Un panel avec trois experts du marketing au sein de trois entreprises aux positionnements et enjeux parfois bien distincts : Fnac-Darty, Nestlé et Uber. L’occasion d’évoquer ce qui a changé au cours des 10 dernières années et de comprendre les défis et compétences qui animent le CMO d’aujourd’hui. Merci à Julien Le Bescond, Camille Falguière et Julie Touyarot pour leur témoignage.
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00:00 Est-ce qu'on est entré dans l'ère du marketing de la frugalité ?
00:04 Je vais peut-être commencer par vous Julien.
00:06 Est-ce que justement vous pensez qu'on est arrivé à une ère du marketing frugal
00:09 où il faut faire plus avec moins, il faut peut-être simplifier ses process,
00:13 mettre un peu de simplicité, de frugalité ?
00:17 Bonjour à tout le monde déjà.
00:19 Je pense que je suis assez jeune pour me rappeler de 2008
00:23 où effectivement on avait déjà eu une pression probablement
00:26 équivalente sur les ventes, peut-être trop jeune pour me rappeler d'une période
00:31 où on aurait eu la pression sur les ventes et sur les coûts en même temps.
00:34 Et c'est ça qui change tout je pense.
00:36 C'est qu'on n'a jamais eu des coûts aussi durs à maîtriser
00:39 et des revenus aussi compliqués à faire grimper.
00:42 Donc effectivement, on nous amène à être dans le court terme,
00:45 on nous amène à chercher des solutions de court terme
00:47 pour faire croître les business.
00:49 Et je pense que c'est ça la plus grosse pression sur les CMO aujourd'hui.
00:51 C'est comment on peut faire des choses plus efficaces,
00:54 c'est comment on voit avant les autres les opportunités de business,
00:59 comment on en fait de nouveaux produits, services ou expériences
01:02 et comment on mesure tout en permanence pour améliorer.
01:05 Donc ça c'est peut-être un premier point.
01:07 Après, ce qui est quand même bien c'est de se dire qu'il y a toujours
01:10 un équilibre entre le contrôle et l'enchantement.
01:13 Évidemment qu'en interne comme en externe, il y a un besoin de contrôle,
01:17 notamment sur le pouvoir d'achat on l'a vu, mais pas que.
01:20 Mais en revanche, si on n'enchante pas, on n'émerge pas,
01:24 on ne crée rien avec les clients.
01:26 Donc il faut toujours se rappeler quand même que la créativité,
01:29 ce qu'on proposera aux clients, ça doit rester quand même la boussole.
01:32 Le fondamental.
01:33 Vous évoquez ce sujet de mêlée croissance et rentabilité,
01:36 c'est l'enjeu numéro un chez Nestlé, vous me disiez Camille,
01:39 parce qu'on ne vous demande plus simplement de générer du chiffre d'affaires,
01:44 on vous demande surtout de générer de la marge brute en fait.
01:48 Et comment est-ce que ça a une incidence sur la manière
01:51 dont vous allez optimiser votre marketing en 2024 ?
01:54 Bonjour à tous, je suis ravie d'être là.
01:57 Donc effectivement, ça a été là sur les dernières années,
02:00 et puis sur l'année qui vient, l'enjeu clé,
02:03 comment est-ce qu'on fait l'arbitrage un peu entre croissance et rentabilité.
02:07 Je pense qu'on a été tous confrontés à ça,
02:09 enfin en tout cas dans notre secteur.
02:12 Alors c'est un arbitrage qui est très difficile à faire,
02:15 et dans l'idéal, il faut éviter de faire l'arbitrage.
02:17 Il faut justement essayer de générer de la croissance rentable,
02:22 et donc c'est tout un art.
02:25 Mais la clé pour moi, ça reste l'innovation,
02:27 des innovations qui sont rupturistes, rentables,
02:30 et je pense que c'est comme ça qu'on peut résoudre cette équation
02:33 très difficile à résoudre.
02:35 Et si on regarde le mix marketing, du coup, c'est peut-être faire moins de promos
02:38 et plus de lancement de produits, d'innovations pensées,
02:41 enfin, travailler de la rétention client, la lifetime value ?
02:45 Alors, je pense qu'il faut à la fois miser sur le court terme et sur le long terme.
02:50 Tout est essentiel, et je ne pense pas que ça change vraiment le mix marketing.
02:55 Je pense que ce qui change, c'est effectivement la façon de faire du marketing,
02:59 et comment est-ce qu'on investit.
