05:15 et que depuis, le rapport de force est forcément à la faveur de Poutine.
05:19 Alors, il y a deux choses.
05:21 D'abord, oui, effectivement, si nous avions réagi,
05:24 alors il y a plusieurs dates.
05:25 Il y a 2008 déjà, lors de l'invasion du territoire géorgien,
05:30 et là, on sait toujours que 20% du territoire de la Géorgie est toujours occupé,
05:35 ça aurait été quand même le premier moment.
05:36 Ensuite, il y a eu 2014, lors de la première invasion de l'Ukraine,
05:41 de la Crimée et d'une partie du Donbass.
05:43 On aurait pu parler, évidemment, de la Syrie,
05:46 alors qu'à partir de l'automne 2015,
05:48 Poutine a aidé de manière de plus en plus forte,
05:52 avec des armes sur place, des armées sur place,
05:55 le régime de Bachar el-Assad,
05:57 et on n'a pas réagi au moment du siège et de la prise d'Alep,
06:00 alors que beaucoup disaient qu'il faut au moins créer une zone d'explosion aérienne.
06:03 Et bien sûr, si avant le 24 février 2022,
06:07 nous avions amassé des troupes à la frontière,
06:10 il est absolument certain que Poutine n'aurait pas osé affronter les armées de l'OTAN,
06:15 qui sont 20 fois quand même supérieures aux siennes.
06:18 Alors c'est vrai qu'entre-temps, il s'est renforcé, il s'est réarmé,
06:23 il est passé, lui, en économie de guerre,
06:25 ce qui n'est pas notre cas, ni le cas d'ailleurs des Etats-Unis,
06:28 il bénéficie du contournement des sanctions,
06:31 et il reçoit des armes, on le voit, de l'Iran, de la Corée du Nord,
06:35 la Stimhead également, la Rusty,
06:37 à acquérir un certain nombre de composants nécessaires.
06:40 Donc lui, il se renforce, alors ça ne veut pas dire qu'il est plus fort que nous, non,
06:43 ça il faut être quand même parfaitement clair,
06:45 on est quand même dans un rapport, je disais, de 1 à 20,
06:47 mais on ne reste que dans un rapport de 1 à 18 maintenant,
06:50 et qui est quand même tout à fait en notre faveur,
06:52 ce que l'on des armes conventionnelles.
06:54 - Comment il avance et nous on recule ?
06:56 - Alors, on recule un peu moins,
06:59 mais je pense qu'on n'avance pas toujours autant que nous le devrions,
07:05 c'est-à-dire que ça aurait encore une fois permis quand même de sauver
07:07 des dizaines de milliers de vies ukrainiennes,
07:09 et ça aurait diminué la menace pour nous.
07:11 Donc on est dans ce rapport de force, mais on est toujours hyper,
07:15 moi je me souviens, j'étais au sommet de Pilnus de l'OTAN,
07:17 le 11 et 12 juillet dernier,
07:19 on a entendu David Sullivan, le conseiller national de la sécurité de Biden,
07:23 dire "ouais, il ne faut surtout pas une guerre entre l'OTAN et la Russie".
07:26 Il n'est pas question d'avoir cette guerre-là,
07:28 il s'agit effectivement d'utiliser tous les instruments de notre situation
07:32 pour marquer un coup d'arrêt, et on s'aperçoit,
07:34 ça a été très bien rappelé tout à l'heure,
07:37 que les lignes rouges de Poutine se sont effondrées les unes après les autres.
07:41 Il avait été question, il ne faut pas que les Ukrainiens attaquent le territoire russe,
07:45 ils l'ont fait, il ne faut pas qu'ils attaquent les pays occupés, ils l'ont fait,
07:48 et en fait, nous reculons heureusement,
07:51 trop lentement, mais nous faisons quand même pas à pas
07:54 les limites de ce que nous étions nous-mêmes imposés.
07:59 - C'est ce qu'on appelle la diplomatie de guerre,
08:01 et c'est effectivement très complexe, et merci de nous éclairer là-dessus.
08:03 Merci beaucoup Nicolas Tenzer, Arthur Delabord et Antonin André.
