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  • 28/03/2024
Grand témoin : Lydie Salvayre, écrivaine, autrice de « Depuis toujours nous aimons les dimanches » (Seuil)

GRAND DÉBAT / Comment empêcher l'entrisme religieux à l'école ?

« Le récap » par Bruno Donnet

Le 28 février 2024, le proviseur du lycée parisien Maurice Ravel a demandé à trois de ses élèves qui portaient un voile de le retirer. L'une d'entre elles a refusé. Depuis, la polémique a enflé. Plusieurs versions de la scène ont circulé sur les réseaux sociaux et certains élèves ont affirmé, à tort, que l'élève réfractaire avait été frappée par le proviseur. Version des faits largement démentie mais qui a valu au dirigeant des flots d'insultes et de menaces de mort. Le 26 mars 2024, le proviseur a décidé de partir en retraite anticipée pour des « raisons de sécurité ». La nouvelle a provoqué une onde de choc. Gabriel Attal a annoncé que l'Etat allait porter plainte contre la jeune fille voilée pour « dénonciation calomnieuse ». La mise en retrait du proviseur du lycée Ravel est-elle symptomatique d'un recul de la laïcité en France ?

Invités :
- Astrid Panosyan-Bouvet, députée Renaissance de Paris,
- Rodrigo Arenas, député LFI de Paris,
- Iannis Roder, professeur d'histoire-géographie à Saint-Denis,
- Marika Bret, Présidente du « Printemps Républicain ».

GRAND ENTRETIEN / Lydie Salvayre : l'art de la paresse

Dans son livre « Depuis toujours nous aimons les dimanches », Lydie Salvayre plaide pour la paresse, illustrée grâce à la journée du dimanche qu'elle lie intrinsèquement à cet « art de vivre ». Selon l'autrice, la paresse est le seul moyen de faire face à l'épuisement routinier du travail qui est uniquement centré autour du profit capitaliste. En dénonçant l'hypocrisie et l'avidité des Messieurs « apologistes-du-travail-des-autres », c'est-à-dire les capitalistes, Lydie Salvayre pose les bases de son éloge de la paresse. Lauréate du prix Goncourt en 2014, elle alerte sur l'autodestruction de l'homme par l'infinité du travail en mêlant lyrisme, poésie, pensées philosophiques et littéraires. Faut-il lutter contre le système capitaliste pour trouver la félicité ?

Grand témoin : Lydie Salvayre, écrivaine, autrice de « Depuis toujours nous aimons les dimanches » (Seuil)

LES AFFRANCHIS

- Yaël Goosz, éditorialiste et chef du service politique à France Inter,
- Nathan Devers, philosophe,
- En Ukraine : Elsa Mondin-Gava, journaliste LCP.

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.

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Transcription
00:00 *Musique*
00:05 Bonsoir et bienvenue, très heureuse de vous retrouver dans Savourgarde, ce soir éloge rebelle de la paresse.
00:12 Bonsoir Lili Selvert.
00:13 Bonsoir.
00:14 Et merci infiniment d'être notre grand témoin ce soir, romancière.
00:18 Prix Goncourt 2014, depuis toujours, nous aimons les dimanches.
00:22 C'est le titre de votre livre publié au Seuil.
00:24 Vous partez à l'assaut, détenant du travail à tout prix, et vous chantez les douceurs des réveils paresseux parfaitement improductifs.
00:34 C'est un texte poétique, très politique, en plein débat sur le sens, les conditions et la valeur du travail.
00:40 Aujourd'hui, on va en parler longuement.
00:41 Tout à l'heure, dans la deuxième partie, notre grand débat ce soir, de quoi l'affaire du lycée Ravel est-elle le nom menacé de mort ?
00:50 Son proviseur a choisi de quitter ses fonctions, son départ provoque une onde de choc.
00:54 L'État porte plainte pour dénonciation calonieuse contre l'élève qui a refusé de retirer son voile.
00:59 Alors c'est l'échec de qui cette affaire ?
01:01 Les profs ne sont-ils plus à l'abri ?
01:03 Et y a-t-il un antrisme islamiste à l'école ?
01:07 Nous en débattons dans un instant sur ce plateau.
01:09 Enfin, nos affranchis ce soir, le parti-pris politique de Yael Ghos, le billet philo Nathan Devers,
01:15 et un Bourbon Express spécial en direct de Kiev ce soir avec Elsa Mondingava qui suit Yael Brounpivet en Ukraine.
01:23 Voilà pour le sommaire et il est riche ce soir.
01:25 On y va, Lédie Sadevert ?
01:26 On y va.
01:27 Ça vous regarde, générique.
01:28 L'école a-t-elle reculé sous la menace ?
01:42 Le choix du proviseur du lycée Maurice Ravel de quitter ses fonctions,
01:46 de partir en retraite anticipée pour des raisons de sécurité est un choc pour la communauté enseignante
01:51 et au-delà pour le pays tout entier, symbole terrible.
01:54 "Capitulation française", écrivent même certains aujourd'hui,
01:57 et l'impression que le pas de vague a fini par l'emporter.
02:00 Alors on va revenir dans le détail sur les faits et sur cette loi de 2004 qui fait l'objet d'attaques incessantes,
02:07 loi sur les signes religieux à l'école qui fête ses 20 ans aujourd'hui.
02:11 Bonsoir Astrid Panosian-Bouvet.
02:13 Merci beaucoup d'être là.
02:14 Vous êtes députée Renaissance de Paris.
02:16 Bonsoir Rodrigo Arenas.
02:17 Bonsoir.
02:18 Bienvenue députée LFI de Paris, ancien président de la FCPE, la Fédération de Parents d'Élèves.
02:23 Vous avez publié "Passeurs de monde", député citoyen aux éditions du Montparnasse.
02:28 Bonsoir Yanis Roder.
02:29 Bonsoir.
02:30 Bienvenue, professeur d'histoire-géographie en lycée à Saint-Denis,
02:33 membre du Conseil des Sages de la laïcité qui fait partie du ministère de l'Éducation nationale
02:38 où vous venez de publier "Préservez la laïcité" aux éditions de l'Observatoire.
02:42 Enfin, bonsoir Marie-Cabrette.
02:44 Bonsoir.
02:45 Ravie de vous accueillir dans cette émission.
02:47 Vous êtes la présidente du Printemps républicain et l'ancienne DRH de Charlie Hebdo.
02:52 Lidi Salver n'hésitez pas à intervenir ou même à interroger nos invités si vous le souhaitez.
02:57 Alors que s'est-il passé précisément ?
03:00 Comment un proviseur qui n'a fait qu'appliquer la loi en arrive à démissionner ?
03:04 Le récap' tout de suite avec Bruno Donnet.
03:07 [Générique]
03:16 Bonsoir mon cher Bruno.
03:17 Bonsoir Myriam, bonsoir à tous.
03:18 Dans votre récap' ce soir, une rupture et des failles.
03:22 Oui, et la rupture d'abord Myriam, c'est celle que Gabriel Attal a posée hier soir sur TF1.
03:28 C'est tout simplement inacceptable et inadmissible.
03:30 Moi je me suis toujours engagé pour mettre fin à ce qu'on appelle le pas de vague.
03:34 Le Premier ministre a affirmé qu'il souhaitait rompre avec une habitude, celle du fameux pas de vague,
03:40 traduisée du principe d'omerta qui entoure les trop nombreuses atteintes faites à la laïcité à l'école.
03:47 Il y a une forme d'antrisme islamiste qui se manifeste notamment dans nos établissements scolaires.
03:53 Voilà, alors je rappelle brièvement l'affaire.
03:56 Le 28 février dernier, le proviseur du lycée parisien Maurice Ravel a demandé à trois élèves
04:02 de bien vouloir retirer leur voile.
04:05 L'une d'entre elles a refusé, une altercation s'en est suivie et deux thèses se sont affrontées.
04:10 Certains élèves ont affirmé que leur camarade avait été frappé au bras,
04:14 une version catégoriquement démentie par les enseignants.
04:18 Notre proviseur n'a pas frappé une élève, il a simplement demandé à une élève de BTS
04:24 qui traversait la salle d'enlever son voile, tout simplement.
04:28 Seulement voilà, l'histoire a pris des proportions absolument considérables.
04:32 Le proviseur a été menacé et sur les réseaux sociaux, certains ont carrément appelé à le mettre à mort.
04:38 Au point que le 5 mars dernier, la ministre de l'éducation s'est carrément rendue au lycée pour dire stop.
04:45 Nous sommes extrêmement vigilants par rapport aux réseaux sociaux.
04:48 Ils se diffusent et ils se propagent sur ces réseaux des éléments qui sont tout à fait inexacts.
04:54 Si Nicole Belloubet a si solennellement voulu montrer sa vigilance,
04:59 c'est bien sûr parce que c'est sur ces mêmes réseaux sociaux qu'ont été relayées les mises à mort des professeurs Dominique Bernard et Samuel Paty.
05:07 Samuel Paty, dont la sœur n'a d'ailleurs pas mâché ses mots ce matin.
05:10 De quoi est mort votre frère ? Comment vous qualifieriez les choses ?
05:14 D'un abandon.
05:16 D'un abandon.
05:18 Elle estime en effet que son frère a été lâché, abandonné par une république qui a failli.
05:24 Le proviseur du lycée Ravel, lui, n'a pas été abandonné et pourtant vous nous parlez de faille.
05:30 Oui, tous les journaux, Myriam, s'en sont fait l'écho ce matin.
05:33 Le Parisien a parlé de recul et d'échec.
05:36 Libération a évoqué la peur, tandis que Le Figaro et Le Monde ont opté pour un même mot, choc.
05:41 Alors pourquoi le choc ?
05:43 Bien tout simplement parce qu'en dépit du fait que la plainte de cette jeune fille ait été classée sans suite,
05:48 c'est bien le proviseur qui a été contraint, à son corps défendant, d'abandonner son poste.
05:53 Un échec, d'après l'insoumis François Ruffin.
05:56 Quand un proviseur démissionne sous les menaces et avec des craintes pour sa sécurité et pour celles de ses collègues,
06:05 c'est évidemment la République qui recule.
06:08 Car si le rectorat a prétendu d'abord que le proviseur avait souhaité quitter son poste pour convenance personnelle,
06:15 l'intéressé a rectifié et expliqué sans embâche qu'il avait été mis en réserve spéciale d'autorité parce que sa sécurité était menacée.