03:02 Mais pour moi, il faut continuer à avoir cet équilibre
03:05 entre le court terme et le long terme, ça, ça ne change pas du tout.
03:08 Et si je peux juste élaborer sur le terme de marketing frugal,
03:13 je trouve que c'est intéressant comme terme,
03:15 mais je trouve que ce n'est pas très positif, en fait.
03:18 Alors que je pense que justement, c'est une période où le marketing a plein d'opportunités,
03:22 et il y a plein d'opportunités qui s'ouvrent.
03:25 Et du coup, je pense que c'est plus un marketing malin, différent,
03:29 qui doit chercher les opportunités peut-être, et les façons de mieux investir.
03:32 Un peu "gross hacking" comme disent les anglais saxons.
03:34 Exactement, comment aller "unlocker", trouver des façons de croître nouvelles,
03:41 plutôt que du frugal qui sert la ceinture.
03:45 C'est pas ça le mindset.
03:47 C'est limite positif.
03:49 Un peu défensif presque.
03:51 Dans ce genre de période, en général, le marketing, c'est aussi le premier poste qui va sauter.
03:54 Donc à la rigueur, quand on est encore début de G, parfois on se dit que c'est...
03:57 Vous ne trouvez pas que c'est la variable d'ajustement ?
03:59 Pas trop vite quand même.
04:00 Pas trop vite, mais je sais que vous êtes concerné de premier chef.
04:03 Les investissements.
04:04 Si on regarde Nestlé, c'est vrai qu'il y a eu une période où vous avez moins communiqué,
04:07 ça a été un peu plus compliqué.
04:09 Bien sûr, c'est la tendance...
04:11 La chose facile à faire, c'est de couper les investissements long terme.
04:16 Franchement, tout de suite.
04:18 Mais il faut justement résister à ça.
04:21 Parce qu'en plus, cette période va durer.
04:24 Comme vous le disiez, 2024, on va encore avoir de l'inflation.
04:27 Donc il faut résister à ça, parce que sinon, dans mon secteur,
04:31 les marques nationales ne vont pas tenir le coup.
04:34 Donc il faut vraiment continuer à investir derrière les marques.
04:36 Et on le fait.
04:38 En 2023, on l'a fait.
04:39 Et résister à ça, ça peut être comment ?
04:41 On parle beaucoup de l'influence que peut avoir le CMO sur le CFO,
04:45 de se rapprocher du CFO pour bien lui faire comprendre ses actions,
04:48 le ROI qu'il y a derrière.
04:50 C'est quoi votre plan d'action, sans trahir de secret ?
04:53 Mais est-ce que vous pouvez partager des conseils aux marketeurs qui nous écoutent ?
04:57 Je pense que ce qui est important, c'est d'avoir un CFO
05:01 qui comprenne les enjeux marketing, effectivement.
05:03 Donc bien choisir son CFO.
05:07 Ça, c'est le premier point.
05:09 Mais je pense qu'aujourd'hui, en tout cas chez Nestlé,
05:11 les CFO sont tout à fait conscients de cela.
05:14 Pourquoi aussi ?
05:15 Parce qu'on a eu tendance peut-être à désinvestir
05:17 et qu'on s'est rendu compte des conséquences.
05:21 Et notamment dans un contexte inflationniste,
05:24 où les prix ont augmenté,
05:26 on a vu nos volumes sur certaines catégories vraiment baisser.
05:30 Donc on s'est fait peur nous-mêmes.
05:32 Et je pense que suite à 2022-2023,
05:35 c'est très clair chez Nestlé
05:37 qu'on doit continuer à investir pour nos marques
05:40 sur le court terme comme sur le long terme.
05:42 Vous êtes d'accord ?
05:44 Oui, c'est intéressant parce que moi,
05:46 déjà bonjour à tous,
05:48 je travaille dans la tech,
05:50 je travaille pour Uber et Uber Eats.
05:52 Mais ce qui est hyper intéressant,
05:54 c'est que c'est exactement les mêmes problématiques.
05:57 Et je pense que même dans la tech,
05:59 on est vraiment à un moment charnière
06:01 où on a vu quand même, je pense,
06:03 sur les dix dernières années,
06:05 en tout cas, moi j'étais même chez Google avant,
06:08 un certain « désamour » pour le brand marketing
06:11 qui est assez long terme, peu mesurable, etc.
06:14 Pourquoi ? Parce que justement,
06:16 on avait cette machine de profit absolument phénoménale
06:19 qui est le performance marketing d'une part, je pense.
06:22 D'autre part, parce qu'on était dans cette ère aussi
06:25 où il y avait beaucoup de...
