Jeudi 14 septembre 2023, SMART BOURSE reçoit Gilles Moëc (Chef économiste, Groupe Axa)
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00 (Générique)
00:10 Le dernier quart d'heure de Smartbourg chaque soir, c'est le quart d'heure thématique.
00:13 Le thème ce soir, c'est celui des politiques monétaires et des décisions de banque centrale,
00:17 avec les enseignements de la décision de la BCE rendue ce jeudi 14 septembre,
00:22 et un coup d'œil sur les enjeux pour la prochaine décision de la Réserve fédérale américaine
00:28 la semaine prochaine, mercredi 20 septembre.
00:32 Gilles Mouaik est avec nous en visioconférence, chef économiste du groupe AXA.
00:35 Bonjour et bienvenue Gilles, merci beaucoup d'être avec nous du point de vue de la BCE.
00:40 La question n'est plus celle du niveau des taux du recteur, mais de la durée.
00:44 Est-ce qu'on en est là aujourd'hui, ce soir, après la conférence de presse de Christine Lagarde, Gilles ?
00:49 Oui, au moins c'est clair.
00:51 Ce qui a été le plus surprenant dans la conférence de presse aujourd'hui,
00:55 c'est la clarté avec laquelle la BCE nous dit que, sauf accident, à priori on est bon.
01:01 A priori on a atteint le niveau des taux qu'ils jugent suffisamment restrictif
01:06 pour ramener en temps que lui l'inflation vers 22%.
01:10 Moi je ne m'attendais pas à une telle clarté.
01:14 Mais cette idée que le pic a été atteint, ce n'est pas un message ambigüe,
01:19 c'est un message quand même assez clair, même s'il avait évidemment toujours le droit
01:22 de revenir là-dessus en étudiant les données.
01:25 C'est ce qui permet aux yeux du marché d'effacer complètement l'effet de la hausse des taux
01:31 qui, encore il y a quelques jours, paraissait comme très peu vraisemblable.
01:35 Donc on a une BCE qui est confortable avec le niveau des taux.
01:41 C'est quand même un message important.
01:45 Combien de temps peut-il durer le "higher for longer" ?
01:52 A quelle vitesse la politique monétaire se transmet en zone euro ?
01:55 On comprend qu'elle se transmet peut-être plus vite que ce qu'on pouvait imaginer au départ.
01:59 Même des économistes qui imaginent que ça se transmet plus vite en zone euro qu'aux Etats-Unis,
02:04 ce qui n'était pas forcément intuitif au début.
02:08 Quelle durée de maintien à ce niveau de taux directeur est-ce qu'il faut envisager, avoir en tête,
02:16 pour que la BCE soit définitivement confortable avec l'idée d'un retour à l'objectif de 2% d'inflation
02:22 qu'on ne voit pas d'ailleurs dans les nouvelles projections ?
02:26 Il faut en dire deux choses.
02:29 La première, c'est que dans les projections de la BCE, ce qui est intéressant,
02:34 c'est qu'en moyenne annuelle, même en 2025, on n'y est pas à 2% d'inflation.
02:39 En revanche, lorsqu'on s'intéresse à la prévision à la fin 2025, on y est.
02:44 Le message de la BCE est important de ce point de vue-là.
02:47 Elle considère bien qu'en cohérence avec ce qu'elle dit sur le niveau des taux,
02:51 on a atteint un niveau de restriction suffisant pour aller vers 2% sur la fin de l'horizon prévu.
02:57 Deuxième point, on a quand même une banque centrale avec Christine Lagarde
03:01 qui refuse absolument d'élaborer sur la question du quand et du comment
03:07 de la première baisse des taux pour aller vite.
03:09 Et ça, c'est normal parce que la BCE, franchement, n'en sait rien,
03:12 elle verra ce qu'il y a dans les données.
03:14 Sur la transmission de la politique monétaire,
03:16 je ne suis pas absolument d'accord avec cette idée que la transmission de la politique monétaire
03:19 est nécessairement plus rapide dans la zone euro qu'aux États-Unis.
03:24 Parce que ce qui intervient rapidement, ce qui est tangible, ce qui est absolument indéniable,
03:29 c'est que la hausse des taux directeurs se traduit bien par une baisse du crédit,
03:34 par une augmentation des taux bancaires.
03:36 De ce point de vue-là, la transmission fonctionne parfaitement normalement.
03:39 En revanche, ce qu'il manque, et ça c'est une différence entre l'Europe et les États-Unis,
03:43 c'est qu'il n'y a pas pour l'instant de transmission de ce ralentissement
03:47 de l'activité économique qui est pourtant très marqué au comportement de prix
03:51 et en particulier au marché du travail.
03:53 Et c'est ça le problème de la BCE.
03:55 C'est-à-dire qu'elle est rassurée par le fait que, oui, les banques font le boulot
03:59 de transmettre les messages sur les taux et restreignent effectivement les crédits,
04:04 ça, ça marche, mais pour l'instant, on n'a toujours pas de signe absolument tangible
04:08 que ça aboutit effectivement à un ralentissement d'impressions sur les ententes.