06:25 Alors voilà, au moment où le sommet de l'État prend fait et cause pour son proviseur.
06:30 Et donc j'ai décidé que l'État allait porter plainte contre cette jeune femme pour dénonciation calomnieuse.
06:36 Cette affaire vient soulever une question, elle est absolument vertigineuse.
06:40 Est-ce que placer un proviseur à la retraite anticipée pour le protéger, c'est donner raison à ceux qui attaquent la laïcité ?
06:48 Merci beaucoup. Merci Bruno Donnet.
06:51 Astrid Panouzian-Bouvet, c'est l'échec de qui et de quoi cette affaire, cette mise en réserve du proviseur de l'Ulysse et Ravel ?
07:00 Clairement, ce qu'on retient, c'est qu'une élève à qui on a demandé de retirer son voile et qui ne respecte pas la loi a eu raison de son proviseur.
07:08 Donc c'est un échec de la loi et c'est un recul de la République, comme on en voit depuis le rapport Aubain,
07:16 depuis les territoires perdus de la République auxquels mon voisin, Léonis Schroder, a fortement contribué.
07:23 C'est la peur qui a eu le dernier mot ?
07:25 C'est le sentiment pour ce proviseur que sa sécurité, sa propre sécurité et celle de ses collègues n'étaient pas assurées,
07:34 malgré la visite de Mme Belloubet, comme ça a été vu dans votre reportage, des conditions de sécurité qui ont été renforcées.
07:43 Mais ensuite, c'est le sentiment de ce proviseur devant l'accablement des réseaux sociaux qui a eu raison.
07:51 Si on est une élue de la République comme vous, on sent l'inquiétude. Il est où le degré d'alarme ? Vous dites quoi ?
07:57 Parce que pour les enseignants, il y a cette affaire, on va venir aussi à un certain nombre de menaces, de piratage informatique,
08:05 il y a quand même un climat là où on se dit "mais c'est la boule au ventre qu'ils vont y aller, les enseignants, dans les lycées et les collèges aujourd'hui".
08:12 Qu'est-ce que vous vous dites ? On va vous protéger, on est très inquiets, mais on est là, ça va s'arrêter. Qu'est-ce que vous leur dites ?
08:19 On leur dit... Il y a ce qu'on leur dit et ce qu'on peut aussi avoir, Renaud, aussi, au bout du... Dans les tripes.
08:28 Ce qu'on leur dit, c'est, et je suis vraiment heureuse qu'on mette fin quand même, il y a un début de mettre fin à ce pas de vague avec des conditions de sécurité renforcées.
08:37 Après, moi, la question que je me pose, c'est que le rapport Aubin, les territoires perdus de la République, ça fait 20 ans qu'on en parle.
08:45 La question, c'est... Il y a eu un rapport sénatorial récemment de nos collègues du Sénat... La prise de conscience n'est toujours pas là.
08:51 Il y a une prise de conscience, mais la question, c'est est-ce qu'on n'est pas... Elle n'arrive pas trop tardivement. Trop tardivement.
08:57 Et du coup, la question, c'est vraiment maintenant mettre le paquet, à la fois sur la réponse pénale. Ce qu'on voit, par exemple, d'abord, c'est l'euphémisme autour du communiqué de presse du rectorat, moi, qui m'a choquée.
09:11 Il y a eu des convenances personnelles, il a fallu que le proviseur rectifie. Et ce qu'on voit aussi, c'est que cette personne n'a pas été sanctionnée.
09:18 Il n'y a pas eu de conseil disciplinaire, il n'y a pas eu de sanctions contre...
09:22 -Vous parlez de la jeune fille qui a retiré son voile.
09:24 -Et je trouve que c'est une très bonne chose que l'Etat, maintenant, porte plainte pour diffamation, mais il y a quand même, malgré le pas de vague, des réflexes qui ne sont peut-être pas encore tout à fait là, au bon moment.
09:36 -Vous êtes d'accord avec ça ? Il y a des réflexes qu'on n'a pas, qu'on n'a toujours pas, quand on regarde la hiérarchie, le rectorat, cette fameuse convenance personnelle qui a été évoquée dans le communiqué au départ.
09:47 Est-ce que vous condamnez ce communiqué, Rodrigo Arenas ?
09:49 -En tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'il y a une incohérence de la parole des adultes par rapport à cette situation, dont les enfants sont évidemment tout à fait réceptifs.
09:57 Quand cette situation s'est produite, les élèves nous disaient que dans les réseaux sociaux, le message qui était donné par l'élève était devenu viral, et qu'il y a eu une très grande latence de réaction de l'institution par rapport à ça.
10:11 -L'élève qui a fini par condamner les menaces de mort dont a fait l'objet le proviseur, alors qu'elle avait parlé de violence, alors que sa plainte a été classée sans suite, ça n'a pas l'effet.
10:22 -C'est difficile d'exclure une élève qui n'est plus dans l'établissement puisqu'elle-même est partie de l'établissement.
10:27 On ne peut pas reprocher à l'école de ne pas virer une élève qui ne l'est plus.
10:30 -Quand Astrid Panneusian dit "on a pris conscience, mais c'est presque trop tard", pourquoi on ne fait mise encore ?
10:36 Pourquoi elle est si dure à dire la vérité par le rectorat aujourd'hui ?
10:39 -D'abord parce qu'on ne peut pas généraliser de cette façon-là sur les nombreux territoires de notre pays, les nombreux établissements.
10:45 Mes enfants sont scolarisés en Seine-Saint-Denis, dans un collège, je ne les repérerai plus, je n'ai pas la boule au ventre quand ils y vont tous les matins, loin de là.
10:52 Et il y a une situation qui est un peu globale, c'est-à-dire qu'aujourd'hui, moi, ce que je constate, et peut-être qu'on se rejoindra là-dessus avec Astrid,
10:58 c'est qu'il y a un échec des politiques publiques qui ont été mises en place pour faire face à cette situation.
11:03 Vous savez, moi, j'étais un jeune parent d'élève, mes enfants étaient en primaire, en Seine-Saint-Denis toujours,
11:09 on avait voulu planter les arbres de la laïcité avec les TDEN.
11:12 Et ce sont les enseignants qui n'ont pas sauté le fer, parce qu'ils étaient craintifs.
11:16 Mais quand vous dissociez la communauté éducative d'affronter ensemble ce problème-là, eh bien il y a un recul global.
11:22 Donc les parents sont importants, c'est pour ça qu'il faut embarquer davantage les parents.
11:26 On va parler des solutions, parce que là, je voulais votre analyse qui révèle cette affaire.
11:32 Il y a une incohérence de parole gouvernementale sur ce sujet, et j'accueille avec un grand plaisir...
11:36 Incohérence de parole gouvernementale ?
11:38 Oui, puisque vous avez un Premier ministre qui dit une chose et l'administration qui en dit une autre,
11:42 puisque l'administration dépend du ministère.
11:44 Donc vous mettez l'administration dans cette phrase.
11:46 J'accueille avec une grande satisfaction que Nicole Belloubet ait enfin pris la conscience que la protection,
11:50 notamment des environnements numériques, n'est pas assurée, parce que depuis que nous parlons,
11:54 il y a eu 150 établissements qui ont été victimes d'un piratage, avec la diffusion de messages haineux
11:59 venant de milieux islamistes, qui d'ailleurs ne sont pas garantis d'être du territoire hexagonal,
12:03 et aussi des vidéos qui mettent en avant des scènes extrêmement violentes...
12:07 Un lycée du Maine-et-Loire qui a été évacué aujourd'hui.
12:09 Donc c'est un problème de souveraineté numérique, c'est évident, et c'est le boulot de Bruno Le Maire.
12:12 Oui, la loi de 2004 à l'heure des réseaux sociaux, c'est un défi.
12:15 Marie Cabrette...
12:16 Là, c'est pas la loi 2004, là.
12:18 Oui, enfin...
12:19 Là, c'est du piratage informatique.
12:20 Là, c'est de la sécurité de base, c'est vrai, mais je revenais sur l'histoire du voile de Ravel.
12:23 Tout le monde, évidemment, comprend...
12:25 Alors, on sait pas si on doit dire le mot "choix" pour le proviseur, en tout cas,
12:28 on lui a dit "attention, mise en réserve".
12:30 On comprend bien, les menaces, elles étaient là.
12:32 Peut-être que vous, vous comprenez mieux que personne, Marie Cabrette,
12:35 parce que, je le rappelle, vous êtes sous protection policière,
12:38 vous êtes régulièrement menacée, vous avez même dû déménager il y a quelques années face aux menaces.
12:44 Qu'est-ce que vous ressentez ?
12:46 J'ai même déménagé en plein procès Charlie, dans un contexte,
12:52 je voudrais quand même se rappeler ce contexte, en 2020,
12:55 le procès Charlie, Hypercacher, Montrouge,
12:58 la republication des fameux dessins de Mahomet,
13:03 comme pièce à conviction, c'était ça, l'enjeu,
13:06 pas des dizaines, pas des centaines,
13:09 des milliers de messages, d'insultes et de menaces contre le journal.
13:15 Et quelques jours après, moi, j'ai effectivement dû quitter mon domicile
13:19 et je n'y suis jamais retournée.
13:21 Vous la comprenez, cette mise en réserve du proviseur ?
13:24 Exactement. On ne peut pas l'accuser encore et encore.
13:27 Il a déjà été accusé par une élève,
13:29 il y a une caisse de résonance d'accusation sur les réseaux qui est terrible,
13:34 et on va encore l'accuser de dire à un moment "stop, je ne peux plus".
13:38 J'aurais aimé qu'il ne parte pas.
13:40 Il a été soutenu dès le départ, mais à la fin, c'est toujours lui qui part.
13:43 Qu'est-ce que ça révèle pour vous, cette affaire ?
13:45 Un échec. Ça révèle un échec, et ça révèle un échec,
13:49 et oui, une prise de conscience qui est lente, qui est longue,
13:53 qui est Samuel Paty, entre Charlie Hebdo et Samuel Paty,
13:59 entre Samuel Paty et Dominique Bernard,
14:02 combien d'années ?
14:03 Donc ça révèle non seulement un échec, mais une lenteur,
14:07 une lenteur de décision, une lenteur de décision forte, cohérente,
14:12 toutes nos institutions.