06:27 où l'innovation drive beaucoup de croissance.
06:30 Et donc, le nombre de fois où j'ai entendu dire
06:33 « Bon non, mais il n'y a qu'à avoir un bon produit
06:36 et puis la croissance va venir toute seule,
06:38 il n'y a pas besoin de marketing. »
06:40 Je trouve qu'en parlant avec pas mal de marketeurs
06:43 dans l'industrie, on sent qu'on revient un petit peu là-dessus.
06:47 Et on revient un petit peu là-dessus, pourquoi ?
06:50 Parce qu'on se rend compte justement,
06:52 et c'est là que je te rejoins,
06:54 que si on est trop héroïste,
06:56 si on ne fait que du performance marketing,
06:59 si on est trop short-termiste,
07:01 on n'arrive pas à construire sa marque sur le long terme.
07:05 Et ça rejoint un petit peu ce que disait Guilhem,
07:08 c'est-à-dire qu'on a quand même ces médias de masse
07:11 qui restent assez importants dans le mix
07:13 et on se rend compte qu'on a quand même besoin
07:16 de construire la marque sur le long terme.
07:18 Et que si on ne le fait pas,
07:20 dès qu'il y a un nouvel entrant qui arrive
07:22 et qui coupe un peu les prix,
07:24 il prend des parts de marché tout de suite.
07:26 Du coup, panique à bord,
07:27 il dit "ah, il faut couper les prix nous aussi".
07:29 On coupe les prix,
07:30 du coup les consos sont encore plus sensibles au prix.
07:33 Ah ben du coup, on recute les prix
07:35 et puis c'est le cycle infernal
07:37 avec les marges qui s'érodent, etc.
07:39 Et donc on se rend compte, en fait,
07:41 et nous même dans certains marchés,
07:43 chez Uber, on l'a vécu ce truc-là,
07:46 on se rend compte que si on n'investit pas
07:49 sur le long terme dans la marque,
07:51 on ne génère pas de croissance long terme.
07:55 Je pense que l'enjeu, et c'est hyper intéressant pour nous aussi,
07:58 c'est vraiment d'arriver à piloter.
08:00 Alors évidemment, il faut absolument continuer
08:02 à faire du performance marketing très mesuré
08:04 et très short terme,
08:06 mais tout l'enjeu, il est de se dire
08:08 comment je vais balancer, équilibrer ça
08:10 avec des investissements qui vont être
08:12 beaucoup plus long terme
08:14 et qui vont permettre de construire la marque
08:16 et la croissance sur le long terme.
08:18 C'est un discours qui est audible auprès de vos stakeholders
08:20 et de votre hiérarchie aujourd'hui,
08:22 de leur dire "ok, peut-être que ce mix média à court terme,
08:24 il permet de générer beaucoup de ventes,
08:26 donc c'est cool pour 2024, en revanche,
08:28 attention pour 2025, il faut peut-être qu'on travaille
08:30 un peu plus le haut du fennel".
08:32 Est-ce que vous arrivez à faire entendre ce discours-là ?
08:34 Oui, parce qu'en fait, on a eu la chance
08:36 de commencer à investir dans la marque assez tôt
08:39 et de voir que ça marchait.
08:41 Et du coup, on a réussi à démontrer
08:44 que cet investissement sur le long terme
08:47 couplé aux investissements court terme,
08:49 en fait, il marchait.
08:51 Et donc on en revient, on a différents outils
08:53 de mesure à la fois business, à la fois brinde,
08:55 à la fois en data.
08:57 Mais oui, on a réussi à montrer ça
08:59 et donc du coup, il y a une certaine conviction,
09:02 je pense, en interne, qui fait qu'on arrive
09:04 à jongler avec les deux.
09:06 Oui, Camille, allez-y.
09:07 Pardon si je peux rebondir.
09:09 Pour moi, une chose qu'on n'a pas mentionnée
09:11 et qui me paraît importante, c'est de vraiment prioriser
09:13 les investissements pour le coup.
09:15 C'est-à-dire que, ok, investir sur le court terme
09:17 et sur le long terme, mais vraiment choisir ses batailles.
09:19 En tout cas, chez Nestlé, on a eu tendance
09:21 un peu à certaines années à s'éparpiller, etc.
09:24 Là, on est dans une ère où il faut vraiment
09:27 choisir ses batailles et tu me posais la question
09:29 de qu'est-ce qu'il faut dire à son CFO,
09:32 typiquement, ou à son CEO,
09:34 il faut dire qu'on va choisir
09:36 les cinq gros piliers sur lesquels on va investir.