04:12 Ce n'est pas les 20 points de base d'amélioration du mois d'août qui a pu les rassurer.
04:16 Donc, qu'elle tempérait l'impatience des marchés qui voudraient bien des baisses de taux
04:21 le plus vite possible, ça, ça me paraît parfaitement logique,
04:25 parce qu'encore une fois, pour l'instant, sur la frontière de l'inflation,
04:27 on ne voit pas grand-chose.
04:29 Un mot de la situation américaine, Gilles.
04:32 Avant la décision de la Fed la semaine prochaine,
04:35 qui s'annonce comme une confirmation de la pause de la réserve fédérale américaine,
04:40 on a eu les ventes au détail du mois d'août publié en début d'après-midi,
04:46 et puis surtout le dernier rapport sur l'inflation, le CPI du mois d'août.
04:52 L'inflation-coeur aux Etats-Unis sur les trois derniers mois en rythme annualisé est à 2,4%, je crois, Gilles.
04:59 La dernière marque du taux de chômage a été de 3,8%.
05:04 Est-ce que c'est le soft-landing historique dont rêvent Jérôme Powell et la réserve fédérale américaine,
05:11 ou est-ce qu'il faut encore se méfier avec l'idée que ça puisse être un mirage peut-être temporaire ?
05:17 Il faut se méfier d'abord parce que sur les données d'inflation,
05:22 on a quand même quelques signaux un peu embêtants
05:25 qui nous dirait que cette désinflation qui a été effectivement assez marquée depuis quelques mois,
05:30 marquerait un temps d'arrêt.
05:32 Donc attention.
05:34 Il n'est pas complètement évident que la Fed pourra facilement maintenir un discours aussi doviche que cela,
05:39 compte tenu du flux de nouvelles qui arrivent maintenant sur l'inflation.
05:42 On a eu des chiffres de prix à la production, par exemple, qui étaient un peu élevés.
05:45 C'est surtout de l'énergie, c'est surtout ce qui se passe dans le complexe carburant,
05:49 mais quand même, c'est une pression inflationniste qui réapparaît.
05:52 Et sur le fait qu'on pourrait atterrir en termes d'inflation
05:57 sans passer par une phase de casse un peu désagréable sur l'économie réelle,
06:01 je rappellerai M. Schaub que oui, ça fait longtemps que la Fed a commencé à relever ses taux.
06:07 Donc on pourrait se dire que dans les délais normaux de transmission de la politique monétaire,
06:11 on devrait déjà voir les effets négatifs sur la croissance.
06:14 S'ils ne sont pas là, c'est peut-être qu'il se passe quelque chose de très spécifique.
06:18 Attention quand même, parce qu'on est parti de très bas,
06:21 et la Fed n'a atteint le niveau d'équilibre des taux d'intérêt qu'à l'automne de l'année dernière.
06:26 Donc on est encore en fait dans le temps de transmission possible
06:31 avant que l'économie commence vraiment à ralentir sous l'effet de la hausse des taux accumulés.
06:36 Donc moi je reste quand même assez, pas dubitatif,
06:41 mais je reste prudent sur cette idée qu'on va tranquillement vers un soft landing,
06:46 même si c'est vrai, force est de constater que les données résistent,
06:50 elles résistent mieux que dans la zone rose, mais rendez-vous la fin de l'année quand même.
06:55 Après un troisième trimestre en termes de croissance qui s'annonce encore assez spectaculaire,
07:00 Gilles, sans doute, au-delà du potentiel,
07:02 c'est pas impossible d'imaginer que le chiffre de croissance du PIB aux Etats-Unis pour le quatrième trimestre
07:09 commence avec un petit moins devant, Gilles ?
07:12 Voilà, c'est nous on garde l'hypothèse que le T4 pourrait être négatif.
07:16 Alors je sais, on s'est trompé sur le trimestre d'avant,
07:20 et donc on peut être tenté de lâcher l'affaire,
07:25 et de considérer que oui, cette fois-ci, pour des raisons miraculeuses,
07:28 la croissance américaine résisterait complètement.
07:30 Ça ne s'est produit qu'une fois, en 1994, dans des conditions extrêmement spécifiques.
07:36 Donc voilà, je reste au grognon.
07:38 Merci beaucoup Gilles, merci pour cet éclairage sur les décisions de Banque Centrale,
07:43 celles de l'ABC aujourd'hui et celles à venir de la Réserve fédérale américaine la semaine prochaine.
07:48 Gilles Mouet qui est avec nous, à distance, chef économiste du groupe AXA,
07:52 pour conclure cette émission ce soir, c'était le quart d'heure thématique de Smart Bourse,
07:57 avec une journée sur les marchés qui se terminera plutôt bien pour les marchés actions en Europe.
08:02 On a des hausses de 1% et plus pour les indices actions européens ce soir en clôture,
08:06 après la décision de la Banque Centrale européenne de relever peut-être une dernière fois ses taux directeurs de 25 points de base.
08:13 Smart Bourse est à retrouver évidemment chaque jour du lundi au vendredi sur Bsmart à 17h,
08:18 et en replay sur bsmart.fr ou en podcast sur l'ensemble de vos plateformes préférées.
08:23 [Musique]