14:14 Quand l'Etat porte plainte ?
14:16 Quand Gabrielle Attol dit "on ne va rien laisser passer",
14:20 est-ce que ce n'est pas déjà que quelque chose s'est passé
14:23 que de le dire après ?
14:25 Vous, vous saluez cette plainte de l'Etat ?
14:27 Oui, je la salue, parce qu'à un moment, il faut dire "stop".
14:30 Ce n'est pas la première fois qu'une élève met en danger,
14:37 un ou une, d'ailleurs, ce n'est pas le propos,
14:40 mais met en danger un enseignant, met en danger un proviseur.
14:44 Donc oui, à un moment, il faut ce moyen-là pour dire "stop".
14:48 Et surtout parce que ce que l'on sait, c'est ce que je viens de dire,
14:53 c'est la répercussion sur les réseaux.
14:55 Des milliers et des milliers de fois.
14:58 -La caisse de résonance des réseaux sociaux.
15:00 Yannis Roder, on vous écoute depuis quelques jours dire
15:03 "l'école est déstabilisée de l'extérieur".
15:06 Par qui, précisément ?
15:08 Est-ce qu'on est dans un moment particulier
15:10 où ces atteintes à laïcité deviennent plus importantes,
15:13 vraiment plus importantes ? Est-ce que c'est plus grave qu'avant ?
15:16 -Oui, je crois que c'est plus grave qu'avant.
15:18 En fait, la loi de 2004 a apaisé les choses réellement
15:21 sur la question des signes religieux jusqu'à l'hiver 2021-2022.
15:25 A l'hiver 2021-2022, on a vu arriver de manière assez massive
15:29 un nouvel habit qu'on appelle la baïa,
15:32 qui visait très clairement à revendiquer religieusement son appartenance
15:37 par le port d'un signe.
15:39 On a tergiversé, là aussi,
15:41 il y a quand même une responsabilité politique.
15:43 On a eu un ministre qui a tergiversé pendant 15 mois.
15:46 Des décisions n'ont pas été prises.
15:48 Gabriel Attal est arrivé.
15:50 Il a eu raison, fait appliquer la loi de 2004,
15:52 et c'est rentré dans l'ordre.
15:54 -Un simple rappel à la loi. -Un simple rappel à la loi.
15:56 C'est tout simplement ce qu'il fallait faire.
15:58 Maintenant, ça ne veut pas dire que parce que la loi de 2004 est appliquée,
16:02 et je pense que sur l'ensemble du territoire,
16:04 elle est bien appliquée.
16:06 Les événements comme il y a eu à Ravel,
16:08 qui, je pense, restent dans sa gravité,
16:11 heureusement exceptionnelle,
16:13 mais même, vous savez, des jeunes filles qui arrivent
16:15 et qui portent un voile, en l'occurrence,
16:17 puisqu'il s'agit de ça, vous leur demandez de l'enlever,
16:19 elles l'enlèvent, la plupart du temps.
16:21 -Il faut le rappeler, ça. -Elles l'enlèvent.
16:23 C'est important de le dire.
16:25 -Il faut remettre les choses dans leur contexte.
16:27 -Ce qu'on a vu arriver depuis 20 ans,
16:29 progressivement, et là, je rejoins ce qu'a dit Marie Cabret,
16:32 on a vu s'installer, petit à petit,
16:34 un sentiment d'impunité dans la contestation
16:37 de ce que dit l'école et de ce qu'est l'école de la République.
16:40 Petit à petit, on a vu monter l'autocensure des enseignants
16:43 qui, de plus en plus, se sentent en insécurité intellectuelle,
16:46 voire insécurité physique,
16:48 face à des élèves qui contestent ce qu'ils peuvent dire.
16:51 On est passé de 36 % en 2018 à 56 % en décembre 2022
16:55 qui se sont déjà autocensurés.
16:57 C'est pas du tout anodin.
16:59 Ça dit une ambiance, si vous voulez.
17:01 -Autocensure, pour bien comprendre, c'est quoi ?
17:03 On renonce à certains pans de programme ?
17:05 -On renonce à étudier une oeuvre littéraire, par exemple,
17:08 parce que, par exemple, dans "Madame Bovary",
17:11 il est question d'adultère,
17:13 certains élèves ne supportent pas cette idée-là.
17:15 On n'a pas, nécessairement, quand on est enseignant,
17:18 envie de se heurter et d'avoir à justifier
17:20 tout ce qu'on fait tous les jours.
17:22 On se dit "je vais faire autre chose".
17:24 C'est une forme d'autocensure.
17:26 On évite de parler de tel ou tel sujet en histoire
17:29 pour ne pas avoir à répondre à tel ou tel élève
17:31 un peu virulent sur ces questions-là,
17:33 que l'on connaît comme étant virulents.
17:35 Ce sont des petits reculs, si vous voulez,
17:37 mais qui, mis bout à bout,
17:39 donnent le sentiment, si vous voulez,
17:41 en tout cas, de mon point de vue,
17:43 que l'école recule, elle recule en bon ordre,
17:46 mais elle recule, voilà,
17:48 avec un sentiment d'impunité qui s'installe...
17:51 -D'impunité ? -Oui, d'impunité,
17:53 chez les élèves et chez des parents.
17:55 Si on reprend cette affaire d'Issou,
17:57 dans "Les Yvelines", où une professeure,
17:59 une collègue, professeure de lettres,
18:01 montre un tableau de la Renaissance
18:03 où il y a des représentations,
18:05 ce ne sont pas des femmes nues,
18:07 qui fait scandale dans la classe auprès d'élèves de 6e,
18:10 soutenus par leurs parents.
18:12 On se dit que là, quelque part, nous avons failli.
18:15 Et là où nous avons failli, c'est tout simplement
18:17 parce que nous oublions de dire aux parents
18:19 que quand on va à l'école de la République,
18:21 on n'est pas seulement un consommateur de l'école,
18:24 on ne prend pas simplement,
18:25 on picore pas ce qui nous intéresse,
18:27 on prend tout et on accepte que l'école
18:29 fasse de nos enfants des futurs citoyens.
18:31 -Vous voulez intervenir, Félice Albert ?
18:33 -Je suis persuadée, messieurs,
18:35 en aborder la question sociale.
18:37 Je vous dis ça parce que j'habite une ville, Nîmes,
18:40 où il y a un quartier, Pissevin,
18:42 qui est un quartier complètement sinistre,
18:45 clos sur lui-même, fermé à toutes les ouvertures,
18:48 homogène, constitué de populations immigrées.
18:53 Comment voulez-vous faire une culture commune,
18:56 proposer une culture commune ?
18:58 -C'est la question de la mixité que vous posez.
19:01 -Par exemple...
19:02 -Mixité des quartiers, mixité scolaire.
19:04 -Il n'y a aucun travail, je crois, qui n'est fait à ce niveau-là.
19:08 -Astrid Panosian-Bouvet.
19:10 Je voudrais qu'on puisse écouter les élèves de Ravel,
19:13 on est allé les voir devant les grilles du lycée.
19:16 -Ce que dit Anis Roder est extrêmement important.
19:19 On est plus simplement sur le respect de la loi 2004
19:22 sur les vêtements religieux,
19:24 on est aussi sur la difficulté
19:26 que peuvent avoir les professeurs
19:28 de transmettre des savoirs fondamentaux.
19:31 Plus de la moitié des professeurs disent
19:34 qu'ils se sont autocensurés au moins une fois.
19:37 25 %, c'est tiré de votre bouquin,
19:39 disent qu'ils s'autocensurent régulièrement.
19:42 On entendait Jean-Pierre Aubin ce matin
19:44 dans une interview à la suite de son dernier bouquin.
19:47 -Jean-Pierre Aubin, un ancien recteur...
19:50 -Qui avait fait un rapport qui avait été entamé
19:53 par le ministre de l'Education nationale.
19:56 Il citait un professeur qui a parlé de l'Allemagne nazie,
19:59 sans citer une fois les Juifs, précisément,
20:02 parce qu'il avait peur.
20:04 Il dit "je ne suis pas un kamikaze".
20:06 Sur les arts plastiques, sur les humanités.
20:09 Quand on parle de la responsabilité,
20:11 et je ne le dis pas par provocation à votre endroit,
20:15 parce que vous êtes, cher collègue,
20:18 dans une voix vraiment raisonnable sur cette question,
20:22 mais je garde en mémoire sur la question de Ravel
20:25 les paroles de Danielle Simonnet,
20:27 qui est députée de Paris,
20:29 et qui, plutôt que de défendre le proviseur,
20:32 s'est interrogée publiquement
20:34 sur la responsabilité du proviseur.
20:37 C'est grave.
20:38 Il faut que tout le monde retrouve son calme et sa sérénité,
20:42 parce que si on rajoute au bruit
20:45 et à l'amplification des réseaux sociaux,
20:48 c'est très grave.
20:49 -Vous allez répondre, je vous promets,
20:51 mais je voudrais qu'on les écoute, les élèves.
20:54 Vous voulez pas répondre sur Danielle Simonnet ?
20:57 -Danielle Simonnet, députée...
20:59 -Elle a parlé trop vite.
21:01 -Vous parlez du tweet qu'elle a fait ?
21:03 On est au moins d'accord sur la première partie du tweet,
21:06 même si on communique par Twitter.
21:08 Ca dit beaucoup de choses sur le débat qu'on a.
21:11 J'essaie de ne pas communiquer sur les réseaux sociaux
21:14 sur ces sujets graves.
21:15 Mais sur ce que disait Anis Roder,
21:17 j'aimerais dire,
21:18 parce qu'on a tendance, depuis un certain nombre d'années,
21:21 à voir les atteintes à la laïcité,
21:23 mais on met de côté les acteurs du quotidien qui luttent.
21:26 J'ai été jeune président de la FCP dans le 93,
21:29 où ce sont des parents d'un quartier, d'une ville,
21:32 qui se sont dressés contre des parents
21:34 qui, par exemple, ne voulaient pas
21:36 qu'on regarde "Roméo et Giliette" dans une classe,
21:39 car c'était un film pornographique.
21:41 Ce sont les parents qui ont fait le travail à la place des enseignants.
21:45 Vous avez raison, il y en a qui le craignent.