09:39 Voilà.
09:40 Donc c'est anticiper avant une roadmap
09:42 peut-être un peu bien définie
09:44 et lui montrer aussi qu'on fait des arbitrages
09:46 et des sacrifices pour rentrer pas de blanche.
09:48 Mais vraiment, prioriser.
09:50 Sur ce sujet, de redonner la valeur de la marque,
09:52 parce que c'est clair que pour moi,
09:53 c'est le gros enjeu des FMCGs,
09:55 parce que l'inflation, les MDDs ont gagné
09:57 une départ de vente assez forte.
09:59 C'est quoi vos piliers,
10:02 vos plans d'action sur 2024 ?
10:04 Comment est-ce que vous voyez réaliser ça ?
10:06 Est-ce que c'est "bêtement" entre guillemets
10:08 revenir en télé ou est-ce que c'est aller
10:10 peut-être sur d'autres médias ?
10:11 Parce que c'est vrai que les FMCGs sont quand même
10:12 à la base des gros annonceurs en télé.
10:14 Est-ce qu'aujourd'hui, avec le digital,
10:15 il y a d'autres pistes que vous identifiez ?
10:18 Oui, alors déjà, effectivement,
10:21 c'était une année historique en termes de croissance des MDDs.
10:25 C'était notre challenge numéro un.
10:27 Et je pense qu'il y a...
10:30 Sur le média en particulier, je peux répondre,
10:32 mais il y a plein d'autres choses que le média.
10:33 Oui, bien sûr.
10:34 Je pense.
10:35 En particulier, je pense à l'innovation,
10:37 parce que c'est le rôle des marques nationales.
10:39 Et je pense au "brain building" de long terme.
10:43 Il faut construire nos marques
10:45 pour qu'elles soient pérennes dans le long terme
10:47 et qu'on puisse justifier la différence de prix
10:50 qu'on a par rapport aux MDDs
10:52 et investir dans nos produits
10:54 pour qu'on ait vraiment une "product superiority".
10:56 C'est ça qui est clé.
10:57 Si on n'a pas une "product superiority" par rapport aux MDDs,
10:59 c'est là qu'on est mort.
11:00 Donc pour moi, c'est l'innovation et le produit
11:02 et investir sur nos marques.
11:04 Et ensuite, c'est pas forcément...
11:06 Enfin, revenir en télé, non, pas forcément.
11:09 Parce qu'en fait, le "brain building",
11:11 de long terme, il se fait pas forcément par la télé.
11:14 Donc non, ça peut se faire, bien sûr.
11:17 Il faut qu'on apprenne à le faire bien.
11:19 Un des points que vous me disiez,
11:21 c'était aussi la création de communauté pour vos marques.
11:23 C'est vrai que l'autre problématique
11:25 des marques de grande conso,
11:26 c'est que vous êtes intermédiés par les distributeurs.
11:28 Donc c'est dur d'avoir de la donnée,
11:29 de créer une relation de fidélité.
11:30 Et c'est un sujet, je crois, du coup,
11:32 chez certains de vos marques,
11:33 c'est d'essayer justement
11:34 de créer des programmes un peu consommateurs.
11:36 Je crois que vous avez dit un exemple sur Purina.
11:38 Oui, alors...
11:40 Non, l'idée, c'est de se dire que aujourd'hui,
11:42 en tout cas, ce n'est plus du tout suffisant
11:45 de mettre un produit sur une étagère.
11:47 On est complètement dépassé ça.
11:51 Et donc ce qui est important,
11:52 c'est vraiment d'impliquer nos consommateurs
11:55 dans la construction de nos marques
11:57 et de construire autour de nos marques
11:59 des vrais écosystèmes,
12:01 des vraies communautés de consommateurs
12:03 qui eux-mêmes, en fait, vont développer nos marques.
12:07 Et en fait, c'est ça, pour moi,
12:08 la puissance du marketing aujourd'hui.
12:10 C'est que ce n'est plus un marketing qu'on fait tout seul,
12:12 mais c'est un marketing qu'on fait avec nos marques.
12:14 Et effectivement, nous, on a des marques dans notre portefeuille
12:17 qui sont celles de pet food,
12:19 dans lesquelles on a vraiment réussi
12:20 à créer cet écosystème avec des services,
12:23 avec des communautés,
12:25 et ensuite qu'on peut activer
12:27 avec des influencers, par exemple.
12:29 Et donc c'est une fois...
