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  • 06/12/2023

Dominique Anract, président de la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française, répond aux questions d'Alexandre Le Mer. Ensemble, ils reviennent sur les difficultés du secteur notamment à cause de l'augmentation des prix de l'énergie. Sur l'année qui vient de s'écouler, plus de 1.100 boulangeries ont fait faillite.

Retrouvez "L'invité éco" sur : http://www.europe1.fr/emissions/linterview-eco

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Transcription
00:00 - Europe 1, il est 6h41. - Autrement dit, c'est la bonne heure pour déguster une bonne tartine de pain ou un croissant frais,
00:05 mais ce n'est pas forcément la meilleure période pour exercer le métier de boulanger.
00:10 Plus de 1100 boulangeries ont fait faillite sur l'année qui vient de s'écouler. C'est un record.
00:14 L'inflation bien sûr, et les prix de l'énergie ne les ont pas épargnés.
00:18 - On vous en parlait avec votre invité ce matin sur Europe 1, Alexandre Lemaire.
00:21 Vous recevez Dominique Enracte, président de la Confédération Nationale de la Boulangerie-Pâtisserie Française.
00:27 - Bonjour Dominique Enracte. - Bonjour. - 7h moins le quart sur Europe 1.
00:30 La journée est déjà bien avancée pour un boulanger. - Oui tout à fait, ils ont quand même plutôt la tendance à commencer vers 3h du matin.
00:36 - Bon, elle se porte comment la boulangerie française ? - Bah écoutez, un peu embitante,
00:39 puisqu'en fait il y a des bons chiffres. Enfin des bons chiffres, ce qu'on peut dire c'est qu'il ouvre plus de boulangeries qu'il n'en ferme.
00:45 Ça c'est la bonne chose, mais sauf qu'il ferme quand même beaucoup de boulangeries, et souvent dans des petits villages.
00:49 Donc ça c'est un drame pour le boulanger qui ferme, mais aussi pour le village qui n'a plus de boulangerie.
00:54 - Et pourquoi autant de fermeture dans de telles proportions ? L'inflation donc, le coup de l'énergie ?
00:59 - Bah écoutez, il y a une espèce d'écrémage naturel depuis les années 50 qui se fait.
01:05 Il y a des endroits où il y a eu de la concurrence entre les grandes surfaces, la GMS,
01:10 et aussi des petites boulangeries qui parfois ne sont pas, c'est pas un côté économique,
01:14 mais parfois des petites boulangeries qui ne sont pas reprises.
01:16 C'est-à-dire les gens arrivent au moment de la retraite et il n'y a pas de jeunes pour reprendre dans ces petits villages.
01:20 - C'est-à-dire le métier ne l'attire plus ? - Il l'attire encore, puisqu'on fait 29 000 apprentis par an,
01:24 on a aussi 15% de reconversion, ce qui fait qu'on a quand même beaucoup de monde,
01:29 et on voit qu'il y a de plus en plus de boulangeries,
01:31 mais qui vont plutôt s'installer dans des endroits un peu meilleurs économiquement,
01:35 je veux dire où il n'y a plus de monde.
01:36 - Vous avez publié un sondage IFOP récemment avec votre confédération de la boulangerie-pâtisserie,
01:41 on apprend que sur les cinq dernières années, un tiers des français ont diminué leur consommation de pain.
01:47 Elle devient trop chère la baguette de boulanger, Dominique Enracte ?
01:50 - Ce n'est pas une question de prix, d'ailleurs dans le sondage IFOP, si on regarde un peu plus bas,
01:54 on s'aperçoit que c'est la dernière chose que les gens vont regarder au niveau du prix, ils veulent la qualité, etc.
02:00 Mais il y a une baisse de consommation du pain depuis même après-guerre,
02:03 on était à 700 grammes par personne et par jour,
02:06 aujourd'hui 100 grammes, c'est parce que c'est devenu un aliment incontournable,
02:10 mais avec lequel il y a aussi d'autres choses, il y a les "wet foods", vous voyez par exemple quand on pose la question,
02:14 certains disent voilà, ils prennent des pizzas, ils prennent des sushis, etc.
02:17 et pas forcément du pain avec.
02:19 Donc il y a quand même une légère baisse de consommation du pain,
02:22 qui commence à se stagner maintenant.
02:24 - Donc ça veut dire que vous êtes concurrencé par ces formes de restauration rapide,
02:28 vous parliez des pizzas notamment,
02:30 est-ce que vous perdez des clients ?
02:32 - C'est près de 12 millions de clients par jour, les boulangeries.
02:35 - 12 millions de clients par jour, donc ça c'est quand même l'endroit incontournable,
02:38 et on peut dire que c'est un peu le "fast food" à la française,
02:41 on a quand même beaucoup de clients,
02:43 et aussi qui vont se reporter quelques fois sur d'autres produits en boulangerie,
02:46 c'est-à-dire le snacking, mais aussi la pâtisserie,
02:48 et la vinoiserie qui marche bien.
02:50 - Le prix de la baguette continue à augmenter,
02:52 ou va continuer à augmenter, sous le coup de l'inflation des factures ?
02:55 - Le prix de la baguette a été très compliqué,
02:57 puisqu'on a vu 23 centimes en 20 ans, avant crise,
03:00 donc ça n'a pas du tout suivi le cours de la vie.
03:03 Et là en fait, ça a augmenté pendant cette crise terrible de l'hiver,
03:08 et ça a été plus facile de convaincre les consommateurs que les boulangers.
03:11 Mais là ça a pris à peu près en moyenne 10%,
03:14 et ça reste encore la bonne affaire dans le panier de la ménagère.