21:47 Mais s'appuyer les uns les autres,
21:49 plutôt que d'essayer de mettre des gens les uns contre les autres,
21:53 et en particulier les gens de confession musulmane,
21:56 qui sont des acteurs de la laïcité,
21:58 nous sommes dans l'erreur de cliver la société.
22:01 -On va dire à vos solutions.
22:03 Lydie Selvert a pointé l'absence de mixité scolaire,
22:06 de mixité sociale dans certains endroits.
22:09 Je voudrais qu'on entende les élèves.
22:11 C'est vrai que, pour l'instant,
22:13 ils préfèrent se taire.
22:15 Je pense qu'ils fuient les caméras.
22:17 Notre reporter Marco Pommier l'a constaté.
22:19 D'ailleurs, le syndicat de proviseurs n'a pas souhaité s'exprimer.
22:22 En revanche, les élèves, les langues se délient.
22:25 -Surpris par l'ampleur des événements,
22:28 devant les grilles de Maurice Ravel ce matin,
22:31 lycéens et étudiants condamnent unanimement
22:34 les menaces de mort reçues par leur ancien proviseur,
22:38 mais s'interrogent face à sa décision
22:41 de quitter ses fonctions.
22:43 -Du moment où il est présent dans notre établissement,
22:46 les menaces sont aussi pour nous.
22:48 Il est parti pour sa sécurité, mais il a pensé à tout le monde.
22:51 -C'est une honte. Il n'aurait jamais dû démissionner.
22:54 Selon les dix des professeurs, c'était un proviseur
22:57 qui était super, qui n'avait jamais fait de mal à personne
23:00 et qui n'était pas comme l'image qu'on a donnée de lui.
23:03 -Pourtant, c'est bien le comportement
23:05 de ce chef d'établissement qui est au coeur des débats.
23:08 -Il a accusé de violence envers l'étudiante
23:11 à qui il avait demandé de retirer son voile.
23:14 Depuis, des versions contradictoires circulent.
23:17 Ceux qui défendent l'élève...
23:19 -Tout le monde a parlé des menaces de mort,
23:22 sans parler de ce qui était arrivé à l'élève
23:25 quand c'était elle la 1re victime.
23:27 -Je crois que même si c'est un proviseur,
23:29 il n'a pas à violenter l'élève ou à la prendre par le bras.
23:32 Après, je suis d'accord qu'il y ait eu des rumeurs
23:35 sur le comportement de l'élève.
23:37 -D'autres pensent que le proviseur n'a rien à se reprocher.
23:40 -Les professeurs nous ont dit qu'il n'y a eu aucune violence directe,
23:43 mais qu'il lui a, selon les professeurs,
23:45 attrapé le bras pour lui faire comprendre
23:47 qu'il était là et qu'il faut l'écouter.
23:49 -Le débat n'est pas là, juste sur le fait
23:51 qu'il a simplement voulu faire respecter
23:53 le règlement intérieur, qui est donc complètement normal.
23:56 -Faire respecter les principes de la laïcité à la française
23:59 connus par les élèves, mais pas toujours très bien compris,
24:02 notamment sur le port du voile.
24:04 -Je ne suis pas spécialement d'accord
24:06 avec toutes les règles de la laïcité.
24:08 Maintenant, c'est le règlement,
24:10 donc je comprends qu'on ne doit pas du tout le mettre ou quoi.
24:13 Elle n'avait pas à le mettre.
24:15 -Après, oui, c'est vrai que l'école est laïque,
24:18 mais par exemple, il y en a qui portent la croix,
24:20 on ne leur dit rien, alors pourquoi le voile,
24:22 ça fait tout de suite plus polémique, je ne sais pas.
24:24 -Par exemple, pour ceux qui portent le voile,
24:26 on leur déduit sur le fait de le porter,
24:28 que c'est important de le porter,
24:30 et à l'école, on dit l'inverse, il ne faut pas le porter.
24:33 Je comprends que ce soit assez flou.
24:35 -Un incident qui a été abordé en classe
24:37 entre professeurs et élèves de Maurice Ravel,
24:40 mais aujourd'hui, beaucoup veulent retrouver de la tranquillité
24:43 au sein de leur établissement.
24:45 -Ce reportage montre deux choses.
24:47 Le poison de la rumeur continue à se propager,
24:50 pas partout, pas dans toutes les bouches,
24:52 mais surtout, il montre une fracture générationnelle
24:55 sur cette loi de 2004.
24:57 Qu'est-ce qu'on fait, Marie Cabrette ?
24:59 Quand on regarde les sondages,
25:01 on voit des jeunes français qui ne la comprennent pas
25:04 et qui considèrent que cette loi
25:06 stigmatise les musulmans.
25:08 Loi d'interdiction plus que loi de liberté.
25:11 Est-ce que c'est raté ?
25:13 Est-ce que c'est une bataille perdue
25:15 pour la jeunesse, cette laïcité ?
25:17 -Je me refuse
25:19 à ce pessimisme de bataille perdue,
25:23 mais par contre, oui,
25:25 quand plus d'un jeune
25:27 associe la laïcité à une discrimination,
25:31 la vive comme une discrimination,
25:33 oui, là, on peut dire qu'il y a un ratage
25:37 et un beau, beau, beau ratage.
25:39 -Pourquoi elle est si dure à comprendre ?
25:41 On est dans un monde ouvert,
25:43 Netflix est des réseaux sociaux,
25:45 notre modèle, c'est communautarisé à l'anglo-saxonne.
25:48 C'est l'exception française qui est incomprise par la jeunesse.
25:52 C'est pas rien, quand même.
25:54 -Pourquoi vous interpeller, Rodrigo Arenas ?
25:56 -D'abord, il faut expliquer aux gens
25:58 que le seul pays au monde
26:00 dont la laïcité est intégrée dans la Constitution,
26:02 c'est la France,
26:04 et que la laïcité est un principe philosophique,
26:06 donc il faut l'enseigner,
26:08 et ensuite, c'est un principe de droit,
26:10 donc il faut l'enseigner,
26:12 et que les premières lignes confrontées à ça,
26:14 ce sont les enseignants,
26:16 ce ne sont pas les parents, d'autant plus quand ils viennent de pays
26:18 qui ne sont pas laïcs.
26:20 -On leur demande un peu trop, non, à devoir l'enseigner ?
26:22 -Je ne pense pas qu'on demande trop aux enseignants de l'enseigner,
26:24 parce que c'est leur rôle, c'est leur fonction dans la République,
26:27 c'est leur rôle démocratique.
26:29 En revanche, je pense que nous ne donnons pas les moyens de le faire,
26:32 nous ne donnons pas la reconnaissance de le faire.
26:34 Je ne vais pas rentrer ici, parce que j'ai pas envie de polémiquer là-dessus,
26:37 mais quand les enseignants disent qu'ils ne sont pas assez bien payés,
26:40 qu'ils ne sont pas assez nombreux,
26:42 qu'ils n'ont pas non plus les soutiens quand ils sont perdus,
26:45 ou qu'ils ne savent pas comment faire face à une situation compliquée...
26:48 -Vous pensez qu'en fait, quand il y a une offensive religieuse,
26:50 les moyens être mieux payés, ça permet d'y répondre ?
26:53 -Ce n'est pas nouveau. -Je vous pose la question.
26:55 -Oui, ce n'est pas nouveau.
26:56 Si nous avons une loi sur la laïcité, c'est précisément parce que,
26:59 depuis des siècles, la question de la relation entre l'Etat et les religions
27:02 se pose, qu'aujourd'hui, elle se pose par rapport à l'islam,
27:04 parce que la géopolitique s'invite de cette façon-là.
27:07 Évidemment, personne n'est dupe de Charlie Hebdo,
27:10 du Bataclan, de Samuel Paty, de Samuel...
27:12 Personne n'est dupe de cela.
27:13 Personne n'est dupe aussi du conflit israélo-palestinien,
27:16 personne n'est dupe de ce qui vient de se passer avant-hier à Moscou,
27:20 personne n'est dupe de ce qui s'est passé à Christchurch,
27:22 personne n'est dupe de ce qui se passe au centre-Afrique,
27:24 personne n'est dupe de ce qui se passe aussi en Inde,
27:26 où il y a clairement des affrontements à caractère religieux.
27:29 Donc, quand on a cette complexité du monde,
27:31 que nos enfants sont confrontés à cela, notamment par rapport aux réseaux sociaux,
27:34 oui, dans certains endroits, nous n'avons que les enseignants
27:37 pour expliquer, pour décrypter, pour éduquer.
27:39 -Alors, Astrid Panozant, les moyens d'enseigner cette laïcité,
27:44 qu'elles soient préservées, parce que c'est vrai qu'il n'y a même pas de traduction
27:48 en langue étrangère de ce mot-là.
27:51 -Je pense qu'il y a souvent des remarques qui reviennent régulièrement
27:56 sur les cours d'enseignement civique.
27:58 Ça, c'est un débat comme un serpent de mer,
28:01 et on met beaucoup de choses dans l'enseignement civique.
28:04 Donc, il y a un moment donné où il y a des injonctions contradictoires.
28:07 Ça, j'en conviens tout à fait.
28:09 Mais ce qui est intéressant de voir, c'est que les critiques de la laïcité,
28:13 elles viennent effectivement des religieux,
28:16 et en l'occurrence des milieux islamistes,
28:18 mais elles prennent aussi le visage du progressisme,
28:21 de l'antiracisme.
28:23 Voilà, c'est-à-dire que la critique contre la baïa,
28:27 la critique contre le voile, ça a été aussi vu
28:30 comme quelque chose de sexiste.
28:32 Et ça, c'est au sein même de la communauté éducative.
28:35 Le Sud 93, syndicat d'enseignants, a critiqué la loi de 1904
28:40 comme la tante de la baïa,
28:43 comme tout à fait, comme tout à fait,
28:46 comme tout à fait liberticides et sexistes.
28:49 -Ils sont tous marqués à gauche, en dehors du snalk.
28:52 -Le snalk, un peu plus à droite.
28:54 -Ca veut dire que les critiques de la laïcité
28:57 ne sont pas simplement ce que l'on croit.
28:59 -C'est ça que je veux dire.
29:01 Et ça prend aussi le visage du progressisme
29:04 et de l'égalité femmes-hommes.
29:06 -Il y a une forme d'instrumentalisation,
29:08 aussi, de la laïcité par les politiques.
29:10 Anis Roder, vous êtes sur le terrain.
29:12 Vous avez deux casquettes.