12:30 C'est les marques sur lesquelles on a réussi
12:31 à construire cet écosystème,
12:33 à construire cette communauté,
12:35 et ensuite à l'activer de façon pertinente,
12:38 sur lequel on arrive vraiment à gagner, en fait.
12:40 Et ces communautés, vous les réunissez sur des sites dédiés,
12:42 des comptes sociaux, de manière physique ?
12:44 Ça marche comment ? Enfin, tous les canaux sont...
12:46 Tous les canaux sont possibles.
12:47 Après, une communauté, elle se crée...
12:50 Oui, alors ça peut être des réseaux sociaux,
12:52 mais il y a plein de formes différentes, en fait.
12:54 L'important, c'est d'avoir une communauté.
12:55 Donc ça peut être des réseaux sociaux.
12:57 Oui, c'est des réseaux sociaux par définition, mais voilà.
13:00 Il y a plein de canaux différents.
13:01 Je n'ai pas une réponse standard.
13:02 OK. Une question pour vous, Julien.
13:04 Du coup, vous me disiez que le digital a tout bouleversé
13:06 jusqu'à l'offre et au produit de Fnac Darty par essence.
13:10 Je me demandais si vous trouviez aussi, comme Julie,
13:13 qu'il avait aussi un peu affecté notre manière de voir le marketing
13:17 en privilégiant, justement, à l'ère de Two Data,
13:20 des leviers qui ont le mérite de donner de la data,
13:22 à court terme peut-être,
13:23 versus des leviers qui sont un peu plus personnel
13:26 et qui favorisent la brande equity,
13:29 ce genre d'items qui sont, par définition, assez durs à mesurer
13:32 et à suivre dans le temps.
13:34 Déjà, effectivement, je pense qu'on oublie avec le temps
13:38 à quel point le digital a tout changé pour les clients, pour nous,
13:42 pour les entreprises même en général.
13:44 C'est vrai que c'est des trucs très cons,
13:46 mais on ne pouvait pas vendre en ligne,
13:48 on ne pouvait pas se faire livrer des produits à domicile.
13:52 On a des médias qui n'existaient pas il y a 10 ans.
13:54 On a des formats créatifs qui n'existaient pas plus que ça,
13:58 il y a 10 ans.
13:59 Il y a effectivement des sources de données qui se sont multipliées.
14:02 Alors, le slide sur la CDP,
14:05 je l'ai trouvé très bien expliqué tout à l'heure,
14:07 parce que je pense aussi qu'il faut faire attention aux fantasmes.
14:10 C'est plus facile de se perdre que de réussir dans tout ça.
14:12 Donc, je pense qu'il faut presque savoir
14:14 ce qu'on cherche avant de commencer.
14:16 Après, est-ce que ça a tout influencé ?
14:21 Je dirais, le juge de paix reste quand même l'impact.
14:25 Alors, on pourrait faire deux heures sur la mesure,
14:28 parce qu'il y a mille manières de mesurer
14:30 et mille complexités à mesurer.
14:32 Néanmoins, chacun...
14:35 Personne n'est là pour faire du mauvais travail,
14:37 donc chacun prend son choix et essaye de faire
14:39 la meilleure mesure qu'il puisse faire.
14:41 Et in fine, tout le monde part sur un pied d'égalité.
14:44 On voit, les médias traditionnels,
14:47 leur poids budget a baissé beaucoup moins vite que leur audience.
14:51 Donc, finalement, ils restent quand même très protégés.
14:54 Pourquoi ?
14:56 Je rebondis sur ce qui a été dit tout à l'heure,
14:58 c'est qu'en fait, on est dans un ciseau d'un point de vue média.
15:01 C'est-à-dire que les médias traditionnels baissent drastiquement en audience.
15:04 Je ne parle pas de l'objet télé, mais je parle des chaînes traditionnelles.
15:08 Pour autant, les médias de report sont beaucoup plus chers.
15:11 Donc, qu'est-ce que vous faites dans ce cas-là ?
15:13 Est-ce que... Voilà, vous ne pouvez pas...
15:15 Il n'y a pas de miracle, quelque part.
15:17 À la fin, c'est un sujet de ROI pur.
15:19 Et encore une fois, chacun a sa manière de le mesurer du mieux qu'il peut.
15:23 Mais je ne pense pas que ça ait privilégié.
15:25 En revanche, et je ne parle pas que d'une opposition performance contre brande,
15:30 mais en revanche, c'est sûr que le digital apporte des choses,
15:33 essentiellement celle du ciblage,
15:36 et un peu de la mesure aussi plus immédiate,
15:39 mais c'est sûr que ça apporte des outils différents.