03:17 - Bon, est-ce que ça va continuer ?
03:18 - J'espère pas, parce que vous savez, le problème d'inflation,
03:22 on peut aussi perdre des clients,
03:23 donc là ce qu'on peut dire, le blé commence un peu à se calmer,
03:26 on a encore d'autres matières premières qui montent,
03:28 mais là je pense que ça va stagner.
03:30 - Mesures anti-inflation Dominique Enracte,
03:32 on a vu des boulangeries laisser le client libre
03:34 de choisir le prix qu'il payait pour sa baguette,
03:36 alors avec un plancher de 60 centimes,
03:38 l'opération vient de se terminer,
03:39 ça veut dire quoi ? Ça veut dire que 60 centimes,
03:42 c'est votre véritable prix de revient ?
03:44 - Je pense que c'est surtout une opération de communication
03:46 qui est très bien faite,
03:47 surtout au moment donné où on a eu du mal
03:48 à augmenter le prix de cette baguette,
03:50 évidemment que c'est une opération de communication,
03:52 et je crois que là, vous mettez la baguette
03:55 à 60 centimes dans toutes les boulangeries,
03:57 il y en a 80% qui vont fermer.
03:58 - Donc ce n'est pas viable ?
03:59 - Bah non, c'est pas viable, évidemment.
04:00 - Bon, il y a en France près de 34 000 boulangeries,
04:04 vous le disiez, ce qui est surprenant,
04:06 c'est de voir que plus de boulangeries ouvrent malgré tout,
04:09 et malgré les problèmes de reprise de commerce
04:11 que vous évoquiez tout à l'heure,
04:13 donc ça veut dire que le commerce de boulanger se porte bien ?
04:17 - Bah écoutez, moi je vous le dis,
04:18 la boulangerie va bien, pourquoi ?
04:20 Parce qu'on a en face les consommateurs,
04:22 donc on s'aperçoit qu'il y a des créations,
04:23 des boulangers qui se réinventent,
04:25 et on voit quand même qu'il y a beaucoup de jeunes
04:28 qui s'installent, qui créent,
04:29 donc ça c'est plutôt positif.
04:30 - Un boulanger installé à son compte,
04:32 avec sa clientèle établie, quel est son revenu ?
04:34 C'est très variable j'imagine, mais en moyenne ?
04:37 - Complètement, on avait des chiffres
04:39 qui donnaient en moyenne dans les TNS,
04:41 c'est-à-dire ceux qui sont en société,
04:43 travailleurs non salariés,
04:44 c'est-à-dire ceux qui sont encore en individuel, en indépendant,
04:48 donc on avait entre 30 et 40 000 par an,
04:50 donc évidemment ce n'est pas des salaires de milliardaires,
04:54 mais après il y a les entreprises augmentant,
04:58 on peut tout à fait bien gagner sa vie en boulangerie.
05:00 - Donc ramener au moins un salaire mensuel
05:02 pour un boulanger à son compte ?
05:03 - Bah écoutez, c'est vraiment complètement imprécis
05:08 de pouvoir dire ça, puisque de toute façon,
05:10 vous avez même des entreprises qui s'en pertent en ce moment.
05:13 - On est au-dessus du SMIC quand même.
05:14 - Ah bah oui, un boulanger qui prend une entreprise,
05:17 qui la gère bien, il est quand même au-dessus du SMIC,
05:19 heureusement, puisqu'il va avoir des heures...
05:21 - Il y a les horaires, il faut se lever.
05:22 - Voilà, il faut se lever, et puis aussi après,
05:24 il a son fonds de commerce quand il arrive à le céder.
05:26 - Il y a beaucoup de ronds-points en France, Dominique Enracte,
05:29 et on voit fleurir à ces ronds-points
05:31 de plus en plus de boulangeries d'un nouveau type,
05:33 on va dire des chaînes artisanales,
05:35 elles sont très bien placées sur le chemin du travail,
05:37 vous qui nous écoutez, chers auditeurs, c'est sans doute votre cas,
05:41 comment vous la voyez, cette évolution de ces boulangeries
05:44 qui s'installent aux ronds-points,
05:46 c'est une bonne chose, c'est une menace pour la profession ?
05:49 - C'est une menace comme on en a, enfin une menace,
05:51 c'est des gens qui s'installent et qui ont un modèle économique
05:54 qui marche très bien, seulement ils se mettent sur des ronds-points,
05:56 les gens sont obligés de prendre des voitures,
05:57 souvent c'est une clientèle...
05:58 - Bah quand on est au travail, c'est ça.
06:00 - C'est pratique, mais c'est souvent des gens qui allaient déjà
06:03 en grande surface, donc c'est une inquiétude pour les boulangers,
06:06 mais j'ai envie de leur dire, écoutez, vous avez des clients
06:08 tous les jours où on va à pied, dans les centres-villes,
06:10 dans les villages, qui vont chez vous, quand vous faites
06:12 des bons produits, ils n'ont aucune raison d'aller dans une chaîne,
06:15 parce que ce qui les chaînent, ce qui marche beaucoup,
06:16 ce sont aussi ces promotions qu'ils font,
06:18 quatre baguettes d'achetées, deux offertes,
06:20 alors les gens reviennent, ils les mettent au congélateur,
06:22 ils mangent du pain congelé tous les jours,
06:24 donc finalement un boulanger, on est, avec les entreprises
06:26 de boulangerie, on a 10 minutes en moyenne à pied,
06:29 partout en France, donc plus c'est les boulangeries
06:31 qui font les tournées, donc il ne faut pas...
06:33 - Le pain, c'est chez le boulanger.
06:35 - C'est la qualité qui est recherchée par vos clients,
06:36 vous nous l'avez dit avant le critère du prix.
06:39 Merci Dominique Enracte, président de la Confédération nationale
06:42 de la boulangerie-pâtisserie française.
06:44 Merci.

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