29:14 Vous êtes sur le terrain face à des élèves
29:16 qui doivent se poser des questions
29:18 et vous avez au Conseil de la laïcité
29:20 les signalements qui vous remontent.
29:22 Vous voyez bien ce qui se passe dans le pays et dans votre classe.
29:25 Comment vous faites-vous concrètement pour l'expliquer, cette loi ?
29:28 -Je rejoins ce que dit Rodrigo Arrena
29:30 sur l'idée que la laïcité, c'est d'abord une philosophie.
29:33 Il faut expliquer ce que ça veut dire.
29:35 Vous savez, les élèves, ils sont matraqués
29:38 par des discours victimaires.
29:40 Des discours victimaires qui visent à une chose,
29:42 c'est les séparer.
29:44 Et faire qu'ils se séparent de la nation.
29:47 Voilà. En construisant tout un discours,
29:49 notamment par les réseaux sociaux
29:51 et surtout par les réseaux sociaux,
29:53 discours qui, en plus,
29:55 vient s'ajouter
29:58 à un soft power américain extrêmement puissant
30:02 qui fait qu'aujourd'hui, les jeunes
30:04 pensent un peu comme McDo,
30:06 c'est-à-dire "Venez comme vous êtes".
30:08 Et donc, c'est beaucoup plus facile,
30:10 si vous voulez, de dire "c'est ma liberté"
30:12 que de réfléchir philosophiquement
30:14 à ce que signifie le principe de la laïcité.
30:16 Donc il faut aller dans le dur et leur expliquer les choses.
30:19 -Mais tous les enseignants n'ont pas votre charisme
30:22 et votre autorité pour y parvenir.
30:24 C'est des vrais sujets.
30:26 Est-ce qu'il y a assez de soutien, des académies,
30:28 des rectorats, du ministère, des cellules d'écoute ?
30:31 Les moyens, ça pèse aussi.
30:33 -Je pense que pendant longtemps,
30:35 il n'y a pas eu ce soutien.
30:37 Je me souviens parfaitement,
30:39 quand j'ai commencé à dénoncer, au début des années 2000,
30:41 Asselineau le disait, il y a plus de 20 ans,
30:43 on a commencé à dénoncer ce qui s'apparentait,
30:46 en réalité, au premier signe
30:48 du progrès de l'islamisme
30:51 dans les écoles et autour.
30:53 On a commencé à le dire.
30:55 Non seulement on n'a pas été écouté,
30:57 mais en plus, on nous a traité...
30:59 -De raciste. -De raciste,
31:01 de tout ce que vous voulez.
31:03 On a dit que j'étais de droite, c'est connu,
31:05 la Fondation Jean-Ré, c'est très à droite,
31:07 c'est bien connu, donc peu importe.
31:09 Et même l'Education nationale
31:11 a eu du mal à regarder cela en face.
31:13 Et il a fallu des événements
31:15 dramatiques, en réalité.
31:17 Je pense bien sûr à Charlie,
31:19 mais même pas Charlie, même pas ce qui s'est passé
31:21 à Toulouse avec l'assassinat des enfants
31:23 juifs dans cette école.
31:25 Il a fallu Samuel Paty et Dominique Bernard.
31:27 Surtout Samuel Paty qui a fait basculer les choses.
31:29 Et là, effectivement, le ministère,
31:31 Jean-Michel Blanquer avait pris conscience des choses avant,
31:33 il avait mis en place le Conseil des sages,
31:35 les équipes Valeurs de la République dans les académies avant.
31:37 Donc il avait vu venir les choses
31:39 et il le voyait.
31:41 Mais il a fallu des drames pour qu'on accepte
31:43 enfin de regarder cette réalité en face.
31:45 Mais quand je dis "on", tout le monde...
31:47 -Donc vous nous dites, il y a quand même
31:49 une amorce comme ça de moyens
31:51 sur la table pour que les enseignants
31:53 soient moins seuls.
31:55 Marie Cabrette, vous êtes rassurée
31:57 quand on entend ça ?
31:59 C'est vrai qu'il y a des cellules d'écoute,
32:01 des référents aux laïcités,
32:03 maintenant, il y a des signalements.
32:05 On a l'impression que, je dirais pas,
32:07 la peur a changé de camp, mais en tout cas,
32:09 il y a un peu plus de soutien.
32:11 C'est suffisant ?
32:13 -C'est toute la question, le "un peu plus de soutien",
32:15 qu'est-ce qu'il signifie ?
32:17 Évidemment, on attend des actes.
32:19 Et qu'est-ce qu'il signifie, notamment,
32:21 et ça vient d'être rappelé,
32:23 parce qu'on a beaucoup parlé, effectivement,
32:25 de l'attitude du gouvernement,
32:27 mais ça fait des décennies,
32:29 c'est pas récent, ce fameux pas de vague,
32:31 l'idée, surtout, de ne pas faire de vagues,
32:33 ce pas de vague,
32:35 il s'est confronté, quand même,
32:37 et ça a été, finalement,
32:39 leur meilleur allié, à des syndicats
32:41 qui ont refusé le réel,
32:43 qui ont refusé de nommer le réel.
32:45 Et que, quand on nommait le réel,
32:47 et le "on", ce sont des lanceurs d'alerte,
32:49 quand on nommait le réel, tu viens de le dire,
32:51 on était axés, alors, de raciste,
32:53 de vouloir stigmatiser
32:55 la communauté musulmane
32:57 de fascistes, et je mets des guillemets
32:59 d'islamophobe, une accusation
33:01 dont on connaît les possibles conséquences.
33:03 - Rodrigo Arenas,
33:05 quelques solutions.
33:07 Je voudrais qu'on termine vraiment sur du très concret.
33:09 Est-ce qu'il faut embarquer
33:11 davantage les parents, est-ce qu'il faut former les parents
33:13 à cette loi, après tout, pour qu'elles ne deviennent
33:15 pas un obstacle, éventuellement, pour leurs enfants ?
33:17 - Moi, je suis originaire d'Amérique du Sud,
33:19 dans laquelle la laïcité, avec l'opus déi aussi puissante qu'elle est,
33:21 dans les écoles publiques, ça se déguise en souvenir.
33:23 La question qui se pose, aujourd'hui, c'est que
33:25 vous avez un changement de civilisation.
33:27 C'est-à-dire que nous, nous avons appris
33:29 globalement à naviguer
33:31 le monde sur le papier.
33:33 Aujourd'hui, nos enfants ne sont pas éduqués, les parents non plus,
33:35 à naviguer sur l'Internet.
33:37 Donc, quand les enseignants ne savent pas le faire,
33:39 parce qu'ils ne sont pas formés pour ça, que nous avons changé de monde,
33:41 eh bien, c'est très difficile de le faire.
33:43 Et je pense que, par exemple, d'avoir retiré
33:45 203 heures de cours aux élèves
33:47 de bac pro,
33:49 que la philosophie est enseignée
33:51 de façon expérimentale dans certaines académies,
33:53 je pense que nous avons tort.
33:55 Je préconise depuis de nombreuses années d'enseigner
33:57 la philosophie et le droit de délai maternel,
33:59 évidemment sous forme d'atelier, ce n'est pas des cours magistraux.
34:01 Je pense que, oui, il y a de l'espoir.
34:03 Je pense que les nouvelles générations feront mieux que nous,
34:05 parce qu'elles sont dans ce monde-là.
34:07 Donc, il y a, aujourd'hui, des situations extrêmes
34:09 qui se mettent en oeuvre.
34:11 Mais rappelez-vous, comme ça a été le cas il y a quelques années,
34:13 j'ai peut-être la chance d'être de cette génération
34:15 qui a connu le plastiquage
34:17 du cinéma à Saint-Michel,
34:19 qui voulait remettre en question la diffusion
34:21 de "La dernière tentation du Christ".
34:23 Donc, ce n'est pas...
34:25 Comparaison n'est pas raison,
34:27 mais nous avons changé de civilisation, nous sommes confrontés
34:29 à autre chose, et faire travailler les enseignants
34:31 avec les parents et les politiques,
34:33 les journaux, les associations,
34:35 c'est non seulement nécessaire, mais c'est indispensable.
34:37 -Et les jeunes filles aussi, parfois, qui refusent de se dévoiler, il faut les écouter.
34:39 -Et je finirai par vous dire, si vous permettez,
34:41 d'être aussi exigeants avec les écoles privées et confessionnelles
34:43 qu'avec les écoles publiques,
34:45 on pointe souvent du doigt les écoles publiques,
34:47 mais dans le privé, je pense que la laïcité,
34:49 on peut en discuter très longuement.
34:51 -Ca sera l'objet d'un autre débat. Je vous laisse le mot de la fin,
34:53 quelques pistes concrètes.
34:55 -Alors, une des pistes concrètes, j'en avais discuté
34:57 avec Eric Gébensécry,
34:59 le scénariste de "La fièvre",
35:01 sur Canal+
35:03 -Vous m'avez invité dans ma circonscription pour une réunion publique,
35:05 et on avait évoqué ensemble
35:07 l'école des parents,
35:09 parce que c'est vrai qu'on commence à être un petit peu
35:11 dépassés en tant que parents,
35:13 les réseaux sociaux...
35:15 Et je pense qu'il y a un vrai sujet
35:17 autour de comment est-ce qu'on éduque
35:19 aujourd'hui nos enfants. C'est une affaire privée,
35:21 mais qui a de telles répercussions.
35:23 Et je pense que sur le sujet de la laïcité,
35:25 il y a ce besoin aussi de pouvoir
35:27 former les familles. -Merci.
35:29 Merci beaucoup d'être revenue sur
35:31 le plateau de LCP pour ce débat.
35:33 Vous restez avec moi, Lédie Selvert.
35:35 Dans une dizaine de minutes, les partis prises de nos
35:37 affranchis, ce soir à nous,
35:39 l'autonomie, ce sera dans le billet politique
35:41 de Yael Ghos, après l'adoption
35:43 par l'Assemblée de Corse du projet constitutionnel,
35:45 le regard du philosophe Nathan Devers
35:47 sur la loi du talion,
35:49 en Russie, envers les terroristes de Moscou,
35:51 et puis on ira à Kiev ce soir, en duplex
35:53 avec Elsa Mondingava,
35:55 pour un bourbon express spécial, puisqu'elle suit
35:57 la présidente de l'Assemblée nationale
35:59 là-bas. Mais d'abord, on va
36:01 prendre le temps, Lédie Selvert,
36:03 le temps de nous plonger dans
36:05 votre éloge de la lenteur,
36:07 ralentir, à l'heure où tout s'accélère,
36:09 savourer le fariniente,
36:11 le plaisir de ne rien faire.