15:42 Mais à côté, peut-être que l'exposition et la puissance
15:46 restent l'apanage des médias plus traditionnels.
15:48 Donc, personne n'est parfait.
15:50 Est-ce que la disparition des cookies tiers que Guilhem a évoquée,
15:53 qui a affecté la capacité à cibler et mesurer du moins sur l'open web,
15:57 moins sur ce qu'on appelle les wall garden comme Facebook, YouTube et compagnie,
16:00 ça vous inquiète, vous, dans votre capacité à mesurer ou pas tant que ça ?
16:04 C'est forcément compliqué.
16:06 Maintenant, on trouve des contournements,
16:09 on trouve encore une fois les meilleures manières de faire.
16:12 De toute façon, comme disait Guilhem, c'est impossible de faire comme avant.
16:16 Donc, encore une fois, on va réinventer ça.
16:18 On a déjà commencé, puisque finalement, sur Apple,
16:21 les cookies ne sont plus là depuis très longtemps.
16:23 Safari, Firefox.
16:24 On a trouvé des solutions là-dessus.
16:26 Je ne pense pas que ce soit très différent sur les environnements Google.
16:29 Donc, on fera avec.
16:32 Maintenant, c'est sûr que c'était un peu la liberté du Far West.
16:36 Et maintenant, on va devoir retrouver un peu des couloirs plus propres,
16:40 peut-être plus carrés.
16:43 C'est un peu plus chiant aussi.
16:45 C'est ça.
16:47 Sur un des enjeux du marketing de demain, Julie, vous me disiez,
16:50 il y a effectivement comment le digital nous a tous affectés,
16:52 mais il y a aussi le consommateur qui a changé.
16:54 Vous disiez qu'il est de plus en plus en quête de sens.
16:57 Et que finalement, il y a une chose qui est importante à garder en tête
17:00 quand on est un marketeur, c'est "action over words".
17:03 Est-ce que vous pouvez expliquer ?
17:05 Oui, c'est un terme que j'aime bien, "action over words" ou "action not ads".
17:10 Ça peut paraître un peu paradoxal pour un marketeur de dire ça,
17:13 mais je pense que c'est quelque chose qu'on voit de plus en plus
17:17 où les consommateurs vont demander du sens,
17:19 vont demander des entreprises qui vont avoir des missions,
17:22 des valeurs et des engagements forts.
17:24 Et le marketing, je pense, peut jouer un rôle clé là-dedans.
17:28 Et l'exemple dont je te parlais, je crois, c'était sur le sujet de la sécurité,
17:32 par exemple, notamment des femmes sur Uber.
17:36 Ils seraient hyper malvenus d'aller faire une campagne juste marketing
17:39 en disant "Vous inquiétez pas, le service est sûr".
17:43 En fait, non, c'est pas ça qu'on a envie d'entendre.
17:46 Ce qu'on a envie d'entendre, c'est qu'il y a des process de sélection,
17:50 de vérification d'identité des chauffeurs qui sont là,
17:53 qu'il y a des boutons d'urgence dans l'application,
17:56 qu'il y a des innovations qui sont faites pour permettre de suivre les trajets en temps réel.
18:01 Et c'est ça, en fait, qui est important de mettre en place.
18:04 Et donc, c'est avant tout des enjeux qui vont être du coup ultra opérationnels et techniques.
18:10 Et ensuite, le marketing peut venir en support pour parler de ces choses-là
18:15 et augmenter la notoriété de ces produits-là.
18:19 Mais avant tout, il faut avoir des actions et des preuves fortes.
18:23 Et c'est quelque chose, effectivement, que je vois de plus en plus dans le quotidien.
18:27 Camille, vous partagez cette vie.
18:28 Vous, vous me disiez que ce n'était plus qu'il ne devait pas y avoir de dissonance
18:31 entre ce que la marque dit dans ses coms et la réalité de l'expérience client aussi,
18:34 qui peut parfois être deceptive.
18:36 On a devenu hyper fragmenté.
18:38 C'est un point de vigilance que vous avez, vous, chez Nestlé ?
18:42 Oui, tout à fait. Alors, surtout pour rejoindre les mots de Julie qui dit
18:47 « les consommateurs ont changé, ils sont à la recherche de sens ».
18:51 Effectivement, c'est moins dans le média, c'est plus dans le content
18:55 et dans les messages qu'on passe et la façon dont on positionne nos marques.