08:08 Ça nous permet aussi, avant d'en venir au sujet de Marine Le Pen,
08:12 qui elle, était en train de défendre la campagne de Bardella
08:15 au Festival des Fleurs de Bergère dans l'Aube,
08:18 d'ouvrir aussi ce chapitre du nucléaire,
08:21 puisque dans le Figaro, Marine Le Pen est contre l'idée d'Emmanuel Macron
08:27 qui se dit prêt à ouvrir un débat sur une défense européenne
08:29 qui pourrait comprendre les armes nucléaires.
08:31 Elle souhaite inscrire dans la Constitution l'usage exclusif
08:34 de la discussion nucléaire par le seul président de la République,
08:38 écoutez, Jordan Bardella, qui s'est exprimé là-dessus.
08:42 - Emmanuel Macron affaiblit tout ce qui le touche,
08:45 et Emmanuel Macron ne défend pas en réalité les intérêts français.
08:51 Si l'Europe de Macron existait au moment où nous nous parlons,
08:54 si le projet que portent Madame Heillet et M. Macron existait au moment où nous nous parlons,
08:59 si on avait une défense européenne,
09:01 si Mme van der Leyen, la présidente de la Commission européenne,
09:03 avait entre ses mains une défense européenne,
09:05 nous n'aurions plus de droit de veto,
09:07 nous n'aurions plus la possibilité de dire non,
09:09 notre arme nucléaire serait partagée,
09:12 et sans doute nous serions en guerre par l'intermédiaire de l'armée européenne
09:16 qu'il veut mettre en place directement avec la Russie.
09:19 Donc non au partage de l'arme nucléaire dans les conditions évoquées par le président de la République,
09:23 cela relève de la souveraineté nationale.
09:25 - Alors on est passé un peu vite là-dessus, Antonin André, sur ce sujet,
09:29 mais pourtant c'est important.
09:31 - C'est important et c'est très intéressant.
09:33 En fait ce débat est très intéressant et pas du tout un débat anodin ou accessoire,
09:37 parce qu'il oppose deux visions du monde
09:40 et de la place de la France dans l'histoire et dans le moment historique que l'on vit.
09:44 C'est-à-dire qu'on comprend ce que Jordan Bardet l'a dit,
09:46 et on voit quel cord il fait jouer, et qui est un cord tout à fait respectable,
09:49 qui est celle du gaullisme, de la souveraineté de la France,
09:52 de l'indépendance de la France vis-à-vis des deux blocs,
09:55 parce que tout cela a été mis en place à une époque où il fallait choisir son camp entre les Russes et les Américains.
09:59 Le général de Gaulle a choisi cette voie de l'indépendance
10:03 à un moment où la France était une puissance assez forte quand même en Europe
10:07 et qui avait encore même de l'influence coloniale sur les différents continents.
10:11 Et donc au nom de tout cela, il estime que cette arme nucléaire doit rester
10:15 le moyen de notre souveraineté, pourquoi pas ?
10:18 Mais le monde a changé, et la question qui se pose aujourd'hui c'est aussi de savoir
10:21 si la France seule avec son arme nucléaire est suffisamment forte aujourd'hui
10:24 pour faire face à des menaces qui sont celles de la Russie ou des autres blocs,
10:27 ou s'il ne vaudrait pas mieux mutualiser nos efforts militaires avec le reste de l'Europe.
10:31 C'est ça le question.
10:32 On a une opposition entre d'un côté une vision de la souveraineté,
10:36 une vision affirmée de la souveraineté nationale,
10:38 et de l'autre une vision de la souveraineté européenne.
10:42 Et c'est bien en filigrame ce sujet-là qui est un des principaux thèmes de la campagne des européennes.
10:50 Emmanuel Macron a tendance à considérer que finalement la souveraineté nationale
10:57 permet de transférer cette dissuasion nucléaire à l'échelle européenne,
11:03 et que quoi qu'il arrive, la souveraineté nationale permettra de reprendre cette dissuasion
11:10 si un jour c'est nécessaire.
11:13 Et en face on a une conception beaucoup plus traditionnelle défendue par Jordan Bardot.

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