36:13 Depuis toujours, nous aimons les dimanches,
36:15 c'est à lire au seuil,
36:17 et c'est un texte plaidoyer,
36:19 poétique et très politique. Regardez,
36:21 c'est dans l'invitation d'Hélène Bonduelle,
36:23 interview juste après.
36:25 Si on vous invite,
36:29 Lédie Selvert...
36:31 Quel jour merveilleux,
36:33 le dimanche.
36:35 Aujourd'hui,
36:37 tu n'es pas pressée.
36:39 C'est parce que, comme vous,
36:41 depuis toujours, nous aimons les dimanches.
36:43 Psychiatre et écrivaine,
36:47 lauréate du prix Goncourt en 2014,
36:49 Lédie Selvert, dans votre
36:51 dernier ouvrage, vous faites l'éloge
36:53 du repos dominical.
36:55 Vous louez la paresse.
36:57 Vous en faites même un programme
36:59 poétique et politique,
37:01 contre ceux que vous appelez
37:03 les apologistes du travail des autres,
37:05 quitte à être condamnés
37:07 pour crime de laisse capitale.
37:09 D'ailleurs, vous reprenez le slogan
37:11 de 1953 de l'écrivain anarchiste
37:13 Guy Debord,
37:15 "Ne travaillez jamais".
37:17 La lenteur contre l'obsession
37:19 de la productivité,
37:21 contre ces amusettes charmantes
37:23 grâce auxquelles on s'épuise à se désennuyer,
37:25 un temps pour soi,
37:27 un temps de liberté intérieure.
37:29 Le fameux droit à la paresse
37:31 du socialiste Paul Lafargue,
37:33 qui inspira aussi
37:35 Georges Moustaki.
37:37 Je t'enseignerai
37:39 les vertus de ce péché
37:41 si répandu
37:43 mais toujours trahi,
37:45 la paresse.
37:47 C'est une nécessité
37:49 biologique,
37:51 parce que la paresse
37:53 est un régulateur,
37:55 je veux dire,
37:57 qui compense
37:59 notre hystérie laborieuse,
38:01 notre désir.
38:03 Écrit comme un manifeste,
38:05 ce livre élabore une réflexion
38:07 avec des pics de colère,
38:09 d'humour aussi,
38:11 sur la place du travail,
38:13 après le Covid,
38:15 après la réforme des retraites aussi.
38:17 Autour de moi, plein de gens
38:19 disaient le manque de sens qu'ils trouvaient
38:21 à travailler souvent.
38:23 Il y a parallèlement une surdité
38:25 ou une indifférence des politiques
38:27 qui est, je trouve, absolument sidérante
38:29 et qui, eux, continuent
38:31 à se gargariser de la valeur travail.
38:33 Une nation du travail, c'est une nation
38:35 prospère et donc une nation fière.
38:37 On doit mieux s'en sortir quand on travaille
38:39 que quand on ne travaille pas.
38:41 Le principe est simple,
38:43 inciter au travail, toujours et tout le temps.
38:45 Ralentir,
38:47 avoir du temps pour soi,
38:49 c'est ce à quoi aspire la jeune génération.
38:51 Alors, Lydie Salver,
38:53 nous avons une question.
38:55 Pensez-vous que cette génération
38:57 nous fera vraiment ralentir ?
38:59 - Je remarque
39:01 chez de nombreux jeunes gens
39:03 une interrogation, justement,
39:05 sur le travail,
39:07 sur le désir que le travail ne vous mange pas la vie.
39:09 - Elle vous intéresse, cette jeune génération ?
39:11 - Bien sûr.
39:13 - Elle met des limites au tout-travail ?
39:15 - Bien sûr, bien sûr.
39:17 La paresse, ça n'est pas ne rien faire.
39:19 - Allez-y, alors. Qu'est-ce que c'est pour vous ?
39:21 - La paresse, c'est faire mille choses
39:23 mais qui n'obéissent pas aux lois
39:25 de la paresse, à savoir le profit,
39:27 la production à tout prix,
39:29 la rentabilité, etc.
39:31 - La création de besoins dont on n'a pas besoin.
39:33 - Voilà, exactement.
39:35 - Reprenons le fil de ce récit.
39:37 D'abord, la narration est très originale.
39:39 Salver se met en scène,
39:41 se cabre,
39:43 se recadre, parfois,
39:45 avec beaucoup d'humour, mais ça n'est pas elle qui parle,
39:47 c'est nous.
39:49 C'est qui, ce "nous" qui, depuis toujours,
39:51 aimons les dimanches ?
39:53 - C'est le "nous" de tous ceux
39:55 qui sont malheureux
39:57 avec le mal-travail
39:59 ou qui se posent la question
40:01 du mal-travail et qui essaient
40:03 de trouver des solutions.
40:05 - Questions qui ont explosé après le Covid
40:07 et la réforme des retraites.
40:09 - Absolument.
40:11 - Vous avez fait une découverte ?
40:13 - Oui, ça ne s'était jamais
40:15 autant dit, je crois,
40:17 cette crise du travail.
40:19 Donc je me suis penchée sur la question du travail
40:21 pour découvrir que c'était
40:23 une invention récente, le travail.
40:25 - C'est-à-dire ?
40:27 - C'est-à-dire qu'avant la révolution industrielle,
40:29 le travail est un moyen
40:31 pour satisfaire à des besoins.
40:33 Avec la révolution industrielle,
40:35 le travail...
40:37 - Crée les besoins.
40:39 - Oui, est un moyen
40:41 pour créer et créer
40:43 sans cesse des besoins.
40:45 Ce qui change complètement
40:47 son sens, son statut,
40:49 son importance, etc.
40:51 - Alors justement, ce discours sur le travail
40:53 qui vient donner du sens à la vie,
40:55 une forme de comblement
40:57 d'un désir,
40:59 le travail comme émancipation,
41:01 ça vous hérisse, mais alors totalement.
41:03 C'est une vraie colère
41:05 qu'on sent dans ce livre.
41:07 - Oui, parce que j'ai eu un père,
41:09 je l'ai dit quelques fois déjà,
41:11 qui était ouvrier maçon
41:13 et qui arrivait chez lui le soir
41:15 brisé, vraiment brisé, fatigué.
41:17 Il disait "je suis mort,
41:19 "laissez-moi, je suis mort".
41:21 On ne peut pas me faire croire
41:23 que dans les conditions
41:25 dans lesquelles mon père travaillait,
41:27 le travail était pour lui émancipateur.
41:29 Ca n'est pas possible, je ne peux pas le croire.
41:31 Et tant d'autres... - C'est pour lui aussi
41:33 que vous écrivez, ou pour cette femme de ménage
41:35 qui se lève à 5h du matin
41:37 pour aller nettoyer des chambres d'hôtel.
41:39 C'est pour elle que vous écrivez aussi.
41:41 - Bien sûr, et qui doit faire 4 chambres
41:43 dans un hôtel en une heure.
41:45 Je ne sais pas si vous voyez
41:47 la précipitation que ça suppose
41:49 et la pénibilité aussi.
41:51 - Le travail,
41:53 ils en ont fait un dogme
41:55 tout en étant dans le déni monstrueux
41:57 de ces failles, écrivez-vous.
41:59 "Ils", ces messieurs.
42:01 Souvent, vous dites "ces messieurs".
42:03 C'est masculin, c'est machiste, le travail.
42:05 C'est qui, ce "ils",
42:07 est-ce que c'est ceux qui nous gouvernent,
42:09 les entreprises, le CAC 40 ?
42:11 - Ben...
42:13 Marcel définissait très bien la chose.
42:15 Il disait, il y a ceux
42:17 qui font le travail pénible
42:19 et qui sont mal payés,
42:21 il y a ceux qui commandent aux autres
42:23 de faire ce travail
42:25 dont moins pénible est mieux payé,
42:27 et puis il y a ceux
42:29 qui en tirent profit pour eux-mêmes
42:31 et pour leur firme, etc.
42:33 - Les fameux apologistes du travail des autres,
42:35 que vous reprenez.
42:37 Il a existé ce débat pourtant
42:39 parmi nos politiques, vous l'avez entendu,
42:41 avec Andrine Rousseau, qui a dit,
42:43 comme vous, avec Paul Laffargue,
42:45 son éloge de la paresse,
42:47 que le travail n'était pas une valeur en soi,
42:49 puis un autre,
42:51 Roussel, cette fois-ci, Fabien,
42:53 le communiste, qui lui a dit
42:55 "Pas du tout, nous, on est la gauche du travail,
42:57 "pas celle des allocations."
42:59 Qu'en avez-vous pensé ?
43:01 Est-ce qu'il était à la hauteur, ce débat-là ?
43:03 Est-ce que les politiques s'en sont emparées
43:05 suffisamment ?
43:07 - Je trouve que non.
43:09 Je suis vraiment surprise
43:11 par la surdité ou le déni
43:13 ou l'indifférence, je ne sais comment dire,
43:15 devant ces questions
43:17 soulevées par tous ces gens
43:19 qui se plaignent du travail.
43:21 - François Ruffin, lui, il dit
43:23 "En fait, il y a une fierté dans le travail."
43:25 On l'a perdue, cette fierté,
43:27 parce qu'on n'a plus le sens
43:29 de notre utilité.
43:31 Vous y voyez-vous aussi, une forme de fierté ?
43:33 Ou vraiment pas, au fond, le travail,
43:35 il faut revenir avant l'ère industrielle,
43:37 et ne pas simplement répondre
43:39 à des besoins pour vivre ?
43:41 - Ou trouver ce plaisir de l'artisan,
43:43 fier de l'objet
43:45 qu'il avait fabriqué,
43:47 même si ça lui avait coûté
43:49 un temps et une pénibilité
43:51 infinies.
43:53 Or, la plupart
43:55 des gens ne voient pas
43:57 l'objet
43:59 de leur travail,
44:01 enfin, n'en profitent pas.
44:03 - Ne comprennent pas à quoi ils servent.
44:05 - Et grâce aux apologistes du travail
44:07 que vous dénoncez,
44:09 il y a la paresse.