19:00 Tout ce qui donne du sens à nos marques, ça leur donne un rôle.
19:05 Et du coup, ça nous permet vraiment de construire nos marques.
19:07 Et c'est essentiel aujourd'hui.
19:09 Donc ça, c'est très important.
19:12 Et pour aller au-delà, tout ce qui est lié, bien sûr, à la sustainability
19:17 et à comment est-ce que nos marques, même au-delà d'avoir du sens,
19:24 contribuent au bien-être de la société et de l'environnement,
19:28 ça, c'est un élément qui est essentiel.
19:29 Et pour chacune de nos marques, on travaille à ce qu'elles aient vraiment un rôle
19:33 et elles contribuent à un futur meilleur pour la société et pour la planète.
19:38 Est-ce que vous diriez que le client est plus volatil, plus versatile aussi aujourd'hui ?
19:42 Parce qu'il y a 10-15 ans, je pense qu'il y avait des attachements hyper forts aux marques.
19:46 Je lis souvent que c'est plus compliqué aujourd'hui pour une marque de s'installer
19:49 dans le mindset du consommateur et que c'est hyper dur.
19:52 On y entre, mais on peut en sortir tout aussitôt et qu'ils apprennent facilement.
19:57 Est-ce que c'est un mindset que vous avez observé de votre côté ?
20:00 Pas vraiment.
20:01 Très honnêtement, pour moi, la clé, c'est de construire justement des...
20:04 et on revient à l'investissement court terme, long terme.
20:07 C'est de construire des marques qui vivent dans le temps, qui vivent dans la durée.
20:12 C'est pour ça que l'investissement long terme, il est cyclé.
20:16 Pour que justement, le consommateur, il zappe pas.
20:20 Alors bien sûr, il a la possibilité de zapper plus facilement,
20:24 mais nous, on a des marques, je pense à des Nespresso, je pense même les marques de Purina,
20:30 où on a des niveaux de loyalty qui sont très élevés.
20:35 Et donc, c'est pas...
20:37 Alors bien sûr, c'est un enjeu de le maintenir, mais c'est pas un problème.
20:41 Et juste pour rebondir sur ça, parce que c'est quelque chose qu'on voit aussi,
20:45 c'est moins un problème de zapping que d'un problème d'émerger, je pense.
20:50 Et il y a tellement de canaux, il y a tellement de channels,
20:54 il y a tellement de contenus qu'en fait, quand tu as une nouvelle marque ou un nouveau service,
20:59 c'est de plus en plus dur d'émerger.
21:02 Et pour rejoindre ce que tu disais tout à l'heure, du coup, la clé, c'est...
21:05 "Ah ben, j'ai mon budget marketing, il y a tous ces channels,
21:08 ben tiens, on va faire 200 000 campagnes en social, des contenus, machin."
21:12 Je pense que le rôle aussi du CMO et du marketer, c'est le focus, en fait.
21:17 Et il y a zéro chance d'émerger si on n'est pas ultra focus sur la priorité
21:24 qu'on va vouloir atteindre et mettre...
21:27 C'est la règle du 80-20, mais mettre 80% des efforts sur la priorité zéro de l'année.
21:34 Et c'est tout.
21:35 Et ça, vous vous en rendez compte, par exemple,
21:37 quand vous lancez des nouveaux produits, des nouvelles marques sur Uber,
21:40 que même en vous adossant à la marque Uber, ça reste compliqué d'installer ces nouveaux trucs ?
21:44 Ou vous arrivez quand même à capitaliser sur la marque Uber
21:46 pour lancer ces nouvelles verticales, ces nouveaux produits ?
21:48 Non, je pense que même en étant Uber, on a plein d'initiatives,
21:51 du coup, que d'ailleurs aucun d'entre vous n'a vu,
21:54 donc on n'a pas assez poussé derrière un budget.
21:57 Par contre, les initiatives où vraiment on a mis du focus à la fois budgétaire et à la fois humain,
22:02 et je pense par exemple au foot et aux investissements en sponso qu'on a pu faire,
22:06 et bien là, on a réussi à avoir des changements vraiment significatifs.
22:10 Donc je pense que ça, ça a été un des enseignements aussi qu'on a eu.
22:14 Vous partagez un peu cet avis de la notion de focus, Julien ?
22:18 Le focus, c'est plutôt sur d'autres points que je voulais rebondir.
22:21 En fait, dans le client, je pense qu'il y a deux choses aussi importantes à avoir en tête.
22:27 Un, le client moyen existe de moins en moins.
22:30 On va se dire, ça n'a pas commencé hier, mais probablement qu'il y a dix ans,
22:34 on se disait plus, bon, voilà, notre client moyen, c'était quelques éléments d'âge, un peu de socio.
22:38 Maintenant, on voit bien, et je vous invite à lire,
22:41 si vous n'avez pas lu le livre sur l'archipélisation de la société française,
22:44 que c'est vraiment des petits archipels, et c'est pour ça que les marques "moyennes" souffrent autant.
22:49 On voit bien que, dans le distri, c'est le cas.
22:51 Toutes celles qui étaient placées "mainstream", à la fois moyennes en positionnement prix
22:56 et moyennes en vouloir parler à tout le monde, en fait, ça a blié.
23:00 Le haut résiste, le bas va bien, mais le milieu explose.
23:03 C'est parce qu'en fait, il n'y a plus de consommateurs moyens.
23:05 Et en fait, elles ont continué, ces marques-là, à parler à un consommateur moyen qui n'était plus là.
23:09 C'est le premier point.
23:11 Et le deuxième point, dans ce qui rend difficile la tâche des marques,
23:14 c'est que le consommateur est surinformé.
23:16 Là encore, je suis désolé, je fais un peu une tarte à la crème,
23:19 parce que toi, notamment, tu es chez Google, tu es habitué à ça,
23:22 mais on oublie ce truc-là, en fait.
23:24 C'est-à-dire qu'avant, il fallait aller faire peut-être 2, 3, 4, 5 magasins
23:28 avant peut-être de faire un choix, ou lire plusieurs prospectus, ou je ne sais quoi.
23:31 Maintenant, en 3 secondes, avec son portable, on peut comparer tout ce qui existe.
23:34 Donc, c'est hyper frustrant pour les marques,
23:37 parce qu'en fait, je peux raconter toutes les belles histoires que je veux.
23:42 À la fin, on revient quand même à une information extrêmement rapide.
23:47 - Et du coup, qu'est-ce qu'on en fait de ces insights ?
23:49 On se dit qu'on ne lance que des produits de niche,
23:51 avec une proposition de valeur hyper marquée,
23:53 et on fait ce qu'on dit ?
23:55 En gros, ça serait ça, on arrête de dire du bullshit ?
23:57 - Je pense qu'effectivement, un peu plus de science fait du bien.
24:01 Je reviens à la question de la quête de sens.
24:04 Je pense qu'elle ne fait pas tout, mais elle dit des choses.
24:06 Elle dit qu'en fait, il faut que je sache très clairement
24:08 pourquoi j'achète cette marque ou ce produit.
24:11 Parce qu'en fait, le moyen et le tiède marchent forcément moins bien.
24:17 - Il nous reste une minute. J'ai une dernière question
24:20 sur le sujet dont on parle beaucoup en ce moment,
24:22 c'est l'impact carbone, la frugalité et l'impact carbone.
24:25 Je me demandais, est-ce qu'il y en a un de vous trois
24:27 à qui aujourd'hui on demande de rendre des comptes là-dessus,
24:29 de mesurer l'impact carbone de ces actions marketing
24:32 et potentiellement d'en faire un juge de paix aussi.
24:35 Ça peut être un levier d'arbitrage, il y a le prix,
24:37 mais il y a aussi l'impact carbone de tel levier média.
24:39 Est-ce qu'il y en a un qui veut répondre là-dessus ?
24:41 - Moi, c'est la valeur cardinale chez Darty par exemple.
24:44 Le positionnement de Darty, c'est faire durer.
24:47 Globalement, après, il faut le faire dans tout,
24:49 y compris dans le marketing.
24:51 - Sur le marketing, ça arrive à faire durer.
24:53 - Mais on le fait bien avant ça. Dans les produits aussi.
24:55 En fait, à peu près 80% de l'impact carbone d'un produit,
24:58 c'est sa fabrication. En gros, ce qu'il faut,
25:01 c'est en fabriquer moins. Grosso modo, il faut que chaque produit
25:04 dure plus longtemps. Ça commence là.
25:06 Mais après, dans le marketing également,
25:08 la manière dont on tourne nos campagnes,
25:10 les médias sur lesquels on communique,
25:13 toutes ces choses-là, on doit les mesurer
25:15 pour être raccord jusqu'au bout.
25:17 - Merci beaucoup à tous les trois. Désolé, c'est déjà le terme
25:19 de cette table ronde. Je vous laisserai prolonger
25:21 les échanges avec l'audience tout à l'heure. Merci.
25:24 [Applaudissements]