44:11 La paresse est un art subtil, discret
44:13 et bienfaisant,
44:15 écrivez-vous.
44:17 C'est une forme de sagesse, aussi ?
44:19 - C'est Laroche Foucault,
44:21 un moraliste du XVIIe, qui disait
44:23 que la paresse nous incline
44:25 vers des vertus paisibles.
44:27 Il disait
44:29 "La paresse de mentir
44:31 nous rend sincères.
44:33 La paresse d'intriguer
44:35 nous rend honnêtes. La paresse
44:37 de se disputer avec d'autres nous rend pacifiques."
44:39 Et il finissait par dire
44:41 "Le paresseux
44:43 a très peu d'efforts à faire pour paraître bon."
44:45 - Et il y a
44:47 une forme politique aussi dans la paresse,
44:49 une invitation à la révolte.
44:51 Est-ce qu'être paresseux,
44:53 c'est désobéir ?
44:55 - C'est ce qui apparaît quand
44:57 on voit, d'une part,
44:59 ceux qui font l'éloge
45:01 de la valeur-travail,
45:03 du culte-travail, etc.
45:05 Et parallèlement, tous les poètes,
45:07 des écrivains et des philosophes
45:09 qui brandissent la paresse
45:11 comme contestation de la valeur-travail,
45:13 comme une chose
45:15 subversive par rapport à la valeur-travail.
45:17 Là, on pourrait faire la liste
45:19 de tous ceux qui...
45:21 - Et dans la paresse, en tout cas dans "Le travail est moins",
45:23 il y a la lecture.
45:25 "Travaillez moins pour lire plus,
45:27 puisque la lecture,
45:29 écrivez-vous, s'acoquine merveilleusement
45:31 avec la paresse.
45:33 Les bons, les vrais lecteurs sont toujours de fiéfés paresseux.
45:35 Travaillez moins pour lire immodérément,
45:37 jouissivement, vicieusement,
45:39 certains diraient dangereusement,
45:41 écrivez-vous."
45:43 - Oui, lire,
45:45 laisser toute sa place à la poésie,
45:47 apprendre à contempler les choses,
45:49 revenir vers soi,
45:51 prendre soin des autres,
45:53 toutes ces choses qui sont incantifiables
45:55 et qui font le sel de la vie.
45:57 - "Ne jamais travailler". - Si !
45:59 - Parce que vous y allez fort, Lédie Selver.
46:01 "Ne jamais travailler",
46:03 c'est le slogan de Guy Debord.
46:05 Vous l'avez mis sur le bandeau de votre livre.
46:07 Faut assumer.
46:09 "Ne travaillez jamais", pardon.
46:11 - Oui, oui, mais bien sûr que...
46:13 C'était le rêve de...
46:15 de Keynes, je crois,
46:17 qui était un économiste libéral
46:19 et qui disait, grâce à l'informatique,
46:21 grâce au progrès technologique
46:23 et à l'abondance des ressources,
46:25 "Dans le jour où nous ne travaillerions plus,
46:27 on n'en est pas là."
46:29 Il faut encore travailler
46:31 pour subsister,
46:33 pour subvenir aux besoins.
46:35 - C'est passionnant à vous lire
46:37 parce que vous citez les poètes,
46:39 les philosophes,
46:41 vous puisez chez Sénèque,
46:43 chez Diogène, Spinoza, Proust, et même Freud.
46:45 Je rappelle que vous êtes psychiatre.
46:47 Freud considérait le travail comme une calamité ?
46:49 - Il disait...
46:51 Mais une calamité nécessaire.
46:53 Il disait, pour ne pas être envahi
46:55 par nos pulsions,
46:57 par nos instants, etc.,
46:59 une bonne dose de travail
47:01 vient les réfréner.
47:03 - Oui, la limite par le travail,
47:05 si on peut dire.
47:07 Depuis toujours, nous aimons les dimanches.
47:09 À l'avenir,
47:11 vous y croyez,
47:13 à des dimanches éternels ?
47:15 On va en finir avec la fixation du travail
47:17 à 15 heures par semaine ?
47:19 - J'ai du mal à croire
47:21 que c'est pour tout de suite.
47:23 - En tout cas, c'est un horizon.
47:25 Ne plus se définir que comme ça.
47:27 Merci beaucoup. - Merci à vous.
47:29 - Il faut vous lire, d'abord pour la langue,
47:31 parce que c'est un très beau texte.
47:33 Magnifique, plein d'humour
47:35 et plein d'énergie aussi.
47:37 Allez, vous restez avec moi, c'est l'heure
47:39 des parties prises de nos affranchis.
47:41 (Générique)
47:45 ---
47:47 - Et ils sont deux en plateau ce soir,
47:49 Yael Gauze, éditorialiste à France Inter,
47:51 tous les matins, 7h40,
47:53 et Nathan Devers, pour son billet philo,
47:55 qui vient de temps en temps,
47:57 toujours avec plaisir, nous rendre visite.
47:59 On va commencer avec vous, Yael.
48:01 La perspective d'une autonomie Corse
48:03 dans la République est de moins en moins théorique.
48:05 - Oui, depuis hier soir,
48:07 depuis l'adoption à une large majorité
48:09 par l'Assemblée de Corse à Ajaccio
48:11 du texte qui était négocié il y a deux semaines,
48:13 vous vous souvenez, Place Beauvau,
48:15 au ministère de l'Intérieur,
48:17 c'était la condition sine qua non,
48:19 ce vote, hier soir, en Corse,
48:21 le goût nécessaire pour pouvoir aller plus loin,
48:23 il fallait d'abord ce consensus
48:25 à la base, localement,
48:27 et il a été trouvé.
48:29 Gilles Simeoni, l'autonomiste
48:31 qui était la tête de la collectivité Corse,
48:33 salue un moment démocratique très puissant.
48:35 Maintenant, le texte va pouvoir cheminer
48:37 à Paris, dans les chambres,
48:39 à l'Assemblée et au Sénat,
48:41 qui devront tous les deux se mettre d'accord
48:43 avant qu'une révision de la Constitution
48:45 puisse se faire, éventuellement,
48:47 via un vote en Congrès à Versailles
48:49 à la majorité des 3/5e.
48:51 - C'est le début du film, seulement.
48:53 - Seulement le début, parce que cette autonomie Corse
48:55 n'est pas du tout du goût de la droite
48:57 au Sénat. Il y aura sûrement
48:59 un barrage LR, par crainte
49:01 de voir l'unité de l'Etat se déliter,
49:03 se fissurer, et la fièvre autonomiste
49:05 faire tâche d'huile.
49:07 D'ailleurs, ce qui est intéressant dans le vote d'hier soir à Ajaccio,
49:09 c'est que vous avez quasiment un quart
49:11 des élus corses qui ont refusé
49:13 la délégation d'un pouvoir normatif,
49:15 autrement dit, le droit
49:17 de pouvoir légiférer localement
49:19 par eux-mêmes. Et il est là le point
49:21 de crispation centrale
49:23 dans ce nouveau processus institutionnel.
49:25 Comment encadrer
49:27 le droit d'une collectivité
49:29 à s'émanciper
49:31 de la loi nationale ?
49:33 - Oui. Alors, est-ce que vous craignez que ça fasse tâche d'huile,
49:35 justement, cette autonomie Corse ?
49:37 - Le "pourquoi pas moi et la Corse et pas moi ?"
49:39 Oui, ça commence, a commencé.
49:41 Et ça réactive le procès des grandes régions
49:43 et les frustrations du redécoupage
49:45 2015, Valls-Hollande,
49:47 je sais pas si vous vous souvenez, 13 grandes régions,
49:49 l'Alsace veut quitter
49:51 le Grand Est, jamais la Bourgogne
49:53 ne s'est sentie aussi éloignée
49:55 de la Franche-Comté, la Bretagne réclame
49:57 ses compétences propres, la Guyane
49:59 a dit à Emmanuel Macron mardi qu'elle voulait
50:01 faire comme la Corse, et Valérie Pécresse
50:03 en Ile-de-France demande à Emmanuel Macron
50:05 un choc de décentralisation.
50:07 Voilà, mais pardon, moi, en fait,
50:09 je trouve ça sain, cette volonté
50:11 de rééquilibrer les choses,
50:13 cette petite respiration girondine.
50:15 - Pourquoi ? - Bah, ce qui se passe en Corse,
50:17 c'est l'accord le plus ambitieux
50:19 jamais trouvé depuis 82 et les lois de fer.
50:21 Et on revient de loin,
50:23 il y a deux ans, je sais pas si vous vous souvenez,
50:25 bataille rangée, violence, blessés dans les rues de Bastia,
50:27 après la mort en prison
50:29 d'Ivan Colonna. Pourquoi ne pas y voir
50:31 maintenant un signe de maturité
50:33 comme dans tant d'autres
50:35 pays européens qui n'ont pas grandi
50:37 avec ce culte de la capitale et de ses provinces
50:39 en périphérie ? Déléguer
50:41 au local, c'est aussi responsabiliser
50:43 et transférer le paratonnerre
50:45 politique pour que ce ne soit pas toujours Jupiter
50:47 à Paris qui prenne la foudre. Ça responsabilise.
50:49 Une loi s'applique d'autant mieux
50:51 si elle est adaptée au terrain,
50:53 pas avec des décrets qui tombent de Paris.
50:55 Mais attention, ça c'est vrai, à condition
50:57 d'assumer son bilan, à condition
50:59 de pas se défausser
51:01 sur l'Etat alors qu'on est devant ses électeurs.
51:03 C'est bien ce donnant-donnant
51:05 qui reste à inventer et c'est la mission
51:07 qui incombe en ce moment à Eric Woerth,
51:09 en charge d'un rapport sur la décentralisation
51:11 du feuille territorial, conclusion attendue
51:13 d'Emmumer, on espère qu'il fera bouger
51:15 les lignes pour que ce ne soit pas seulement
51:17 une affaire d'élus qui lise la Gazette des Communes,
51:19 mais bien un chantier démocratique
51:21 capable de casser la défiance
51:23 et l'indifférence des Français envers la chose publique.
51:25 - Merci beaucoup, en voilà un parti pris.
51:27 Il a raison, Yael Gauze, Lili Salverd.
51:29 - Je suis d'accord avec vous. - La maturité de l'autonomie.
51:31 - Absolument.
51:33 - Vous avez des revendications régionales ?
51:35 Je crois que vous vivez dans le Sud, non ?
51:37 - Aucune, aucune. - Aucune ? Allez.
51:39 Nathan, vous vouliez revenir
51:41 sur une image des attentats
51:43 à Moscou, celle des quatre individus
51:45 suspectés d'avoir commis l'attaque,
51:47 arrêtés et torturés
51:49 par les forces russes.
51:51 - Oui, je voulais revenir en effet sur les images
51:53 de l'attentat de Moscou.
51:55 Parce qu'il me semble que c'est une des singularités
51:57 de l'attentat moderne
51:59 que de se présenter tout à la fois comme horreur,
52:01 inutile de faire un dessin,
52:03 et comme ce que Derrida
52:05 appelait "spectacle" au sujet du 11 septembre.
52:07 C'est-à-dire qu'un attentat moderne
52:09 vient toujours percuter
52:11 la manière dont une société
52:13 fabrique ses images, que ce soit
52:15 par la télévision en continu qui commençait à l'époque
52:17 du 11 septembre, que ce soit par les réseaux sociaux
52:19 aujourd'hui, etc.
52:21 Et les images de l'attentat de Moscou, évidemment,
52:23 elles nous ont tous tétanisés, marqués, émus.
52:25 C'étaient évidemment des images
52:27 de tragédie, celles des civils
52:29 tués à l'intérieur de cette salle de concert
52:31 qui ne pouvaient pas ne pas nous rappeler
52:33 celles du Bataclan, que nous avons également
52:35 vues secrétées et
52:37 qui nous ont terrorisées, mais c'était aussi,
52:39 et c'est le paradoxe, moi, qui m'a interpellé,
52:41 c'est que dans les images des gens qui ont été
52:43 physiquement blessés par cet attentat,
52:45 il y a paradoxalement l'image de ces quatre
52:47 suspects, terroristes,
52:49 qui ont été arrêtés
52:51 par les forces russes,
52:53 et qui ont été, qu'on voit, non floutés.
52:55 C'était terrible à voir.
52:57 Et qui ont été torturés juste après leur arrestation.
52:59 Je suis désolé de donner les détails,
53:01 mais l'un à qui on a coupé l'oreille
53:03 en lui demandant de la manger,
53:05 l'autre qu'on a électrocuté au niveau des testicules,
53:07 l'autre à qui on a arraché des dents,
53:09 et puis le dernier, enfin, qui est arrivé,
53:11 qu'on voit, au tribunal, dans un état quasiment
53:13 comateux, avec une sonde urinaire,
53:15 comme si la Russie
53:17 avait fait le choix
53:19 en exhibant ces actes de torture
53:21 de montrer qu'il fallait répondre
53:23 naturellement, en tout cas qu'elle s'honorait
53:25 de répondre naturellement, automatiquement,
53:27 comme la réplique au séisme, à celle
53:29 de l'attentat de Moscou.
53:31 - La réponse par la barbarie, d'une certaine manière,
53:33 c'est la spirale de la vengeance, c'est ça ?
53:35 - Oui, et en voyant ces images, je n'ai pas pu
53:37 m'empêcher de repenser à la phrase
53:39 d'Antoine Léry, ce soir du Bataclan,
53:41 "Vous n'aurez pas ma haine", et à la manière
53:43 dont nous avions réagi au Bataclan. Cette manière
53:45 de dire que la résistance était de continuer
53:47 à aller en terrasse, cette manière
53:49 d'honorer les bougies et les fleurs,
53:51 cette manière de rester très attaché
53:53 à notre humanisme. Il y avait des voix, à l'époque,
53:55 en France, et qu'il y a toujours, pour dire
53:57 "Ca suffit, les bougies et les fleurs, ça suffit
53:59 de respecter les droits de l'homme, même vis-à-vis
54:01 des terroristes, de leur donner des avocats,
54:03 de leur faire des procès." Mais il me semble que les images
54:05 de Moscou sont la réponse concrète
54:07 à ces voix-là. Si précisément,
54:09 la seule réponse possible à la terreur
54:11 est le refus de la force, le respect
54:13 inconditionnel du droit, pour trois raisons.
54:15 Parce que quand on recourt à la torture,
54:17 premièrement, c'est une lapalisade, on s'interdit
54:19 de faire une enquête, on va faire avouer
54:21 ce qu'on veut entendre aux personnes. Deuxièmement,
54:23 c'est un retour cathartique à la barbarie
54:25 destinée à camoufler
54:27 les échecs sécuritaires, la faiblesse d'un pays.
54:29 Et troisièmement, et c'est le principal, c'est une forme
54:31 de nihilisme, à l'image du monde
54:33 qui se dessine demain, peut-être,
54:35 où la seule réponse possible
54:37 aux monstrueux, c'est de la monstruosité.
54:39 - Merci.
54:41 Il touche juste, Nathan Devers.
54:43 - Oui, vraiment. - Toujours.
54:45 - Bravo. - Merci beaucoup, Nathan.
54:47 - Allez, on laisse un peu de temps parce qu'on va terminer
54:49 par un Bourbon Express un peu spécial.
54:51 C'est la grande histoire de l'Assemblée et du jour
54:53 qui se déroule à Kiev. Vous allez voir.
54:55 [Musique]
55:03 Bonsoir, Elsa Mondingava.
55:05 Vous êtes donc à Kiev
55:07 et vous suivez une délégation parlementaire
55:09 emmenée par Yael Broun-Pivet
55:11 en Ukraine. Racontez-nous
55:13 qu'est-ce qu'il se passe sur place.
55:15 - Exactement, Myriam,
55:17 avec Pierre Beretta, on suit
55:19 Yael Broun-Pivet, la présidente
55:21 de l'Assemblée nationale. On va passer la journée
55:23 à Kiev, en Ukraine.
55:25 Elle est accompagnée de trois autres députés.
55:27 Valérie Rabault, la socialiste,
55:29 vice-présidente de l'Assemblée en charge des relations
55:31 internationales. Il y a aussi
55:33 Thomas Gassilou, qui est président de la commission
55:35 défendante à l'Assemblée, et puis
55:37 Benjamin Haddad, président du groupe
55:39 Amitié France-Ukraine.
55:41 Cet après-midi, ils se sont rendus
55:43 au palais présidentiel. Ils ont
55:45 rencontré le président ukrainien, Volodymyr
55:47 Zelensky. Une rencontre
55:49 franche qui a duré environ
55:51 une heure. Et à l'issue de cette rencontre,
55:53 on a demandé aux députés ce qu'attendait
55:55 d'eux le président ukrainien.
55:57 - Ils demandent
55:59 que la France
56:01 maintienne évidemment
56:03 tout le soutien qu'elle apporte aujourd'hui
56:05 à l'Ukraine. Ils demandent
56:07 que l'on continue
56:09 également à porter
56:11 ces demandes de soutien
56:13 au niveau européen et au niveau
56:15 international. D'abord, c'est un grand
56:17 honneur de pouvoir le rencontrer. Il a demandé
56:19 un soutien en armes,
56:21 en munitions.
56:23 Il a parlé de la protection aérienne
56:25 du territoire.
56:27 - Voilà, Elsa, vous êtes à Kiev encore
56:29 4 jours.
56:31 Quelle est la suite du programme ?
56:33 - Alors oui, Myriam, on est
56:35 arrivée à Kiev justement ce matin.
56:37 A vrai avoir passé la nuit d'entrain
56:39 avec la délégation et regardez sur le quai
56:41 de la gare nous attendait Rousselan Stephanchuk.
56:43 C'est le président de la
56:45 Rada, le Parlement ukrainien.
56:47 Il a accueilli donc les députés.
56:49 Les députés qui ont passé une partie de la matinée
56:51 au Parlement. Et Yael
56:53 Brontchivet y a prononcé un discours
56:55 à la rediffuse soutien indéfectible
56:57 de la France à l'Ukraine.
56:59 Et elle a eu des mots qui ont ressemblé à ceux
57:01 d'Emmanuel Macron hier.
57:03 - La Russie,
57:05 qui ne respecte aucune règle,
57:07 doit savoir
57:09 que nous ne mettons pas de limites a priori
57:11 à notre engagement.
57:13 Et que rien n'est a priori
57:15 exclu de ce qui pourrait se révéler
57:17 nécessaire pour vous appuyer,
57:19 pour défendre votre
57:21 pays et les valeurs universelles
57:23 pour lesquelles combattent vos soldats.
57:25 - Pour l'anecdote,
57:27 il y a même eu une sirène pendant son discours.
57:29 On n'a pas été obligé d'évacuer mais ça nous a bien
57:31 rappelé que le pays était en guerre. Et puis les
57:33 visites ont continué cet après-midi.
57:35 - On a eu des mots qui ont été
57:37 très bien récits.
57:39 - On a eu des mots qui ont été très bien récits.
57:41 - On a eu des mots qui ont été très bien récits.
57:43 - On a eu des mots qui ont été très bien récits.
57:45 - On a eu des mots qui ont été très bien récits.
57:47 - On a eu des mots qui ont été très bien récits.
57:49 - On a eu des mots qui ont été très bien récits.
57:51 - On a eu des mots qui ont été très bien récits.
57:53 - On a eu des mots qui ont été très bien récits.
57:55 - On a eu des mots qui ont été très bien récits.
57:57 - On a eu des mots qui ont été très bien récits.
57:59 - On a eu des mots qui ont été très bien récits.
58:01 - Depuis toujours, nous aimons les dimanches.
58:03 Même ceux qui aiment le travail apprécieront cette langue.
58:05 - Même ceux qui aiment le travail apprécieront cette langue.
58:07 - Ça ouvre le débat, ça fait respirer.
58:09 - Ça ouvre le débat, ça fait respirer.
58:11 - C'est plein d'énergie et plein d'humour.
58:13 - C'est plein d'énergie et plein d'humour.
58:15 - C'est plein d'énergie et plein d'humour.
58:17 - C'est plein d'énergie et plein d'humour.
58:19 - C'est plein d'énergie et plein d'humour.
58:21 - C'est plein d'énergie et plein d'humour.
58:23 - C'est plein d'énergie et plein d'humour.
58:25 - C'est plein d'énergie et plein d'humour.
58:27 - C'est plein d'énergie et plein d'humour.
58:29 [Générique de fin]
58:31 Merci à tous !

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